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Date : 20040611

Dossier : T-309-03

Référence : 2004 CF 852

ENTRE :

                                                           ERWIN EASTMOND

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                                                CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE

                                                                                                                                  défenderesse

                                                                            et

              COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

CONTEXTE

[1]         En décembre 2001, Canadien Pacifique Limitée (CP) a installé six caméras de surveillance (les caméras de surveillance) pour l'enregistrement vidéonumérique dans l'unité de mécanique qui fait partie de sa principale gare de triage et d'entretien des rails (le triage de Toronto) à Scarborough, en Ontario. L'unité de mécanique du triage de Toronto abrite les ateliers de réparation de machines diesel et de voitures de CP.

[2]                Le 17 janvier 2002, Erwin Eastmond (le demandeur), employé à l'atelier diesel de CP, membre de la section locale 101 de TCA-Canada (le syndicat) et représentant des droits de la personne à l'atelier diesel, a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le commissaire à la protection de la vie privée) conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la LPRPDE). La plainte était rédigée de la façon suivante :

[traduction]

Par la présente, à titre d'employé de Canadien Pacifique Limitée et d'agent des droits de la personne TCA, je tiens à informer le Commissariat que certains droits sont enfreints.

La société a installé, depuis plusieurs années, des caméras dans la gare de triage pour suivre les déplacements des locomotives afin de constituer et d'aiguiller les trains.

Récemment, en décembre 2001, la société a installé des caméras supplémentaires en les pointant vers les portes d'entrée et de sortie.

Cette mesure est tout à fait inacceptable parce que :

1.             elle a été prise en secret, sans consulter le syndicat;

2.             aucun problème de sécurité ne peut justifier une telle atteinte à la vie privée;

3.             ce système pourrait servir à surveiller la conduite et le rendement des travailleurs, ce qui serait un affront à la dignité humaine;

4.             l'effet nuisible sur le moral des travailleurs et le climat de travail est dangereux.

Le Bureau des droits de la personne exige que cette surveillance vidéo soit démantelée sans délai et que tous les travailleurs de la gare diesel de Toronto soient remis dans la position antérieure et reçoivent réparation.

Je demande à la commission d'étudier la présente plainte parce que nos droits en tant que Canadiens vivant dans un pays libre sont enfreints.

LOI ENFREINTE, SI ELLE EST CONNUE


La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniquesdu Canada et l'ensemble des autres lois, accords ou règles pouvant s'appliquer. [Non souligné dans l'original]

[signé] Erwin Eastmond, Droits de la personne, TCA Canada

[3]                Deux jours auparavant, le 15 janvier 2002, André Corriveau, chef de l'atelier diesel, avait déposé un grief conformément à la règle 28 de la convention collective entre CP et le syndicat. Le syndicat demandait le démantèlement des caméras de surveillance. M. Corriveau a allégué que la règle 43 (droits de la personne dans la convention collective et la LPRPDE) était enfreinte.

[4]                Le 4 février 2002, Kie Delgaty, agent de la protection de la vie privée au Commissariat, a écrit au demandeur qu'il était chargé d'étudier la plainte, en précisant que CP avait été informée que l'enquête porterait sur ses pratiques relatives à la collecte de renseignements personnels.


[5]                Le 12 avril 2002, CP a affiché un bulletin au tableau de l'atelier diesel et de l'atelier des voitures pour informer tous les employés et les cadres que six caméras de sécurité avaient été installées et commenceraient à enregistrer le 15 avril 2002, en indiquant les six endroits (une à l'entrée principale de l'atelier de locomotives orienté à l'ouest, deux dans le stationnement au sud de l'installation des locomotives, une sur la route reliant un point et les bureaux de l'unité de mécanique, une sur la route à l'ouest de l'atelier des voitures et une à l'aire d'entreposage de matériaux de l'ouest). Les deuxième et troisième paragraphes du bulletin de CP sont rédigés de la façon suivante (dossier du demandeur, page 44) :

[TRADUCTION ]

Le système de sécurité constitue une mesure de protection contre le vol, le vandalisme, le personnel non autorisé et tout incident connexe. Le système est conçu pour enregistrer pendant des périodes de 30 heures. Seuls les cadres autorisés et la police de CP visionneront les enregistrements. L'utilisation de ce matériel ne vise nullement la productivité ou la gestion normale de la convention collective : les caméras sont délibérément pointées en dehors des zones de travail et vers les zones générales auxquelles ont accès tous les employés ou les non-employés.

À toutes les zones d'entrée de l'unité de mécanique sont posés les panneaux suivants :

AVERTISSEMENT

L'INSTALLATION EST PROTÉGÉE PAR SURVEILLANCE VIDÉO ET ÉLECTRONIQUE

CANADIEN PACIFIQUE LIMITÉE [Non souligné dans l'original]

LE RAPPORT DU COMMISSAIRE À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

[6]                Le 23 janvier 2003, le commissaire à la protection de la vie privée a produit son rapport, dans lequel il déterminait que la plainte était bien fondée et recommandait que CP Rail enlève les caméras.


[7]                Le commissaire à la protection de la vie privée a d'abord établi sa compétence en déclarant que la LPRPDE, telle qu'elle était au 1er janvier 2001, s'appliquait aux entreprises fédérales, compte tenu que CP entrait dans cette catégorie. Il a ensuite déclaré que les renseignements en litige étaient des renseignements personnels aux fins de la Loi. Il a invoqué l'article 2 de la LPRPDE, qui définissait le renseignement personnel comme « Tout renseignement relativement à un individu identifiable... » , en déclarant qu'il était convaincu que les renseignements obtenus grâce aux caméras pouvaient être considérés comme des renseignements sur les employés en tant qu'individus.

[8]                Il a ensuite établi certains faits, y compris ceux-ci :

(i)         le triage de Toronto traitait un volume de 1 100 à 1 200 wagons à marchandises par jour, en plus d'assumer la réparation et l'entretien des locomotives et des voitures à l'atelier diesel et à l'atelier des voitures, où se déroulait la surveillance par caméra vidéo;

(ii)        la présence, dans l'unité de mécanique, d'employés de CP, mais aussi de personnel de trois grands entrepreneurs, à savoir General Motors, (GM), General Electric (GE) et Omni-Trax. Du personnel se trouvait dans les ateliers de réparation 24 heures sur 24, sept jours sur sept;

(iii)       le triage de Toronto est une propriété privée de CP et n'est généralement pas accessible au public. Des panneaux de mise en garde posés à chaque entrée de l'unité de mécanique indiquent que l'installation est protégée par surveillance vidéo et électronique;


(iv)       au triage de Toronto, CP a trois systèmes de caméra distincts. Les caméras des services de planification des trains, qui préviennent de l'arrivée des trains, forment l'un des systèmes opérationnels. Ces caméras rotatives possèdent un zoom mais elles n'enregistrent pas. Elles ont été installées en 2002 à la suite d'une analyse des risques relativement à la sécurité en milieu de travail. L'autre système opérationnel comprend trois caméras d'aiguillage des trains, avec des moniteurs et des commandes individuelles. Ces caméras pivotent et possèdent un zoom, mais n'enregistrent pas. Les caméras d'aiguillage servent à localiser les locomotives, à vérifier leur orientation et à déterminer l'endroit où un train sera placé au triage;

(v)        en ce qui concerne les six caméras de surveillance vidéonumériques, qui font l'objet de la plainte du demandeur, le rapport du Commissaire affirme ce qui suit :

[traduction]

Six caméras vidéonumériques sont placées en divers endroits du triage, en particulier dans les zones d'accès général et de stationnement. Elles fonctionnent à partir d'un pupitre central sans personnel, situé à l'intérieur du principal édifice administratif de l'atelier diesel. Les caméras sont fixes, c.-à-d. qu'on ne peut pas les faire bouger ni pivoter à partir du pupitre principal pour changer l'angle de vue, elles n'ont pas de zoom et enregistrent automatiquement pendant une période de 48 heures.

(vi)        le syndicat et CP Rail ont tous deux convenu que la qualité de résolution d'image des caméras de surveillance était médiocre et qu'il ne serait pas possible d'identifier une personne la nuit si elle se trouvait dans un endroit mal éclairé. Il était même difficile d'identifier une personne pendant le jour à partir de l'enregistrement;


(vii)      si un incident de vandalisme, de vol ou de menace à la sécurité du personnel était signalé, les agents de CP pourraient visionner l'enregistrement et peut-être en tirer un renseignement personnel sur la personne à l'écran, comme la couleur d'un manteau ou le type de chapeau, ou encore des caractéristiques physiques, si la résolution était améliorée grâce à la technologie;

(viii)      si elles ne sont pas arrêtées, les caméras enregistrent automatiquement un autre cycle de 48 heures;

(ix)       en réponse aux préoccupations du syndicat, CP a corrigé l'angle de vue de deux des caméras qui étaient auparavant pointées vers la porte de la salle à manger et celle des toilettes dans l'un des ateliers.

[9]                Le commissaire à la protection de la vie privée a ensuite expliqué brièvement les motifs que lui avait fournis CP pour installer les caméras de surveillance. À ce sujet, son rapport est rédigé de la façon suivante :

[traduction]

CP Rail a donné trois raisons d'installer les caméras vidéonumériques : réduire le vandalisme et prévenir le vol, réduire la responsabilité possible de CP Rail en cas de dommage matériel et assurer la sécurité du personnel. La société a signalé deux principaux incidents de vandalisme : 3000 $ de dommages concernant du matériel de soudage et plusieurs milliers de dollars de dommages concernant les caméras elles-mêmes. Aucun dommage n'a été signalé à ce jour concernant les biens des entrepreneurs. La société CP Rail n'est pas certaine qu'elle serait tenue responsable d'un tel incident, mais selon sa position, il importe d'agir de façon proactive.

Quant à la question de la sécurité du personnel, CP Rail invoque deux incidents où des employées ont signalé qu'elles s'étaient senties vulnérables. Le syndicat déclare qu'il n'a pas été informé de tels incidents. Le syndicat est d'avis que la sécurité ne pose pas vraiment de problème puisqu'un nombre considérable d'employés entrent et sortent à peu près au même moment où les postes de travail changent.

[10]            Le commissaire à la protection de la vie privée a alors commencé son analyse, c.-à-d. l'application des faits à la structure juridique de la LPRPDE, en visant plus particulièrement le paragraphe 5(3) de la LPRPDE.

[11]            Il a paraphrasé le paragraphe 5(3) pour expliquer que l'organisation ne pouvait recueillir « ... des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances » . Le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré qu'il était tenu de prendre en considération à la fois le caractère acceptable des fins de l'organisation en recueillant les renseignements personnels et les circonstances entourant la détermination de ces fins.

[12]            Il a ensuite rappelé la fin convenue de CP en précisant ceci : [traduction] « De prime abord, il semble que les fins aient été acceptables, mais pour assurer leur conformité à l'intention du paragraphe 5(3), nous devons aussi examiner les circonstances. Qu'est-ce qui a poussé CP Rail à prendre une telle mesure? Les circonstances justifient-elles la solution de la surveillance vidéo? »

[13]            Pour déterminer si l'utilisation des caméras de surveillance par CP était acceptable en l'occurrence, il a trouvé utile d'établir le critère en quatre points suivant :

• La mesure est-elle manifestement nécessaire pour répondre à un besoin particulier?

• Est-il probable qu'elle répondra efficacement à ce besoin?                             • La perte de vie privée est-elle proportionnelle à l'avantage obtenu?              • Existe-t-il un moyen qui porte moins atteinte à la vie privée et                   permette d'arriver au même but?

[14]            Le commissaire à la protection de la vie privée a rendu sa décision suivant le critère en quatre points dans les quatre paragraphes suivants, que je cite textuellement :

[traduction]

Tout en reconnaissant que les craintes de CP Rail puissent être sérieuses, jusqu'à quel point sont-elles réelles? Existe-t-il en fait un problème particulier au triage de Toronto de CP Rail? S'il y a eu quelques incidents de vandalisme et de vol, les dommages les plus importants sont ceux qu'ont subis les caméras vidéo elles-mêmes. Quant à la sécurité des employés, le syndicat n'a conscience d'aucun incident particulier où du personnel se serait senti vulnérable. CP Rail maintient que les caméras vidéo sont nécessaires à cause de sa responsabilité possible dans les dommages matériels causés aux biens des tiers entrepreneurs dans l'installation. Le risque réel de responsabilité de la société en cas de dommages réels reste cependant incertain. La possibilité d'un problème existe peut-être, mais CP Rail n'a pas démontré l'existence d'un problème réel et bien précis.

Ce système sera-t-il efficace? Bien qu'il n'y ait eu aucun incident depuis l'installation des caméras vidéo, en l'absence de statistiques indiquant un besoin manifeste, il est difficile de maintenir qu'elles constituent un moyen de dissuasion net. En fait, on pourrait affirmer que les panneaux qui avertissent les gens à l'entrée ont dissuadé des vandales en puissance.

La perte de vie privée est-elle proportionnelle à l'avantage obtenu? Je reconnais que le système offre une mauvaise résolution d'image et que les caméras ne sont pas pointées vers des endroits où l'on s'attend raisonnablement au respect de la vie privée, il reste néanmoins possible d'identifier une personne le jour, bien que cela soit difficile. En outre, je crains que la seule présence des caméras vidéo ne donne aux employés l'impression que leurs allées et venues sont surveillées, que ce soit ou non le cas, et que les effets psychologiques néfastes d'une atteinte perçue à la vie privée ne soient en train de se manifester.

Enfin, CP Rail ne semble pas avoir évalué le coût et l'efficacité d'autres solutions, telles qu'un meilleur éclairage dans les stationnements, qui pourraient régler le problème de la sécurité des employés, sans exercer aucun effet sur la vie privée des employés. [Non souligné dans l'original]


[15]            D'après cette analyse, le commissaire à la protection de la vie privée ne croyait pas qu'une personne raisonnable considérerait ces circonstances comme acceptables pour justifier une mesure aussi intrusive que l'installation de caméras de surveillance vidéonumériques. Il a déclaré que l'utilisation par CP de « ce type de surveillance vidéo à ces fins » n'était pas acceptable, et que CP Rail enfreignait le paragraphe 5(3) de la LPRPDE.

LA PRÉSENTE INSTANCE

[16]            Le 13 février 2003, le demandeur a engagé la présente instance conformément au paragraphe 14(1) de la LPRPDE, lequel est libellé de la façon suivante :


14. (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire, le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l'objet de la plainte - ou qui est mentionnée dans le rapport - et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l'annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels que modifiés ou clarifiés par la section 1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7) ou à l'article 10. [Non souligné dans l'original]

14. (1) A complainant may, after receiving the Commissioner's report, apply to the Court for a hearing in respect of any matter in respect of which the complaint was made, or that is referred to in the Commissioner's report, and that is referred to in clause 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 or 4.8 of Schedule 1, in clause 4.3, 4.5 or 4.9 of that Schedule as modified or clarified by Division 1, in paragraphe 5(3) or 8(6) or (7) or in section 10.


[17]            Par « Cour » , la LPRPDE entend la Cour fédérale, et le paragraphe 14(2) prévoit que le recours doit être présenté dans les quarante-cinq (45) jours suivant la transmission du rapport ou dans le délai supérieur autorisé par la Cour. L'article 17 stipule que le recours doit être entendu et jugé sans délai et selon une procédure sommaire, à moins que la Cour ne l'estime contre-indiqué.

[18]            Le demandeur a demandé les ordonnances suivantes :

[TRADUCTION ]


(i)           Une ordonnance confirmant le rapport du commissaire à la protection de la vie privée du Canada voulant que la défenderesse, Canadien Pacifique Limitée, n'utilise pas et enlève le système de caméras vidéonumériques installé au triage principal de Scarborough, en Ontario;

(ii)           Une ordonnance voulant que tout document, y compris tout enregistrement vidéo, se trouvant en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de Canadien Pacifique Limitée et produit par le système de caméras vidéonumériques susmentionné soit détruit sur-le-champ;

(iii)          Une ordonnance voulant que la défenderesse, Canadien Pacifique Limitée, cesse et s'abstienne d'installer des caméras non opérationnelles ou des systèmes de caméra dans ses lieux de travail au Canada, sans le consentement de l'agent négociateur des employés;

(iv)          Tout autre redressement que cette honorable Cour trouvera acceptable;

(v)            Les dépens de la requête. [Non souligné dans l'original]

[19]            L'avocat du demandeur, avec raison, n'a pas insisté sur le point (iii) à l'audition.

