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Date : 20000203


Dossier : IMM-787-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 3 FÉVRIER 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ


ENTRE :


     KWOK WAI IP

     demandeur


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur



     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie.



Juge


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier





Date : 20000203


Dossier : IMM-787-98




ENTRE :


     KWOK WAI IP

     demandeur


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE DUBÉ

[1]      Cette demande de contrôle judiciaire vise l"avis du délégué du ministre daté du 18 décembre 1997, portant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration (la Loi).

LES FAITS

[2]      Né en Chine le 18 octobre 1956, le demandeur est venu au Canada le 27 février 1988. Il a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention et a été admis comme résident permanent, le 26 août 1991, à titre de " réfugié faisant partie de l"arriéré ".

[3]      Le 8 avril 1993, il a été trouvé coupable d"enlèvement d"une personne dans l"intention de la détenir en vue de rançon, contrairement aux paragraphes 279(1) et 279.1(2) du Code criminel . Il a été condamné à 14 ans d"emprisonnement.

[4]      Le 26 février 1996, le délégué du ministre s"est dit d"avis que le demandeur constituait un danger (le premier avis). Avant le premier avis, l"avocat du demandeur avait cherché à obtenir une prorogation du délai pour répondre à l"avis d"intention de solliciter un avis, mais il n"a reçu aucune réponse. En conséquence, le 26 septembre 1997, Mme le juge Reed de cette Cour a infirmé le premier avis au motif que le défaut de répondre à une demande de prorogation de délai constitue une infraction à la justice naturelle.

[5]      Le 10 octobre 1997, le demandeur a reçu un deuxième avis d"intention dans lequel on l"invitait à présenter son point de vue, ce qu"il a fait. Le 18 décembre 1997, le délégué du ministre a délivré son avis portant que le demandeur était un danger pour le public (le deuxième avis).

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]      Les parties ont soulevé plusieurs questions :

         1. Le ministre ou son délégué étaient-ils functus par suite de la décision de cette honorable Cour du 26 septembre 1997, infirmant le premier avis?
         2. Le fait que le ministre ou son délégué ont présenté un deuxième avis portant que le demandeur était un danger pour le public au Canada soulève-t-il une crainte raisonnable de partialité?
         3. La décision du ministre ou de son délégué portant que le demandeur est un danger pour le public au Canada est-elle abusive?
         4. Les principes de la justice naturelle exigent-ils que le ministre identifie clairement le document sur lequel il s"appuie pour formuler son avis?
         5. Quelle est l"application en l"instance de l"arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (M.C.I.)1?

ANALYSE

[7]      Je vais traiter ces questions comme suit :

1. Functus Officio

[8]      Le demandeur soutient que suite à l"ordonnance de Mme le juge Reed, le ministre et son délégué sont functus officio lorsqu"il s"agit de formuler un deuxième avis à partir des mêmes faits. Dans sa décision, le juge n"a pas renvoyé le premier avis pour jugement conformément aux instructions qu"elle estimait appropriées, en vertu de l"alinéa 18.1(3)b ) de la Loi sur la Cour fédérale, mais elle a tout simplement infirmé la décision. Le demandeur soutient qu"il n"existe aucune disposition législative permettant une nouvelle audition de cette affaire.

[9]      Je suis aussi d"avis que le ministre et son délégué étaient functus officio par rapport au premier avis. Toutefois, rien dans l"ordonnance du juge Reed, ni dans la législation, n"empêche le ministre ou son délégué d"exercer par la suite le pouvoir discrétionnaire du ministre au sujet du demandeur. Le deuxième avis a été délivré suite à une deuxième demande, dans laquelle on avisait le demandeur de l"intention de rechercher l"avis du ministre. L"avocat du demandeur a présenté ses prétentions écrites en réponse à cette deuxième demande. Selon moi, si le ministre et son délégué étaient functus officio par rapport au premier avis, il ne l"était pas par rapport au second.

2. La partialité

[10]      Le demandeur soutient que comme c"est la même personne qui a examiné le premier avis et le second, il existe une crainte raisonnable de partialité car on pourrait croire qu"il est peu probable que le délégué du ministre change d"avis par rapport à sa première décision.

[11]      Selon moi, le seul fait que la même personne a reçu la délégation pour les deux avis ne suscite pas ipso facto une crainte raisonnable de partialité. En vertu de l"article 121 de la Loi, le ministre peut déléguer à un agent de l"administration publique fédérale les attributions que lui confèrent la Loi. En d"autres mots, si ce n"était pas le délégué qui prenait la décision ce serait le ministre lui-même. Il est clair qu"il n"est aucunement question qu"un autre ministre agisse à sa place en cas d"un deuxième avis au sujet du même demandeur.

