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     Date: 19991028

     Dossier : T-1186-91

Ottawa (Ontario), le 28 octobre 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE PELLETIER


ENTRE :

     CLUB MONACO INC.,

     demanderesse,

     et

     WOODY WORLD DISCOUNTS, ELLIOT CHEWINS,

     HIGH TIMES GRAPHICS INC., CC TOPS,

     HIGHGATE CASUALS INC. et Mme et M. UNTEL

     et D'AUTRES PERSONNES INCONNUES DE LA DEMANDERESSE

     QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT

     OU ANNONCENT DES MARCHANDISES CLUB MONACO CONTREFAITES

     OU EN FONT LE COMMERCE AINSI QUE LES PERSONNES NOMMÉES

     À L'ANNEXE A DE LA DÉCLARATION,

     défendeurs.



     ORDONNANCE


LE JUGE PELLETIER

     VU LA REQUÊTE EX PARTE DE LA DEMANDERESSE en date du 22 septembre 1999 en vue d'obtenir une ordonnance Anton Piller et d'autres réparations, laquelle requête a été entendue le 27 septembre 1999, et après avoir entendu les arguments de l'avocat de la demanderesse et lu les affidavits de Lorne M. Lipkus faits sous serment les 11 septembre 1996 et 22 septembre 1999, l'affidavit de Joni Swedlove fait sous serment le 2 mai 1991, l'affidavit de Bob Hoult en date du 1er octobre 1999, l'affidavit de Jack Hunter en date du 1er octobre 1999, les affidavits de signification et les affidavits comportant les rapports des avocats qui ont été déposés à l'occasion, ainsi que les plaidoiries et actes de procédure déposés en l'espèce,

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

Entrée en vigueur et durée de l'ordonnance

1.      La présente ordonnance entre en vigueur à l'encontre de chaque défendeur uniquement à compter du début de la journée au cours de laquelle elle est signifiée à ce défendeur et le demeure pendant quatorze jours par la suite, à moins que la Cour n'en dispose autrement.
2.      La présente ordonnance peut être signifiée et exécutée partout au Canada pendant une période d'au plus treize mois suivant sa date, mais la Cour peut, avant cette date, l'infirmer ou la modifier de son propre chef ou sur requête de l'une ou l'autre des parties. Tout juge de la Section de première instance peut être saisi de l'examen judiciaire des mesures d'exécution de la présente ordonnance et du maintien de celle-ci, avec ou sans modification.

Précisions relatives au pouvoir de perquisition et de saisie

3.      L'avocat de la demanderesse doit veiller à ce que la nature et les conséquences de la présente ordonnance soient expliquées fidèlement et dans un langage courant aux personnes auxquelles elle est signifiée, notamment le fait que ces personnes :
     (i)      sont tenues de permettre à ceux qui exécutent la présente ordonnance de perquisitionner et de saisir les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites;
     (ii)      sont tenues d'indiquer à ceux qui exécutent la présente ordonnance leurs noms et adresses au complet et de collaborer avec eux relativement à toutes les questions liées à l'exécution de celle-ci;
     (iii)      peuvent être déclarées coupables d'outrage au tribunal et, de ce fait, être condamnées à payer une amende ou à purger une peine d'emprisonnement si elles refusent de se conformer aux modalités de la présente ordonnance;
     (iv)      doivent cesser immédiatement d'offrir en vente des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ou d'en faire le commerce;
     (v)      peuvent consulter un avocat avant de se conformer à la présente ordonnance (pourvu qu'elles demandent et obtiennent cette consultation sans délai);
     (vi)      peuvent se présenter à la Cour à la date indiquée dans l'avis de requête ci-joint afin de formuler des observations au sujet de la délivrance, de la signification ou de l'exécution de la présente ordonnance contre elles;
     (vii)      peuvent présenter une demande à la Cour en tout temps avant la date indiquée dans l'avis de requête, sur remise d'un avis satisfaisant à l'avocat de la demanderesse, afin de contester la délivrance, la signification ou l'exécution de la présente ordonnance.
     Si une personne à laquelle la présente ordonnance est signifiée agit de façon à entraver la communication de précisions, les efforts déployés pour fournir pareilles précisions seront assimilés à la communication de celles-ci à cette personne.