STRUCTURELÉGISLATIVE DE LA LOI

[20]            La Loi présente une structure législative particulière. Il y a la Loi elle-même et il y a l'annexe 1 de la Loi (annexe 1). Le paragraphe 5(1) de la Loi est ainsi rédigé :


5. (1) Sous réserve des articles 6 à 9, toute organisation doit se conformer aux obligations énoncées dans l'annexe 1.


5. (1) Subject to sections 6 to 9, every organization shall comply with the obligations set out in Schedule 1.


[21]            L'annexe 1 de la LPRPDE contient intégralement la Norme nationale du Canada de l'Association canadienne de normalisation (CSA) intitulée « Code type sur la protection des renseignements personnels, CAN/CSA-Q 830-96 » .

[22]            L'un des objectifs des dispositions de la Loi, par opposition à l'annexe 1, consiste à atténuer ou à modifier les principes établis dans le Code type de la Norme nationale de la CSA reproduit à l'annexe 1.

[23]            La Loi elle-même continent un certain nombre de parties organisées de la façon suivante :

(1)        la partie 1 est intitulée « Protection des renseignements personnels dans le secteur privé » ;

(2)        la section 1 de la partie 1, intitulée « Protection des renseignements personnels » , traite notamment des fins acceptables (paragraphe 5(3)), de la collecte à l'insu de l'intéressé et sans son consentement (paragraphe 7(1)), de l'utilisation à l'insu de l'intéressé et sans son consentement (paragraphe 7(2)), ainsi que de la communication à l'insu de l'intéressé et sans son consentement (paragraphe 7(3));


(3)        la section 2 de la partie 1, intitulée « Recours » , traite notamment du dépôt des plaintes (article 11), de l'examen des plaintes (article 12), du rapport du commissaire (article 13), des circonstances dans lesquelles le commissaire n'est pas tenu de dresser un rapport (paragraphe 13(2)) et de l'audience de la Cour fédérale (articles 14 à 17);

(4)        la partie 1 compte deux autres sections qui portent sur les vérifications et une section générale qui porte sur la confidentialité et d'autres questions relative au statut du Commissaire à la protection de la vie privée.

[24]            Le corps de la LPRPDE contient d'autres parties. La partie 2 concerne les documents électroniques. Aux fins des présents motifs, il n'est pas nécessaire d'aller plus loin dans la description des autres parties de la LPRPDE.

[25]            L'annexe 1 suit les dispositions décrites ci-dessus.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

(a)        Dispositions précédant l'annexe 1

[26]            Les articles 3, 4 (à l'exclusion de 4.1), 5, le paragraphe 7(1), les articles 11, 13, 14, 15, 16 et le paragraphe 17(1) de la Loi sont ainsi rédigés :                               



3. La présente partie a pour objet de fixer, dans une ère où la technologie facilite de plus en plus la circulation et l'échange de renseignements, des règles régissant la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels d'une manière qui tient compte du droit des individus à la vie privée à l'égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d'utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

4. (1) La présente partie s'applique à toute organisation à l'égard des renseignements personnels_:

a) soit qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'activités commerciales;

b) soit qui concernent un de ses employés et qu'elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d'une entreprise fédérale.

4(2) Limite

(2) La présente partie ne s'applique pas_:

. . .

4(3) Autre loi

*(3) Toute disposition de la présente partie s'applique malgré toute disposition - édictée après l'entrée en vigueur du présent paragraphe - d'une autre loi fédérale, sauf dérogation expresse de la disposition de l'autre loi.   

Obligation de se conformer aux obligations

5. (1) Sous réserve des articles 6 à 9, toute organisation doit se conformer aux obligations énoncées dans l'annexe 1.

5(2) Emploi du conditionnel

(2) L'emploi du conditionnel dans l'annexe 1 indique qu'il s'agit d'une recommandation et non d'une obligation.

5(3) Fins acceptables

(3) L'organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu'à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

Collecte à l'insu de l'intéressé et sans son consentement

7. (1) Pour l'application de l'article 4.3 de l'annexe 1 et malgré la note afférente, l'organisation ne peut recueillir de renseignement personnel à l'insu de l'intéressé et sans son consentement que dans les cas suivants_:

a) la collecte du renseignement est manifestement dans l'intérêt de l'intéressé et le consentement ne peut être obtenu auprès de celui-ci en temps opportun;

b) il est raisonnable de s'attendre à ce que la collecte effectuée au su ou avec le consentement de l'intéressé puisse compromettre l'exactitude du renseignement ou l'accès à celui-ci, et la collecte est raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation d'un accord ou la contravention du droit fédéral ou provincial;

c) la collecte est faite uniquement à des fins journalistiques, artistiques ou littéraires;

d) il s'agit d'un renseignement réglementaire auquel le public a accès.

Violation

11. (1) Tout intéressé peut déposer auprès du commissaire une plainte contre une organisation qui contrevient à l'une des dispositions de la section 1 ou qui omet de mettre en oeuvre une recommandation énoncée dans l'annexe 1.

11(2) Plaintes émanant du commissaire

(2) Le commissaire peut lui-même prendre l'initiative d'une plainte s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une enquête devrait être menée sur une question relative à l'application de la présente partie.

                                  . . .

Contenu

13. (1) Dans l'année suivant, selon le cas, la date du dépôt de la plainte ou celle où il en a pris l'initiative, le commissaire dresse un rapport où_:

a) il présente ses conclusions et recommandations;

b) il fait état de tout règlement intervenu entre les parties;

c) il demande, s'il y a lieu, à l'organisation de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en oeuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite;

d) mentionne, s'il y a lieu, l'existence du recours prévu à l'article 14.

13(2) Aucun rapport

(2) Il n'est toutefois pas tenu de dresser un rapport s'il est convaincu que, selon le cas_:

a) le plaignant devrait d'abord épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par le droit fédéral - à l'exception de la présente partie - ou le droit provincial;

c) le délai écoulé entre la date où l'objet de la plainte a pris naissance et celle du dépôt de celle-ci est tel que le rapport serait inutile;

d) la plainte est futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi.

Le cas échéant, il en informe le plaignant et l'organisation, motifs à l'appui.

13(3) Transmission aux parties

(3) Le rapport est transmis sans délai au plaignant et à l'organisation.

Audience de la Cour

14(1) Demande

14. (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire, le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l'objet de la plainte - ou qui est mentionnée dans le rapport - et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l'annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels que modifiés ou clarifiés par la section 1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7) ou à l'article 10.

                                  . . .

16 Réparations

16. La Cour peut, en sus de toute autre réparation qu'elle accorde_:

a) ordonner à l'organisation de revoir ses pratiques de façon à se conformer aux articles 5 à 10;

b) lui ordonner de publier un avis énonçant les mesures prises ou envisagées pour corriger ses pratiques, que ces dernières aient ou non fait l'objet d'une ordonnance visée à l'alinéa a);

c) accorder au plaignant des dommages-intérêts, notamment en réparation de l'humiliation subie.

                                   

17(1) Procédure sommaire

17. (1) Le recours prévu aux articles 14 ou 15 est entendu et jugé sans délai et selon une procédure sommaire, à moins que la Cour ne l'estime contre-indiqué. [Non souligné dans l'original]

3. The purpose of this Part is to establish, in an era in which technology increasingly facilitates the circulation and exchange of information, rules to govern the collection, use and disclosure of personal information in a manner that recognizes the right of privacy of individuals with respect to their personal information and the need of organizations to collect, use or disclose personal information for purposes that a reasonable person would consider appropriate in the circumstances.

4. (1) This Part applies to every organization in respect of personal information that

(a) the organization collects, uses or discloses in the course of commercial activities; or

(b) is about an employee of the organization and that the organization collects, uses or discloses in connexion with the operation of a federal work, undertaking or business.

4(2) Limit

(2) This Part does not apply to

                                  . . .          

4(3) Other Acts

*(3) Every provision of this Part applies despite any provision, enacted after this paragraphe comes into force, of any other Act of Parliament, unless the other Act expressly declares that that provision operates despite the provision of this Part.

Compliance with obligations

5. (1) Subject to sections 6 to 9, every organization shall comply with the obligations set out in Schedule 1.

5(2) Meaning of "should"

(2) The word "should", when used in Schedule 1, indicates a recommendation and does not impose an obligation.

5(3) Appropriate purposes

(3) An organization may collect, use or disclose personal information only for purposes that a reasonable person would consider are appropriate in the circumstances.

Collection without knowledge or consent

7. (1) For the purpose of clause 4.3 of Schedule 1, and despite the note that accompanies that clause, an organization may collect personal information without the knowledge or consent of the individual only if

(a) the collection is clearly in the interests of the individual and consent cannot be obtained in a timely way;

(b) it is reasonable to expect that the collection with the knowledge or consent of the individual would compromise the availability or the accuracy of the information and the collection is reasonable for purposes related to investigating a breach of an agreement or a contravention of the laws of Canada or a province;

(c) the collection is solely for journalistic, artistic or literary purposes; or

(d) the information is publicly available and is specified by the regulations.

Contravention

11. (1) An individual may file with the Commissioner a written complaint against an organization for contravening a provision of Division 1 or for not following a recommendation set out in Schedule 1.

11(2) Commissioner may initiate complaint

(2) If the Commissioner is satisfied that there are reasonable grounds to investigate a matter under this Part, the Commissioner may initiate a complaint in respect of the matter.

                                  . . .

13(1) Contents

13. (1) The Commissioner shall, within one year after the day on which a complaint is filed or is initiated by the Commissioner, prepare a report that contains

(a) the Commissioner's findings and recommendations;

(b) any settlement that was reached by the parties;

(c) if appropriate, a request that the organization give the Commissioner, within a specified time, notice of any action taken or proposed to be taken to implement the recommendations contained in the report or reasons why no such action has been or is proposed to be taken; and

(d) the recourse, if any, that is available under section 14.

13(2) Where no report                 

(2) The Commissioner is not required to prepare a report if the Commissioner is satisfied that

(a) the complainant ought first to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available;

(b) the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under the laws of Canada, other than this Part, or the laws of a province;

(c) the length of time that has elapsed between the date when the subject-matter of the complaint arose and the date when the complaint was filed is such that a report would not serve a useful purpose; or

(d) the complaint is trivial, frivolous or vexatious or is made in bad faith.

If a report is not to be prepared, the Commissioner shall inform the complainant and the organization and give reasons.

13(3) Report to parties

(3) The report shall be sent to the complainant and the organization without delay.

Hearing by Court

14(1) Application

14. (1) A complainant may, after receiving the Commissioner's report, apply to the Court for a hearing in respect of any matter in respect of which the complaint was made, or that is referred to in the Commissioner's report, and that is referred to in clause 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 or 4.8 of Schedule 1, in clause 4.3, 4.5 or 4.9 of that Schedule as modified or clarified by Division 1, in paragraphe 5(3) or 8(6) or (7) or in section 10.

                                  . . .

16 Remedies

16. The Court may, in addition to any other remedies it may give,

(a) order an organization to correct its practices in order to comply with sections 5 to 10;

(b) order an organization to publish a notice of any action taken or proposed to be taken to correct its practices, whether or not ordered to correct them under paragraph (a); and

(c) award damages to the complainant, including damages for any humiliation that the complainant has suffered.

17(1) Summary hearings

17. (1) An application made under section 14 or 15 shall be heard and determined without delay and in a summary way unless the Court considers it inappropriate to do so.



(b)       Annexe 1

[27]            L'annexe 1 de la LPRPDE renferme un certain nombre de principes tels que la responsabilité, (article 4.1), la détermination des fins (article 4.2), le consentement (article 4.3), la limitation de la collecte (article 4.4), la limitation de l'utilisation, de la communication et de la conservation (article 4.5), l'exactitude (article 4.6), les mesures de sécurité (article 4.7), la transparence (article 4.8), l'accès aux renseignements personnels (article 4.9) et la possibilité de porter plainte (article 4.10).

[28]            Chaque principe s'accompagne d'un certain nombre de règles.

[29]            Le principe 2, « Détermination des fins » , au paragraphe 4.2.2, le principe 3, « Consentement » , et les paragraphes 4.3.1 et 4.3.2 sont ainsi rédigés :



4.2 Deuxième principe - Détermination des fins de la collecte des renseignements

Les fins auxquelles des renseignements personnels sont recueillis doivent être déterminées par l'organisation avant la collecte ou au moment de celle-ci.

4.2.2

Le fait de préciser les fins de la collecte de renseignements personnels avant celle-ci ou au moment de celle-ci permet à l'organisation de déterminer les renseignements dont elle a besoin pour réaliser les fins mentionnées. Suivant le principe de la limitation en matière de collecte (article 4.4), l'organisation ne doit recueillir que les renseignements nécessaires aux fins mentionnées.                                    

4.3 Troisième principe - Consentement

Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire.

Note_: Dans certaines circonstances, il est possible de recueillir, d'utiliser et de communiquer des renseignements à l'insu de la personne concernée et sans son consentement. Par exemple, pour des raisons d'ordre juridique ou médical ou pour des raisons de sécurité, il peut être impossible ou peu réaliste d'obtenir le consentement de la personne concernée. Lorsqu'on recueille des renseignements aux fins du contrôle d'application de la loi, de la détection d'une fraude ou de sa prévention, on peut aller à l'encontre du but visé si l'on cherche à obtenir le consentement de la personne concernée. Il peut être impossible ou inopportun de chercher à obtenir le consentement d'un mineur, d'une personne gravement malade ou souffrant d'incapacité mentale. De plus, les organisations qui ne sont pas en relation directe avec la personne concernée ne sont pas toujours en mesure d'obtenir le consentement prévu. Par exemple, il peut être peu réaliste pour une oeuvre de bienfaisance ou une entreprise de marketing direct souhaitant acquérir une liste d'envoi d'une autre organisation de chercher à obtenir le consentement des personnes concernées. On s'attendrait, dans de tels cas, à ce que l'organisation qui fournit la liste obtienne le consentement des personnes concernées avant de communiquer des renseignements personnels.             

4.3.1

Il faut obtenir le consentement de la personne concernée avant de recueillir des renseignements personnels à son sujet et d'utiliser ou de communiquer les renseignements recueillis. Généralement, une organisation obtient le consentement des personnes concernées relativement à l'utilisation et à la communication des renseignements personnels au moment de la collecte. Dans certains cas, une organisation peut obtenir le consentement concernant l'utilisation ou la communication des renseignements après avoir recueilli ces renseignements, mais avant de s'en servir, par exemple, quand elle veut les utiliser à des fins non précisées antérieurement.

4.3.2

Suivant ce principe, il faut informer la personne au sujet de laquelle on recueille des renseignements et obtenir son consentement. Les organisations doivent faire un effort raisonnable pour s'assurer que la personne est informée des fins auxquelles les renseignements seront utilisés. Pour que le consentement soit valable, les fins doivent être énoncées de façon que la personne puisse raisonnablement comprendre de quelle manière les renseignements seront utilisés ou communiqués. [Non souligné dans l'original]

4.2 Principle 2 - Identifying Purposes

The purposes for which personal information is collected shall be identified by the organization at or before the time the information is collected.

4.2.2

Identifying the purposes for which personal information is collected at or before the time of collection allows organizations to determine the information they need to collect to fulfil these purposes. The Limiting Collection principle (Clause 4.4) requires an organization to collect only that information necessary for the purposes that have been identified.

4.3 Principle 3 - Consent

The knowledge and consent of the individual are required for the collection, use, or disclosure of personal information, except where inappropriate.

Note: In certain circumstances personal information can be collected, used, or disclosed without the knowledge and consent of the individual. For example, legal, medical, or security reasons may make it impossible or impractical to seek consent. When information is being collected for the detection and prevention of fraud or for law enforcement, seeking the consent of the individual might defeat the purpose of collecting the information. Seeking consent may be impossible or inappropriate when the individual is a minor, seriously ill, or mentally incapacitated. In addition, organizations that do not have a direct relationship with the individual may not always be able to seek consent. For example, seeking consent may be impractical for a charity or a direct-marketing firm that wishes to acquire a mailing list from another organization. In such cases, the organization providing the list would be expected to obtain consent before disclosing personal information.

4.3.1

Consent is required for the collection of personal information and the subsequent use or disclosure of this information. Typically, an organization will seek consent for the use or disclosure of the information at the time of collection. In certain circumstances, consent with respect to use or disclosure may be sought after the information has been collected but before use (for example, when an organization wants to use information for a purpose not previously identified).

4.3.2

The principle requires "knowledge and consent". Organizations shall make a reasonable effort to ensure that the individual is advised of the purposes for which the information will be used. To make the consent meaningful, the purposes must be stated in such a manner that the individual can reasonably understand how the information will be used or disclosed.


