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Date : 20040129

Dossier : T-1040-02

Référence : 2004 CF 144

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

                                         INTERBOX PROMOTION CORPORATION

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                           9073-0433 QUÉBEC INC., EXPLOITANT SON ENTREPRISE

                              SOUS LA RAISON SOCIALE BAR CAFÉ GOODFELLAS,

                                   ET LES AUTRES DÉFENDERESSES CI-ANNEXÉES

                                                                                                                                       défenderesses

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Un combat professionnel peut ne durer que quelques minutes dans le ring. Ses suites peuvent s'éterniser dans le prétoire. Tel est le cas pour quatre combats de boxe qui s'étaient déroulés à Montréal.


[2]                La société Interbox était l'organisatrice. Elle a présenté les combats au Centre Molson, comme on l'appelait alors, elle a négocié les droits de télévision, elle a fait procéder aux enregistrements magnétoscopiques et elle a diffusé la cassette son et image pour visionnement à la carte. Des établissements tels que bars, restaurants et clubs pouvaient montrer le programme à leurs clients moyennant paiement d'une redevance.

[3]                Les quatre combats de boxe qui ont été portés à l'attention de la Cour sont les suivants :

-           le second Hilton c. Ouellette, le 28 mai 1999 (dossier T-1788-99);

-           Gatti c. Hutchinson, le 8 septembre 2000 (T-1073-02);

-           Hilton c. Thobella, le 15 décembre 2000 (T-1040-02); et

-           Lucas c. Thobella, le 30 novembre 2001 (T-1042-02).

[4]                La principale allégation avancée dans chacune des quatre actions est que divers établissements ont illégalement montré les combats de boxe sans payer la redevance prévue. Interbox a alors voulu se faire payer par les établissements en question. Ceux qui ont refusé de payer ont été poursuivis pour présumée contrefaçon du droit d'auteur d'Interbox. Un grand nombre de défendeurs ont été poursuivis, chacun séparément.

[5]                Interbox a choisi de faire porter son attention sur la première action, T-1788-99, et elle s'est activée pour mettre l'affaire en état. Cependant, après avoir déposé des réponses aux défenses dans les trois autres actions, elle n'a rien fait jusqu'au jour où elle a reçu des avis d'examen de l'état des instances. Elle a répondu aux avis, ainsi que l'ont fait certaines défenderesses, mais pas toutes. S'agissant des défenderesses qui se sont manifestées, le protonotaire Morneau a rejeté pour cause de délai les actions engagées contre elles. Interbox a fait appel de ces ordonnances.


[6]                Voyant le traitement accordé aux défenderesses qui avaient répondu aux avis d'examen de l'état des instances, et comme Interbox a maintenant obtenu un jugement favorable dans le dossier T-1788-99, certaines des autres défenderesses ont déposé des demandes en vue d'être autorisées à produire des réponses tardives aux avis d'examen de l'état des instances. Elles espèrent qu'elles seront alors traitées sur le même pied que les défenderesses qui avaient répondu aux avis et que les actions engagées contre elles seront elles aussi rejetées.

[7]                Les appels d'Interbox et toutes les autres requêtes ont été instruits ensemble à Montréal le 12 janvier 2004. Les présents motifs concernent le bien-fondé de toutes les requêtes, introduites par voie d'appel ou autrement, qui ont été instruites ce jour-là.

[8]                En raison des modifications apportées aux Règles de la Cour fédérale en 1998, les parties et leurs avocats n'ont plus la haute main sur les délais de procédure. Les prorogations consensuelles des délais sont très restreintes (article 7 des Règles).

[9]                L'article 380 de la partie IX des Règles, intitulée « Gestion des instances et services de règlement des litiges » , prévoit que la Cour doit fixer la date et l'heure d'un examen de l'état de l'instance si les actes de procédure ne sont pas clos et que 180 jours se sont écoulés depuis la délivrance de la déclaration, ou si aucune partie n'a déposé de demande de conférence préparatoire et que 360 jours se sont écoulés depuis la délivrance de la déclaration.

