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                                                                                                                                 Date : 20050210

                                                                                                                             Dossier : T-610-04

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 210

ENTRE :

                                                ZENON ENVIRONMENTAL INC.

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

Introduction


[1]                Il s'agit d'une requête en injonction interlocutoire à l'encontre de la défenderesse, Sa Majesté la Reine, pour empêcher celle-ci de donner [traduction] « accès aux renseignements exclusifs confidentiels appartenant à la demanderesse, y compris le jeu de documents techniques concernant les systèmes de purification d'eau par osmose inverse » , au concurrent de la demanderesse, Seprotech Inc. (Seprotech). La demanderesse demande que cette injonction empêche également Seprotech de photocopier ces renseignements appartenant à la demanderesse et enjoigne à la défenderesse de lui signaler toute divulgation de ces renseignements à Seprotech.

[2]                Bien que ce redressement ait été au départ sollicité et en grande partie obtenu dans une requête en injonction provisoire, la demanderesse sollicite maintenant une injonction à cet effet pendant l'instruction de l'action.

[3]                La déclaration modifiée en l'espèce nomme sa Majesté comme seule défenderesse mais réclame contre la défenderesse, de même que contre le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux ainsi que contre le ministre de la Défense nationale, les employés, mandataires ou fonctionnaires de la défenderesse et les autres personnes qui sont informées de l'ordonnance, une injonction interlocutoire pour les empêcher d'accorder un contrat à Seprotech relativement à la réparation et à la révision des systèmes de purification d'eau par osmose inverse (les SPEOI), ainsi que de communiquer la propriété intellectuelle de la demanderesse à toute autre personne que la demanderesse et pour récupérer cette propriété de toute personne à qui elle a été communiquée.

Les faits

[4]                À la fin des années 1980, le ministère de la Défense nationale était à la recherche d'une sorte de système de purification d'eau mobile pour fournir de l'eau potable pour les opérations militaires et les secours en cas de catastrophe.


[5]                Des contrats ont été conclus avec la demanderesse le 3 juin 1988 et le 20 février 1990, par l'entremise de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), pour la mise au point d'un prototype de SPEOI. Dans chaque cas, bien qu'il ait été implicitement prévu que la demanderesse posséderait la propriété intellectuelle qui serait, le cas échéant, [traduction] « conçue ou faite » au cours de l'exécution du contrat, elle accordait à la défenderesse :

[traduction]

une licence non exclusive, irrévocable et libre de redevance pour fabriquer, faire fabriquer et utiliser à des fins militaires partout dans le monde, ainsi que pour vendre ou aliéner d'une autre façon tout article ou toute chose renfermant ou utilisant une partie ou l'ensemble des inventions, méthodes ou procédés, et une licence similaire pour appliquer ou faire appliquer ces méthodes ou procédés.

Elle permettait également à la défenderesse de reproduire, d'utiliser et de communiquer, à des fins gouvernementales, l'ensemble ou toute partie des renseignements techniques devant précisément être fournis par l'entrepreneur à la défenderesse en vertu du contrat. Conformément à ces contrats, deux systèmes ont été élaborés, à savoir le SPEOI Mark I et le SPEOI Mark II.

[6]                Ces travaux ont suffisamment convaincu la défenderesse pour que le 19 novembre 1992, elle conclue un contrat de production avec la demanderesse en vertu duquel celle-ci produirait une série de SPEOI afin d'être utilisés par le ministère de la Défense nationale (le MDN). Les conditions générales habituelles étaient jointes à ce contrat mais avec quelques variantes.


