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                                                                                                                                  Date: 19990730

                                                                                                                     Dossier: IMM-5216-98

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, dans sa forme modifiée;

ET une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié concernant la revendication que Thurkatharan Sivamayam a présentée en vue d'être reconnu à titre de réfugié au sens de la Convention

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE

THURKATHARAN SIVAMAYAM,

demandeur,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. Sivamayam est un réfugié de Sri Lanka. C'est un jeune Tamoul qui affirme craindre d'être persécuté à Sri Lanka parce que l'armée sri-lankaise (l'ASL) croit qu'il est lié aux Tigres libérateurs (les LTTE) et que ces derniers croient qu'il est lié à l'ASL. À la fin de l'audience qui a eu lieu devant la Section du statut de réfugié (la SSR), la présidente a demandé à l'avocat de M. Sivamayam de présenter des observations écrites plutôt qu'une plaidoirie orale sur un certain nombre de points. La présidente a ensuite rendu une décision défavorable à M. Sivamayam pour des motifs autres que ceux à l'égard desquels elle avait demandé de présenter des observations. M. Sivamayam sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[2]         Au début de l'audition de la demande, le 8 juillet 1998, l'avocat de M. Sivamayam a demandé à la présidente, Mme Julie Taub, de se récuser pour le motif qu'il existait une crainte raisonnable de partialité. La demande était fondée sur le fait que M. Sivamayam était représenté par l'associé d'un avocat qui avait poursuivi Mme Taub devant la Cour supérieure de l'Ontario en alléguant que celle-ci se conduisait d'une façon indigne dans l'exercice de ses fonctions de membre de la SSR. Mme Taub a refusé de se récuser pour le motif que l'avocat n'était même pas membre du cabinet lorsque l'instance avait été engagée et que le demandeur de statut n'avait rien à voir avec le demandeur auteur de la poursuite engagée devant la Cour supérieure. Après que la présidente eut rendu sa décision, l'audience s'est déroulée de la façon habituelle.

[3]         La preuve présentée par M. Sivamayam est fondamentalement qu'il venait initialement du nord de Sri Lanka, où les LTTE avaient tenté à plusieurs reprises de le contraindre à se joindre à eux. M. Sivamayam a décidé de s'installer dans le sud, ce qui l'a obligé à se séparer de sa famille, qu'il n'a pas vue depuis lors. Afin de se rendre dans le sud, il a été obligé de passer par les camps de Vavuniya où il est resté un mois. Il a ensuite obtenu un laissez-passer lui permettant de s'installer à Colombo où, en sa qualité de jeune Tamoul, il faisait l'objet de soupçons considérables de la part de la police. Il a été arrêté et battu à deux reprises. Il a décidé de quitter Sri Lanka et a réussi à le faire dans les dix jours qui ont suivi celui où des agents de police avaient fait une descente chez lui. La présidente a demandé à M. Sivamayam pourquoi il avait décidé de quitter le pays au lieu de retourner tout simplement à Jaffna. Les propos suivants ont été échangés entre M. Sivamayam et Mme Taub :

[TRADUCTION]

Mme TAUB :Qui contrôle maintenant votre ville, à Jaffna?

LE DEMANDEUR :La région est contrôlée par l'armée.

Mme TAUB :Pourquoi ne retourneriez-vous pas dans la ville d'où vous venez?

LE DEMANDEUR :Nous avons déménagé en juin 1990 parce que l'endroit avait été fermé pour le camp militaire, parce qu'ils ont créé une zone de sécurité à cet endroit, et ils ne voulaient personne qui reste là, et l'on nous a demandé de partir et d'aller habiter ailleurs, comme dans la ville de Jaffna.

L'AVOCAT :Quel ...?

Mme TAUB :Vous êtes-vous rendu dans la ville de Jaffna?

LE DEMANDEUR :En juin 1990, nous nous sommes installés à Jaffna, puis à Chavakatcherri. Jusqu'en 1995, nous étions à Katcherni (épellation phonétique) et en 1996, nous sommes allés à Chavakatcherri. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, ils arrêtaient les jeunes garçons, et ils s'en servaient comme boucliers humains pour avancer, parce qu'ils voulaient se protéger contre les mines terrestres. C'est ainsi qu'ils les traitaient. C'est pourquoi nous sommes partis lorsque l'armée avançait. Et (inaudible) j'ai déménagé.

