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                                                                                                                                         Date : 200220122

                                                                                                                                     Dossier : T-1623-00

TORONTO (ONTARIO), LE 22 JANVIER 2002

En présence de MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                              BAB HOLDINGS, INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                 -et-

                                                              THE BIG APPLE LTD.

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                     ORDONNANCE

La demande est rejetée. La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce en date du 30 juin 2000 est confirmée avec dépens en faveur de la défenderesse, The Big Apple Ltd.

« W.P. McKeown »

_______________

          [Juge]

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras LL.L.


                                                                                                                                         Date : 200220122

                                                                                                                                     Dossier : T-1623-00

Référence neutre : 2002 CFPI 72

ENTRE :

BAB HOLDINGS, INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                              THE BIG APPLE LTD.

                                                                                                                                               défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge McKeown

[1]         La demanderesse, Bab Holdings, Inc., prie la Cour d'infirmer la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (COMC) en date du 30 juin 2000. Cette décision refusait la demande d'enregistrement visant la marque BIG APPLE BAGELS & Design (no 738,724) et enjoignait au registraire des marques de commerce de rejeter l'opposition à la demande.

[2]        Les questions en litige sont les suivantes. Quelle est la norme de contrôle appropriée? La COMC s'est-elle trompée en refusant la demande d'enregistrement de la marque de commerce ?


LES FAITS

[3]        Le 8 octobre 1993, une demande de marque de commerce a été déposée, laquelle était fondée sur emploi projeté et visait à faire enregistrer au Canada la marque de commerce BIG APPLE BAGELS & Design en liaison avec les produits et services suivants :

produits de boulangerie, nommément bagels, bretzels, torsades et croustilles de bagel; aliments de choix, nommément sandwiches de pain bagel au fromage à la crème, soupes; boissons non alcoolisées, nommément café, jus, thé, lait, soda (les marchandises) et services de restaurant et de mets à emporter; services de franchise, nommément fourniture d'aliments et de recettes, méthodes de gestion des affaires, services de marketing, formation et instructions pour l'exploitation d'un restaurant franchisé (les services).

[4]        Le 14 novembre 1995, la défenderesse s'est opposée à la demande en s'appuyant sur les quatre motifs suivants, exposés dans une argumentation écrite.

(1)        La demande n'est pas conforme à l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce (La Loi) du fait que la demanderesse ne pouvait avoir été convaincue qu'elle avait le droit d'employer sa marque de commerce.

(2)        La marque de commerce n'est pas enregistrable sous le régime de l'alinéa 12(1) d) de la Loi parce qu'elle créerait de la confusion avec la marque de commerce déposée de la défenderesse, BIG APPLE (389,455).

(3)        Aux termes de l'article 16 de la Loi, la demanderesse n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la marque parce que cette marque créerait de la confusion avec les marques de commerce de la défenderesse et avec ses noms commerciaux.

(4)        La marque de la demanderesse n'est pas distinctive de ses marchandises et services.

[5]         Le registraire a fondé sa décision sur le quatrième motif d'opposition et, conséquemment, il n'a pas eu besoin de considérer les autres motifs. Le registraire a déclaré ce qui suit dans sa décision du 30 juin 2000 :


[TRADUCTION] Évidemment, en l'espèce, la demande relative à la marque BIG APPLE BAGELS & Design n'est pas fondée sur le paragraphe 12(2) et l'article 13 de la Loi sur les marques de commerce, et donc la demande visée ne peut être limitée territorialement.

Compte tenu de la preuve des parties, il m'apparaît que les personnes qui vivaient à Colborne (Ontario) ou dans les environs, à la date pertinente du 14 novembre 1995, lesquelles connaissaient déjà les marques de l'opposante, THE BIG APPLE & Design employées en liaison avec des produits de boulangerie et des services de mets à emporter auraient vraisemblablement présumé, s'ils avaient été mis en présence de la marque BIG APPLE & Design employée en liaison avec des bagels ou des services de restaurant, que l'opposante approuvait les marchandises et les services, avait délivré une licence à leur égard ou les parrainait. Il s'ensuit que les marques prêtent à confusion et que la marque dont on demande l'enregistrement n'est pas distinctive des marchandises et services de la requérante (voir : Glen-Waren Productions Ltd. c. Gertex Hoisery Ltd. (1990), 29 C.P.R. (3d) 7 à la p. 12 (C.F. 1re inst.).