[7]                Il faut d'abord souligner que, dans la section interprétative des conditions générales, toute référence à « Canada » doit signifier [traduction] « Sa Majesté la Reine du chef du Canada » . Dans le titre 9601 de ces conditions, il y a l'article 24 qui traite des droits de propriété intellectuelle. Selon moi, bien que les autres dispositions soient des clauses types, un nouveau paragraphe (5) a été introduit et le paragraphe (7) habituel a été supprimé. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

[traduction]

24(1) Dans les dispositions du Contrat relatives à la propriété intellectuelle :

a)      l'expression « Propriété intellectuelle de base » désigne toutes les données techniques, à l'exclusion de la Propriété intellectuelle originale, qui sont la propriété de l'Entrepreneur, de ses sous-traitants ou de tout autre fournisseur de l'Entrepreneur;

B)     l'expression « Propriété intellectuelle originale » désigne toute Invention conçue, développée ou mise en application pour la première fois dans le cadre des Travaux effectués aux termes du Contrat ainsi que toutes les Données techniques rassemblées, élaborées ou produites dans le cadre des Travaux effectués en vertu du Contrat;

c)      l'expression « Inventions » désigne tout art, procédé, méthode, technique, dispositif, produit fabriqué ou composé nouveau et utile ou toute amélioration nouvelle et utile apportée à ceux-ci, qu'ils soient ou non brevetables;

d)      l'expression « Autre Entrepreneur » désigne un autre Entrepreneur à qui le Canada a accordé une sous-licence pour utiliser une Propriété intellectuelle originale aux fins d'exécuter un contrat avec le Canada;

e)      l'expression « Données techniques » désigne l'information de nature scientifique ou technique se rapportant aux Travaux exécutés en vertu du Contrat, présentée oralement ou consignée de quelque manière que ce soit et pouvant être ou non protégée par un droit d'auteur, comprenant, sans toutefois s'y limiter, les Inventions, les concepts, les méthodes, les procédés, les techniques, le savoir-faire, les rapports, les dessins, les plans, les spécifications, les photographies, les modèles, les prototypes, les maquettes, les échantillons, les schémas, les données provenant d'expériences ou d'essais, les logiciels, les fichiers informatiques et la documentation.

    (2) L'Entrepreneur doit promptement signaler et divulguer pleinement au Ministre la conception, le développement ou la mise en application de toute Invention qui pourrait constituer une Propriété intellectuelle originale et doit signaler et divulguer pleinement au Ministre toutes les Données techniques à la fin des Travaux ou à tout autre moment fixé par le Ministre ou prévu au Contrat.


                                                          * * * * * * * * * *

    (4) La Couronne aura des droits de propriété illimités dans toute chose livrée, incluant le droit de vendre ou rendre disponible au public contre rémunération ou autrement, malgré que l'Entrepreneur possède le droit de propriété dans la Propriété intellectuelle originale dans tout prototype, ou toute machinerie faite sur commande, appareil, système ou équipement livré en vertu du Contrat.

    (5) L'Entrepreneur accorde au Canada, par la présente, une licence non exclusive, irrévocable, de portée mondiale, entièrement payée et libre de redevance pour l'utilisation de toute Propriété intellectuelle originale et de toute Propriété intellectuelle de base qui pourrait être intégrée aux Travaux ou nécessaire à l'exécution des Travaux, uniquement aux fins suivantes :

a)      pour exploiter, entretenir, réparer ou réviser les Travaux;

b)      pour fabriquer des pièces de rechange destinées à l'entretien, à la réparation ou à la révision des Travaux par le Canada lorsque ces pièces ne peuvent être obtenues après un effort raisonnable pour effectuer l'entretien, la réparation ou la réfection en temps opportun;

c)      pour le développement ultérieur ou la modification des Travaux, y compris le droit à l'utilisation de la Propriété intellectuelle originale ou de la Propriété intellectuelle de base intégrée par un Autre Entrepreneur uniquement dans l'exécution d'un contrat accordé par le Canada pour les fins décrites aux paragraphes a) ou b). Un tel droit accordé par le Canada à un Autre Entrepreneur doit exiger de cet Entrepreneur qu'il protège la confidentialité de la Propriété intellectuelle originale ou de la Propriété intellectuelle de base intégrée et qu'il n'utilise pas cette Propriété intellectuelle pour la vente commerciale en concurrence avec l'Entrepreneur.