[12]      Règle générale, le seul fait que le même membre d"un tribunal siège à la nouvelle audition d"une affaire qu"il a déjà entendue et tranchée ne suscite pas à lui seul de crainte raisonnable de partialité2. Il faut d"autres motifs pour invoquer la crainte raisonnable de partialité. Le membre n"est pas plus partial la deuxième fois qu"il l"était la première fois.

[13]      La délivrance d"un avis de danger n"est pas une décision judiciaire ou quasi judiciaire, mais une décision administrative discrétionnaire qui doit être faite de bonne foi au vu des perceptions quant à la probabilité du risque et à son acceptabilité. Bien sûr, suite à la décision repère de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), on ne peut plus dire que les exigences en matière d"équité sont " minimes ", comme on l"avait décidé dans Williams c. Canada3. Toutefois, il n"y a pas d"entorse à l"équité du fait que le ministre délègue ses pouvoirs à la même personne pour le deuxième avis.

3. La conclusion abusive

[14]      Le demandeur soutient que comme son dossier criminel ne porte que sur un seul événement, qui s"est produit le 9 février 1992, la question à trancher par le délégué du ministre n"est pas de savoir si le demandeur posait un danger pour le public au Canada à l"époque où il a commis l"infraction, mais bien au moment où le deuxième avis était préparé et pour l"avenir. La Cour d"appel fédérale a confirmé, dans l"arrêt Williams , l"avis de M. le juge Gibson dans Thompson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)4, qui porte que le terme " danger " doit être interprété comme un " danger présent ou futur pour le public ".

[15]      Le demandeur reconnaît qu"une seule infraction criminelle peut suffire à justifier une déclaration que le délinquant est un danger pour le public, mais il faut que la chose soit examinée dans son contexte. En l"instance, le demandeur est resté membre de sa communauté pendant presqu"une année avant sa sentence, sans violer de quelque façon que ce soit les conditions se rattachant à sa libération. Tout au long de son emprisonnement, il a toujours fait bonne impression sur les Services correctionnels canadiens. Il était considéré être peu dangereux pour le public et avait été placé dans la catégorie à sécurité minimale. On disait même que c"était " un bon gars ".

[16]      La preuve présentée par les Services correctionnels canadiens au délégué du ministre précise que le demandeur a accepté [traduction] " l"entière responsabilité pour son crime et qu"il a des remords cuisants d"y avoir participé ". Les Services correctionnels canadiens écrivent aussi que le demandeur [traduction ] " fait preuve de remords cuisants et d"un sentiment très poussé de faute, ainsi que de sentiments de culpabilité par rapport aux membres de sa famille et de celle de la victime ".

[17]      Pour sa part, le défendeur souligne que le demandeur a commis un crime de violence, pour lequel il a reçu quatorze années d"emprisonnement. Il a commis ce crime alors qu"il venait tout juste de recevoir le statut de résident permanent au Canada. Le demandeur admet avoir commis ce crime par appât du gain, puisqu"il avait besoin d"argent pour aller visiter ses parents à Hong Kong. Par le passé, la présence de membres de la famille du demandeur au Canada ainsi que ses liens dans la communauté ne l"ont pas empêché de commettre l"acte en cause; le ministre ou son délégué n"a donc aucune raison de croire que ces facteurs joueraient un rôle significatif à l"avenir.

[18]      C"est un lieu commun de dire que le simple fait qu"une cour, ou un autre décideur, évalue certains facteurs de façon différente et arrive à une conclusion différente ne rend pas l"avis du ministre abusif ou arbitraire. Malheureusement, l"absence de motifs écrits ne nous permet pas de savoir sur quelle base le délégué du ministre est arrivé à sa conclusion. La Cour ne sait donc pas si la décision qu"il a prise était raisonnable dans les circonstances. Je reparlerai de ceci dans la partie de mes motifs intitutée " Les motifs écrits ".

[19]      En l"absence de motifs écrits, je ne peux décider si le délégué du ministre a agi de mauvaise foi ou a fondé sa décision sur des critères ou sur une preuve non pertinente, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Dans une affaire de cette nature, je suis d"accord que la norme de contrôle d"une décision administrative est celle qui est énoncée par le juge L"Heureux-Dubé dans l"arrêt Baker , où il était question d"une décision prise en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi, savoir non pas la décision manifestement déraisonnable, mais bien celle de la " décision raisonnable simpliciter ".