Perquisition et saisie de marchandises non autorisées ou contrefaites et d'articles connexes

4.      Chaque défendeur ou personne responsable des locaux de celui-ci doit permettre aux personnes autorisées à exécuter la présente ordonnance (c'est-à-dire l'avocat de la demanderesse ainsi que les personnes que celui-ci autorise, soit au plus quatre personnes, de même que les agents d'exécution de la loi dont les services sont nécessaires) d'entrer dans les locaux et de perquisitionner à cet endroit entre 7 h et 21 h, quelle que soit la journée de la semaine, afin de trouver et de retirer toutes les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ainsi que le matériel et les documents connexes.
5.      Chaque défendeur ou personne responsable des locaux de celui-ci doit ouvrir les véhicules, contenants ou espaces d'entreposage se trouvant en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle et en permettre l'accès aux personnes qui exécutent la présente ordonnance et ouvrir également toute porte verrouillée interdisant l'accès aux locaux et derrière laquelle lesdites personnes ont des motifs raisonnables de croire qu'il se trouve des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ou encore du matériel ou des documents connexes.
6.      Chaque défendeur ou personne responsable des locaux de celui-ci doit immédiatement remettre aux personnes qui exécutent la présente ordonnance toutes les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ainsi que le matériel et les documents connexes se trouvant en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle.
7.      Il est interdit au défendeur et à toute personne responsable des locaux de celui-ci de prendre des mesures visant à détruire ou à dissimuler des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ou encore du matériel ou des documents connexes.

Communication de renseignements

8.      Chaque défendeur ou personne responsable des locaux de celui-ci doit indiquer aux personnes qui exécutent la présente ordonnance :
     (i)      l'endroit où se trouvent toutes les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ainsi que le matériel et les documents connexes dont il connaît l'existence, que ce soit dans les locaux du défendeur ou ailleurs;
     (ii)      son nom exact au complet et l'adresse à laquelle sont reçus les envois par courrier recommandé qui lui sont destinés;
     (iii)      le nom et l'adresse de tous ses fournisseurs de marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites;
     (iv)      le nom et l'adresse des clients auxquels il a vendu ou distribué des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites;
     (v)      le nom et l'adresse de toutes les personnes qui, d'après les renseignements qu'il possède, poursuivent des activités interdites par les paragraphes 17 et 18 qui suivent ou y participent.
9.      Chaque défendeur ou personne responsable des locaux de celui-ci doit permettre aux personnes qui exécutent la présente ordonnance de photographier lesdits locaux ou de les filmer à l'aide d'une caméra vidéo.

Non-divulgation de l'ordonnance

10.      Il est interdit à chaque personne à laquelle la présente ordonnance est signifiée ou qui a connaissance de la signification de l'ordonnance, pendant une période de vingt-quatre heures suivant cette signification,
     (i)      de divulguer l'existence de la présente instance ou des ordonnances prononcées en l'espèce ou d'en discuter avec qui que ce soit;
     (ii)      d'aviser ou de prévenir autrement qui que ce soit de la possibilité que la demanderesse exécute la présente ordonnance contre elle.
11.      Par dérogation au paragraphe 10, toute personne à laquelle la présente ordonnance est signifiée ou qui a connaissance de celle-ci peut, en tout temps, consulter un avocat afin d'obtenir un avis juridique au sujet de la présente instance.