LA PREUVE

(a)       De CP

[30]            CP a déposé quatre affidavits pour faire opposition à la demande du demandeur. Ces affidavits étaient ceux de Ronald Jourdain, directeur du secteur de la réparation (mécanique), Ontario Sud, de Gerry Moody, chef des Services de police du Chemin de fer Canadien Pacifique (Services de police de CP), de Rohan Gosine, directeur adjoint du secteur de la réparation, Ontario Sud, et de Thomas Wojcik, spécialiste de l'amélioration du service, unité de mécanique du triage de Toronto de CP. Tous les déposants ont été contre-interrogés par l'avocat du demandeur.

(i)         Affidavit de Ronald Jourdain

[31]            Ronald Jourdain a offert les arguments suivants dans son affidavit :


(1)        Il est celui qui, à CP, a pris la décision d'installer les caméras de surveillance, M. Gosine étant responsable de leur emplacement précis.

(2)        CP a installé les caméras de surveillance aux fins suivantes :

[traduction]

7.             Lorsque CP Rail a décidé d'installer les caméras numériques vers la fin de 2001, son intention était de les utiliser comme un moyen de dissuasion et peut-être comme un outil d'investigation en ce qui concerne le vol, le harcèlement, le vandalisme et l'entrée non autorisée dans l'unité de mécanique. L'objectif de CP Rail était de créer un milieu de travail plus sûr, tout en réduisant au minimum la responsabilité civile et contractuelle de CP Rail en cas de préjudice ou de perte infligés à des tierces parties. CP Rail n'a jamais eu l'intention d'utiliser les caméras numériques pour surveiller le rendement au travail de ses employés. [Non souligné dans l'original]

(3)        Il a décrit l'emplacement des caméras de surveillance :

[traduction]

9.             Aucun des endroits où étaient installées les caméras numériques n'était une zone de travail. C'étaient plutôt des espaces d'accès général, y compris plusieurs stationnements et routes.

(4)        Les routes d'accès au triage de Toronto restent sans surveillance et d'accès facile car le périmètre n'est pas clôturé. À la lumière de ces faits :

[traduction]

CP Rail a déterminé que l'installation de caméras numériques en divers points d'accès publics et la pose de panneaux clairs et visibles indiquant une surveillance vidéo aux entrées de l'unité de mécanique contribueraient à dissuader tout transgresseur en puissance.


(5)        Les images produites par les caméras de surveillance ne sont pas visionnées mais la fonction d'enregistrement permet [traduction] « à la direction de l'unité de mécanique et à la Police de CP de visionner les enregistrements en cas de signalement d'une activité suspecte ou d'un incident » (dossier de la défenderesse, page 104). M. Jourdain poursuit dans les termes suivants (dossier de la défenderesse, page 104) :

[traduction]

11.           Les employés de l'unité de mécanique ont été informés que les images produites par les caméras numériques ne sont pas surveillées continuellement et seront examinées seulement si un incident signalé à la direction est susceptible d'avoir été enregistré par les caméras. [Non souligné dans l'original]

(6)        À son avis, certains changements survenus au triage de Toronto ont contribué à la nécessité d'installer des caméras numériques, changements qui selon lui, [traduction] « trouvaient leur origine dans les préoccupations de CP relatif à la sûreté, la sécurité et la responsabilité possible » . Il a confirmé que le moment précis de l'installation [traduction] « ne tenait pas à un événement particulier, mais plutôt à un changement dans l'infrastructure globale de l'unité de mécanique elle-même » .

(7)        Un des principaux changements a été la décision de centraliser dans l'unité de mécanique du triage de Toronto l'attribution de plusieurs fonctions liées aux réparations de véhicules diesel et de voitures, qui étaient auparavant accomplies en plusieurs endroits au triage de Toronto. CP a construit deux nouveaux stationnements près de l'unité de mécanique pour tenir compte de l'accroissement des activités dans l'unité. Ronald Jourdain a déclaré au paragraphe 15 (dossier de la défenderesse, page 105) :

[traduction]


15.           CP Rail a aussi construit deux nouveaux stationnements près de l'unité de mécanique pour tenir compte de l'accroissement des activités dans l'installation. Ces nouveaux stationnements peuvent recevoir 400 employés de plus et sont l'un des principaux endroits où se trouvent les caméras numériques. En dehors des postes de jour et les fins de semaine, il y a très peu de gens dans ces endroits. Avant la construction des stationnements, un service d'autobus fourni par CP Rail à ses employés faisait la navette entre l'unité de mécanique et un autre stationnement situé plus loin. Ce service d'autobus a cessé, ce qui permet d'économiser environ 360 000 $ par an.

(8)       Un autre changement est survenu lorsque CP a engagé dans l'atelier diesel des superviseurs contractuels chargés de surveiller la réparation et l'entretien de leurs locomotives respectives, c.-à-d. les locomotives que CP avait achetées de GE et de GM, avec Omni-Trax pour superviser la réparation d'autres locomotives appartenant à CP. Cette mesure a créé de la tension entre les employés de CP et les employés contractuels parce que CP a réduit son personnel en sous-traitant la supervision de l'entretien des locomotives. Les délégués syndicaux se sont plaints du fait que les membres étaient encadrés par des « étrangers » . Ce degré de tension avait un rapport avec la décision de M. Jourdain d'installer des caméras numériques.

(9)       Avec la présence des superviseurs contractuels, CP était obligée de leur attribuer des bureaux et des aires d'entreposage pour les outils et le matériel, ce qui entraînait une responsabilité possible de CP si CP ne respectait pas ses obligations contractuelles. Ronald Jourdain offrait la conclusion suivante au paragraphe 21 (dossier de la défenderesse, page 107) :

[traduction]


21.           La transition vers la gestion contractuelle de l'atelier diesel signifiait que CP perdait, dans une certaine mesure, le contrôle de la circulation des humains et des véhicules aux abords de l'unité de mécanique. Conjointement avec l'installation d'un meilleur éclairage dans les stationnements, les caméras numériques représentaient les mesures de sécurité qui étaient réalisables et disponibles, et qui ont été prises par CP à ce moment-là.

(10)     Monsieur Jourdain conclut que ces changements ont intensifié les activités dans l'unité de mécanique et donné accès à du personnel inconnu, introduit sur les lieux par les entrepreneurs (dossier de la défenderesse, page 107) :

[traduction]

22.          ...Ceci et le fait qu'il y a maintenant une plus grande quantité d'équipement (qui appartient en partie aux entrepreneurs) dans l'unité de mécanique ont incité la direction de CP (moi-même y compris) à se soucier davantage des questions de sécurité, de sûreté et de responsabilité.


(11)     La possibilité d'engager des gardes de sécurité pour patrouiller aux environs de l'unité de mécanique a été envisagée mais rejetée parce que [traduction] « je savais qu'il serait pratiquement impossible de faire approuver un budget d'exploitation supplémentaire » (dossier de la défenderesse, page 107). M. Jourdain a reconnu que l'achat des caméras numériques et la pose des panneaux d'avertissement étaient plus économiques que le coût d'exploitation permanent de l'embauche de gardes de sécurité. Les caméras numériques ont coûté environ 30 000 $ : [traduction] « [A]u lieu d'attendre qu'un incident grave ne se produise, j'ai pris l'initiative d'assurer la sécurité et la sûreté des employés de CP et des employés contractuels en installant des caméras numériques et des panneaux d'avertissement » (dossier de la défenderesse, page 108).

(12)     [traduction] « En pointant les caméras numériques vers les zones d'accès général et non vers les zones de travail, j'ai tenté de faire un effort raisonnable, proactif et en toute bonne foi pour éliminer certaines craintes légitimes relatives à la sûreté, la sécurité et la responsabilité dans l'unité de mécanique, tout en respectant la vie privée des employés » .

[32]            Dans le reste de l'affidavit, M. Jourdain décrit les menaces à la sécurité qui se sont produites dans tout le réseau de CP et au triage de Toronto en particulier. Il a présenté des comptes rendus d'incidents hebdomadaires préparés par l'équipe d'enquête criminelle de la police de CP et déclaré (dossier de la défenderesse, page 108) :

[traduction]

26.           ... Les types de délit commis à l'encontre de CP et des biens de ses clients sont des crimes tels que le vol, le vandalisme, l'utilisation d'armes, le trafic de drogue, le passage d'étrangers clandestins, le sabotage d'équipement, les crimes informatiques, la fraude, l'incendie volontaire et l'intrusion.

Il n'était pas rare qu'un seul résumé hebdomadaire contienne une liste de 30 à 40 incidents. M. Jourdain a aussi joint à son affidavit une copie des comptes rendus d'infraction de CP.

[33]            Au sujet des menaces à la sécurité qui visaient particulièrement le triage de Toronto et l'unité de mécanique, M Jourdain a déclaré que, selon un rapport de la police de CP, entre janvier 1998 et avril 2003, un total de 148 incidents avaient été signalés au triage de Toronto, en ajoutant [traduction] « [I]l y en a peut-être davantage qui n'ont pas été signalés » . Les incidents signalés comprenaient, entre autres, [traduction] « des introductions par effraction, des vols, des intrusions, des méfaits, de la violence au travail, du harcèlement, l'altération d'équipement, des accidents de véhicule et des préjudices corporels » (dossier de la défenderesse, page 109). Au paragraphe 30, M. Jourdain a déclaré : [traduction] « En raison des craintes de CP concernant la sûreté et la sécurité au lieu de travail et concernant sa responsabilité possible dans de tels incidents, les incidents, y compris ceux décrits ci-dessous, ont contribué à la décision de CP d'installer les caméras numériques » .

[34]            Il a confirmé que la police de CP effectuait des patrouilles régulières au triage de Toronto et répondait aux appels de service. Il a aussi confirmé, cependant, que le nombre d'agents de police de CP affectés au sud de l'Ontario était limité et qu'aucun agent n'était affecté de façon permanente au triage de Toronto.


[35]            Il a mis particulièrement l'accent sur le problème des intrus au triage de Toronto, en soulignant la question du vol de matériel, du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles à l'endroit du personnel féminin. CP avait adopté une politique de tolérance zéro concernant l'intrusion, mais a admis franchement que, malgré la présence régulière de la police de CP et la politique de tolérance zéro, il y avait toujours eu des problèmes d'entrée non autorisée au triage de Toronto. Certains membres du public empruntent les routes d'accès du triage de Toronto comme raccourci pour éviter la congestion des routes publiques autour du triage de Toronto. Il s'est produit un certain nombre d'incidents à l'unité de mécanique, comme la disparition et le vol présumé d'outils et de matériel appartenant aux entrepreneurs.

[36]            Au sujet des agressions et du harcèlement sexuels, M. Jourdain a mentionné que l'unité de mécanique fonctionnait suivant des postes de jour, d'après-midi et de nuit, et comptait surtout du personnel masculin et une quinzaine d'employées. Lorsqu'il a accepté la direction de l'unité de mécanique en mai 2000, il a été mis au courant de certains incidents concernant des employées de l'unité de mécanique. Il s'agissait, dans les deux cas, de harcèlement sexuel et d'agression, et CP a versé une somme considérable à titre de règlement dans l'un de ces cas.

[37]            Aux paragraphes 46 et 47, il a énuméré sept cas de vol et de vandalisme survenus autour de l'unité de mécanique en 2000 et au début de 2002.


[38]            Il a conclu son affidavit en mentionnant l'incidence du 11 septembre et la crainte des activités terroristes, étant donné que les activités de CP exigent souvent le transport transfrontalier de marchandises en vrac, y compris des substances dangereuses comme le chlore, le propane et l'ammoniac, ainsi que du matériel militaire.

(ii)        Affidavit de Rohan Gosine

[39]            L'affidavit de M. Gosine abordait plusieurs des sujets qu'avait abordés M. Jourdain.

(1)        Peu après son embauche comme directeur adjoint du secteur de la réparation au triage de Toronto, M. Gosine a rencontré le chef de projet à l'unité de mécanique pour discuter de la possibilité d'installer un système de caméras numériques, en raison de son expérience personnelle au triage de CP à Golden, en Colombie-Britannique.

(2)        Monsieur Gosine s'appuyait sur un certain nombre de facteurs, y compris le volume accru de circulation dans l'unité de mécanique et aux alentours à cause de la centralisation et de la gestion contractuelle; la fréquence accrue des incidents de vol et de vandalisme dans ces lieux et la responsabilité possible de CP envers des tiers; la création, pour les employés, de nouveaux stationnements dont au moins un était relativement isolé, près de l'unité de mécanique, ainsi que d'autres questions de sécurité et le harcèlement d'employées du service mécanique.


(3)        Ayant obtenu l'approbation budgétaire, M. Gosine a acheté six caméras numériques fixes, sans toutefois se procurer les lentilles à l'infrarouge spéciales à faible luminosité qui amélioreraient la qualité des images enregistrées par les caméras la nuit. Il considérait que ces lentilles spéciales n'étaient pas nécessaires vu qu'en posant les caméras numériques, on avait amélioré l'éclairage dans l'unité de mécanique et aux alentours.

(4)        On a décidé que les caméras devaient être et seraient placées à des endroits d'accès général parce que c'était dans ces endroits que les incidents du genre de ceux que CP cherchait à prévenir s'étaient produits ou, à leur avis, étaient susceptibles de se produire. À la page 140 du dossier de la défenderesse, M. Gosine a déclaré ceci : « [N]ous n'avons jamais eu l'intention d'orienter les caméras de manière à enregistrer le rendement au travail des employés de CP » .


(5)        Il a ensuite lié l'emplacement de chaque caméra de surveillance à un incident réel ou potentiel de vol, de vandalisme ou d'agression. Par exemple, CP a d'abord déterminé que la zone d'accès général située devant l'atelier diesel à l'ouest était à surveiller, car des outils avaient disparu et l'on supposait qu'ils avaient été volés dans l'aire d'entreposage des outils de GM. [traduction] « Cependant, lorsque le syndicat a fait remarquer que l'orientation de la caméra enregistrait une image de la porte de la salle à manger et des toilettes de l'atelier diesel, nous avons... réorienté la caméra de façon à surveiller la remise de GM » (dossier de la défenderesse, page 141).

(6)        CP a choisi d'installer trois caméras numériques pour surveiller les stationnements de l'unité de mécanique, dont l'un est réservé aux véhicules de CP et l'autre, aux véhicules des employés de CP. En ce qui concerne les véhicules appartenant à CP, la surveillance de ce stationnement était vue comme nécessaire à cause d'une nette augmentation du vandalisme contre ces véhicules en 2001. Deux caméras numériques ont été installées dans le stationnement situé au sud de l'atelier diesel parce que l'endroit était relativement sombre et isolé. Le but consistait à veiller à la sécurité des employés de CP et les craintes de CP avaient notamment pour cause la plainte déposée par une employée en 2000.

(iii)       Affidavit de Gerry Moody

[40]            Comme il a été mentionné, Gerry Moody est chef des Services de police du Chemin de fer Canadien Pacifique (le Service de police) depuis sept ans. Le Service de police est responsable de la prévention des crimes et de la sécurité à CP Rail. Dans son affidavit, M. Moody a souligné les points suivants :

(1)        Le Service de police enregistre entre 16 000 et 17 000 incidents liés au chemin de fer chaque année en Amérique du Nord.


(2)        CP a toujours dû se soucier de la sécurité sur sa propriété et emploie une force policière spécialisée pour assurer la sécurité de ses activités et de ses biens. Depuis le 11 septembre, CP est soumise à une pression accrue et elle est surveillée de près en ce qui concerne le degré de sécurité offert à sa clientèle, à ses employés et divers ordres de gouvernement, tant au Canada qu'aux États-Unis.

(3)        Il est normal, dans les triages de CP de partout au Canada, que des intrusions entraînent des blessures graves pour l'intrus, y compris l'amputation, ou même la mort.

(4)        Il n'est pas rare que le Service de police de CP reçoive de nombreuses plaintes concernant des vols, du vandalisme, des menaces et des entrées par effraction partout au pays, y compris au triage de Toronto.

(5)        CP a toujours eu pour priorité de maintenir un milieu de travail sûr et sans danger pour son personnel.

(6)        CP a traversé une période de réduction budgétaire qui a rendu improbable toute expansion des patrouilles du triage de Toronto dans l'avenir. À la page 6 du dossier de la défenderesse, M. Moody a déclaré :

[traduction]

8.             Le triage de Toronto couvre une superficie d'environ 432 acres; il est difficile à patrouiller et ne peut pas être entièrement défendu contre l'accès public ou le crime par les méthodes conventionnelles de sécurité des propriétés privées sans engager des dépenses déraisonnables.