Mme TAUB :Pourriez-vous maintenant retourner à Jaffna?

LE DEMANDEUR :D'après les informations, j'entends dire tous les jours que de nombreux jeunes gens disparaissent de Jaffna, et le mouvement -- les garçons attaquent les postes de guet de l'armée et parfois leurs camps. Lorsque cela arrivait, ils arrêtaient des garçons innocents de la région, des jeunes garçons, et la plupart des garçons ont disparu. Et même lorsque des membres de leur famille sont allés se renseigner à leur sujet, on ne leur a rien dit, parce qu'ils n'éprouvent aucune sympathie envers les garçons de Jaffna.

Mme TAUB :Maître?

L'AVOCAT :         C'est tout, merci.

[4]         L'agent chargé de la revendication a également demandé à M. Sivamayam quelles étaient les possibilités d'un retour à Jaffna, lorsque M. Sivamayam avait décidé de s'enfuir de Colombo :   

[TRADUCTION]

L'ACR :Je veux simplement revenir sur un point, pourquoi croyez-vous ne pas pouvoir retourner à Jaffna, en particulier dans les secteurs que l'armée contrôle?

LE DEMANDEUR :Le secteur n'est pas entièrement contrôlé par l'armée. Les gens du mouvement occupent également certains secteurs. Les gens du mouvement se livrent à des attaques soudaines, et ils disparaissent, de sorte qu'ils arrêtent les garçons innocents qui sont chez eux.

De plus, ils se serviraient de nous pour se protéger contre les attaques des LTTE. Lorsqu'il y avait des attentats à la bombe, ils arrêtaient les garçons, et personne ne pouvait obtenir de renseignements au sujet de ceux-ci--

L'ACR :Pardon, je voudrais vous interrompre un instant.

Il y a beaucoup de gens de Jaffna qui étaient dans le sud et qui sont retournés à Jaffna.

L'AVOCAT :En fait, je voulais qu'il finisse de répondre.

Qui arrêtait les garçons? Vous alliez le dire avant d'être interrompu. Pourriez-vous finir de répondre?

LE DEMANDEUR :C'était l'armée qui arrêtait les garçons. En outre, l'endroit où j'habitais, je ne peux pas y retourner parce que cela fait maintenant partie d'une zone de sécurité. Et ce qui est encore plus important, je ne sais pas où sont mes parents maintenant. Où donc devrais-je aller vivre?

L'ACR :Eh bien, avez-vous des membres de votre famille à Jaffna? Des tantes, des oncles, des cousins, des grands-parents?

LE DEMANDEUR :Je n'ai pas beaucoup de parents. Et même s'il y en a, lorsqu'on arrête une personne, seul son père et sa mère ont le droit d'aller se renseigner à son sujet. Je suis certain que si je devais retourner là-bas, il pourrait m'arriver quelque chose. Ils m'arrêteraient et ils s'en prendraient à moi. Pourquoi donc retournerais-je à pareil endroit?

L'ACR :Je--

Mme TAUB :Pardon, vous dites que seuls votre père et votre mère peuvent intervenir si l'on vous arrête, mais dans votre cas, vos parents n'étaient pas en cause, il s'agissait d'un étranger qui était un ami de votre père.

LE DEMANDEUR :Lorsqu'il a communiqué avec les autorités, il n'a pas pu obtenir ma libération. Ce n'est qu'après leur avoir remis de l'argent qu'il a pu l'obtenir. Étant donné qu'il est dans les affaires, il a pu remettre l'argent, mais chaque fois qu'il en donne, je m'endette de plus en plus envers lui.

L'ACR :D'accord. J'aimerais simplement dire que si je comprends bien, il y a des avions, des bateaux, qui se rendent à Jaffna à partir du sud, que le gouvernement encourage les gens à retourner à Jaffna du-- ceux qui se sont enfuis par le passé, le système bancaire fonctionne de nouveau, les écoles et les hôpitaux sont ouverts, les gens sont--

LE DEMANDEUR :Je ne suis pas au courant de cela.