ANALYSE

[6]        Étant donné que le registraire s'est appuyé sur le quatrième motif d'opposition, il importe de noter que c'est la demanderesse qui assume le fardeau légal de prouver que sa marque est adaptée pour distinguer ses services de ceux fournis par d'autres personnes au Canada ou qu'elle les distingue véritablement (Muffin Houses Inc. c. The Muffin House Bakery (1985), 4 C.P.R. (3d) 272).

[7]        Je dois maintenant me prononcer sur la norme de contrôle appropriée en l'espèce. La Cour fédérale d'appel dans Brasseries Molson c. John Labatt Limitée (2000), 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.) a appliqué la norme de " la décision raisonnable simpliciter " à la décision du registraire, car celle-ci comportait des conclusions de fait et de droit. Le juge Rothstein de la Cour d'appel fédérale a commenté en ces termes la norme de contrôle dans l'affaire United Grain Growers Ltd c. Lang Michener, [2001] 3 C.F. 102 (C.A.F.) à la p. 107 :


Dans Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, la Cour a conclu que les décisions du registraire, de fait, de droit ou résultant de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Lorsqu'une preuve additionnelle pouvant influer sur les conclusions de fait ou l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire est déposée devant la Section de première instance, le juge de première instance doit tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire.

[8]        En l'espèce, aucun élément de preuve additionnel n'a été soumis, et la Cour dispose essentiellement du même dossier que la COMC. En conséquence, la norme à appliquer relativement aux conclusions de fait et relativement à l'application du droit aux faits est celle de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, la norme à appliquer à des questions strictement juridiques est celle de la décision correcte. Dans la présente cause, ces questions consistent à établir quelle est la date appropriée pour déterminer le caractère distinctif et s'il est nécessaire de démontrer l'emploi exclusif au Canada pour prouver le caractère distinctif. Ces questions ne relevant pas de la spécialité de la COMC, c'est donc la norme de la décision correcte qui s'applique.

[9]        Bien qu'une marque de commerce puisse être enregistrée même pour un territoire limité, il ne s'agit pas ici d'une demande à laquelle s'applique le paragraphe 12(2) ou l'article 13 de la Loi sur les marques de commerce, comme l'avait signalé avec justesse l'agent d'audition. En conséquence, ainsi que la COMC l'a fait remarquer, la réputation des marques THE BIG APPLE et APPLE DESIGN de la défenderesse, non seulement dans la région de Colborne mais aussi dans toute la zone du couloir 401, fait obstacle au caractère distinctif requis pour justifier l'octroi d'un enregistrement de la marque de commerce de la demanderesse.


[10]      La demanderesse a déclaré que la COMC aurait dû traiter de toutes les circonstances prévues au paragraphe 6(5) de la Loi. Toutefois, le juge Denault a affirmé ce qui suit dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.) à la p. 428 :

Le moyen d'opposition en cause est énoncé à l'alinéa 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce : " la marque de commerce n'est pas distinctive. "    Le terme " distinctive " est défini à l'article 2 de la façon suivante :

Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

Bien que le caractère distinctif d'une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l'examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l'article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d'enregistrement au motif qu'elle n'est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition. Il en est ainsi en raison des mots " autres propriétaires " figurant dans la définition, qui peuvent s'appliquer à toute autre personne, et en raison de l'écart entre les dates pertinentes pour l'examen de ces questions. L'appelante a soutenu que le paragraphe 17(1) s'appliquait au moyen fondé sur le caractère non distinctif, de façon que l'opposante ne pouvait s'appuyer sur la preuve relative aux " autres propriétaires " qui ne seraient pas ses prédécesseurs en titre. Je ne peux souscrire à cet argument. Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d'une marque de commerce. Le moyen fondé sur l'absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s'appuyer sur le défaut de distinguer ou d'être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

Comme dans l'affaire Clarco, le motif est énoncé dans la déclaration d'opposition.