[10]            Puisqu'aucune demande de conférence préparatoire n'avait été déposée dans les actions T-1040-02, T-1042-02 et T-1073-02, l'administrateur a signifié des avis d'examen de l'état des instances, signés par le juge en chef, avis qui invitaient la demanderesse à déposer des conclusions écrites exposant les raisons pour lesquelles les actions ne devraient pas être rejetées pour cause de délai.

[11]            Dans ses observations en réponse aux avis, Interbox faisait valoir qu'elle avait transigé avec plusieurs défenderesses, qu'elle s'était désistée de son action à l'égard de certaines d'entre elles, qu'elle produirait un affidavit de documents très prochainement et que les actions étaient restées en suspens parce que la première affaire, T-1788-99 (Hilton c. Ouellette), venait d'être renvoyée devant le juge Martineau. Abstraction faite de quelques détails mineurs, cette action était identique aux trois actions soumises à un examen de l'état de l'instance, si ce n'est que les défenderesses étaient différentes. Interbox indiquait que, selon toute probabilité, la décision du juge Martineau disposerait des points de droit en litige.

[12]            Certaines des défenderesses ont répondu, et d'autres non. Les réponses différaient légèrement, mais leur position générale était qu'elles n'étaient pas au courant de l'action T-1788-99 ou ne savaient pas que cette action venait d'être renvoyée au tribunal. Elles n'avaient connaissance d'aucune entente qui ferait que cette affaire aurait valeur de procès type et qu'elles seraient liées par le résultat. Quelques-unes avaient écrit aux avocats de la demanderesse pour s'enquérir de leurs intentions ou des dates possibles des interrogatoires préalables, et elles n'avaient pas obtenu de réponse.


[13]            Interbox quant à elle a répondu qu'elle était disposée à commencer les interrogatoires préalables aussitôt que possible.

[14]            Le protonotaire Morneau a rejeté les actions engagées contre les défenderesses qui avaient répondu aux avis d'examen de l'état des instances, mais non les actions engagées contre les défenderesses qui n'y avaient pas répondu. Les seuls motifs qu'il a donnés étaient qu'il avait pris en compte les observations des défenderesses.

NORME DE CONTRÔLE

[15]       L'article 51 des Règles prévoit que l'ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge. D'une manière inattendue, la Cour d'appel fédérale avait jugé, dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, que l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas être annulée à moins qu'elle soit entachée d'une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits, ou à moins que l'ordonnance ne porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue de la cause. L'arrêt Aqua-Gem a été cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Z.I. Pompey Industrie c. Ecu-Line N.V., 2003 CSC 27, 224 D.L.R. (4th) 577.


[16]            Le mois dernier, la Cour d'appel fédérale indiquait, dans l'arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, qu'il serait plus simple de reformuler légèrement le critère parce qu'un juge devrait d'abord se demander si les points soulevés ont une influence déterminante sur l'issue du principal. Ce n'est que lorsqu'ils n'ont pas une telle influence que le juge doit alors se demander si l'ordonnance était entachée d'une erreur flagrante. Le critère, retouché par le juge Décary, est maintenant le suivant :

Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a)              l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal,

b)              l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.

[17]            Rien ne peut être plus définitif que le rejet d'une action. Par conséquent, je suis fondé à exercer mon pouvoir discrétionnaire et à examiner l'affaire depuis le début. Si les ordonnances n'avaient pas ce caractère définitif, je ne serais pas intervenu parce qu'elles n'étaient pas fondées sur un mauvais principe ni sur une mauvaise appréciation des faits.

[18]            Dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j'arrive à une conclusion quelque peu différente de celle du protonotaire Morneau. Comme lui, je n'aurais pas rejeté les actions engagées contre les défenderesses qui n'ont pas répondu aux avis d'examen de l'état des instances. Cependant, contrairement à lui, je n'aurais pas rejeté les actions engagées contre celles qui ont répondu aux avis. J'aurais ordonné que les actions se poursuivent en tant qu'instances à gestion spéciale. Voici comment je suis arrivé à cette conclusion.