L'ACR :D'accord. Et lorsque vous dites qu'ils arrêtent les gens par suite des attaques des LTTE, voulez-vous dire qu'on les arrête et qu'on porte des accusations ou voulez-vous dire qu'on les détient pour les interroger? Le savez-vous?

LE DEMANDEUR :Je ne sais pas exactement pourquoi. Il leur est très difficile de trouver les gens qui -- les gens qui font partie du mouvement, de sorte qu'ils arrêtent les jeunes Tamouls. Habituellement, ils arrêtent les étudiants, puis ils font de la propagande et ils disent qu'ils ont arrêté les Tigres.

L'ACR :Monsieur, à deux endroits à Sri Lanka, vous avez été photographié, vos empreintes digitales ont été prises et il a été reconnu que vous n'étiez pas membre des LTTE, et ce, tant par l'armée que par la police à Colombo.

LE DEMANDEUR :Oui.

L'ACR :Alors, pourquoi croyez-vous que cela changerait, si vous alliez à Jaffna?

LE DEMANDEUR : Même à Colombo, après qu'on eut reconnu mon statut d'étudiant, et après ma première libération, on m'a arrêté une autre fois. Par conséquent, pour obtenir de l'argent, ou pour une autre raison, ils effectuent des arrestations.

[5]         Une bonne partie de la preuve dont disposait la Commission était composée du témoignage dans lequel M. Sivamayam donnait aux membres de la SSR des explications au sujet des épreuves qu'il avait subies dans le camp de Vavuniya lorsqu'il se rendait du nord au sud de Sri Lanka.

[6]         À la fin du témoignage, les propos suivants ont été échangés :

[TRADUCTION]

L'ACR :Sur votre Formulaire de renseignements personnels, vous déclarez que vous vouliez quitter Sri Lanka.

LE DEMANDEUR :Je voulais quitter le pays, mais je croyais qu'il n'y avait aucune façon de le faire, parce que je ne connaissais personne qui allait m'envoyer.

L'ACR :C'est tout.

M. NAQVI [le 2e membre de la formation] :    D'accord. Merci.

Mme TAUB :Allez-vous procéder à un réinterrogatoire, Maître?

L'AVOCAT :Non, merci.

Mme TAUB :                          D'accord. Je vais proposer quelque chose.

Mme MacLeod, pouvez-vous faire des observations très brèves?

L'ACR :Ouais.

Mme TAUB :Maître, puis-je vous demander de présenter des observations écrites cette fois-ci? Il n'en tient qu'à vous.

L'AVOCAT :Non, ça va. S'il faut faire des observations dans un cas comme celui-ci, je ne m'oppose pas à ce qu'elles soient faites par écrit.

Mme TAUB :C'est simplement à cause des contraintes de temps.

L'ACR : Oui. Eh bien, je ne vais pas faire de commentaires au sujet des pièces d'identité que le demandeur a produites.

Mme TAUB :Je crois que nous sommes satisfaits du (inaudible). Je ne crois pas que l'identité soit remise en question.

L'ACR :Non.

Mme TAUB :Je crois que la formation s'intéresserait à la question de la vraisemblance, en ce qui concerne Vavuniya.

L'ACR :D'accord.

Mme TAUB :(inaudible) Jaffna. Nous n'examinons pas la question de la PRI à Colombo.

L'ACR :Eh bien, en ce qui concerne--

Mme TAUB :Pardon, à moins que mon collègue n'ait d'autres questions --

M. NAQVI :Non, ça va.

Mme TAUB :          -- à ce sujet.

M. NAQVI :                         Ouais, ça va.

[7]         Dans ses remarques finales, l'ACR a principalement mis l'accent sur les épreuves que M. Sivamayam avait subies à Vavuniya et a soutenu, en se reportant à une partie de la preuve documentaire, que si M. Sivamayam était renvoyé à Sri Lanka, rien ne l'empêcherait de retourner dans le nord, qui est maintenant assujetti au contrôle de l'ASL.