[11]      Dans Glen-Warren Productions Ltd. c. Gertex Hosiery Ltd. (1990), 29 C.P.R. (3d) 7 (C.F. 1re inst.), la Cour a rattaché la question du caractère distinctif à celle de la confusion et a affirmé que le registraire était en droit de les lier. Le juge Dubé déclare à la p. 12 :

Selon une règle incontestable, il y a confusion de marque de commerce3, lorsque le public peut vraisemblablement être porté à croire que les marchandises mises en vente par la requérante ont été approuvées, fabriquées sous licence ou parrainées par l'opposante et que cela va, dans l'esprit du consommateur, semer le doute et l'incertitude.


[12]      Je dois maintenant examiner la question de la date appropriée pour juger du caractère distinctif. À mon avis, Madame le juge Reed a exposé le problème avec justesse dans American Association of Retired Persons c. Association canadienne des individus retraités/Canadian Association of Retired Persons (1998), 84 C.P.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.) à la p. 207, à partir du paragr. 20 :

[20] (¼) La date pour laquelle l'intimée doit prouver le caractère distinctif est la date de la production de la déclaration d'opposition (le 31 janvier 1992). Il existe un certain flottement dans la jurisprudence au sujet de cette dernière date, mais je crois que la date généralement acceptée est la date de la production de l'opposition (¼)

[21] Dans Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc. (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a remis en question le bien-fondé de la position voulant que le caractère distinctif s'apprécie à la date de la production de l'opposition. Il s'appuyait sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale, Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, aux pages 429-430, et a proposé qu'il devrait plutôt s'apprécier à la date à laquelle le registraire tranche l'opposition.

[22] Toutefois, l'affaire Park Avenue portait sur l'enregistrabilité de la marque, non sur une opposition fondée sur l'absence de caractère distinctif. Le raisonnement était que l'enregistrabilité devait être tranchée à la date de l'enregistrement ou à la date du rejet de l'enregistrement, et non par rapport à quelque date antérieure.

(¼)

[24] La dernière prise de position sur cette question est celle de Madame le juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Les Brasseries Molson c. John Labatt Ltée (1998) 148 F.T.R. 281, [1998] F.C.J. No. 929 (QuickLaw). Aux paragraphes 50-56, elle résume l'état du droit et prend la position que le caractère distinctif doit s'apprécier à la date de la production de l'opposition, en notant que la Cour d'appel fédérale n'a pas modifié ce principe dans l'affaire Park Avenue Furniture .

[13]      Puisqu'il ne s'agit pas d'une demande fondée sur le paragraphe 12(2), la date prévue par cette disposition n'est pas celle qui sert à l'évaluation du caractère distinctif. Qui plus est, même si certaines des affaires énonçant que la date à considérer est celle de la production de la déclaration d'opposition l'ont fait dans des remarques incidentes, je suis convaincu que, selon la règle de droit, la date pertinente est la date de production de la déclaration d'opposition.


[14]      La demande est rejetée. La décision de la COMC, en date du 30 juin 2000, est maintenue avec dépens en faveur de la défenderesse, The Big Apple Ltd.

          « W.P. McKeown »

_______________

          [Juge]

TORONTO (ONTARIO)

22 janvier 2002

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                               T-1623-00

INTITULÉ :                                                              BAB HOLDINGS, INC.

                                                                                                                                  demanderesse

-et-

THE BIG APPLE LTD.          défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                      Mardi 22 janvier

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :        Le juge McKeown

COMPARUTIONS :                                  Mme Stephanie Vaccari

pour la demanderesse

M. Marcus Gallie et Tim Bourne

pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Baker & McKensie

181, rue Bay, C.P. 874

Bureau 2100

Toronto (Ontario)

M5J 2T3

pour la demanderesse

Ridout & Maybee

150, rue Metcalfe,19e étage

Ottawa (Ontario)

K2P 1P1

pour la défenderesse


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                     Date : 200220122

                                                                Dossier : T-1623-00

ENTRE :

BAB HOLDINGS, INC.            

demanderesse

-et-

THE BIG APPLE LTD.

défenderesse

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MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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