(7)        Il faudrait environ cinq agents à plein temps suivant une rotation de 24 heures sur 24, sept jours sur sept pour patrouiller convenablement le triage de Toronto. Dans le passé, il y a eu jusqu'à quatre policiers affectés au triage de Toronto mais en ce moment, un ou deux des policiers qui y sont affectés effectuent des patrouilles motorisées. Aucun de ces agents n'est attaché au triage de Toronto, pas plus qu'il n'y passe tout son temps.

(8)        La nature des marchandises transportées par CP est exceptionnelle à bien des égards :

[traduction]

a)             Les marchandises transportées constituent des biens confiés à CP en grands volumes par différentes parties des secteurs privé et public. Contrairement aux préoccupations de sécurité d'autres entreprises, la protection des marchandises ferroviaires est une question qui va bien au-delà des intérêts économiques et publics de la compagnie de chemin de fer elle-même.

b)             Contrairement à d'autres biens privés, ces marchandises sont en transit sur de longues distances, ce qui exige une surveillance sophistiquée.

c)             Outre la quantité même des marchandises transportées, leur nature peut aussi être extrêmement risquée en raison de matières toxiques et dangereuses [...] Toute altération [...] peut entraîner un grave danger public.

d)             Un volume considérable de ces marchandises représente une certaine valeur et constitue une cible probable de vol ou de vandalisme.

(9)        Différents efforts visaient à améliorer la sûreté et la sécurité du personnel de CP grâce à des initiatives comme la vérification de sécurité concernant les nouveaux employés.


(10)      Après le 11 septembre, le ministère américain du Transport a publié un avis au sujet d'attentats terroristes possibles. Ce message, qui a intensifié les craintes, donnait comme exemple un dispositif suspect qui était attaché à un réservoir de propane liquide au triage de Alyth à Calgary, le 15 mars 2002.

(11)      À la page 7 du dossier de la défenderesse, M. Moody déclare :

[traduction]

14.           [...] La surveillance vidéo vise à traiter le problème de l'activité criminelle en prévenant le crime et en détectant le crime, ainsi qu'en aidant à identifier les suspects dans l'enquête qui suit l'incident. La surveillance prévient le crime en augmentant le risque perçu par le criminel d'être arrêté avant de pouvoir achever l'acte criminel et de s'enfuir avec son butin.

15.           La surveillance vidéo reste certainement un outil précieux pour les Services de police dans la lutte contre l'activité criminelle dans tous les triages, y compris celui de Toronto. Elle aide aussi à détecter les intrus et à prévenir tout préjudice aux intrus et au personnel de CP. [Non souligné dans l'original]

(12)      Les Services de police ont demandé l'aide des employés de CP en mettant sur pied un programme de sensibilisation des employés, conçu pour maintenir la sécurité dans le milieu de travail de CP en fournissant aux employés les techniques pratiques et les connaissances nécessaires pour faire face sans danger aux intrus et aux situations et objets suspects, et pour signaler efficacement les incidents aux Services de police.

(13)      La plupart des crimes commis contre le chemin de fer, ses employés et ses clients commencent par l'entrée non autorisée d'un intrus.


(iv)       Affidavit de Thomas Wojcik

[41]            Thomas Wojcik travaille présentement à l'unité de mécanique du triage de Toronto. Il est responsable de l'amélioration des services sur le plan de la réduction des coûts et de la rationalisation de l'installation, et il est chargé d'élaborer, de recommander et de mettre en oeuvre des solutions innovatrices pour fournir un lieu de travail sûr aux employés de CP et aux entrepreneurs.

[42]            Monsieur Wojcik a participé de près à l'installation des six caméras numériques. Dans son affidavit, il déclare les points suivants :

(1)        Le triage de Toronto s'étend sur environ quatre kilomètres d'est en ouest et sur environ deux kilomètres du nord au sud. Il couvre 432 acres de terrain et possède deux entrées pour les véhicules.

(2)        Le triage de Toronto est entouré d'un certain nombre de routes publiques et de nombreux complexes industriels sans rapport avec CP. De l'avis de M. Wojcik, en raison de son étendue, il serait difficile, sinon impossible, d'empêcher les intrus d'entrer au triage de Toronto en appliquant des mesures traditionnelles de maintien de l'ordre et de sécurité sans engager des dépenses déraisonnables.


(3)        Le triage de Toronto comprend un réseau compliqué de plus de 144 kilomètres de rails subdivisés en un certain nombre de triages. À l'intérieur du triage de Toronto se trouvent environ 9,5 kilomètres de routes empruntées par les véhicules de CP, des employés, des entrepreneurs et des fournisseurs pour accéder à différents endroits du triage. Ces routes sont aussi empruntées comme raccourci par les intrus et par les [traduction] « "passionnés du chemin de fer" qui viennent au triage de Toronto pour observer les activités des trains » .

(4)        On compte au triage de Toronto environ 900 employés de CP répartis sur trois postes de travail, en plus des équipes de train et des entrepreneurs qui vont et viennent tous les jours au triage.

(5)        À la page 47 du dossier de la défenderesse, M. Wojcik écrit :

[traduction]

16.           L'unité de mécanique est au centre du triage de Toronto et se compose de l'atelier diesel, de l'atelier des voitures, de l'îlot d'entretien diesel, de la station de réparation ponctuelle des voitures, d'un édifice auxiliaire abritant des bureaux et un garage, de plusieurs remises et de postes de carburant. Entre autres, il y a des réservoirs d'huile, des réservoirs de diesel et des réservoirs de méthanol à l'intérieur et aux alentours de l'unité de mécanique.

(6)        Environ 300 personnes assument trois postes de travail à l'unité de mécanique, dont 150 travaillent à l'atelier diesel et les autres à l'atelier des voitures.


(7)        Le triage de Toronto compte 11 caméras opérationnelles qui permettent aux coordinateurs de CP d'évaluer la situation de plusieurs trains dans la gare de triage. Ce sont les caméras « GYO » . Le champ visuel des caméras GYO n'englobe pas l'unité de mécanique ni les lignes principales. En ce qui concerne l'unité de mécanique, cinq caméras de planification des machines diesel servent à coordonner les services d'entretien des locomotives et des voitures. Malgré le zoom et les caractéristiques de panoramique horizontal des caméras de planification, les stationnements de l'unité de mécanique sont généralement en dehors de leur champ visuel.

(8)        En l'espèce, les six caméras en litige sont décrites comme « des caméras de sécurité et de protection fixes non opérationnelles » . M. Wojcik a décrit leurs caractéristiques et leur emplacement, lesquels ont déjà été mentionnés dans les présents motifs.

(v)         Contre-interrogatoires des déposants de CP

[43]            Du contre-interrogatoire de M. Jourdain, je retiens les points suivants :

(1)        À la question de savoir si, avant l'installation du matériel vidéo, CP avait envisagé de clôturer l'ensemble ou une partie du triage de Toronto, M. Jourdain a répondu à la page 63 du dossier du demandeur que cela avait été envisagé dans le passé. Lorsqu'on lui a demandé si des devis estimatifs avaient été dressés, il a répondu à la même page de la transcription :

[traduction]

A.            Je n'ai jamais vu de devis estimatif. Je peux seulement parler avec... discuter avec les directeurs des secteurs de réparation, la police locale, mais comme chacun sait, il est très difficile d'empêcher les gens d'entrer avec des clôtures. CP Rail dépense beaucoup d'argent en clôtures qui n'empêchent personne d'entrer. Les gens les franchissent tout simplement.


Il a confirmé que l'on n'avait pas songé à clôturer seulement l'unité de mécanique.

(2)        Il a confirmé, à la page 65 du dossier du demandeur, que CP pourrait être tenue responsable envers GM si GM perdait des outils et si cette perte résultait d'une négligence ou d'une omission de la part de CP, et que la responsabilité de CP dépendrait des circonstances.

(3)        Il a déclaré que CP avait estimé les coûts liés à l'embauche de gardes de sécurité pour faire patrouiller l'unité de mécanique et a confirmé qu'étant donné le coût estimatif de 30 000 $ de l'installation des caméras vidéo, l'embauche des gardes de sécurité représentait une option beaucoup plus coûteuse (dossier du demandeur, page 69). Il ne se rappelait pas exactement quels étaient les devis estimatifs.

(4)        À la page 70 du dossier du demandeur, il a confirmé que les caméras captaient des images des employés qui arrivaient dans leur zone de travail particulière ou en sortaient, même si les caméras n'étaient pas pointées vers des zones de travail. M. Jourdain a ajouté qu'elles enregistraient aussi des images des visiteurs, des entrepreneurs et de quiconque se trouvait à ces endroits.

(5)        On lui a demandé si des incidents particuliers avaient donné lieu à l'installation des caméras. M. Jourdain a offert la réponse suivante à la page 75 du dossier du demandeur :

[traduction]


A.            Je suppose que je me préoccupe davantage de la situation dans son ensemble. Et vu les changements apportés dans l'infrastructure et dans la façon de gérer les locomotives et de [...] je devais aussi tenir compte des changements dans l'unité de mécanique, du changement des planificateurs, de la structure du bâtiment, du nouveau matériel. Pas seulement notre matériel, mais celui de CP, d'OmniTrax, de GM. Ma préoccupation était plus générale. Je cherchais à protéger les intérêts de tout le monde dans l'unité de mécanique.

(6)        Aux pages 76 et 77 du dossier du demandeur, il a confirmé que les intrus qui traversent le triage de Toronto au volant de leur véhicule peuvent être filmés par les caméras vidéo.

(7)        Lors du réinterrogatoire, on lui a demandé si le clôturage de l'unité de mécanique serait efficace contre le vandalisme et le vol. Il a répondu qu'il serait très difficile de clôturer l'unité de mécanique à cause des rails et des routes qui vont dans les deux sens (dossier du demandeur, pages 98 et 99). Il a conclu que le clôturage de l'unité de mécanique ne serait pas réalisable en raison des activités de CP au triage de Toronto.

(8)        À la page 100 du dossier du demandeur, il a confirmé que des employés de CP avaient déposé des plaintes concernant le harcèlement en milieu de travail conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, en plus des deux plaintes dont il parlait dans son affidavit.

(9)        Également au réinterrogatoire, il a déclaré que les menaces terroristes après le 11 septembre avaient eu une incidence sur l'emplacement des caméras (dossier du demandeur, pages 101 et 102).

(10)      À la page 102 du dossier du demandeur, il a exprimé l'opinion que les caméras auraient été utiles dans l'enquête menée sur la perte du matériel et le vandalisme mentionnés dans son affidavit.


[44]            Du contre-interrogatoire de Gerry Moody, je retiens les points suivants :

(1)        Son personnel comprenait 70 policiers, dont neuf à Toronto, et aucun policier n'était affecté au triage (dossier du demandeur, pages 159 et 160).

(2)        Il n'a pas été consulté au sujet de l'installation de caméras vidéo de surveillance capables d'enregistrer au triage de Toronto (dossier du demandeur, page 162).

(3)        Il a confirmé qu'à cause de la réduction des ressources du maintien de l'ordre à l'intérieur de CP, cette dernière employait, à l'occasion, des gardes de sécurité ailleurs qu'au triage de Toronto (dossier du demandeur, pages 161, 162 et 163).

(4)        Il estimait les dépenses liées à l'embauche d'un agent de police, y compris le matériel, à environ 125 000 $, en ajoutant, à la page 167 du dossier du demandeur, que même si CP engageait cinq agents à plein temps pour le triage de Toronto, les caméras seraient toujours nécessaires parce qu'elles [traduction] « jouent un rôle de soutien très important dans la sécurité de n'importe laquelle de nos installations où elles sont présentes » . Cela est dû au fait que les agents de police patrouillent la propriété et sont constamment appelés à se déplacer. Les caméras sont là quand les agents de police ne se trouvent pas sur les lieux.


(5)        En ce qui concerne l'utilisation des caméras par la police, il a déclaré à la même page que, si un incident se produisait au triage de Toronto, la police serait en mesure [traduction] « d'examiner les enregistrements dans le cadre de l'enquête, de sorte qu'ils deviennent une aide pour la police. De plus, la seule présence des caméras est un moyen de dissuasion en tout premier lieu » .

[45]            Du contre-interrogatoire de Rohan Gosine, je retiens les points suivants :

(1)         Il a confirmé que l'un des cas d'agression sexuelle avait eu lieu à l'intérieur de l'atelier diesel et à l'extérieur, dans un débit de boissons.

(2)        À la page 116 du dossier du demandeur, il a confirmé que les caméras captaient des images des employés qui se rendent à leur lieu de travail. Tout en niant que les caméras enregistraient des images de certains ou de tous les employés pendant qu'ils étaient au travail, il a reconnu que les caméras pouvaient montrer un employé en train de travailler s'il se trouvait dans leur champ visuel. Par exemple, si un employé conduisait un chariot élévateur à fourche ou transportait des pièces, ou encore si l'on effectuait des travaux de réparation et d'entretien à l'extérieur des ateliers de réparation (dossier du demandeur, page 116).

(3)        Il a confirmé que les caméras montraient des employés quittant le bâtiment jusqu'à ce qu'ils se trouvent hors de leur champ de vision.

[46]            Du contre-interrogatoire de Thomas Wojcik, je retiens les points suivants :

(1)        Il a convenu que les caméras produisaient des images identifiables des personnes montrées (dossier du demandeur, page 141).

(2)        Il a confirmé que le matériel d'enregistrement et le moniteur se trouvaient dans une armoire verrouillée, mais que personne d'autre n'en avait la clé (dossier du demandeur, pages 141 et 142).

(3)        Il a convenu que les caméras montraient au moins quelques employés arrivant à leur lieu de travail, quittant leur lieu de travail et, à l'occasion, exécutant le travail lui-même (dossier du demandeur, page 143).

(b)        Pour le demandeur     

(i)         Affidavit de M. Corriveau

[47]            Erwin Eastmond, le demandeur, n'a pas signé d'affidavit pour appuyer sa requête. L'affidavit provient plutôt d'André Corriveau, employé de CP depuis 1972 et président responsable de représenter les employés de l'atelier diesel.


[48]            Selon la description de M. Corriveau, CP exploite un chemin de fer de classe 1 entièrement intégré qui fournit des services de transport par rail et intermodaux sur un réseau de 14 000 milles dans l'ensemble du Canada, ainsi que dans le Midwest et le nord-est des États-Unis. Il a décrit le triage de Toronto, le nombre d'employés, les tâches exécutées par les employés, en confirmant qu'il y avait trois postes de travail à l'atelier diesel et à l'atelier des voitures, ces postes allant de 7 h ou 8 h à 15 h ou 16 h, de 15 h ou 16 h à 23 h ou minuit et de 23 h ou minuit à 7 h ou 8 h.

[49]            Les travailleurs employés à l'atelier des voitures et à l'atelier diesel arrivent au travail en autobus ou en voiture et disposent d'un stationnement. Le trajet du stationnement jusqu'à l'atelier des voitures et à l'atelier diesel se fait à pied.

[50]            Bien que CP ait une police formée d'agents spéciaux du chemin de fer, CP n'affecte pas ces agents dans les ateliers ni aux alentours au triage de Toronto. M. Corriveau n'avait connaissance d'aucune règle ou circonstance empêchant CP d'affecter ces agents à ces endroits.

[51]            Au paragraphe 19 de son affidavit, M. Corriveau déclare ceci :

[traduction]

19.           Ces 30 derniers mois, la défenderesse ne m'a signalé, puisque j'occupe les fonctions de principal représentant syndical à l'atelier diesel, aucun problème notable, aucune tendance ni aucun événement inhabituel concernant le vol d'articles personnels des travailleurs dans l'atelier diesel.


[52]            À propos des superviseurs contractuels de GM et Omni-Trax dans l'atelier diesel, il déclare que ni l'un ni l'autre des cadres de ces entreprises [traduction] « ne m'ont fait part de préoccupations quelconques concernant le vol des biens de leur entreprise ou le manque de sécurité dans leurs activités » . Il a mentionné que [traduction] « ce sont ces entreprises qui fournissent aux travailleurs de CP de l'atelier diesel les outils et le matériel de sécurité requis pour faire leur travail » .

[53]            Au paragraphe 25 de la page 20 du dossier du demandeur, M. Corriveau déclare :

[traduction]

25.           En tant que délégué syndical responsable, je suis en mesure de signaler qu'au cours des 40 derniers mois, aucun travailleur n'a été renvoyé de l'atelier diesel pour possession de drogues et/ou d'alcool, ni pour avoir pris part à des bagarres ou à des actes semblables d'agression ou de violence.