ANATOMIE D'UNE ACTION

[19]       En temps normal, le demandeur dépose une déclaration, le défendeur dépose une défense et le demandeur a la possibilité de déposer une réponse. Par la suite, chacune des parties produit des documents, au coeur desquels se trouve un affidavit détaillé. Le dépôt de documents est suivi de l'interrogatoire préalable oral d'un représentant de chacune des parties. En général, le représentant n'est pas en état de répondre à chacune des questions pour laquelle une objection n'est pas retenue, et c'est pourquoi des engagements d'informer et de répondre plus tard sont donnés et acceptés. L'obligation d'un défendeur de déposer un affidavit de documents ne dépend pas si le demandeur a lui-même au préalable déposé son affidavit. Les deux parties ont la même obligation (article 223 des Règles).

[20]            Une foule de raisons peuvent expliquer pourquoi une conférence préparatoire ne sera pas demandée dans les 360 jours qui suivent la délivrance de la déclaration. La procédure peut avoir été introduite pour arrêter le cours de la prescription, pendant que les droits subrogatoires des assureurs des demandeurs sont encore en négociation. La réparation des dommages est parfois reportée. Cela est très courant dans les collisions de navires. C'est souvent une tâche très difficile et très longue que de recueillir et passer en revue des documents dans la préparation d'affidavits de documents. Des questions peuvent se poser sur l'utilité de tel ou tel document. Il est souvent compliqué de planifier des interrogatoires préalables, les enquêtes entreprises pour répondre à des engagements peuvent être complexes, et l'on s'interrogera parfois à juste titre sur la qualité des suites données à des engagements découlant d'interrogatoires préalables.

[21]            Dans aucun de ces cas l'action ne devrait être rejetée pour cause de délai. La ligne de conduite la plus indiquée est que la Cour ordonne que l'action suive son cours en tant qu'instance à gestion spéciale, après quoi le juge chargé de la gestion de l'instance fixera le délai à l'intérieur duquel devront être franchies les étapes ultérieures de l'action.

[22]            La difficulté dans le cas présent, c'est que Interbox, cherchant peut-être à diviser pour régner, mais peut-être pas, n'a pas été franche avec les défenderesses, n'a pas proposé une suspension des procédures et n'a jamais demandé de directives à la Cour, bien qu'il lui fût loisible de le faire n'importe quand. Les défenderesses, ainsi informées de la situation, auraient au moins eu la possibilité de demander l'autorisation d'intervenir dans le dossier T-1788-99, ou de demander la jonction des causes.

POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE D'EXAMINER L'AFFAIRE DEPUIS LE DÉBUT

[23]       Un précédent très souvent invoqué sur la manière dont le pouvoir discrétionnaire prévu par l'article 382 des Règles devrait être exercé est le jugement rendu par le juge Hugessen dans l'affaire Baroud c. Canada (1998), 160 F.T.R. 91, où il écrivait :

En décidant de la façon dont elle doit exercer le large pouvoir discrétionnaire qu'elle tient de la règle 382 à la fin d'un examen de l'état de l'instance, la Cour doit, à mon avis, se préoccuper principalement de deux questions :

1) Quelles sont les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas avancé plus vite et justifient-elles le retard qui a eu lieu?

2) Quelles mesures le demandeur propose-t-il maintenant pour faire avancer l'affaire?


Les deux questions sont clairement en corrélation en ce sens que s'il existe une excuse valable justifiant que l'affaire n'ait pas progressé plus rapidement, il n'est pas probable que la Cour soit très exigeante en requérant un plan d'action du demandeur. D'autre part, si aucune raison valable n'est invoquée pour justifier le retard, le demandeur devrait être disposé à démontrer qu'il reconnaît avoir envers la Cour l'obligation de faire avancer son action. De simples déclarations de bonne intention et du désir d'agir ne suffisent clairement pas. De même, le fait que la défenderesse puisse avoir été négligente et ne s'être pas acquittée de ses obligations procédurales est, dans une grande mesure, sans rapport : la principale obligation de voir à ce que l'affaire se déroule normalement incombe au demandeur et, à un examen de l'état de l'instance, la Cour lui demandera des explications.