Garde et utilisation des marchandises et des articles connexes saisis

12.      L'avocat de la demanderesse doit veiller à ce qu'une liste de toutes les marchandises, des articles de matériel et des documents connexes qui sont saisis ou remis en application de la présente ordonnance soit établie et à ce qu'une copie de cette liste soit signifiée au défendeur.
13.      Lorsque des documents sont saisis ou remis, les analyses et reproductions de ceux-ci que l'avocat de la demanderesse juge nécessaires seront faites aussi rapidement que possible et la demanderesse retournera sans délai les documents au défendeur.
14.      Toutes les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites, le matériel connexe et les copies de tous les documents connexes saisis ou remis conformément à la présente ordonnance ainsi qu'une copie de la liste établie en application du paragraphe 12 doivent être déposés pour être conservés en lieu sûr auprès d'un greffe de la Cour fédérale ou peuvent être confiés à la garde de l'avocat de la demanderesse, pourvu que celui-ci dépose auprès de la Cour une copie de ladite liste ainsi qu'un ensemble complet de photographies ou d'images vidéographiques ou numériques électroniques des marchandises ainsi que du matériel et des documents connexes qui ont été saisis ou remis. Dans le cas des marchandises identiques, une photographie ou une image vidéographique ou numérique électronique de l'article ainsi qu'une liste des quantités saisies suffiront.
     Le présent paragraphe s'applique, que l'identité de la personne qui remet le matériel ou entre les mains de laquelle les articles ont été saisis soit connue ou non.
15.      Les marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites et les autres articles saisis ou remis en application de la présente ordonnance doivent être utilisés uniquement pour les besoins des poursuites civiles intentées pour faire respecter les droits d'auteur ou les droits afférents aux marques de commerce de la demanderesse ou de toute tierce partie ayant un droit légitime sur les marchandises en question.

Aide à l'exécution de l'ordonnance

16.      Lorsqu'une perturbation de l'ordre public est appréhendée dans le cadre de l'exécution de la présente ordonnance, le shérif et les policiers, agents d'exécution de la loi et autorités peuvent se rendre aux endroits où celle-ci doit être exécutée, à la demande des personnes chargées de cette exécution, afin d'empêcher cette perturbation.

Interdiction touchant la contrefaçon

17.      Il est interdit à chacun des défendeurs d'offrir en vente, d'exposer, d'annoncer, de vendre, de fabriquer ou de distribuer des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites ou d'en faire le commerce.
18.      Il est interdit à chacun des défendeurs d'attirer l'attention du public sur ses marchandises de manière à créer ou à risquer de créer de la confusion au Canada entre les marchandises en question et celles de la demanderesse.

Examen judiciaire des mesures d'exécution de l'ordonnance

19.      Les personnes qui exécutent la présente ordonnance contre un défendeur doivent signifier à celui-ci une copie de la présente ordonnance ainsi qu'une copie de la déclaration et d'un avis de requête portant examen par la Cour de l'exécution et du maintien de ladite ordonnance. Cet avis de requête devra être présenté dans les quatorze jours suivant la date de sa signification ou, par la suite, dès que la Cour pourra entendre l'affaire, aux locaux de la Cour fédérale situés le plus près de l'endroit où l'ordonnance a été exécutée.
     Si un défendeur agit de manière à entraver la signification prévue au présent paragraphe, la remise d'une copie des documents à signifier à l'endroit où la signification n'a pu être faite sera considérée comme une signification en bonne et due forme.
20.      L'avis de requête devrait comporter, dans le cas d'une partie défenderesse Mme ou M. Untel dont l'identité a été subséquemment établie, une demande visant à ajouter le nom de cette personne à titre de partie défenderesse désignée. Il devrait également comporter une demande d'ordonnance autorisant la détention des marchandises et du matériel connexe saisis ou remis jusqu'à ce que l'allégation touchant la partie défenderesse en question soit tranchée de manière définitive. Par ailleurs, si des marchandises, du matériel ou des documents connexes sont saisis entre les mains d'une partie défenderesse dont l'identité n'a pu être établie, il sera possible de demander, dans une requête, que les biens soient transmis à la demanderesse après un délai de quatre-vingt-dix jours si la partie défenderesse n'a pas comparu lors de la présentation de la requête et qu'aucune mesure visant à contester l'action ou les ordonnances rendues n'a été prise.
21.      Il est possible de demander, dans l'avis de requête, une ordonnance convertissant l'injonction provisoire décrite aux paragraphes 17 et 18 en une injonction interlocutoire ou, si la première a expiré, une injonction interlocutoire contre le défendeur auquel la présente ordonnance a été signifiée, auquel cas, à moins que la Cour n'en dispose autrement, la demanderesse ne sera pas tenue de signifier ou de produire, conformément aux règles 362 et 364 des Règles de la Cour fédérale (1998), un dossier de requête, et le défendeur ne sera pas tenu de signifier ou de produire, conformément à la règle 365, un dossier de réponse.
22.      Toute requête portant examen de l'exécution de la présente ordonnance et de son maintien doit être appuyée d'un affidavit signé par l'avocat chargé de l'affaire, qui comporte un compte rendu complet et exact des mesures d'exécution visées par l'examen, y compris les mesures d'exécution à l'égard desquelles l'identité de la partie défenderesse n'a pas été établie, ainsi que la description complète, prévue au paragraphe 14, des marchandises, du matériel et des documents connexes qui ont été saisis.
23.      Lorsqu'une personne est ajoutée à titre de partie défenderesse désignée, il n'est pas nécessaire de modifier l'intitulé de la cause, pourvu que le nom de cette personne soit ajouté à l'annexe A jointe à la déclaration et que chacun de ces ajouts soit inscrit et numéroté l'un à la suite de l'autre sur une liste, dans l'ordre où ils ont été ajoutés. La liste doit également préciser la date de chacun des ajouts. Tous les documents subséquents qui concernent cette partie défenderesse et qui sont déposés auprès de la Cour doivent renvoyer à la désignation numérique susmentionnée.
24.      Le défendeur peut demander que soit devancée l'audition de la requête portant examen qui est mentionnée aux paragraphes 19, 20 et 21 afin d'obtenir l'annulation ou la modification de l'ordonnance rendue contre lui ou le prononcé d'une décision établissant si la demanderesse doit être tenue de verser un cautionnement. Cette demande doit être présentée au moyen d'un avis de requête signifié en bonne et due forme à l'avocat de la demanderesse.