[54]            Avant son départ en vacances, au début de décembre 2001, aucun agent ou représentant de CP ne lui a parlé d'un plan quelconque pour installer des caméras de surveillance ni de la nécessité de le faire, et personne n'en a parlé à son collègue de l'atelier des voitures.

[55]            Aux paragraphes 29 et 30 des pages 21 et 22 du dossier du demandeur, il écrit :

[traduction]

29. Je confirme qu'avant l'installation des caméras vidéo de surveillance contestées, la société ne m'a jamais fait part de préoccupations quelconques concernant la fréquence accrue des actes dangereux dans le lieu de travail et aux alentours.

30. À mon avis, il n'y a pas eu de comptes rendus irréguliers, excessifs ou accrus concernant des événements ou actes dangereux dans le lieu de travail et aux alentours ces trois dernières années.

[56]            Il a confirmé que le demandeur avait déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée le 17 janvier 2002.

[57]            Le 27 janvier 2002, M. Corriveau a déposé un grief relativement à l'affaire auprès de Blaine Forbes, directeur des Ressources humaines de CP. Par la suite, le 29 janvier 2002, le syndicat a expliqué les grandes lignes de ses préoccupations dans un exposé des griefs de deuxième palier présenté au directeur général de l'Exploitation de CP, au triage de Toronto.

[58]            Le 21 mars 2002, CP a répondu au grief relatif aux préoccupations du syndicat concernant la surveillance par caméra. Dans sa réponse, CP répétait les raisons pour lesquelles elle avait décidé de poser un système de caméras vidéo dans les installations de Toronto. Ces raisons se rapportaient à des incidents survenus au cours des mois précédents, soit le vol d'une machine à souder, à des actes de vandalisme perpétrés en forçant des portes verrouillées, à des plaintes récentes au sujet de vols de matériel, à la responsabilité de CP en cas de préjudice porté à des tiers, à l'augmentation de la circulation des tiers dans les zones principales à cause des ententes de réparation au titre des garanties, à des plaintes liées à la présence de personnel non autorisé sur la propriété et à l'accroissement de la sécurité dans les stationnements, en particulier pour le personnel féminin en dehors des postes de travail de jour.

[59]            Monsieur Corriveau a ensuite fait allusion à la désignation de M. Kie Delgaty au poste d'enquêteur concernant la plainte de M. Eastmond. M. Delgaty s'est rendu au triage de Toronto le 11 juillet 2002 pour y rencontrer M. Corriveau, M. Eastmond et un autre représentant syndical, au cours d'une réunion qui a duré environ 90 minutes. M. Corriveau déclare, au paragraphe 42 de son affidavit (dossier du demandeur, page 25) :

[traduction]

42.           Monsieur Delgaty nous a interrogés. Le demandeur a expliqué que les caméras de surveillance contestées ne sont ni conçues, ni utilisées pour assurer la sécurité des ouvriers de gare de triage en ce qui concerne les déplacements des wagons porte-rails ou des locomotives. On a expliqué à M. Delgaty que la société possède un système sophistiqué de communications radio qui sert à régler de façon sûre le déplacement des wagons porte-rails et des locomotives.

[60]            Monsieur Delgaty a visité l'atelier diesel et a vu au moins deux des caméras de surveillance contestées. M. Corriveau a cru comprendre que M. Delgaty a aussi rencontré des représentants de CP le 11 juillet 2002.

[61]            Monsieur Corriveau a confirmé que les caméras ne pivotaient pas et que le moniteur n'était pas conçu pour afficher des images en direct et n'était accessible à personne sauf au directeur de l'atelier diesel. Les caméras ne suivent pas les wagons porte-rails ou les locomotives qui se déplacent dans la gare de triage.

[62]            Selon M. Corriveau, M. Delgaty est venu au triage de Toronto le 19 novembre 2002 et à cette occasion, l'enquêteur a rencontré les représentants du syndicat et ceux de l'entreprise.

[63]            Monsieur Delgaty a posé quatre questions aux personnes présentes pour connaître leur avis. La première question était la suivante :

Quel problème l'utilisation des caméras de surveillance est-elle censée régler?

[64]            Le représentant de CP a affirmé que le système de caméras de surveillance visait à régler le problème du vandalisme, ce à quoi M. Corriveau a répondu, au nom du demandeur et du syndicat, que l'entreprise n'avait signalé aucun problème particulier de vandalisme au syndicat dans le passé.

[65]            La deuxième question de M. Delgaty était la suivante :

L'utilisation de ce système de caméras de surveillance dans l'entreprise résoudra-t-elle le problème déterminé?

[66]            Selon M. Corriveau, le représentant aurait répondu par l'affirmative, mais aucune donnée ni aucun compte rendu ne justifiait une telle réponse.

[67]            La troisième question de M. Delgaty était la suivante :

L'atteinte à la vie privée en question est-elle justifiée par le problème déterminé?

[68]            Selon M. Corriveau, le représentant de l'entreprise a répondu par l'affirmative, en proposant que l'entreprise prépare et soumette un rapport concernant le vandalisme sur les lieux de travail de CP, au triage de Toronto. Il déclare que ni le syndicat ni le demandeur n'avait reçu un tel rapport.

[69]            La quatrième question de M. Delgaty était la suivante :

Existe-t-il un autre moyen de résoudre le problème?

[70]            Selon M. Corriveau, l'un des représentants de CP a affirmé que la direction de CP avait réduit le personnel policier et les services de police connexes, et que CP avait notamment décidé de poser un système de surveillance parce qu'il était plus économique et productif d'employer des caméras que les agents de police.


(ii)        Contre-interrogatoire de M. Corriveau

[71]            Du contre-interrogatoire de M. Corriveau, je retiens les points suivants :

(1)        Monsieur Corriveau est président de l'atelier diesel et il n'a généralement pas affaire aux employés de l'atelier des voitures, qui a aussi son président, (dossier de la défenderesse, page 151).

(2)        Le demandeur est représentant des droits de la personne à l'atelier diesel.

(3)        Monsieur Corriveau a admis, à la page 176 du dossier de la défenderesse, que les cadres de GM, de GE et d'Omni-Trax n'étaient nullement obligés de lui parler des vols et du vandalisme.

(4)        Il a convenu que, si aucun travailleur n'avait été renvoyé de l'atelier diesel pour possession de drogues, d'alcool, etc., certains avaient cependant été punis pour cette même raison (dossier de la défenderesse, pages 176 et 177).

(5)        Il a convenu que rien, dans la convention collective, n'obligeait CP à lui parler de tout projet d'installer un système de caméras de surveillance (dossier de la défenderesse, page 181).

(6)        Il a convenu que le niveau de sensibilité aux menaces était plus élevé depuis le 11 septembre (dossier de la défenderesse, page 184).

(7)        Sa remarque voulant que les incidents n'aient pas augmenté se limitait à l'atelier diesel.


(8)        Au sujet de la lettre de M. Forbes, il a nuancé sa remarque voulant que le système vidéo soit utilisé contre les employés. Ce qu'il a retenu des propos de M. Forbes était que, si un travailleur faisait ce qu'il était censé faire, il n'aurait rien à craindre du système vidéo (dossier de la défenderesse, page 187).

(9)        Monsieur Corriveau a été interrogé à plusieurs reprises au sujet de sa rencontre avec M. Delgaty, CP et M. Eastmond. Il a convenu qu'il était possible que le porte-parole de CP n'ait pas limité la nécessité des caméras de surveillance au vandalisme. C'était ce dont il se souvenait, mais il n'avait pas de notes et ne pouvait pas confirmer cette opinion.

(10)      Il a confirmé que le syndicat représentait M. Eastmond aux fins de la requête (dossier de la défenderesse, page 198). Il a confirmé que le syndicat avait déposé un grief au sujet de l'installation des caméras de surveillance. C'était en fait lui qui, à titre de délégué syndical, avait déposé ce grief. Il a confirmé l'avoir fait par crainte que la pose des caméras vidéo de surveillance ne constitue un manquement à la convention collective (dossier de la défenderesse, page 201). Il a aussi confirmé que le grief n'avait rien à voir avec les caméras opérationnelles.

(11)      Il a confirmé que le grief avait été déposé le 15 janvier 2002 (dossier de la défenderesse, page 204).


(12)      Il a confirmé que le demandeur avait déposé sa plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée deux jours après le dépôt du grief, et que le grief et la plainte se rapportent aux mêmes caméras.

(13)      Il a confirmé qu'il n'avait pas porté le grief au deuxième palier (dossier de la défenderesse, page 204). Son mandat ne lui permettait pas de le faire; c'était la responsabilité du vice-président. Il a confirmé que le vice-président avait amorcé la procédure du deuxième palier.

QUESTIONS LITIGIEUSES SOULEVÉES

(a)        Question 1 : Compétence

[72]            CP déclare que la présente Cour n'a pas compétence (ou devrait la décliner) pour entendre la requête du demandeur parce que le commissaire à la protection de la vie privée n'avait pas compétence pour recevoir la plainte du demandeur.

[73]            L'essentiel de la plainte de M. Eastmond auprès du commissaire à la protection de la vie privée, son caractère essentiel, selon CP, dénote un conflit en milieu de travail découlant de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de la violation de la convention collective conclue entre CP et le syndicat.

[74]            Dans les circonstances, en invoquant diverses dispositions du Code canadien du travail, CP maintient que le différend donne lieu au modèle exclusif d'arbitrage du travail adopté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929.

[75]            L'avocat du demandeur et l'avocat du commissaire à la protection de la vie privée ne sont pas d'accord. Ils invoquent la compétence légale de la présente Cour en vertu de l'article 14 de la LPRPDE. Ils invoquent également le paragraphe 13(2) de la même loi, selon lequel le commissaire n'est pas tenu de préparer un rapport s'il est persuadé que le plaignant devrait d'abord épuiser toutes les procédures de grief ou de révision raisonnablement accessibles. Selon eux, l'affaire Weber, précitée, ne s'applique pas en l'occurrence, et ils citent en outre plusieurs affaires concernant le principe de la compétence concurrente dans un double régime de réglementation comme celui-ci.

(b)        Question 2 : Nature de l'instance

[76]            L'un des points soulevés consistait à déterminer le genre d'instance dont la Cour était saisie en vertu de l'article 14 de la LPRPDE et la considération qu'il fallait accorder aux conclusions du commissaire à la protection de la vie privée.

[77]            L'avocat de CP et celui du commissaire à la protection de la vie privée affirment tous deux que l'instance qui occupe la Cour est une audition de novo fondée sur de nouveaux éléments de preuve. La requête adressée à la présente Cour par le plaignant vise à déterminer si CP a manqué à ses obligations en matière de vie privée en vertu de la LPRPDE. Selon l'avocat du commissaire à la protection de la vie privée, il faudrait accorder une certaine déférence à la décision du commissaire à la protection de la vie privée dans son propre domaine de compétence, tandis que CP n'accorde en l'espèce aucun poids à la décision du commissaire à la protection de la vie privée parce que, selon elle, le commissaire a fait erreur sur des points importants.

[78]            La position de l'avocat du demandeur dans la présente audition tient au contrôle judiciaire, la norme de contrôle du commissaire à la protection de la vie privée étant celle de la décision raisonnable simpliciter.

(c)        Question 3 : CP a-t-elle manqué à ses obligations en vertu de la LPRPDE?

[79]            En abordant cette question fondamentale sur le fond, toutes les parties étaient remarquablement d'accord sur un certain nombre de points.

[80]            Elles ont convenu qu'avant de décider si CP avait manqué à ses obligations en vertu de la LPRPDE, la Cour devait d'abord traiter deux sous-questions : les fins visées par CP étaient-elles acceptables et CP avait-elle besoin du consentement du demandeur pour recueillir des renseignements personnels sur lui?

[81]            La première sous-question consiste à savoir si les fins de CP en installant le système de surveillance dans la zone de l'unité de mécanique au triage de Toronto étaient légitimes, compte tenu qu'en vertu de la LPRPDE, CP ne peut recueillir des renseignements personnels à moins que, de manière objective, une personne raisonnable n'estime les raisons de cette surveillance acceptables ou légitimes dans les circonstances.

[82]            Toutes les parties conviennent que, pour déterminer la question des fins, dans le cas de la surveillance avec des caméras, le critère en quatre points conçu par le commissaire à la protection de la vie privée constitue une base analytique convenable.


[83]            Le désaccord du demandeur et de CP revient à la question de savoir si la preuve qui se trouve devant moi suffisait pour permettre à CP de s'acquitter de son fardeau. CP affirme s'être acquittée de ce fardeau pour deux raisons : le commissaire s'est trompé dans l'évaluation des faits et son examen n'était pas assez approfondi. Ce qui est plus important, selon CP, c'est que j'ai devant moi des preuves supplémentaires que le commissaire à la protection de la vie privée n'avait pas.

[84]            L'avocat du demandeur maintient que la preuve qui se trouvait devant le commissaire à la protection de la vie privée et qui se trouve devant moi indique manifestement que CP n'avait aucune raison acceptable d'installer le système de caméras de surveillance et avait évidemment omis d'envisager d'autres solutions que ce dispositif importun.

[85]            Le commissaire à la protection de la vie privée n'a adopté aucune position pour déterminer si la preuve devant lui, ou devant moi, satisfaisait au critère en quatre points.

[86]            En ce qui a trait à la sous-question 2 qui porte sur le consentement, CP maintient qu'en vertu de la LPRPDE, elle n'avait pas besoin du consentement du demandeur pour installer les caméras de surveillance. L'observation de CP repose d'abord sur la formulation de la clause 4.3 du code type de la CSA, lequel prévoit une exception à la condition voulant que la collecte de renseignements personnels ne s'effectue qu'avec le consentement éclairé de l'intéressé. En vertu de cette exception, le consentement éclairé serait inopportun. CP a indiqué un certain nombre de facteurs expliquant pourquoi il serait inopportun, en l'espèce, d'obtenir le consentement de toutes les personnes filmées par les caméras vidéo de surveillance.


[87]            Pour appuyer son observation, CP maintient que de toute manière, elle est admissible aux exemptions prévues par les dispositions de l'alinéa 7(1)b) de la Loi elle-même, sous le titre descriptif « Collecte à l'insu de l'intéressé et sans son consentement » .

[88]            Sur la question de l'interprétation de la loi, les avocats du demandeur et du commissaire à la protection de la vie privée ne sont pas d'accord avec le caractère indépendant que CP voudrait attribuer aux mots « à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire » , à la clause 4.3 du code type contenu dans l'annexe 1. Ils soutiennent que cette expression est liée à l'article 7 et que cet article autorise et énonce les quatre seules exceptions où la connaissance et le consentement ne sont pas appropriés. Selon eux, aucune de ces exemptions ne s'appliquait.

ANALYSE

Question 1 : Compétence

[89]            Il existe un certain nombre de raisons pour rejeter la contestation de CP concernant la compétence.

[90]            Premièrement, en ce qui a trait à la compétence de la présente Cour, elle est établie par la loi. À l'exercice de cette compétence, l'article 14 de la LPRPDE ne pose que deux conditions préalables :

(1)        un demandeur adressant à la Cour une demande d'audition;

(2)        toute question qui a fait l'objet de la plainte ou qui est visée dans le rapport du commissaire.

Les deux conditions sont remplies.

[91]            Dans l'arrêt Maheu c. IMS Health Canada, 2003 CAF 462, affaire qui vise la LPRPDE, le juge Evans s'exprime de la façon suivante au paragraphe 6 de ses motifs :

¶ 6       Il est admis que M. Maheu avait qualité pour déposer sa plainte devant le commissaire à la protection de la vie privée. S'il avait qualité pour déposer une plainte devant le commissaire, alors il avait certainement qualité pour demander le contrôle judiciaire de la décision rendue par le commissaire quant à sa plainte. Le commissaire n'a pas rejeté la plainte en raison du mobile de l'intimé, même si le commissaire peut refuser de dresser un rapport s'il est convaincu que la plainte « est futile, vexatoire ou entachée de mauvaise foi » (LPRPDE, alinéa 13(2)d)).

[92]            Deuxièmement, en ce qui concerne le commissaire à la protection de la vie privée, je ne crois pas que le modèle d'arbitrage exclusif adopté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Weber, précité, s'applique de quelque façon que ce soit en l'espèce.


[93]            Le principe de l'arrêt Weber, précité, et d'autres affaires subséquentes se fonde sur l'intention du législateur, soit sur une disposition législative telle qu'elle existe dans le Code canadien du travail, qui stipule que tout différend découlant d'une convention collective sera résolu par arbitrage exécutoire.

[94]            Dans l'arrêt Weber, précité, un syndicat avait déposé des griefs à l'encontre de la suspension de M. Weber. Entre-temps, M. Weber avait entamé une poursuite en dommages-intérêts parce qu'Ontario Hydro avait engagé des enquêteurs privés pour le faire surveiller.