[8]                La demanderesse a produit plusieurs systèmes conformément au contrat de production et, pendant quelque dix ans, la défenderesse a attribué des contrats à fournisseur unique à la demanderesse pour assurer l'entretien de ces systèmes. La défenderesse a fait cela en supposant qu'elle ne pouvait pas engager d'autres entrepreneurs pour entretenir les systèmes parce qu'elle ne pouvait pas, conformément aux droits de propriété intellectuelle de la demanderesse, fournir les dessins et d'autres renseignements nécessaires aux entrepreneurs autres que ZENON pour l'entretien des systèmes. En 2002, après avoir délivré, par l'entremise de son site Web de contrats MERX, un préavis d'adjudication de contrat selon lequel elle allait attribuer un contrat à fournisseur unique à la demanderesse pour cet entretien, le processus à fournisseur unique a été contesté par Seprotech, une concurrente de la demanderesse. Par conséquent, la défenderesse a révisé sa position en droit et a été avisée par ses avocats que, bien que la demanderesse soit la détentrice des droits de propriété intellectuelle liés aux SPEOI, elle avait accordé à la défenderesse une licence pour utiliser, et faire utiliser par une tierce partie, la propriété intellectuelle originale et la propriété intellectuelle de base connexe pour exploiter, entretenir, réparer ou réviser les systèmes. La défenderesse en a avisé la demanderesse le 7 novembre 2002. En mars 2004, la défenderesse a délivré une demande de proposition concurrentielle pour l'entretien d'un SPEOI et Seprotech fut l'entreprise retenue. Un contrat lui a été attribué le 23 mars 2004. La demanderesse a délivré sa déclaration le 25 mars 2004. Selon moi, rien n'a été fait dans le cadre du contrat pendant quelques mois : en fait, le SPEOI en question n'a été livré à Seprotech pour son entretien qu'à la fin de 2004. Vu l'action en cours de la demanderesse et ses objections, la défenderesse a conclu une entente de confidentialité avec Seprotech le 6 décembre 2004. Cette entente définissait le [traduction] « jeu de documents techniques » comme contenant l'ensemble des dessins, des spécifications, des listes, des feuilles de programmation, des concepts, des logiciels, des brevets et des méthodes existants liés au SPEOI, lequel jeu de documents techniques peut comprendre des données techniques qui sont la propriété exclusive de la demanderesse. Seprotech a convenu de n'utiliser le jeu de documents techniques [traduction] « qu'aux seules fins d'exécuter ses obligations et ses devoirs en application du contrat pour la réparation et la révision des SPEOI et non d'utiliser le jeu de documents techniques pour sa propre entreprise, sauf pour ce qui est nécessaire à la réalisation de ses droits et obligations dans le cadre de la présente entente et du contrat [...] » . Seprotech a également convenu d'aviser ses employés ainsi que l'ensemble des sous-contractants autorisés de la confidentialité du jeu de documents techniques et de la prudence requise pour en préserver la confidentialité. En outre, le 10 novembre 2004, l'avocat de la défenderesse a écrit à celui de la demanderesse et, si je comprends bien, lui a donné un engagement catégorique selon lequel la défenderesse prendrait les mesures additionnelles suivantes pour apaiser les inquiétudes de la demanderesse concernant la confidentialité : on fournirait à Seprotech des copies des manuels techniques du MDN pour l'exploitation et l'entretien des SPEOI; la défenderesse ne donnerait cependant à Seprotech qu'un accès limité et contrôlé au jeu de documents techniques fourni par la demanderesse en ne permettant à Seprotech que d'avoir accès à ce dont elle a besoin de savoir dans le but d'entretenir les SPEOI, en conservant le jeu de documents techniques dans une chambre forte dans les installations du MDN, avec un accès limité aux documents, ainsi qu'en empêchant la photocopie du jeu de documents techniques et en tenant un registre détaillé concernant toute partie du jeu de documents techniques pouvant avoir été partagée avec Seprotech. Cet engagement n'a d'aucune façon modifié la position de la demanderesse.


[9]                La demanderesse sollicite l'injonction pour les motifs suivants : (1) en vertu du contrat de production, elle possédait un droit de premier refus relativement à tout contrat d'entretien et (2) les travaux que Seprotech effectuera sur les SPEOI excéderont la licence donnée au paragraphe 24(5) du titre 9601 du contrat permettant à la défenderesse de partager la propriété intellectuelle dans le SPEOI avec un entrepreneur pour exploiter, entretenir, réparer ou réviser les travaux ou pour fabriquer des pièces de rechange destinées à l'entretien, à la réparation ou à la révision. La demanderesse insiste pour dire que ce pour quoi Seprotech a été engagée n'impliquera pas seulement le fait qu'elle ait un accès à la propriété intellectuelle de la demanderesse allant bien au-delà de ce que permet le contrat, mais que cela occasionnera des modifications dans les composantes des SPEOI, auquel cas les dessins industriels de la demanderesse ne correspondront plus aux SPEOI ainsi modifiés.