Terminologie

25.      Les explications qui suivent ont pour but d'éviter toute confusion quant aux termes utilisés dans la présente ordonnance :
     (i)      " Marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites " s'entend des marchandises ou des articles qui portent, sans l'autorisation de la demanderesse, les marques de commerce ou logos de celle-ci qui figurent à l'annexe B ou encore une marque ou un logo prêtant à confusion avec ceux-ci;
     (ii)      " Matériel connexe " s'entend du matériel utilisé pour fabriquer des marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites;
     (iii)      " Documents connexes " s'entend des registres, documents ou dossiers qui concernent l'achat, la fabrication, la distribution ou la vente de marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites, y compris les registres emmagasinés sur un dispositif de mémoire d'un ordinateur, sur un disque, sur une bande ou sous toute autre forme;
     (iv)      Les " locaux " d'une partie défenderesse comprennent les éventaires, étalages, étals, véhicules, voitures ou chariots utilisés dans le cadre des activités commerciales, mais non l'endroit effectivement occupé à titre de résidence;
     (v)      Les " contenants " que la personne responsable des locaux d'un défendeur est tenue d'ouvrir comprennent, à titre d'exemple, des sacs, boîtes, armoires, tiroirs, placards et vitrines;
     (vi)      " Avocat de la demanderesse " s'entend notamment de tout mandataire avocat désigné par l'avocat de la demanderesse;
     (vii)      L'expression " faire le commerce de marchandises CLUB MONACO non autorisées ou contrefaites " comprend des activités comme l'importation, l'exportation, l'entreposage, l'expédition et le transfert de ces marchandises.

Engagement de la demanderesse

26.      La présente ordonnance est rendue sous réserve de l'engagement pris par la demanderesse de se conformer sans délai à toute ordonnance que la Cour pourrait prononcer au sujet des dommages causés par toute mesure d'exécution non autorisée de la présente ordonnance ou par suite de l'annulation de celle-ci.

Respect des Règles de la Cour fédérale (1998)

27.      Pour la présente ordonnance, il est permis de déroger aux règles suivantes en matière de signification, à moins qu'il n'en soit prévu autrement aux présentes ou dans une autre ordonnance de la Cour :
     a)      la règle 203 (qui exige la signification de la déclaration dans les soixante jours suivant sa délivrance). La demanderesse peut signifier la déclaration aux défendeurs pendant la période au cours de laquelle la présente ordonnance est en vigueur;
     b)      la règle 206 (qui exige la signification de chaque document mentionné dans un acte de procédure soit avec l'acte de procédure, soit dans les dix jours suivant la signification de celui-ci);
     c)      la règle 362 (qui exige la signification et le dépôt de tout affidavit requis par la règle 363 au moins deux jours avant la date d'audition précisée dans l'avis);
     d)      la règle 364 (qui exige la signification du dossier de requête);
     e)      la règle 365 (qui exige de l'intimé à une requête qu'il signifie un dossier de réponse);
     f)      la règle 395 (qui exige de l'administrateur qu'il envoie à toutes les parties, par courrier recommandé, une copie de chaque ordonnance rendue). Les ordonnances ne doivent être signifiées qu'aux parties à l'ordonnance ou à toute autre partie intéressée.