[95]            L'affaire dont je suis saisi ne concerne pas l'intention du législateur dans une poursuite ordinaire. Ce qui nous occupe en l'espèce, ce sont deux régimes législatifs : l'un prévu par la LPRPDE et l'autre imposé par le Code canadien du travail, situation à laquelle était confrontée la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Ford Motor Company of Canada v. Ontario (Human Rights Commission), [2001] O.J. No. 4937, où les dispositions de la Loi sur les droits de la personne de l'Ontario et du code du travail de l'Ontario entraient en ligne de compte. Malgré le fait qu'un arbitre ait décidé dix ans auparavant que le renvoi du plaignant était justifié, une commission d'enquête établie en vertu de la Loi sur les droits de la personne a statué sur sa compétence à entendre le cas et ordonné la réintégration du plaignant.

[96]            La juge d'appel Abella invoque la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, pages 373 et 374. Ses motifs sont ainsi rédigés au paragraphe 45 :

[traduction]

¶ 45       La même analyse s'applique lorsque le conflit de compétence survient entre des tribunaux. Le juge Bastarache a déclaré aux p. 373 et 374 de l'affaire Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioner, [2000] 1 R.C.S. 360 :

        Avant d'analyser le champ d'application de la convention collective, il importe de reconnaître que, dans l'arrêt Weber, notre Cour a été appelée à choisir qui des arbitres ou des tribunaux a compétence pour entendre le litige. En l'espèce, The Police Act et le Règlement forment un autre régime législatif qui régit également les rapports entre les parties. Comme je l'ai déclaré précédemment, le modèle de la compétence exclusive a été adopté afin de garantir que l'attribution de compétence à une instance décisionnelle que n'avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime législatif en cause. Il faut donc se demander si le législateur a voulu que le présent litige soit régi par la convention collective ou par The Police Act et le Règlement. [...] [L]e modèle décrit dans Weber s'applique quand il faut déterminer lequel de deux régimes législatifs concurrents devrait régir le litige. [Non souligné dans l'original]

[97]            Elle poursuit en déclarant qu'afin de déterminer si l'arbitre avait compétence exclusive quant aux plaintes de M. Naraine en matière de droits de la personne, il fallait considérer le caractère essentiel du différend et le lieu où le législateur entendait qu'il soit résolu. Selon elle, on constate régulièrement que la législation liée aux droits de la personne occupe une place particulièrement protégée dans la sphère juridique. Bénéficiant d'un statut quasi constitutionnel, elle ne peut être outrepassée que par un langage législatif clair et sans équivoque. La juge d'appel Abella poursuit dans les termes suivants au paragraphe 48 de ses motifs :


[traduction]

¶ 48       La jurisprudence et la théorie permettent de conclure que le corps législatif n'avait pas l'intention de laisser aux arbitres du travail une compétence exclusive dans les questions de droits de la personne. Par exemple, dans l'arrêt Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services, A.F.P.C., [1990] 1 R.C.S. 1298, à la p. 1320, la Cour suprême du Canada a déclaré, à titre de remarque incidente :

[...] Dans d'autres cas, comme dans le contexte de la violation des droits de la personne, bien que la Loi puisse s'appliquer, il est possible que le manquement ne puisse être qualifié exclusivement, à juste titre, de question de relations de travail. Dans ces circonstances, le fondement de la compétence peut être ailleurs.

[98]            Elle conclut que les deux régimes législatifs sont concurrents et censés être applicables.

[99]            Le commissaire à la protection de la vie privée a insisté sur la position selon laquelle la LPRPDE et le Code canadien du travail sont concurrents, sans que l'un ne supplante l'autre. D'après l'affaire Ford Motor Company, précitée, et une trilogie de décisions du juge Vancise, de la Cour d'appel de la Saskatchewan, dans les affaires Dominion Bridge Inc. v. Routledge (1999) 173 D.L.R. (4th) 624, Prince Albert (District Health Board ) v. Saskatchewan (Occupational Health and Safety), [1999] 173 D.L.R. (4th) 588 et Cadillac Fairview Corp. v. Saskatchewan Human Rights Commission [1999] S.J. No. 217, je conviens que l'intention du Parlement n'était pas d'exclure les travailleurs syndiqués du champ d'application de la LPRPDE. Je constate aussi, pour les motifs exprimés ci-dessus, que l'essentiel du différend ne découle pas de la convention collective.

[100]        Je n'hésite pas à classer la LPRPDE parmi les lois fondamentales du Canada, tout comme la Cour suprême du Canada a jugé que la Loi sur la protection des renseignements personnels bénéficiait d'un statut quasi constitutionnel (voir les motifs du juge Gonthier dans l'affaire Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), [2002] 2 R.C.S. 773, aux paragraphes 24 et 25).

[101]        Je n'ignore pas la décision L'Écuyer c. Aéroports de Montréal, 2003 CFPI 573, dans laquelle le juge Pinard a appliqué le jugement Weber, précité, pour rejeter une demande en vertu de l'article 14 de la LPRPDE en partant du principe que l'arbitre avait compétence exclusive sur le différend parce que l'essentiel du différend découlait de la convention collective.

[102]        Pour les motifs établis ci-dessous, je suis d'avis que cette affaire se distingue de la présente espèce sur le point de la nature essentielle du différend qui divise les parties. Je souligne aussi que le juge Pinard n'a pas eu l'avantage d'entendre des observations complètes : le demandeur assurait lui-même sa représentation et le commissaire à la protection de la vie privée n'est pas intervenu.


[103]        L'avocat de CP a aussi invoqué la décision du juge Blais dans l'affaire Englander c. Telus Communications Inc., 2003 CFPI 705. À l'évidence, le juge Blais avait raison en déclarant qu'en vertu de la LPRPDE, la Cour n'avait aucune compétence concernant les tarifs pour un numéro non publié à cause du mandat donné au CRTC par le Parlement quant à l'établissement de tels tarifs. Cette décision du juge Blais ne fait pas appel à l'analyse de l'affaire Weber, précitée.

[104]        Je considère plus juste la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Société Radio-Canada c. Paul (1re inst.),[1999] 2 C.F. 3. Je remarque que la Cour d'appel fédérale a infirmé cette décision, mais pas sur le point qui nous occupe (voir 2001 CAF 93). L'une des questions dont la juge Tremblay-Lamer était saisie consistait à savoir si l'arbitre avait compétence exclusive sur une plainte découlant d'une présumée violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne lorsque la conduite contestée était interdite par la convention collective, laquelle contenait une clause d'arbitrage. Elle a jugé que l'affaire Weber, précitée, ne s'appliquait pas parce que la Cour suprême du Canada n'y abordait pas la situation dans laquelle le législateur confère une compétence concurrente à une autre tribune.

[105]        La juge Tremblay-Lamer s'est concentrée sur le paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne,qui prévoit que la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie àmoins qu'elle estime celle-ci irrecevable parce que la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts. Cette clause est rédigée de manière identique à l'alinéa 13(2)a) de la LPRPDE.

[106]        La juge Tremblay-Lamer rédige ses motifs de la façon suivante aux paragraphes 40, 41, 42, 43, 44 et 45 :

¶ 40       Le paragraphe 41(1) de la LCDP confère clairement à la Commission des droits de la personne la compétence voulue pour instruire toute plainte découlant d'une convention collective, à moins que celle-ci ne décide que la procédure de règlement des griefs doit être épuisée.

¶ 41       Compte tenu du libellé de la Loi, il est difficile de soutenir que le législateur avait l'intention de limiter la compétence de la Commission. Je remarque que la loi renferme un certain nombre de dispositions restreignant la compétence de la Commission et que chaque restriction a été libellée en termes exprès.

¶ 42       La question de l'interprétation de la loi a été clairement énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. McIntosh. La Cour suprême a confirmé que les lois doivent être interprétées d'une façon compatible avec leur sens ordinaire et que la loi est censée exprimer complètement ce que le législateur entendait dire.

[...] une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un seul sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation.

                                                                     [. . .]

        La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi; celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire [...]

Le ministère public demande à notre Cour d'inclure dans le par. 34(2) des termes qui ne s'y trouvent pas. À mon avis, cela équivaudrait à modifier le par. 34(2), ce qui constitue une fonction législative et non judiciaire. L'analyse contextuelle ne justifie aucunement les tribunaux de procéder à des modifications législatives. [Voir la note 15 ci-dessous] [Note 15 : R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, aux par. 18 et 26, p. 697 et 701.]

¶ 43       En l'espèce, la loi est tout à fait claire : en vertu de l'article 41 de la LCDP, la Commission décide si le plaignant doit épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs, ou si l'affaire peut avantageusement être instruite en vertu d'une autre loi fédérale.

¶ 44       Il s'agit ensuite de savoir si l'article 57 du Code canadien du travail peut être interprété comme une exception à la compétence de la Commission.


¶ 45       La demanderesse demande à la Cour d'interpréter les arrêts Weber [voir la note 16 ci-dessous] et St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co c. Syndicat canadien des travailleurs du papier (Section locale 219) [voir la note 17 ci-dessous], comme permettant d'exclure tout autre tribunal aux fins du règlement des désaccords découlant d'une convention collective. Je ne suis pas d'accord. Dans l'arrêt St. Anne Nackawic, la Cour dit que l'arbitrage « constitue une partie intégrante de ce régime et est clairement la juridiction que la législature préfère pour le règlement des litiges qui résultent des conventions collectives » [soulignement ajouté] [Voir la note 18 ci-dessous]. Toutefois, dans cette affaire-là, la Cour n'examinait pas une loi comme la LCDP dans laquelle le législateur a clairement conféré compétence à un autre tribunal à l'égard des litiges découlant de présumés actes discriminatoires.

[107]        Elle étaye encore ses motifs en déclarant que l'article 41 de la Loi canadienne sur les droits de la personne a été édicté après l'article 57 du Code canadien du travail et que la règle est claire dans un tel cas. La disposition antérieure est abrogée par voie de conséquence dans la mesure où elle confère compétence exclusive à un arbitre dans des questions expressément confiées par le corps législatif à la Commission canadienne des droits de la personne.

[108]        Selon les décisions Weber et Regina (Ville), précitées, lorsque le caractère essentiel du différend survenu entre les parties découle explicitement ou implicitement de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de la violation d'une convention collective, le différend, si le corps législatif s'est exprimé dans ce sens, relève de la compétence exclusive de l'arbitre.

[109]        Pour déterminer la caractéristique essentielle du différend, le décideur examine la nature du différend dans le contexte factuel où il est survenu et dans le champ d'application de la convention collective.


[110]        Je n'ai aucune hésitation à établir que la caractéristique essentielle du différend survenu entre le demandeur et CP est la plainte déposée par le demandeur à l'encontre de CP, plainte voulant que CP ait enfreint la LPRPDE en recueillant des renseignements personnels grâce à des caméras de surveillance sans le consentement du demandeur.

[111]        À l'évidence, la matrice des faits qui entourent la plainte déposée par le demandeur auprès du commissaire à la protection de la vie privée est la collecte des renseignements personnels. Le demandeur a expressément invoqué la LPRPDE dans sa plainte.

[112]        Il est vrai qu'André Corriveau a déposé un grief en vertu de la convention collective et invoqué les articles 28 (qui concerne les griefs) et 43 (qui concerne les droits de la personne) de la convention collective, comme l'a fait Guy Lemire au deuxième palier du grief. Ils invoquaient eux aussi une violation de la LPRPDE.

[113]        CP a rejeté le grief le 21 mars 2002, en déclarant au dossier du demandeur, à la page 40 :

[traduction]

Je dois préciser que rien dans la convention collective 101 ne vise explicitement la question de la surveillance vidéo, et que je ne vois pas comment les règles 28 et 43 ont été enfreintes dans cette situation, comme vous le suggérez.


[114]        J'ai examiné le champ d'application de l'article 43 de la convention collective. Conformément à l'article 43, CP et le syndicat conviennent qu'aucune discrimination, ingérence, restriction ou coercition ne sera permise dans le milieu de travail concernant la race, la nationalité ou l'origine ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation familiale, l'orientation sexuelle, l'invalidité ou une condamnation ayant fait l'objet d'un pardon. D'après le paragraphe suivant, CP et TCA reconnaissent le harcèlement ou le harcèlement sexuel comme un comportement inacceptable qui ne sera pas toléré dans le milieu de travail. Je ne vois rien à l'article 43 concernant les renseignements personnels et la façon dont ils peuvent être recueillis au travail. L'avocat de CP a concédé ce point à l'audition.

[115]        Par conséquent, je conclus que le différend survenu entre CP et le demandeur ne découle pas de la convention collective et que, si un arbitre avait été désigné, il n'aurait eu aucune compétence.

[116]        Je dois faire une autre remarque. En promulguant l'alinéa 13(2)a) de la LPRPDE, le Parlement entendait donner au commissaire à la protection de la vie privée la discrétion voulue pour examiner une plainte ou la déférer s'il considère approprié que le plaignant épuise les recours de règlement des griefs.

[117]        À mon avis, le défendeur contre qui une plainte est déposée doit à la première occasion aborder la question avec le commissaire à la protection de la vie privée si le défendeur croit qu'une autre procédure de révision s'offre à lui. Le défendeur n'a pas le droit de soulever la possibilité d'une autre révision lorsque le commissaire à la protection de la vie privée a produit son rapport. Il est alors trop tard pour alléguer la question de la compétence en s'appuyant sur le modèle d'arbitrage exclusif.

Question 2 : Nature de l'instance

[118]        La procédure engagée en vertu de l'article 14 de la LPRPDE n'est pas un examen du rapport ou de la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée. C'est une nouvelle requête adressée à la Cour par une personne ayant déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée conformément à la LPRPDE et qui, afin d'obtenir réparation en vertu de l'article 16, assume le fardeau de prouver que CP a enfreint ses obligations au titre de la LPRPDE.

[119]        Dans l'affaire Englander, précitée, le juge Blais a déclaré aux paragraphes 29 et 30 :

¶ 29       La présente instance n'est donc pas un appel interjeté à l'encontre du rapport du commissaire ni une demande de contrôle judiciaire d'une décision administrative.

¶ 30       Je suis donc tenu d'exercer mon propre pouvoir discrétionnaire, de novo.


[120]        Je suis d'accord avec le juge Blais. Je souligne également que la nature de novo de la procédure de révision en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels est parfaitement reconnue. Voir l'affaire Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, où le juge LaForest, d'opinion dissidente mais pas sur ce point, parle de la révision de novo.

[121]        On a soulevé à la présente audition la question de savoir si le rapport du commissaire à la protection de la vie privée a droit à une certaine considération. Le juge Blais fait la remarque suivante au paragraphe 33 de l'affaire Englander, précitée :

¶ 33       Il est vrai que la loi ne confère au commissaire aucun pouvoir l'habilitant à imposer ses conclusions ou ses recommandations. Toutefois, à titre d'administrateur désigné en vertu de la loi et disposant d'une expertise spécialisée, le commissaire mérite il me semble qu'on accorde une certaine retenue judiciaire aux décisions manifestement prises dans les limites de sa compétence.

[122]        J'accorde au commissaire à la protection de la vie privée une certaine retenue judiciaire dans les limites de sa compétence, ce qui m'incite à reconnaître les facteurs dont il a tenu compte pour mettre en balance les intérêts du demandeur en matière de vie privée et l'intérêt légitime de CP dans la protection de ses employés et de ses biens.

[123]        Je n'accorde cependant aucune retenue judiciaire aux conclusions de fait du commissaire, étant persuadé que la preuve devant moi est considérablement différente de celle recueillie lors de l'enquête du commissaire à la protection de la vie privée.

[124]        Avec l'apparition de nouveaux éléments de preuve, l'affaire dont je suis saisi devient analogue à certaines actions en justice où, en vertu de la Loi sur les marques de commerce, des preuves supplémentaires peuvent être présentées sur appel. Dans l'affaire Brasseries Molson c. John Labatt Ltée (C.A.), [2000] 3 C.F. 145, le juge Rothstein a déclaré, au paragraphe 51, que lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

(c)       Question 3 : CP a-t-elle manqué à ses obligationsau titre de la LPRPDE?

[125]        Tel qu'il a déjà été mentionné, la question de savoir si CP a manqué à ses obligations au titre de la LPRPDE repose en l'espèce sur une ou deux questions.