[8]         Comme il avait convenu de le faire, l'avocat de M. Sivamayam a soumis, le 5 août 1998, des observations écrites qui renfermaient des remarques préliminaires, un énoncé des questions, un aperçu du critère applicable au statut de réfugié au sens de la Convention, un examen de la preuve documentaire, une analyse de la crédibilité; il y avait ensuite le paragraphe suivant :

[TRADUCTION]

Étant donné que les membres m'ont demandé et ont demandé à l'ACR de limiter nos observations ou nos arguments à la question de la « vraisemblance » des épreuves que le demandeur avait subies à Vavuniya, je limiterai le reste de mes commentaires à cette question. J'aimerais également confirmer qu'à la fin de l'audience, les membres ont dit que la PRI à Colombo n'était pas en cause et que l'identité personnelle du demandeur n'était pas non plus en cause.

[9]         La décision de la SSR, datée du 8 septembre 1998, a été rendue publique le 18 septembre 1998. La SSR a rendu une décision défavorable à M. Sivamayam en se fondant sur le fait qu'il n'avait pas raison de craindre d'être persécuté dans le nord. La SSR a statué ce qui suit :

[TRADUCTION]

                La formation n'est pas convaincue qu'il ait des motifs valables de craindre d'être persécuté s'il retournait à Sri Lanka.

                La formation croit que le demandeur pourrait retourner dans la région de Jaffna, d'où il vient et que l'Armée sri-lankaise contrôle. [On traite ensuite des épreuves que le demandeur a subies à Vavuniya] [...] Selon une preuve documentaire digne de foi, les civils qui se dirigent vers le sud et qui arrivent à Vavuniya doivent habituellement attendre plusieurs jours, des semaines ou des mois, pendant que la sécurité de Vavuniya essaie de communiquer avec la famille ou avec des amis dans le sud, qui seraient prêts à les parrainer. À la suite d'une vérification additionnelle, ils sont transférés dans un autre camp près de la gare où ils sont assujettis à un nouveau contrôle. En outre, les personnes qui ont entre 15 et 35 ans sont retenues à Thandikulam pour faire l'objet d'une vérification spéciale, pour des raisons de sécurité. Ce n'est pas ce qui s'est passé dans le cas du demandeur, de sorte que la formation est convaincue que l'ASL ne s'intéresse pas à ce jeune homme et qu'il pourrait donc retourner à Jaffna, que l'ASL contrôle.

                Selon une preuve documentaire digne de foi, des milliers de gens sont retournés à Jaffna depuis le mois de décembre 1995 par suite des efforts que le gouvernement a faits en vue de repeupler la péninsule. Le transport est offert gratuitement et, chaque semaine, environ 1 000 personnes retournent à Jaffna depuis le début de l'année 1997. Les gens peuvent généralement aller et venir à leur guise à moins d'être assujettis à des conditions spéciales. Les opérations d'encerclement et de recherche sont fréquentes, peut-être aux deux semaines, mais elles se déroulent en général paisiblement. Les magasins sont bien approvisionnés, mais les prix sont plus élevés qu'à Jaffna; 80 p. 100 des écoles sont ouvertes et le nombre d'étudiants inscrits à l'université de Jaffna représente environ 70 p. 100 du nombre d'étudiants inscrits avant 1995.

                Dans un communiqué récent du HCNUR daté du 1er mars 1997, les remarques suivantes sont faites :

5.              Les demandeurs d'asile qui ont fait l'objet d'un rejet et qui se présentent avec des documents de voyage nationaux ne devraient pas avoir de problèmes lorsqu'ils arrivent à l'aéroport de Colombo [...]

6.              En général, les demandeurs d'asile qui ont fait l'objet d'un rejet ne sont pas ciblés, que ce soit à l'aéroport ou par la suite. D'autre part, à cause du conflit continu et des problèmes de sécurité, l'identité des individus est vérifiée dans le cadre des contrôles de sécurité généraux; en principe, les autorités traitent les personnes en cause d'une façon équitable et humaine. Les détentions pour des contrôles de sécurité sont surveillées par des organismes de droits de l'homme. Les citoyens, y compris les demandeurs d'asile qui ont fait l'objet d'un rejet, qui ont été expulsés, peuvent se prévaloir des services et de l'appui des organismes nationaux de droits de l'homme.

                Le demandeur possède la pièce d'identité nécessaire, son certificat de naissance.

                La formation reconnaît que si le demandeur retourne à Jaffna, il sera probablement assujetti aux contrôles habituels de sécurité, mais la Section de première instance de la Cour fédérale a statué que de brèves détentions visant à empêcher des émeutes ou à éviter le terrorisme ne constituent pas de la persécution.