                                 J.D. Denis Pelletier

                                     Juge




Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.



     Date: 19991028

     Dossier : T-1186-91


ENTRE :

     CLUB MONACO INC.,

     demanderesse,

     et

     WOODY WORLD DISCOUNTS, ELLIOT CHEWINS,

     HIGH TIMES GRAPHICS INC., CC TOPS,

     HIGHGATE CASUALS INC. et Mme et M. UNTEL

     et D'AUTRES PERSONNES INCONNUES DE LA DEMANDERESSE

     QUI OFFRENT EN VENTE, VENDENT, IMPORTENT, FABRIQUENT

     OU ANNONCENT DES MARCHANDISES CLUB MONACO CONTREFAITES

     OU EN FONT LE COMMERCE AINSI QUE LES PERSONNES NOMMÉES

     À L'ANNEXE A DE LA DÉCLARATION,

     défendeurs.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PELLETIER

[1]      Club Monaco demande une prorogation de l'ordonnance du juge Pinard en date du 28 septembre 1998, qui constitue en soi une prorogation d'ordonnances antérieures dont la première remonte à l'année 1991. Il s'agit d'ordonnances Anton Piller " à portée étendue ", ce qui signifie que, dans la plupart des cas, les défendeurs sont inconnus à la date à laquelle l'ordonnance est rendue et sont appelés Mme et M. Untel. Les ordonnances autorisent la saisie de biens privés comme éléments de preuve dans des procédures relatives à la contrefaçon de marques de commerce. Ces ordonnances constituent une réparation extraordinaire et sont très envahissantes. De plus, elles sont généralement demandées (et rendues) à l'échelle du Canada. Étant donné qu'elles sont habituellement prononcées ex parte, les parties et les avocats qui les représentent sont tenus envers la Cour à un devoir de franchise plus grand qu'ils pourraient l'être dans un système accusatoire. La Cour elle-même doit faire montre d'une grande prudence afin d'éviter de toucher des droits privés d'une façon plus envahissante que ce qui est nécessaire pour protéger les éléments de propriété intellectuelle importants de la partie demanderesse.

[2]      Par suite des commentaires que la Cour a formulés lors de la première présentation de la requête le 27 septembre 1999, les avocats ont demandé et obtenu l'autorisation de déposer des documents supplémentaires au soutien de la demande de la demanderesse. Selon la crainte exprimée à l'époque, compte tenu de la nature envahissante et de la portée géographique de l'ordonnance recherchée, la production d'affidavits qui remontaient à plusieurs années et se limitaient à une seule province ne justifierait pas la délivrance de l'ordonnance. La demanderesse a maintenant déposé d'autres affidavits, tous deux en date du 1er octobre 1999, plus précisément celui de Bob Hoult, directeur de la prévention des sinistres pour la demanderesse, et celui de Jack Hunter, enquêteur privé.

[3]      J'ai l'intention de prononcer l'ordonnance demandée, parce que la preuve présentée au soutien de cette demande respecte ou dépasse la norme applicable à l'heure actuelle. Plus précisément, elle indique qu'il y a actuellement des cas de soupçon de contrefaçon dans différentes parties du pays qui justifient l'octroi de l'ordonnance. Cela dit, le juge en l'espèce estime que le fondement de la preuve se rapportant aux ordonnances Anton Piller devrait traduire la nature envahissante de l'ordonnance.

[4]      Une ordonnance Anton Piller à portée étendue permet à une équipe composée d'un avocat, d'un enquêteur privé, d'un photographe et d'une ou de plusieurs autres personnes (souvent accompagnés de policiers) d'approcher un vendeur de marchandises et de lui demander de remettre son stock et ses biens privés, sous peine de condamnation pour outrage au tribunal. Cette situation existe parce qu'un jugement au fond a été rendu au sujet de l'allégation de la demanderesse. Pendant que les biens sont conservés à titre d'éléments de preuve, le vendeur n'a souvent d'autre choix que d'interrompre ses activités pendant l'instance. Une comparaison entre ces pouvoirs et ceux dont les agents de la paix sont investis lorsqu'ils exécutent un mandat de perquisition indique clairement que cette ordonnance ne devrait être rendue que lorsqu'il appert nettement de la preuve que les pouvoirs ainsi accordés sont vraiment nécessaires.