(1)        La première question, et il est nécessaire d'y répondre, consiste à savoir si les raisons données par CP pour recueillir, en les enregistrant grâce à des caméras de surveillance, des renseignements personnels sur les employés de CP et d'autres personnes pendant leurs allées et venues aux ateliers ou aux bâtiments de l'unité de mécanique du triage de Toronto et, à l'occasion, en enregistrant leurs activités au travail, constituent des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

Nous savons en l'espèce que, de l'avis du commissaire à la protection de la vie privée, CP n'a pas produit de preuves suffisantes pour le convaincre que ses fins étaient raisonnablement acceptables.

(2)        Si les fins de CP sont acceptables, il faut alors se demander si CP a manqué à ses obligations au titre de la LPRPDE en n'obtenant pas le consentement de ses employés et d'autres personnes avant de recueillir les renseignements sur bande vidéo. C'est une question que le commissaire à la protection de la vie privée n'a pas abordée et il n'avait pas à le faire étant donné sa décision qui donnait tort à CP en ce qui concernait les fins.

(i)         Les fins de CP étaient-elles raisonnablement acceptables?

(A)        Le critère


[126]        Pour répondre à cette question, toutes les parties m'ont vivement conseillé d'adopter les facteurs ou les considérations examinés par le commissaire à la protection de la vie privée pour déterminer si les fins de CP en recueillant des renseignements personnels constituent des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables.

[127]        Je suis disposé à prendre en compte et à suivre ces facteurs qui, je le répète, sont ceux qui suivent :

•            Les caméras de surveillance et l'enregistrement sont-ils nécessaires pour répondre à un besoin particulier de CP?

•           Est-il probable que les caméras de surveillance et l'enregistrement répondront efficacement à ce besoin?

•           La perte de vie privée est-elle proportionnelle à l'avantage obtenu?

•           Existe-t-il un moyen qui porte moins atteinte à la vie privée et permette d'arriver au même but?

[128]        Comme l'ont observé toutes les parties, les considérations ou les facteurs énumérés par le commissaire à la protection de la vie privée sont ceux que, pendant les années antérieures à la LPRPDE, les arbitres se prononçant sur des questions de vie privée liées à des caméras de surveillance dans le cadre de conventions collectives ont pris en compte pour concilier les intérêts des employés en matière de vie privée et les intérêts légitimes des employeurs.


[129]        Il ne fait aucun doute que le Parlement recherchait l'équilibre des intérêts. La nécessité de trouver le juste milieu se dégage clairement de la clause d'objet, soit l'article 3 de la LPRPDE. L'objet consiste à fixer des règles régissant la collecte, l'utilisation et la communication des renseignements personnels d'une manière qui tienne compte du droit des individus à la vie privée à l'égard des renseignements personnels qui les concernent et du besoin des organisations de recueillir, d'utiliser ou de communiquer des renseignements personnels à des fins qu'une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

[130]        Je conviens avec l'avocat de CP que les facteurs pris en compte par le commissaire à la protection de la vie privée dans ce cas ne seraient peut-être pas forcément pertinents dans d'autres contextes.

[131]        Le Parlement a clairement prévu que le caractère acceptable des fins pour lesquelles les renseignements personnels sont recueillis doit être analysé de manière contextuelle, en examinant où, quand, comment et pourquoi les renseignements sont recueillis. De plus, les fins acceptables de la collecte peuvent différer des fins acceptables de l'utilisation et des fins acceptables de la communication des renseignements recueillis, ce qui laisse supposer une flexibilité et une variabilité en fonction des circonstances.

[132]        En ce qui concerne les caméras de surveillance, les arbitres ont très nettement établi une distinction entre la collecte subreptice de renseignements et la collecte de renseignements effectuée grâce à des caméras dont l'emplacement est connu, lorsque les employés et autres personnes sont au courant que des enregistrements sont faits et en connaissent l'utilisation.

[133]        En général, les arbitres condamnent aussi l'utilisation de caméras de surveillance pour enregistrer la productivité des travailleurs.

[134]        Je cite quelques exemples :

(1)        Re Puretex Knitting Co. Ltd. and Canadian Textile and Chemical Union (1979), 23 L.A.C. (2d) 14

[135]        Dans le litige examiné par l'arbitre Ellis, lors de l'arbitrage d'un différend, neuf caméras de surveillance étaient distribuées de la façon suivante : une caméra effectuant un mouvement continuel de va-et-vient et la seule dotée d'un zoom était installée au sommet d'un poteau avec vue sur un stationnement et sur les plate-formes de chargement, trois caméras rotatives mais sans capacité d'enregistrement vidéo étaient installées dans la zone de production, et quatre caméras étaient installées au premier étage, soit une à l'arrière de la plate-forme de chargement, deux autres au plafond des aires d'entreposage et la dernière dans la zone d'emballage et d'expédition.

[136]        L'arbitre a considéré comme avéré que les caméras étaient installées dans le but de prévenir le vol. [traduction] « Ce ne sont pas des caméras dissimulées et elles ne sont pas conçues pour attraper des voleurs. Elles ne sont pas non plus conçues ou convenables pour surveiller ou vérifier la production, le rendement ou la conduite d'employés à la production » .


[137]        Il a aussi considéré comme avéré que ces caméras de surveillance avaient été installées après la découverte d'un vol important mais isolé, commis par un employé de l'usine. L'arbitre a également considéré comme avéré que les antécédents réels de vol dans l'usine n'étaient pas très graves.

[138]        Il a fait remarquer que ce vol important avait suscité des discussions parmi les membres de la direction sur les différents moyens d'améliorer la sécurité à l'usine et que l'embauche de gardes de sécurité avait été envisagée mais rejetée à cause du coût; apparemment, on avait aussi songé à la possibilité de coudre, dans les vêtements, une sorte de détecteur qui serait activé électroniquement par un dispositif de fouille à la porte.

[139]        L'arbitre Ellis exprime ainsi sa pensée aux pages 29 et 30 de son rapport :

[traduction]

Les questions en litige ne diffèrent pas dans le contexte industriel. L'utilisation constante de systèmes de télévision en circuit fermé pour l'observation continuelle du rendement au travail et de la conduite des employés dans un milieu industriel serait communément considérée, selon moi, comme gravement vexatoire au point de vue humain. Je suis certainement de cet avis. Et comme le suggère M. Dulude dans l'affaire Liberty Smelting, on conçoit difficilement dans quelles circonstances des considérations de rendement justifieraient un tel affront à la dignité humaine, quoique ce ne soit pourtant peut-être pas impossible [...]. [Non souligné dans l'original]


[140]        Selon l'arbitre Ellis, [traduction] « [D]es changements dans la qualité et l'objet de la surveillance peuvent aussi en atténuer le caractère "inhumain", si bien que des considérations moins convaincantes sembleraient la justifier » . Il a déclaré ensuite : [traduction] « [A]insi, lorsqu'une entreprise promet que les caméras ne serviront pas à des fins de discipline ni de surveillance du travail de production, une surveillance même constante peut être justifiée afin de régler un problème de sécurité insoluble » . Selon lui, [traduction] « [O]u une surveillance non constante (p. ex. grâce à des caméras rotatives) peut se justifier pour régler un problème de vol dont la gravité menace l'existence de l'entreprise » .

[141]        Il conclut dans les termes suivants à la page 30 :

[traduction]

Il s'agit manifestement de concilier des considérations concurrentes après avoir reconnu que l'utilisation de caméras pour observer des employés au travail demeure intrinsèquement répréhensible au point de vue humain, le degré d'objection dépendant de la manière dont les caméras sont disposées et du but dans lequel elles sont utilisées, ce degré allant de l'inadmissible dans le cas d'une surveillance constante de la conduite et du rendement, jusqu'à un point probablement non répréhensible dans le cas d'une application individuelle à court terme à des fins de formation. [Non souligné dans l'original]


[142]        Il a décidé que les caméras dans la zone de production de l'usine ne pouvaient être justifiées, même s'il s'agissait de caméras rotatives qui ne tenaient pas les employés sous surveillance constante et ne servaient pas à vérifier la production. Il a déclaré qu'elles étaient répréhensibles parce que les employés se sentaient constamment surveillés puisqu'ils ne pouvaient pas suivre les mouvements des caméras ni savoir de minute en minute s'ils se trouvaient dans leur champ de vision. Il a conclu qu'il n'y avait pas de justifications compensatoires suffisantes et a répété que, selon lui, la preuve n'établissait pas l'existence d'un problème grave de vols ou de larcins.

[143]        Il a cependant conclu qu'on ne pouvait s'opposer de façon semblable aux caméras qui se trouvaient dans les aires d'entreposage, sur la plate-forme de changement ou dans le stationnement. En particulier, il n'associait aucune restriction à l'utilisation de la caméra du stationnement, tout en déclarant que l'entreprise n'avait le droit de conserver la caméra de la plate-forme de chargement et celles des aires d'entreposage au premier étage que si elle continuait de les utiliser de façon rotative et seulement pour des raisons de sécurité.

(2)        Ross v. Rosedale Transport Ltd., [2003] C.L.A.D. No. 237

[144]        L'arbitre Brunner devait décider si M. Ross avait été congédié sans motif. M. Ross avait fait l'objet d'une surveillance vidéo subreptice par des détectives privés qu'avait engagés l'employeur, Rosedale Transport Ltd., qui soupçonnait M. Ross d'escroquer l'entreprise délibérément en ne revenant pas au travail après y avoir subi une blessure au dos. Le vidéo montrait M. Ross en train de soulever et de transporter des meubles d'une maison jusqu'à une camionnette.

[145]        L'avocat de M. Ross a protesté contre l'admissibilité de l'enregistrement vidéo de surveillance en partant du principe qu'il constituait des « renseignements personnels » recueillis sans le consentement de M. Ross, contrairement au paragraphe 7(1) de la LPRPDE. Il a soutenu que la collecte de renseignements personnels n'était pas acceptable aux fins d'enquêter sur une infraction à une entente au sens du paragraphe 7(1) de la LPRPDE.

[146]        Estimant que si l'entreprise avait averti M. Ross qu'elle avait l'intention d'effectuer une surveillance vidéo et avait tenté d'obtenir son consentement avant d'enregistrer ses activités, l'exactitude du renseignement aurait été compromise, l'arbitre Brunner a déclaré que la seule question consistait à savoir si la collecte des renseignements personnels était raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation du contrat de travail.

[147]        Ses observations sont ainsi rédigées au paragraphe 32 :

[traduction]

¶ 32       Avant la date d'entrée en vigueur de la Loi, les arbitres qui examinaient l'admissibilité de la surveillance vidéo entreprenaient généralement de mettre en balance le droit à la vie privée de l'employé et le droit de l'employeur de protéger ses propres intérêts, et ils ont ainsi mis au point un certain nombre de critères.

1. Était-il raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, de demander une surveillance?

2. La surveillance était-elle effectuée de manière raisonnable?


3. L'entreprise disposait-elle d'autres moyens pour obtenir la preuve recherchée?

[148]        Le paragraphe 33 des motifs de l'arbitre Brunner est ainsi rédigé :

[traduction]

¶ 33       Cette question a aussi été étudiée dans l'affaire Canadian Pacific Ltd. and Brotherhood of Maintenance of Way Employees (1996), 59 L.A.C. (4th) 111 (M. G. Picher). Ayant examiné les intérêts respectifs de l'employé et de l'employeur, l'arbitre se prononce de la manière suivante à la page 13 (Q.L.) :

Les relations de travail se fondent en général sur un paiement versé par l'employeur à l'employé à titre de contrepartie valable, sous réserve de certaines conditions établies. Dans bien des relations de travail contemporaines, le marché prévoit notamment que l'employeur ou la société d'assurance verse des prestations de maladie ou un autre genre de prestations ou d'indemnité, à court ou à long terme, lorsqu'un employé est rendu invalide à la suite d'une maladie ou d'une blessure. L'intérêt légitime de l'employeur consiste manifestement à prévenir tout abus de ce système de protection des employés de la part de toute personne pouvant présenter une demande d'indemnisation frauduleuse.

Cet intérêt doit être équitablement mis en balance avec ce que l'on reconnaît comme l'intérêt de l'employé en ce qui concerne sa vie privée. L'intérêt de l'employeur ne va pas jusqu'à justifier l'espionnage spéculatif d'un employé que l'employeur n'a aucune raison de croire malhonnête. En règle générale, il ne justifie pas le recours à une surveillance vidéo aléatoire au moyen d'un réseau électronique, lancé à la manière d'un filet, pour voir ce qu'il peut attraper. La surveillance est une mesure extraordinaire, à laquelle on ne peut recourir que lorsqu'une cause préalable raisonnable et probable le justifie. La question de savoir ce qui constitue une telle cause doit être déterminée suivant les faits de chaque affaire particulière.


[149]        Il était d'avis que les principes généraux auxquels il faisait allusion [traduction] « sont également pertinents dans l'interprétation du paragraphe 7(1) de la Loi [LPRPDE], étant donné l'objet de la Loi tel qu'il est prescrit à l'article 3 » (paragraphe 34). Il déclare : [traduction] « la question à laquelle il faut répondre consiste à savoir s'il était raisonnable que Rosedale procède à une surveillance vidéo à l'insu et sans le consentement de M. Ross à des fins liées à une enquête sur la violation présumée du contrat de travail » (paragraphe 34).

[150]        Il a conclu que la preuve devait être exclue, en soulignant le fait qu'absolument rien ne prouvait que M. Ross ait jamais été autre chose qu'un honnête employé. Il n'avait pas de dossier disciplinaire. Il n'avait jamais présenté de fausse demande ou de demande frauduleuse d'indemnité d'assurance ou autre. Un certain nombre d'autres moyens s'offraient à l'employeur pour vérifier la véritable gravité de sa blessure et la bonne foi de son rétablissement. Si l'entreprise croyait vraiment que M. Ross simulait la maladie ou faisait semblant de ne pas pouvoir reprendre ses fonctions, Rosedale pouvait demander un examen médical indépendant, ce que l'enquêteur privé a concédé.

[151]        L'arbitre cite encore une fois l'arbitre Picher dans l'affaire Canadian Pacific Ltd., précitée, et a déclaré :

[traduction]


En règle générale, il [l'intérêt de l'employeur] ne justifie pas le recours à une surveillance vidéo aléatoire au moyen d'un réseau électronique, lancé à la manière d'un filet, pour voir ce qu'il peut attraper. La surveillance est une mesure extraordinaire, à laquelle on ne peut recourir que lorsqu'une cause préalable raisonnable et probable le justifie. La question de savoir ce qui constitue une telle cause doit être déterminée suivant les faits de chaque affaire particulière.

[152]        Il considérait que la collecte de renseignements personnels grâce à l'enregistrement vidéo de surveillance n'était pas raisonnable à des fins liées à une enquête sur la violation du contrat de travail. Cette collecte, à l'insu et sans le consentement de M. Ross, enfreignait l'alinéa 7(1)b) de la LPRPDE.

(3)        En l'affaire d'un arbitrage entre Pope and Talbot Ltd. et Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, section locale no 8

[153]        L'arbitrage concernait, là encore, une caméra de surveillance dans une installation d'évacuation des barges (IEB). L'affaire a été tranchée par l'arbitre Munroe le 18 décembre 2003.

[154]        La caméra était une caméra vidéo fixe; elle ne pivotait dans aucune direction et n'avait pas de zoom. Elle produisait une seule image dans la zone de production visée. Le moniteur se trouvait dans le bureau du superviseur responsable.

[155]        Les images montraient les activités du déchargeur, qui décharge les copeaux de bois qui se trouvent sur les barges à l'aide d'un gros chargeur sur pneus.

[156]        L'arbitre a déterminé que la surveillance par caméra n'était pas subreptice parce que les employés en était au courant et qu'un panneau situé dans l'IEB avertissait que la zone se trouvait sous surveillance. Selon lui, le champ de vision de la caméra était limité, de sorte que les employés n'étaient pas sous surveillance personnelle constante dans leur milieu de travail toute la journée. L'arbitre a conclu que la caméra n'était pas une caméra de sécurité, ni un banc de reproduction [traduction] « surveillant du matériel ou des procédés automatisés ou sans personnel, et qu'elle montrait seulement de façon fortuite les mouvements d'employés pouvant se trouver brièvement dans son champ de vision » .

[157]        Selon l'arbitre, bien que la caméra de surveillance de l'IEB n'ait pas été destinée à montrer, et en général qu'elle ne montrait pas, les activités ou les gestes personnels du déchargeur de barge, [traduction] « la caméra est bel et bien destinée, du moins dans une certaine mesure, à surveiller la production du déchargeur de barge et à compléter la supervision humaine dans ce sens, ainsi qu'à servir de moyen de dissuasion pour limiter les temps d'arrêt inopportuns » . C'était la seule caméra de ce genre installée à cet effet dans toute l'usine.