4. La preuve documentaire

[20]      Le demandeur soutient que le ministre a enfreint les principes de justice naturelle et d"équité procédurale en ne précisant pas exactement sur quelle preuve documentaire il s"appuyait pour prendre sa décision et en n"en fournissant pas copie au demandeur. L"avis au demandeur fait état des renseignements à jour les plus récents concernant les pays, disponibles dans les centres de documentation de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, notamment : les " Dossiers d"information sur les droits de la personne ", les " Documents de fond ", la " Revue de presse indexée " et la " Revue de presse hebdomadaire ".

[21]      Le demandeur soutient que le défaut de lui présenter une preuve spécifique, ou à tout le moins de préciser les documents dont il est question, a obligé son avocat à examiner une preuve documentaire considérable dans un court laps de temps. Il devait ainsi réagir à certains documents qu"on trouvait peut-être à un moment donné dans les centres de documentation, mais qui n"y étaient plus. Ces exigences constituent un fardeau inéquitable.

[22]      Toutefois, dans Tam Thanh Chu c. Canada5, la Cour d"appel fédérale a décidé que lorsqu"un demandeur est informé par le CIC qu"il s"appuiera sur " les renseignements à jour les plus récents concernant les pays en cause accessibles dans les centres de documentation de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié ", l"obligation d"équité n"exige pas que d"autres mesures soient prises.

5. Les motifs écrits

[23]      La Cour d"appel fédérale a conclu que l"avis du ministre rendu en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi n"avait pas à être motivé par écrit, que ce soit en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ou du principe d"équité. Toutefois, la Cour suprême a récemment conclu dans l"arrêt Baker que lorsqu"il s"agit d"une procédure administrative impliquant une décision discrétionnaire par un agent d"immigration qui traite de demandes présentées en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi (motifs humanitaires), des motifs écrits étaient nécessaires " dans certaines circonstances ".

[24]      S"exprimant au nom de la Cour suprême, le juge L"Heureux-Dubé cite l"arrêt Williams et fait le commentaire suivant au sujet des motifs écrits :

À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. Cette exigence est apparue dans la common law ailleurs. Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, comme celles dont il est question dans les arrêts Orlowski, Cunningham et Doody, milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.
[Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)
[1999] 2 R.C.S. 817, à la p. 848.]

[25]      Je partage l"avis du demandeur qu"il se peut que des motifs écrits soient aussi nécessaires dans le contexte d"un avis de danger délivré en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration. Il est clair que nous avons ici un cas où la décision a une signification extraordinairement importante pour la personne en cause et aura un impact fondamental sur son avenir. Le demandeur laisserait sa femme et son enfant au Canada et recevrait vraisemblablement une réception hostile des autorités chinoises auxquelles il a échappé en se réfugiant ici. Dans ces circonstances très particulières, le délégué du ministre avait l"obligation d"expliquer pourquoi sa décision, fondée sur un seul crime, semble ne pas tenir compte du tout de la preuve actuelle qui donne à penser que le demandeur n"est plus un danger pour le public.

[26]      Dans un arrêt très récent de la Cour d"appel fédérale, Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)6, l"avocat du ministre n"a pas contesté le fait que des motifs écrits soient nécessaires. Les parties étaient toutefois en désaccord sur le caractère suffisant des motifs présentés par le ministre (une note de service présentée par un analyste du ministère, M. Gautier). Au sujet de cette question, la Cour a déclaré que " le caractère suffisant des motifs peut être soulevé valablement dans le cadre d"une demande de contrôle judiciaire, dans la mesure où ces motifs ne rendent pas compte de l"examen des facteurs pertinents ".

[27]      En l"instance, il n"y a pas de motifs écrits du ministre ou de son délégué. L"avocat du ministre a soutenu qu"en l"instance, l"arrêt Baker n"imposait pas l"exigence de motifs écrits, puisque [traduction ] " un avis de danger n"enfreint pas la Charte et n"est pas une décision qui a des conséquences significatives pour la personne qui en fait l"objet ". Subsidiairement, il a soutenu que si des motifs devaient être présentés, ce que le ministre nie expressément, alors le document " Demande en vue d"obtenir l"avis du ministre " répond aux exigences fixées dans l"arrêt Baker .

[28]      Dans l"arrêt Baker , la Cour suprême a conclu que les notes de l"agent Lorenz étaient suffisantes. Dans l"arrêt Suresh , la Cour d"appel fédérale a emboîté le pas et accepté comme suffisante la note de service de M. Gautier.