[5]      Les remarques qui précèdent ne découlent d'aucune crainte touchant la conduite des personnes qui exécutent des ordonnances Anton Piller. À quelques exceptions près, la Cour a confirmé ces exécutions en révision. Les préoccupations exprimées en l'espèce concernent le droit à cette ordonnance et non la mesure dans laquelle l'utilisation qui en est faite convient, laquelle question doit plutôt être examinée dans le cadre des demandes de contrôle visant l'exécution d'ordonnances particulières. De plus, les remarques qui précèdent n'ont pas pour but de nier le droit des propriétaires d'éléments de propriété intellectuelle importants de protéger ces biens des personnes qui, en raison des méthodes qu'elles utilisent, ne seraient pas touchées par les procédures habituellement suivies et par les réparations habituellement accordées par la Cour. L'existence d'ordonnances Anton Piller vise à reconnaître que des problèmes extraordinaires nécessitent des solutions extraordinaires.

[6]      Les commentaires qui suivent concernent uniquement les ordonnances Anton Piller " à portée étendue " qui sont rendues contre des défendeurs inconnus appelés Mme et M. Untel. Ils se limitent également aux ventes itinérantes ou aux marchés aux puces et ne concernent pas les problèmes particuliers qui surviennent dans le cas des apparitions de célébrités itinérantes, auxquelles d'autres facteurs pourraient s'appliquer. Ces ordonnances " à portée étendue " pourraient lier tous ceux qui font le commerce de certains types de biens à la consommation. Il incombe donc à la Cour d'être convaincue que l'atteinte aux droits individuels est justifiée par la preuve dont elle est saisie quant à l'ampleur de la contrefaçon des droits de la demanderesse.

[7]      Par conséquent, j'estime que, dans le cas des demandes ultérieures d'ordonnance Anton Piller à portée étendue, la preuve présentée au soutien de la demande devrait tenir compte des facteurs suivants :