[24]            Les défenderesses ont considérablement fait fond aussi sur le jugement Multibond Inc. c. Duracoat Powder Manufacturing Inc. (1999), 177 F.T.R. 226, rendu par la juge McGillis. Ce jugement doit être lu avec une certaine circonspection. La demanderesse n'avait entrepris aucune démarche sur une période de plus de quatre ans, ce qui a conduit la juge à s'exprimer ainsi, au paragraphe 22 :

L'examen de la genèse de la présente instance confirme que la demanderesse n'a pas, lors de l'examen de l'état de l'instance, fourni d'explication valable pour justifier son retard excessif. (Non souligné dans l'original.)


Dans la présente affaire, les délais sont comptés en mois, non en années. Il convient aussi de garder à l'esprit que, lorsque Multibond avait déposé sa déclaration, elle avait une année pour la signifier. Ce délai de signification est maintenant de 60 jours, ce qui en soi accélère le procès d'une action. Il eût mieux valu pour Interbox de consulter l'avocat des parties adverses ainsi que la Cour, mais je suis d'avis que les raisons du délai sont acceptables, encore qu'à la limite. Nous devons tous nous rappeler que chaque appel téléphonique, chaque envoi par télécopieur, chaque lettre ou chaque requête fait monter le coût global d'un procès. Ce qui ne veut pas dire que l'inertie d'un demandeur devrait être acceptée. Chaque affaire soulevait les mêmes points de droit, sur lesquels il n'existait aucune jurisprudence. Étant donné que l'affaire T-1788-99 était en état d'être jugée, il y avait raisonnablement lieu de croire que, si elle l'avait demandé, Interbox aurait pu obtenir une brève suspension des trois autres actions.

[25]            Les défenderesses dont il est question ici, tout comme la défenderesse l'avait fait dans l'affaire Multibond, allèguent un préjudice en affirmant que, à cause des délais, il pourrait leur être difficile de suivre la trace de leurs témoins, qui sont plutôt mobiles. Dans l'affaire Multibond, réagissant à la réponse de la défenderesse à l'avis d'examen de l'état de l'instance, réponse selon laquelle les délais causaient un préjudice à la défenderesse, le protonotaire adjoint Giles avait invité la défenderesse à présenter une requête en rejet pour lenteur indue, comme le prévoit l'article 167 des Règles. La juge McGillis a critiqué cette décision. Cependant, je ne serais pas allé aussi loin. Selon l'article 167, un défendeur « qui n'est pas en défaut aux termes des présentes Règles peut déposer une requête en rejet en alléguant un retard injustifié » . Aucune des défenderesses, du moins au vu des pièces en ma possession, n'aurait pu déposer une telle requête parce qu'aucune d'elles n'a signifié un affidavit de documents ainsi que le requièrent les Règles. C'est naturellement au demandeur qu'il appartient au premier chef de faire avancer le dossier, mais le rôle du défendeur ne saurait être totalement ignoré.


[26]            Les défenderesses se sont fondées sur le jugement France-Canada Éditions et Publications Inc. c. 2845-3728 Québec Inc., [1993] A.C.F. n ° 321 (QL), rendu par le protonotaire Morneau, mais ce précédent est lui aussi invoqué mal à propos. Dans l'affaire en question, les demanderesses attribuaient le délai au fait qu'il y avait un autre litige se rapportant à certaines marques de commerce, litige qui n'avait pas encore été résolu. Cependant, le point que je relève dans ce précédent, c'est que plus de cinq ans s'étaient écoulés depuis que la déclaration avait été délivrée.

[27]            Les défenderesses ont également invoqué un autre jugement du protonotaire Morneau, Ferrostaal Metals Ltd. c. Evdomon Corp., (2000), 181 F.T.R. 265, appel rejeté par le juge Denault (196 F.T.R. 66) et appel contre la décision du juge Denault également rejeté (2001 CAF 297). Cependant, dans l'affaire Ferrostaal, l'action avait été rejetée non au stade de l'avis d'examen de l'état de l'instance, mais uniquement après que la Cour eut ordonné qu'elle suive son cours en tant qu'instance à gestion spéciale et après constat du non-respect des délais fixés par la Cour.