[29]      J"ai examiné ces deux documents. Les notes de l"agent Lorenz, qui se présentent sous la forme d"un document dactylographié de deux pages, traitent en détail du cas de Mavis Pauline Baker depuis son arrivée au Canada le 8 août 1981. Il tire les conclusions suivantes :

Cette affaire est une catastrophe. C"est aussi une condamnation de notre système: la cliente est arrivée comme visiteur en août 1981, une ordonnance d"expulsion n"a été prise qu"en décembre 1992 et en AVRIL 1994 ELLE EST TOUJOURS ICI!.
PC est atteinte de schizophrénie paranoïde et reçoit l"assistance sociale. Elle n"a pas d"autres qualifications que de domestique. Elle a QUATRE ENFANTS EN JAMAÏQUE ET QUATRE AUTRES NÉS ICI. Elle sera, bien entendu, un fardeau excessif pour nos systèmes d"aide sociale (probablement) pour le reste de sa vie. Il n"existe pas d"autres facteurs d"ordre humanitaire que ses QUATRE ENFANTS NÉS AU CANADA. Devons-nous lui permettre de rester pour ça? Je suis d"avis que le Canada ne peut plus se permettre cette sorte de générosité. Toutefois, compte tenu des circonstances, il est possible qu"il y ait une mauvaise presse. Je recommande le rejet, mais vous désirerez peut-être obtenir l"approbation de quelqu"un au centre régional.
Violence possible -- voir l"accusation d"agression armée.

[30]      La note de service de M. Gautier est un document sérieux de huit pages, qui traite des questions en cause, des antécédents, des tenants et des aboutissants, et qui comporte une recommandation. Sous l"intitulé Recommandation, l"auteur récapitule les motifs de sa recommandation comme suit :

         [traduction]

         M. Suresh est un membre important d"une organisation ayant des liens avec les TLET, qui de leur côté ont soumis des civils innocents à des atrocités, y compris le viol, la torture et l"exécution. Il y a des indications sérieuses que les TLET ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l"humanité depuis le début de leur soulèvement contre le gouvernement du Sri Lanka, qui dure maintenant depuis plus de 20 ans et qui a coûté 50 000 vies. Bien que l"on ne sache pas si M. Suresh a commis personnellement des actes de violence, au Canada ou au Sri Lanka, il dirige une organisation au Canada qui a levé des fonds importants pour les TLET. Cette aide financière a grandement contribué à perpétuer une guerre civile qui a dévasté ce pays, gênant de ce fait les négociations de paix.
         Le fait de permettre à M. Suresh de continuer à résider dans notre pays et de s"y livrer aux activités en question va à l"encontre des engagements internationaux du Canada visant les activités terroristes. On ne peut permettre que les membres des organisations terroristes considèrent le Canada comme un sanctuaire, où peuvent se réfugier les personnes qui cherchent à déstabiliser des gouvernements élus démocratiquement et avec lesquels notre pays a de bonnes relations depuis longtemps.
         L"examen de ce cas révèle que, tout bien considéré, il n"est pas fondé d"accorder un traitement spécial à ce cas pour des motifs d"ordre humanitaire. Cependant, il est difficile de déterminer le traitement réservé pour M. Suresh lors de son retour au Sri Lanka. Étant donné son haut profil dans la communauté tamoule au Canada et dans les médias internationales, nous croyons que par ce fait, des sanctions sévères ne seront pas prises contre lui par les autorités Sri Lankaises. Nous reconnaissons toutefois que M. Suresh s"expose à certains dangers en retournant au Sri Lanka, mais le fait qu"il soit associé à des activités terroristes graves, commises pendant qu"il abusait de la protection et de la liberté trouvées au Canada, vient contrebalancer la situation.
         Cependant, étant donné la nature non violente de ses activités au Canada, tous les efforts seront déployés pour assurer son renvoi dans un tiers pays. Dans l"éventualité où aucun autre pays ne voudrait accueillir M. Suresh, les représentants de CIC prendraient les mesures nécessaires pour son renvoi du Sri Lanka.
         Par conséquent, au vu des renseignements susmentionnés, je recommande que vous déclariez que M. Suresh, un réfugié au sens de la Convention, constitue un danger pour le Canada en vertu de l"alinéa 53(1)b ).
         Si vous êtes d"accord, prière de signer le document ci-joint en annexe J.