     1)      Les affidavits devraient faire état des connaissances personnelles du déposant quant à la nature et à l'ampleur du problème concernant la partie demanderesse. Après tout, ce sont ses biens précieux que celle-ci cherche à protéger. Lorsque ses dirigeants ne sont pas en mesure de témoigner à la lumière de leurs propres connaissances au sujet de la nature et de l'ampleur du problème, il convient de se demander si la réparation est nécessaire. Bien que les avocats oeuvrant habituellement dans ce domaine acquièrent sans doute des connaissances spécialisées sur les méthodes des faussaires, la très grande utilisation des renseignements fournis par l'avocat qui est souvent consulté sur ces questions pourrait mettre en cause la crédibilité de celui-ci, ce qui va à l'encontre de l'indépendance que la Cour est en droit d'exiger de la part des avocats qui comparaissent devant elle.
     2)      Certains éléments de la preuve présentés à la Cour sont de nature générale et peuvent difficilement être décrits avec précision, notamment le préjudice causé à l'achalandage de la partie demanderesse par suite de l'existence de marchandises contrefaites de qualité inférieure. Cette preuve peut être présentée sous forme de déclarations générales par lesquelles la partie demanderesse indique les conséquences de la contrefaçon pour la valeur de ses éléments de propriété intellectuelle.
     3)      D'autres éléments de la preuve peuvent et devraient être décrits de façon précise, notamment les cas de contrefaçon dont la partie demanderesse est au courant et qui justifieraient l'octroi d'une ordonnance. En général, il ne suffit pas de déclarer que celle-ci est au courant d'activités de contrefaçon dans une ville ou une région donnée. Étant donné que ces ordonnances sont demandées dans le cadre d'auditions ex parte qui sont souvent tenues à huis clos, il n'y a aucune raison évidente de ne pas donner à la Cour des renseignements au sujet des cas connus de contrefaçon qui justifieraient la délivrance de l'ordonnance recherchée, surtout lorsque l'activité de contrefaçon est poursuivie à une certaine distance de l'endroit où l'ordonnance est demandée.
     4)      En général, un certain nombre de cas de contrefaçon seront nécessaires au soutien d'une ordonnance " à portée étendue ", pour la simple raison qu'un cas spécifique ne justifie normalement qu'une ordonnance spécifique. Si la partie demanderesse désire obtenir une ordonnance qui s'appliquerait à un nombre illimité d'incidents ultérieurs, il lui appartient à elle de démontrer que des ordonnances particulières ne conviennent pas. Habituellement, la déclaration pure et simple du déposant selon laquelle cette ordonnance est nécessaire ne suffira pas.
     5)      De la même façon, la preuve d'un certain nombres d'incidents de contrefaçon survenus en Ontario ne justifierait que l'octroi d'une ordonnance applicable en Ontario. Si la partie demanderesse désire obtenir une ordonnance applicable à l'échelle du Canada, elle devrait prouver que la contrefaçon n'est pas un problème local. Il ne s'agit pas là d'un obstacle insurmontable : une ordonnance rendue en fonction de la preuve présentée à la date de l'audience pourrait voir sa portée élargie subséquemment au moyen d'une modification si des éléments de preuve ultérieurs établissant des cas de contrefaçon dans d'autres provinces ou régions étaient disponibles.
     6)      Étant donné que c'est l'allégation de contrefaçon qui justifie l'atteinte extraordinaire aux droits de propriété existants, les motifs invoqués au soutien de cette allégation devraient être énoncés de façon claire. Une simple déclaration selon laquelle le déposant croit que les marchandises sont contrefaites ne suffit pas. Quels sont les examens ou observations qui ont été faits au soutien de la conviction du déposant? En général, la preuve fondée sur les renseignements et les croyances sur cette question ne sera pas particulièrement convaincante. Cette preuve concerne l'essence même de la demande et devrait être examinée de façon attentive.
     7)      Dans les cas où la partie demanderesse veut faire renouveler une ordonnance existante, il lui appartient de démontrer au tribunal l'utilisation qui a été faite de l'ordonnance précédemment rendue. Il n'est pas nécessaire de renouveler une ordonnance qui n'a pas été appliquée, mais l'application en soi ne justifie pas le renouvellement de l'ordonnance. Par mesure de courtoisie pour la Cour, il y a lieu de compiler et de résumer ces renseignements afin de lui permettre de passer rapidement en revue les mesures antérieures prises par la partie demanderesse.
     8)      L'allégation dans un affidavit selon laquelle la partie demanderesse convient d'être liée par un engagement quant au paiement des dommages-intérêts ne constitue pas un engagement proprement dit, pas plus qu'une promesse de conclure une entente ne constitue en soi une entente. Un engagement distinct quant aux dommages-intérêts qui est adressé à la Cour et dûment signé par des signataires autorisés de la société devrait être joint à la demande.

[8]      Ces exigences ne sont pas trop onéreuses, compte tenu de la nature de l'ordonnance recherchée, et ne devraient pas constituer un obstacle pour les parties demanderesses qui sont privées sans dédommagement de leurs éléments de propriété intellectuelle importants. Toutefois, par souci d'équité pour les personnes dont les biens sont saisis en application d'une ordonnance de la Cour, il importe également de tenir compte des intérêts de ces personnes, c'est-à-dire, à tout le moins, de démontrer que l'intervention de la Cour est nécessaire sur le plan objectif.

[9]      L'ordonnance est rendue séparément.

     J.D. Denis Pelletier

                                             Juge

Ottawa (Ontario)

28 octobre 1999


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :                  T-1186-91


INTITULÉ DE LA CAUSE :          CLUB MONACO INC. c. WOODY WORLD DISCOUNTS et al

LIEU ET DATE DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

                         27 SEPTEMBRE 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                  28 OCTOBRE 1999


ONT COMPARU :


Me LORNE LIPKUS                      POUR LA DEMANDERESSE

Me GEORGINA STARKMAN DANZIG

PERSONNE N'A COMPARU                  POUR LES DÉFENDEURS


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


KESTENBERG SIEGAL LIPKUS                  POUR LA DEMANDERESSE

TORONTO (ONTARIO)

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