[28]            Dans l'arrêt Aqua-Gem, la Cour d'appel fédérale s'était référée à un arrêt de la Cour d'appel anglaise, Allen v. Sir Alfred McAlpine & Sons Ltd., et al, [1968] 1 All. E.R. 543. Les trois affaires instruites ensemble qui étaient à l'origine de cet arrêt concernaient des demandes visant à faire rejeter des actions pour délais injustifiés. Les délais en question s'étendaient sur plusieurs années.


[29]            Les circonstances d'un examen de l'état de l'instance entrepris à l'initiative de la Cour diffèrent quelque peu du cas où un défendeur sollicite le rejet d'une action pour délai injustifié, mais, me fondant sur le raisonnement de lord Diplock, aux pages 555 et 556, je ne crois pas que les actions dont il s'agit ici auraient dû être rejetées aux premiers avis d'examen de l'état des instances.

[traduction] Quels sont alors les principes que le tribunal devrait appliquer dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de rejeter, à la requête d'un défendeur, une action pour délai injustifié? En général, la requête n'est pas présentée tant que n'est pas expiré le délai de prescription de la cause d'action du demandeur. C'est alors une ordonnance draconienne, qui ne sera pas rendue à la légère. En tout état de cause, le pouvoir discrétionnaire ne devrait pas être exercé sans que le demandeur ait eu la possibilité de remédier à son omission, à moins que le tribunal ne soit d'avis que l'omission était intentionnelle et insolente, ou que le délai inexcusable dont le demandeur ou ses avocats sont responsables est tel qu'il y a lieu de craindre qu'un procès équitable des points litigieux ne sera pas possible à la date la plus rapprochée à laquelle, par suite du délai, l'action serait jugée si elle était autorisée à suivre son cours. Il appartient au défendeur de convaincre le tribunal que l'une ou l'autre de ces deux conditions est remplie. La désobéissance à une ordonnance impérative du tribunal suffirait à satisfaire à la première condition. La question de savoir si la deuxième condition est remplie dépendra des circonstances de l'affaire; mais la longueur du délai pourra en soi suffire à remplir cette condition dans la mesure où les points à décider dépendent du souvenir qu'auront les témoins d'événements survenus longtemps auparavant.


[30]            La question de la prescription n'est pas claire. Si la cause d'action a pris naissance dans une province, en l'occurrence le Québec (les combats ont eu lieu au Québec et toutes les parties ont leur siège au Québec), alors une prescription triennale est applicable en vertu de l'article 39 de la Loi sur les Cours fédérales et de l'article 2924 du Code civil du Québec. Cependant, on pourrait soutenir que le signal a été « subtilisé » à des exploitants américains de satellite. Il serait alors possible d'affirmer, selon l'article 39 de la Loi, que le délai de prescription est de six ans. Même sur la base du meilleur argument des défenderesses, au moins une action nouvellement introduite, celle qui concerne le dossier T-1042-02, serait encore recevable. Quoi qu'il en soit, le point principal de chaque défense est celui de savoir si le match en question a ou non été visionné dans l'établissement en question. Si les défenderesses croient qu'elles perdront avec le temps la trace de leurs témoins, elles disposent de moyens pour conserver les preuves. Le fait est que, bien que les procédures engagées soient importantes pour Interbox sur le plan des points de droit et sur celui du quantum total, la somme qui est réclamée à chaque défenderesse est plutôt modeste.

REQUÊTES DES DÉFENDERESSES EN VUE D'ÊTRE AUTORISÉES À RÉPONDRE TARDIVEMENT AUX AVIS D'EXAMEN DE L'ÉTAT DES INSTANCES

[31]            Les avis d'examen d'état des instances ont été adressés à toutes les parties, mais ne priaient que la demanderesse d'exposer ses raisons dans un délai fixé. Les défenderesses, sans y être obligées, auraient pu se manifester si elles l'avaient jugé utile. Si elles refusaient les ordonnances du protonotaire, elles auraient dû, dans un délai de 10 jours, interjeter appel ainsi que le prévoit l'article 51 des Règles. Elles ne l'ont pas fait. Quoi qu'il en soit, le point est quelque peu théorique, en ce sens que, si elles s'étaient manifestées rapidement, elles auraient fait les mêmes observations que celles qui se sont manifestées, et les actions d'Interbox sont autorisées à suivre leur cours à leur encontre.