[158]        L'arbitre a fait remarquer que le moniteur n'était pas toujours regardé par le superviseur et que, bien souvent, le superviseur en était éloigné pendant plusieurs heures, en particulier s'il se produisait une panne grave quelque part dans l'usine.

[159]        L'arbitre Munroe a établi le critère de la mise en balance des intérêts en formulant sa pensée de la façon suivante à la page 15 de ses motifs :

[traduction]

On prend d'abord conscience qu'entre l'employeur et l'employé, les attentes raisonnables de ce dernier concernant le respect de sa vie privée ne sont pas mises de côté du simple fait qu'il existe une relation de travail; [...]

Cependant, tout comme les intérêts de l'employé en matière de respect de la vie privée doivent être protégés contre un exercice trop zélé des droits de la direction, l'arbitre doit aussi reconnaître les intérêts légitimes de l'employeur concernant l'entreprise et ses biens. La manière de procéder est donc de mettre ces intérêts en balance selon le contexte et de façon raisonnable. Il n'existe pas de règle absolue accordant la priorité à un intérêt légitime plutôt qu'à un autre. Il s'agit de déterminer si la surveillance au moyen de caméras, dans l'exercice présumé des droits de la direction, est acceptable dans les circonstances. [...]

Les préoccupations institutionnelles du syndicat concernant la surveillance par caméra, de même que les préoccupations subjectives personnelles des employés, ne peuvent pas, comme tel, l'emporter sur les intérêts commerciaux opposés et légitimes de l'employeur. Cependant, ces préoccupations ne peuvent pas non plus être considérées de minimus. La surveillance constante de la productivité d'un employé grâce à des caméras, que cela soit l'objet premier ou secondaire, serait à l'évidence préoccupant et pourrait naturellement être vue dans certaines circonstances comme une atteinte à la dignité ou à la vie privée de la personne. [...] le seuil permettant de déterminer le caractère raisonnable de la surveillance vidéo non subreptice est plus bas que dans le cas de la surveillance vidéo subreptice, mais il existe néanmoins un seuil significatif.

[160]        L'arbitre a décidé, à la page 17, que les raisons de l'employeur en installant la caméra vidéo dans l'IEB [traduction] « étaient claires [...] fournissant une justification raisonnable pour les fins expliquées par M. Heller [témoin de l'employeur] » . Il a accepté [traduction] « comme légitimes les craintes de la direction concernant les arrêts inutiles qui se produisaient parfois dans l'IEB au changement de poste et concernant le retard inutile des transitions qui survenait parfois à cause du manque de communication ou du manque de connaissance directe de la supervision des progrès du déchargement » . Étant donné l'emplacement de l'IEB, l'arbitre a accepté [traduction] « la légitimité et le caractère raisonnable de la technologie vidéo pour aider à superviser les changements de poste et permettre aux superviseurs d'effectuer régulièrement un contrôle visuel des progrès du déchargement des copeaux de manière à assurer les transitions en temps opportun » .

[161]        L'arbitre Munroe a souligné que sa décision se fondait sur un contexte où la surveillance n'était pas subreptice et où la caméra elle-même était fixe, non pivotante, sans zoom et montrait une superficie passablement réduite, sans enregistrer d'images.


[162]        Toutefois, il estimait que les motifs fournis par l'employeur pour justifier l'installation de la caméra vidéo, motifs qu'il jugeait raisonnables, ne justifiaient pas [traduction] « que le moniteur reste en marche 24 heures sur 24 dans le bureau du superviseur, ce qui causait aux employés la préoccupation d'être surveillés électroniquement à chaque minute du poste de travail » . Selon lui, il s'agissait d'un exercice déraisonnable des droits de la direction.

[163]        L'arbitre Munroe a ensuite établi des restrictions quant à savoir qui pouvait regarder le moniteur et à quelle heure la caméra pouvait être mise en marche, c.-à-d. seulement vingt minutes au début du changement de poste et seulement de temps à autre pendant le poste, soit par le superviseur de poste, soit par le chef d'équipe, pendant une durée maximale de cinq minutes chaque fois, dans le but de vérifier le niveau des copeaux sur les barges afin d'assurer la transition en temps opportun.

(4)        Unisource Canada Inc. and C.E.P., Loc. 433 [Re] (2003), 121 L.A.C. (4th) 437

[164]        Cette décision arbitrale a été rendue en juillet 2003 par l'arbitre Kelleher, avant qu'il ne soit nommé juge.


[165]        Les caméras visées étaient des caméras de sécurité : elles étaient installées à la vue des employés et des visiteurs. Elles avaient pour but de renforcer les mesures de sécurité, de servir de moyen de dissuasion et d'aider la direction dans la recherche d'objets égarés. On les retrouvait partout dans l'entrepôt et le bureau, où elles surveillaient les points d'entrée et de sortie.

[166]        D'après la correspondance échangée entre l'employé et le syndicat, le directeur de l'employeur a déterminé que la raison de l'installation des caméras était la perte, l'année précédente, de 78 000 $ de papier fin. On a soutenu que les caméras n'avaient pas été installées pour surveiller la production, mais bien pour surveiller les personnes qui entraient dans l'entrepôt et qui en sortaient, en ajoutant que l'entreprise ne fermerait pas les yeux sur les incidents observés grâce aux caméras et ne garantissait pas que les caméras ne serviraient jamais à enquêter sur ces incidents.

[167]        Selon l'arbitre Kelleher (tel était alors son titre), le directeur de l'employeur n'a pas pu jurer que la perte de papier était due au vol et non à une erreur d'écriture.

[168]        En l'absence de toute clause expresse dans la convention collective, il a conclu qu'aucune disposition générale n'interdisait la surveillance vidéo dans le milieu de travail.

[169]        Il a établi une distinction avec l'utilisation subreptice de la surveillance vidéo qui, selon lui, est justifiée seulement dans les cas suivants :


(1)        il existe un problème important;

(2)        il est très possible que la surveillance soit efficace;

(3)        il n'existe pas d'autre solution raisonnable que la surveillance subreptice.

[170]        Il a déclaré que le seuil est plus bas en ce qui concerne la surveillance non subreptice, c.-à-d. effectuée au su des employés. Il n'y a pas de disposition générale à l'encontre de l'enregistrement vidéo. Le critère consiste plutôt à savoir si la surveillance constitue un exercice raisonnable des droits de la direction compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.

[171]        L'arbitre Kelleher a convenu que la preuve établissait une préoccupation légitime au sujet du vol. Il a ajouté que l'employeur ne pouvait pas prouver au-delà de tout doute raisonnable que la perte de 80 000 $ était due au vol et non à une erreur d'écriture. [traduction] « [N]éanmoins, l'employeur croit de bonne foi que le problème était le vol » , a-t-il ajouté.

[172]        D'après la preuve, il était persuadé [traduction] « qu'il existe un risque de vol et qu'en général, l'utilisation de la surveillance vidéo est permise » .

[173]        Ayant analysé chaque caméra individuellement, il a permis que six d'entre elles restent où elles étaient, parce qu'elles visaient à prévenir et à détecter le vol, ce qui représentait un exercice légitime des droits de la direction, sans enfreindre la convention collective.

(B)        Conclusions sur ce point

[174]        En appliquant les facteurs appropriés à toute la preuve dont je dispose, je conclus qu'une personne raisonnable considérerait comme acceptables, dans les circonstances, les fins de CP en ce qui concerne l'enregistrement d'images des employés de CP et d'autres personnes grâce à des caméras vidéo.

[175]        En me concentrant d'abord sur les caméras elles-mêmes, sur les renseignements personnels qu'elles recueillent et sur la façon dont les enregistrements sont visionnés, je conclus que le système conçu et mis en oeuvre par CP comporte plusieurs limites appropriées.


[176]        La collecte de renseignements personnels n'est pas subreptice : des panneaux d'avertissement sont visibles. La collecte de renseignements personnels n'est pas continuelle : elle est brève et ne montre l'image d'une personne que lorsque celle-ci se trouve dans le champ de vision de la caméra. La collecte ne se borne pas aux employés de CP : elle montre des images d'entrepreneurs, de visiteurs, de fournisseurs et d'intrus. La collecte ne vise pas à mesurer le rendement d'un employé de CP et bien que la caméra puisse à l'occasion montrer un employé de CP au travail à l'extérieur des ateliers, CP ne pourrait utiliser ces images pour mesurer la productivité de cet employé car une telle utilisation de l'information aurait un autre but que celui de la sécurité. Ce qui est plus important, les images enregistrées sont gardées sous clé et seuls les cadres responsables et la police de CP y ont accès si un incident est signalé. Lorsqu'aucun incident enregistré n'exige une enquête, les enregistrements sont détruits dans un délai convenable.

[177]        D'après la preuve, je suis convaincu que CP a établi la nécessité légitime de faire installer les caméras aux endroits où elles se trouvaient et d'enregistrer l'image des personnes traversant leur champ de vision fixe. Bien que le contre-interrogatoire des déposants de CP révèle dans certains cas un manque de corrélation entre l'emplacement des caméras et les incidents et, dans d'autres cas, la cause de la perte, je suis persuadé, selon l'ensemble de la preuve, que CP a décelé dans le passé de nombreux incidents qui justifient la nécessité de poser des caméras de surveillance.


[178]        À mon avis, le demandeur a eu tort de mettre l'accent sur des événements passés. L'utilité des caméras réside dans la prévention future des vols et du vandalisme, dans la dissuasion des intrus, ainsi que dans l'amélioration de la sécurité des employés et autres personnes et de la sécurité des marchandises, qui comprennent des matières dangereuses et toxiques, soit sur place, soit en transit. Les caméras sont aussi un outil d'enquête utile.

[179]        Encore une fois, si le contre-interrogatoire des déposants de CP montre, dans certains cas, que les caméras vidéo n'ont pas enregistré l'un des incidents mentionnés dans les affidavits, l'ensemble de la preuve établit, selon toute probabilité, que les caméras répondent efficacement aux besoins de CP. La preuve établit, comme l'a conclu le commissaire à la protection de la vie privée, qu'aucun incident n'avait été enregistré depuis leur installation, ce qui dénote un rendement semblable à celui que CP elle-même connaissait en d'autres endroits, comme à Golden, en C.-B. Ceci dit entre parenthèses, le commissaire à la protection de la vie privée supposait, dans son rapport, que l'effet de dissuasion pouvait être attribué aux panneaux d'avertissement, mais il n'a pas reconnu que les panneaux d'avertissement et les caméras sont indissociables : les uns ne vont pas sans les autres.


[180]        Je conclus que la perte de vie privée était minime. En fait, si aucun incident n'a été enregistré, cela signifie qu'aucune des images montrées par les caméras n'a été visionnée. Du point de vue du commissaire à la protection de la vie privée, toute personne dont l'image pouvait être enregistrée avait des attentes réduites quant au respect de sa vie privée parce que les caméras étaient placées de manière à enregistrer des renseignements personnels, à des endroits qui étaient des endroits publics. Je suis d'accord avec cette évaluation. En général, un tel point de vue s'accorde avec l'idée directrice des affaires tranchées par la Cour suprême du Canada en vertu de l'article 8 de la Charte, où se trouve une analyse de l'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.

[181]        Sur ce point, il faut rappeler que les enregistrements ne sont jamais visionnés à moins qu'un incident exigeant une enquête ne se produise. Ce facteur, associé à mes constatations concernant les images montrées par les caméras et de quelle façon, m'amène à conclure que la perte de vie privée est proportionnelle à l'avantage tiré de la collecte des renseignements.

[182]        Quant au dernier facteur, je demeure persuadé que CP a envisagé des solutions de rechange en les évaluant dans le contexte de ses activités au triage de Toronto, activités qui, il va sans dire, sont très étendues et sont exécutées sur une très vaste superficie. CP a conclu, comme moi, que des solutions comme le clôturage et les gardes de sécurité n'étaient pas rentables ou perturberaient ses activités. Ce facteur, mis en balance avec ma conclusion au sujet de la faible perte de vie privée, me convainc que la dernière partie du critère proposé par le commissaire à la protection de la vie privée est satisfaite.


(ii)         Le consentement était-il requis pour recueillir les renseignements?

[183]        CP maintient que les mots « à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire » contenus dans l'article 4.3 de l'annexe 1 de la LPRPDE se suffisent à eux-mêmes et permettent au commissaire à la protection de la vie privée ou à la présente Cour de déterminer si la connaissance et le consentement de la personne dont les renseignements personnels sont recueillis demeurent inutiles dans les circonstances. Je n'accepte pas les observations de CP.

[184]        Dans l'affaire Rizzo and Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci parle de l'interprétation de la loi dans les termes suivants au paragraphe 21 :

¶ 21       Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après « Construction of Statutes » ); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

        [traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.


[185]        Selon moi, si l'on tient compte des observations de CP, l'article 4.3 n'est pas lu en harmonie avec l'esprit de la Loi, en particulier lorsque l'on constate de quelle façon la Loi et l'annexe 1 vont de pair afin que les articles 7 à 9 de la Loi servent de déterminants à l'égard du code type, lequel forme l'annexe 1.

[186]        Comme l'ont maintenu l'avocat du demandeur et l'avocat du commissaire à la protection de la vie privée, le paragraphe 7(1) de la Loi, libellé sous le titre descriptif « Collecte à l'insu de l'intéressé et sans son consentement » , ne prescrit que quatre cas dans lesquels la collecte de renseignements peut s'effectuer à l'insu de l'intéressé et sans son consentement. Autrement dit, le paragraphe 7(1) de la Loi donne sa teneur à l'expression « à moins qu'il ne soit pas approprié de le faire » contenue dans l'article 4.3 de l'annexe. On le voit clairement au préambule du paragraphe : « Pour l'application de l'article 4.3 de l'annexe 1 et malgré la note afférente » .

[187]        À mon avis, cependant, CP peut, suivant les faits de l'espèce, recueillir des renseignements personnels sur le demandeur à l'insu de ce dernier et sans son consentement parce que CP bénéficie de l'exemption prévue à l'alinéa 7(1)b) de la LPRPDE.


[188]        Aucun représentant de CP ne regarde le moniteur au moment où les caméras montrent l'image d'une personne. Cette image est plutôt enregistrée sur bande vidéo. L'enregistrement n'est jamais visionné à moins d'un événement déclencheur. L'enregistrement est effacé au bout de 96 heures, de sorte que l'image de la personne n'est jamais vue s'il ne se produit rien.

[189]        Dans ce contexte, j'accepte les observations de CP voulant que la collecte des renseignements personnels d'une personne se produise au moment où les représentants de CP visionnent l'enregistrement pour enquêter sur un incident. En supposant que l'enregistrement montre un individu en train de commettre un vol, le fait de lui demander la permission de recueillir les renseignements compromettrait la disponibilité de l'information aux fins de l'enquête.

[190]        Cette interprétation ne force pas l'objet de l'exemption de l'alinéa 7(1)b). À l'évidence, l'exemption s'appliquerait si un représentant de CP avait surveillé et enregistré sur le vif une personne en pleine tentative criminelle. Le même résultat devrait s'appliquer si la surveillance est retardée, comme dans le cas présent.

[191]        La question du consentement tacite a été soulevée, sans être toutefois réellement débattue. Il vaut donc mieux qu'elle soit tranchée dans une autre instance.

[192]        En raison des motifs susmentionnés, la requête est rejetée avec dépens.

    « François Lemieux »

                                                                                               J U G E                                

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 JUIN 2004

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

                                                     


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                 T-309-03

INTITULÉ :                Erwin Eastmond

et

Canadien Pacifique Limitée

et

Commissaire à la protection de la vie privée

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :    Les lundi 19 avril 2004 et mardi 20 avril 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :           Le 11 juin 2004

COMPARUTIONS :

Catherine Gilbert                                  

POUR LE DEMANDEUR

Norman Trerise

Alexis Kerr                              

POUR LA DÉFENDERESSE               (Canadien Pacifique Limitée)


Steven Welchner

POUR LE DÉFENDEUR                     (Commissaire à la protection de la vie privée)

Nathalie Daigle

POUR LE DÉFENDEUR                     (Commissaire à la protection de la vie privée)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

TCA-Canada, Contentieux

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Fasken Martineau Dumoulin

Vancouver (Colombie-Britanique)

                        POUR LA DÉFENDERESSE             (Canadien Pacifique Limitée)

Nelligan O'Brien Payne s.r.l.

Ottawa (Ontario)         

POUR LE DÉFENDEUR                   (Commissaire à la protection de la vie privée)

Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

Ottawa (Ontario)         

POUR LE DÉFENDEUR                   (Commissaire à la protection de la vie privée)


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