[31]      À côté de ceci, la Demande de l"avis du ministre en l"instance tient dans un rapport squelettique d"une page, qui renvoie brièvement dans son premier paragraphe complet à la condamnation pour enlèvement et à la décision du juge Reed. Le dernier paragraphe complet, qui est aussi le dernier, s"intitule Commentaires de l"agent de révision. Il est rédigé comme suit :

         [traduction]

         COMMENTAIRES DE L"AGENT DE RÉVISION
         J"ai examiné avec attention la lettre d"avis, les documents à l"appui qui sont mentionnés dans cet avis, ainsi que le rapport sur l"avis ministériel préparé par CIC et les prétentions du client. Ces documents constituent le dossier complet fourni au délégué du ministre à l"appui de la demande qu"il délivre un avis que Kwok Wai IP constitue un danger pour le public au sens du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration.

[32]      Il me semble clair qu"un rapport aussi sommaire ne peut en aucune façon être retenu comme des motifs suffisants faisant ressortir les facteurs pertinents en l"instance. Comme l"a dit la Cour suprême dans l"arrêt Baker , " il serait injuste à l"égard d"une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise ".

[33]      En conséquence, au motif précis qu"on n"a pas donné des motifs suffisants pour justifier la décision en l"instance, l"avis du ministre est annulé et la question est renvoyée au défendeur pour nouvel examen en conformité de ces motifs.

[34]      Le demandeur m"a soumis quatre questions de portée générale à certifier. Le défendeur en a présenté une qui est clairement reliée à la quatrième question du demandeur. Les questions du demandeur sont les suivantes :

         [traduction]

         1. Le défendeur viole-t-il l"obligation d"équité due à la personne qui fait l"objet d"un avis de danger pour le public au Canada en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration dans le cas suivant : lorsque le rapport sommaire de la " Demande de l"avis du ministre " et le " Rapport d"avis ministériel sur le danger pour le public ", ou leurs équivalents, qui sont substantiellement les mêmes que ceux en cause en l"instance, font partie des documents présentés au délégué du défendeur qui prépare l"avis, alors que ces rapports n"ont pas été communiqués à la personne en cause et qu"on ne lui a pas donné une occasion raisonnable d"y répondre, ou si on lui a donné, la réponse est présentée au délégué du ministre sans la moindre analyse ou commentaire7?
         2. Au vu de l"arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817, la norme de contrôle judiciaire de l"avis du délégué du ministre préparée en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration est-elle maintenant celle de " la décision raisonnable simpliciter ", plutôt que celle appliquée dans l"arrêt Williams c. M.C.I. [1997] 2 C.F. 646, qui consistait à savoir si le décideur pouvait raisonnable exprimer l"avis en cause?
         3. Au vu de la décision de la Cour suprême du Canada dans l"arrêt Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817, et notamment le désaccord exprimé avec la décision de la Cour d"appel fédérale dans Shaw c. M.C.I. (1994) 170 N.R. 238 (C.A.F.), l"obligation d"équité envers une personne visée par un avis délivré en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration est-elle simplement " minimale ", comme on l"a décidé dans Williams c. M.C.I. [1997] 2 C.F. 646?
         4. Au vu de la décision de la Cour suprême du Canada dans l"arrêt Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817, le décideur doit-il fournir des motifs écrits au sujet de son avis délivré en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration?

[35]      La question présentée par le défendeur est la suivante :

         [traduction]

         L"obligation d"équité procédurale exige-t-elle qu"on fournisse des motifs écrits de l"avis ministériel délivré en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration? Si oui, cette exigence est-elle satisfaite lorsqu"on remet au demandeur la " Demande d"avis du ministre? "

[36]      Il est très probable que certaines de ces questions, sinon toutes, auront déjà été réglées par la Cour d"appel suite à d"autres questions certifiées présentées par la Cour. De toute façon, les cinq questions sont certifiées comme étant de portée générale en vertu du paragraphe 83(1) de la Loi.

OTTAWA (Ontario)

Le 3 février 2000

    

     Juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              IMM-787-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Kwok Wai Ip

                         c.

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :          Le 7 janvier 2000

MOTIFS DE JUGEMENT DE :      M. le juge Dubé

EN DATE DU :              3 février 2000



ONT COMPARU


M. Peter Golden                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Kim Shane                              POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


M. Peter Golden                              POUR LE DEMANDEUR

Victoria (Colombie-Britannique)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                     

__________________

1      [1999] 2 R.C.S. 817.

2      Arthur c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1993] 1 C.F. 94 (C.A.).

3      [1997] 2 C.F. 646, (1997) 212 N.R. 63 (C.A.F.).

4      16 août 1996, IMM-107-96 (C.F. 1re Inst.).

5      [1998] J.C.F. no 564 (C.A.F.).

6      [2000] J.C.F. no 5, à la p. 55.

7      Les deux documents en cause se trouvent aux pages 2, 3, 5 et 6 du dossier de la Cour.

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