[32]            La seule exception est Gestion Cheers (Pointe Claire) Inc. dans le dossier T-1073-02. Cette défenderesse fait valoir qu'elle ne trouve aucun document attestant que l'avis d'examen de l'état de l'instance lui a été signifié, encore qu'elle reconnaisse volontiers avoir reçu la réponse d'Interbox, ainsi que la réponse d'autres défenderesses dans cette action. Interbox n'a pas vérifié la bonne foi de Gestion Cheers.


[33]            Le meilleur argument de Gestion Cheers, c'est que l'ordonnance du protonotaire Morneau laissant subsister l'action engagée contre elle était une ordonnance ex parte. Selon l'article 399 des Règles, la Cour peut annuler une telle ordonnance si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie montrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue. Les documents produits par Gestion Cheers sont les mêmes que ceux produits par les autres défenderesses. Depuis que j'ai fait droit aux appels d'Interbox, Gestion Cheers n'a produit aucune preuve prima facie.

[34]            En application de l'article 382 des Règles, je suis d'avis que les actions T-1040-02, T-1042-02 et T-1073-02 devraient suivre leur cours en tant qu'instances à gestion spéciale devant le juge ou les juges que désignera le juge en chef.

DÉPENS

[35]       Interbox a obtenu gain de cause, mais je ne lui accorde pas de dépens pour ses requêtes par voie d'appel à l'encontre des ordonnances du protonotaire, ni pour les autres requêtes. Si elle avait prêté davantage attention aux Règles et avait interrompu l'état pendant de ces actions, ne fût-ce que brièvement, aucune de ces requêtes n'aurait été nécessaire.

              « Sean Harrington »            

Juge                             

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                   T-1040-02

INTITULÉ :                  INTERBOX PROMOTION CORPORATION

et

9073-0433 QUÉBEC INC., EXPLOITANT SON ENTREPRISE SOUS LA RAISON SOCIALE BAR CAFÉ GOODFELLAS, ET LES AUTRES DÉFENDERESSES CI-ANNEXÉES

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 29 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Daniel Artola                  POUR LA DEMANDERESSE

POUR LES DÉFENDERESSES,

Jean-Marie Fontaine        Les Cantines du Québec Inc.

Robert Cox                     Place Gestion Cheers (Pointe Claire) Inc.

Dominic Desjarlais           Placements Sergakis Inc., 9033-0366 Québec Inc., Moonshine Grill & Bar, 2961-2603 Québec Inc.

Basile Angelopoulos        Société en Commandite Francan, 3296008 Canada Inc., 9100-7245 Québec Inc., 9111-1963 Québec Inc.

Anthony Giammaria         9017-5845 Québec Inc. (Bar Spurs)

Angelo Caputo                9073-0433 Québec Inc. (Bar Café Goodfellas)

Stephan Trihey                9001-7666 Québec Inc. (Taverne Hymus)

Nicole Giguère                Place Côte de Liesse (Bar Francis)

                                                                                                                                            Page : 2


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault

Montréal (Québec)          POUR LA DEMANDERESSE

POUR LES DÉFENDERESSES,

Gowling Lafleur Henderson                                Les Cantines du Québec Inc.

Montréal (Québec)

Lamarre Linteau Montcalm                                Placements Sergakis Inc., 9033-0366

Montréal (Québec)          Québec Inc., Moonshine Grill & Bar,

2961-2603 Québec Inc.

De Man, Pilote                Place Gestion Cheers (Pointe Claire) Inc.

Montréal (Québec)

Angelopoulos, Kiriazis     Société en Commandite Francan,

Montréal (Québec)          3296008 Canada Inc., 9100-7245 Québec Inc.,

9111-1963 Québec Inc.

Rigutto & Associés         9017-5845 Québec Inc. (Bar Spurs)

Montréal (Québec)

Caputo, Famularo & Buttino                              9073-0433 Québec Inc. (Bar Café

Montréal (Québec)          Goodfellas)

Hart, Saint-Pierre            9001-7666 Québec Inc. (Taverne

Montréal (Québec)          Hymus)

Cordeau, Clément & Associés                           Place Côte de Liesse (Bar Francis)

Montréal (Québec)


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