Analyse

[10]            Je suis convaincu que la demanderesse a soulevé une question sérieuse. Je crois qu'il y a des questions d'interprétation difficiles relativement aux contrats, lesquelles sont nécessaires pour décider si la défenderesse possède ou non une licence pour utiliser la propriété intellectuelle dans les unités de production comme elle le prétend.


[11]            Je ne suis toutefois pas convaincu que le fait de ne pas accorder d'injonction interlocutoire occasionnera un préjudice irréparable à la demanderesse, lequel ne pourra pas être compensé par des dommages-intérêts. Premièrement, il y a le fait saillant, duquel je crois que je peux prendre connaissance d'office, comme quoi la défenderesse est solvable, établie de façon permanente dans le ressort de la Cour et facile à trouver en tout temps. Deuxièmement, en supposant que Seprotech respecte, et que la défenderesse fait respecter, l'entente de confidentialité conclue entre elles, dans laquelle Seprotech s'engage à n'utiliser le jeu de documents techniques que pour les seules fins du contrat d'entretien et non pour sa propre entreprise, et que la défenderesse respecte l'engagement donné par son avocat le 10 novembre 2004, la preuve de la demanderesse ne me démontre pas clairement de quelle façon précisément la demanderesse subira un préjudice illégitime. (Je fais remarquer en passant que l'utilisation d'une telle entente de confidentialité a été expressément envisagée au paragraphe 24(5) du titre 9601 du contrat de production). Je ne trouve rien dans la preuve permettant de supposer que ce contrat ne sera pas respecté ou qu'on ne tiendra pas compte de l'engagement donné par la défenderesse le 10 novembre 2004. Quant à la prétention de la demanderesse selon laquelle elle possédait un droit de premier refus relativement à un contrat d'entretien, je suis convaincu que, si celle-ci peut le prouver, elle peut être facilement compensée par des dommages-intérêts pour inexécution contractuelle.

[12]            Ayant tiré cette conclusion, il n'est pas nécessaire que je traite de l'autre critère concernant une injonction interlocutoire, à savoir la prépondérance des inconvénients.

[13]            Même si j'avais trouvé une justification à la délivrance d'une injonction interlocutoire en l'espèce, j'aurais entretenu de graves doutes quant à savoir si j'étais dans une position pour le faire, étant donné l'identité de la défenderesse.

[14]            La défenderesse invoque l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, lequel prévoit ce qui suit :



22. (1) Le tribunal ne peut, lorsqu'il connaît d'une demande visant l'État, assujettir celui-ci à une injonction ou à une ordonnance d'exécution en nature mais, dans les cas où ces recours pourraient être exercés entre personnes, il peut, pour en tenir lieu, déclarer les droits des parties.

22.(1) Where in proceedings against the Crown any relief is sought that might, in proceedings between persons, be granted by way of injunction or specific performance, a court shall not, as against the Crown, grant an injunction or make an order for specific performance, but in lieu thereof may make an order declaratory of the rights of the parties.

     (2) Le tribunal ne peut, dans aucune poursuite, rendre contre un préposé de l'État de décision qu'il n'a pas compétence pour rendre contre l'État.

     (2) A court shall not in any proceedings grant relief ore make an order against a servant of the Crown that it is not competent to grant or make against the Crown.