CONCLUSION

                Pour les motifs susmentionnés, et après avoir minutieusement examiné tous les éléments de preuve qui ont été présentés à l'audience, la formation n'est pas convaincue qu'il ait été établi que le demandeur avait raison de craindre d'être persécuté pour l'un des motifs énoncés dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » figurant dans la Loi sur l'immigration.

                La section du statut de réfugié conclut que le demandeur Thurkatharan Sivamayam n'est pas un réfugié au sens de la Convention (notes de bas de page omises).

[10]       Sur réception de cette décision, M. Sivamayam a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SSR. La demande est principalement fondée sur le fait qu'il existe une crainte raisonnable de partialité, découlant du fait que Mme Taub ne s'est pas récusée comme l'avocat lui demandait de le faire. Subsidiairement, le demandeur a invoqué le déni de justice naturelle découlant du fait que la SSR avait demandé à l'avocat de limiter ses observations, puis avait réglé l'affaire en se fondant sur des motifs dont l'avocat n'avait pas traité dans ses observations. Compte tenu de la conclusion que j'ai tirée sur ce dernier point, il n'est pas nécessaire d'examiner les allégations relatives à la crainte raisonnable de partialité.

[11]       Il n'est pas nécessaire de citer des arrêts à l'appui de la thèse selon laquelle la SSR ne peut pas rendre une décision défavorable au demandeur sans donner à celui-ci la possibilité de traiter des questions sur lesquelles elle s'est fondée. Il s'agit ici d'une variation de la situation habituelle en ce sens que la SSR a demandé que des observations soient présentées sur des points particuliers et a ensuite tranché l'affaire en se fondant sur un point à l'égard duquel elle n'avait pas demandé d'observations. Je reconnais qu'un tribunal n'a pas nécessairement à énoncer toutes les étapes de son raisonnement pour pouvoir rendre une décision défavorable au demandeur. C'est d'autant plus le cas lorsque le demandeur est représenté par un avocat. Il incombe à l'avocat d'être convaincant, de répondre aux indications données par la Commission au sujet des questions sur lesquelles il faut la convaincre. Cependant, lorsque le tribunal dit qu'il veut entendre les observations de l'avocat sur certains points, il laisse implicitement entendre que les autres points ne seront pas déterminants. Cela ne l'empêche pas de tenir compte d'autres questions, mais s'il veut se fonder sur ces autres questions pour rendre sa décision, l'équité et la justice naturelle exigent que le demandeur soit autorisé à traiter de ces questions, étant donné que le tribunal a déjà fait savoir qu'il ne considérait pas ces questions comme concluantes.

[12]       Si l'on suppose que l'avocat n'a pas compris ce à quoi la SSR s'attendait en ce qui concerne les observations, le résultat est le même. Puisque l'avocat a expressément dit dans son mémoire qu'à la demande de la SSR, il ne ferait pas d'observations sur d'autres points (y compris un point qui, selon la SSR, était déterminant), il incombait à la SSR de dissiper le malentendu si elle voulait régler l'affaire comme elle l'a fait. Le problème était attribuable au fait que la SSR avait demandé à l'avocat de limiter ses observations; ce n'est pas l'avocat qui a créé le problème. Si l'avocat n'a pas bien compris les directives de la SSR, il incombait à la SSR de clarifier les directives lorsque le malentendu est devenu évident.

[13]       En fin de compte, M. Sivamayam a été privé d'une audience équitable. La décision que la SSR a rendue le 8 septembre 1998 est infirmée et l'affaire est renvoyée à la section du statut de réfugié pour réexamen par une formation différente.

[14]       Les avocats ont convenu qu'il n'y a pas de question grave de portée générale en l'espèce; aucune question n'est certifiée.

[15]       Le demandeur aura droit à ses dépens.

                « J. D. Denis Pelletier »

                              Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-5216-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :THURKATHARAN SIVAMAYAM ET MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 28 JUIN 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 30 juillet 1999

ONT COMPARU :

ROCCO GALATI                                            POUR LE DEMANDEUR

LORI HENDRICKS                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GALATI, RODRIGUES ET ASSOCIÉS          POUR LE DEMANDEUR

TORONTO

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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