Cet article a été ajouté en 1990 (L.C. 1990, ch. 8, art. 28). Bien que ce genre d'immunité dont bénéficie la Couronne à l'encontre du droit général doive aujourd'hui être considéré comme une anomalie, il m'apparaît difficile d'échapper à la conclusion selon laquelle l'article s'applique, et était censé s'appliquer, dans un cas comme en l'espèce. J'en viens à cette conclusion pour plusieurs motifs. Il s'agit d'une action intentée en Cour fédérale en vertu, selon ce qu'il me semble, de l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, comme instance contre la Couronne. C'est sa Majesté qui est nommée à titre de défenderesse. L'avis de requête ne sollicite que des injonctions provisoires et interlocutoires à l'encontre de sa Majesté. La déclaration réclame contre sa Majesté, entre autres choses, des injonctions interlocutoires l'empêchant, de même que deux ministres et d'autres employés, d'attribuer un contrat pour l'entretien des SPEOI et de communiquer la propriété intellectuelle de la demanderesse. À mon avis, cela fait que l'injonction recherchée est clairement visée par les paragraphes (1) et (2) de l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif. Une telle injonction aurait pour effet d'empêcher sa Majesté, à titre de défenderesse, d'exercer les droits que lui confère le contrat qu'elle a conclu avec la demanderesse et de faire exercer ces droits par ses ministres et ses fonctionnaires. Le fait d'ordonner à ces ministres et à ces fonctionnaires serait de rendre une ordonnance contre eux, laquelle ne pourrait pas être rendue contre la Couronne. La disposition du paragraphe 22(1) concernant la délivrance d'un jugement déclaratoire contre la Couronne ne me permet pas non plus d'accorder un redressement en l'espèce. Ce qu'on vise à obtenir en l'espèce, c'est un redressement interlocutoire. Même si la demanderesse a insisté pour obtenir un jugement déclaratoire interlocutoire, il y a des précédents à l'encontre de la délivrance d'un jugement déclaratoire provisoire. La notion même a été considérée comme une contradiction en soi. (Voir Sharpe, Injunctions and Specific Performances, Canada Law Books Limited, 1983, à la page 357, ainsi que les affaires qui y sont citées).

[15]            Cela ne signifie pas cependant que la demanderesse n'a aucun recours. Elle possède tous les recours habituels en matière contractuelle, y compris une action en dommages-intérêts.

[16]            Il faut distinguer le présent cas des nombreux cas où une injonction est délivrée contre un ministre ou un autre fonctionnaire de la Couronne pour l'empêcher d'agir en outrepassant le pouvoir que lui confère la loi ou la constitution. Il a été bien établi en common law que des injonctions pouvaient être délivrées contre des fonctionnaires en de telles circonstances. (Voir, p. ex., Sharpe, précité, aux pages 349 à 355; Hogg et Monahan, Liability of the Crown, 3e éd., Carswell, 2000, aux pages 31 à 34, et Pacific Salmon Ind. c. La Reine, [1985] 1 C.F. 504 (1re inst.), à la page 512.) En outre, aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, il est expressément prévu que, par voie d'un contrôle judiciaire, on peut solliciter une injonction contre un fonctionnaire exerçant un pouvoir conféré par une loi du Parlement lorsque, entre autres choses, on allègue que ce fonctionnaire outrepasse sa compétence.


[17]            À mon avis, on peut distinguer l'ensemble des nombreuses affaires que m'a citées la demanderesse à l'appui de la délivrance d'une injonction malgré l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif. Soit qu'elles concernaient des plaintes relatives à l'abus d'un pouvoir conféré par la loi ou la constitution, soit qu'elles n'étaient pas, dans la mesure où je puis l'établir, sous forme d'actions contre la Couronne ou soit qu'elles ont été décidées avant l'adoption de l'article 22 en 1990. Si cet article ne s'applique pas à une action contre la Couronne pour inexécution d'un contrat dans lequel celle-ci est partie, j'ai de la difficulté à saisir dans quel cas il s'appliquerait.

[18]            En résumé, je ne suis pas en mesure de trouver une justification pour ne pas tenir compte du libellé clair de l'article 22.

Décision

[19]            Vu ce qui précède, je rejette la requête en injonction interlocutoire avec dépens.

                                                                                                                                  _ B. L. Strayer _                     

                                                                                                                                      Juge suppléant                     

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-610-04

INTITULÉ :                                                                ZENON ENVIRONMENTAL INC.

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 27 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

DATE DES MOTIFS :                                               LE 10 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Ron Lunau                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Alexander Gay                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ron Lunau                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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