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Date : 20031017

Dossier : T-2052-01

Référence : 2003 CF 1199

ENTRE :

                                                                                BAYER AG et BAYER INC.

                                                                                                                                                                                      demanderesses

                                                                                                      et

                                                                                         APOTEX INC. et

                                                                              LE MINISTRE DE LA SANTÉ

                                                                                                                                                                                             défendeurs

                                                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION

[1]            Le 3 décembre 2002, les demanderesses Bayer AG (Bayer Allemagne) et Bayer Inc. (Bayer Canada), collectivement désignées sous le nom de Bayer, ont déposé un avis de requête introductif d'instance modifié par lequel elles cherchent à obtenir les redressements suivants :

[traduction]

1.             Une ordonnance conforme au paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) interdisant au ministre de la Santé [...] de délivrer, avant l'expiration du brevet canadien nE 1,218,067 (le brevet '067), un ou des avis de conformité (AC) en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues à Apotex Inc. pour [...] des comprimés de chlorhydrate de ciprofloxacine de 100, 250, 500 et 750 mg destinés à être administrés par voie orale;

2.             Une déclaration indiquant que la lettre datée du 4 octobre 2001 ne constitue pas un avis d'allégation valide et qu'elle n'est pas conforme au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement);


3.             Une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de répondre à l'avis d'allégation d'Apotex Inc. (Apotex) daté du 4 octobre 2001, ou de prendre des mesures relativement à cet avis, et, en ce qui concerne le brevet '067, de délivrer un avis de conformité (AC) pour le médicament chlorhydrate de ciprofloxacine, notamment pour les comprimés de 100, 250, 500 et 750 mg de ce médicament, en raison de l'alinéa 7(1)f) du Règlement et des quatre ordonnances d'interdiction antérieures rendues dans les dossiers de la Cour T-1192-93, T-468-95, T-35-96 et T-591-96;

4.             En raison des procédures antérieures dans [les quatre (4) dossiers de la Cour susmentionnés] et des ordonnances d'interdiction formulées dans le cadre de ces dossiers, et pour cause de préclusion, d'abus de procédure et/ou de la doctrine de la jonction de toutes les causes d'action antérieures, une déclaration interdisant au ministre de la Santé de répondre à l'avis d'allégation daté du 4 octobre 2001, ou de prendre toute mesure relativement à cet avis, et de délivrer un AC pour le médicament [...] chlorure de ciprofloxacine, notamment pour les comprimés de 100, 250, 500 et 750 mg de ce médicament;

5.             La condamnation d'Apotex aux dépens sur une base avocat-client;

6.             Tout autre redressement que la Cour estime juste.        

[2]         L'avis de requête introductif d'instance modifié constituait la réponse à l'avis d'allégation daté du 4 octobre 2001 qu'Apotex Inc. (Apotex) a envoyé ou livré à Bayer. Comme on peut le déduire des redressements demandés, il ne s'agissait pas du premier avis d'allégation d'Apotex à l'égard du médicament chlorhydrate de ciprofloxacine (ciprofloxacine). En fait, il s'agissait de son cinquième avis d'allégation et du troisième dans lequel elle attaquait la validité du brevet canadien no 1,218,067 (brevet '067). L'avis d'allégation actuellement en litige n'est pas non plus le dernier avis d'Apotex visant le brevet '067, même si celui-ci expirera au début de février 2004.


[3]         Dans l'avis d'allégation qui a donné naissance à la présente instance, on allègue que les revendications 8 et 14 du brevet '067, qui se rapportent à la ciprofloxacine, sont invalides pour cause d'évidence; que le procédé de préparation de la ciprofloxacine décrit dans les revendications 10, 11 et 12 du brevet '067 ne présente aucun élément inventif, car il ne fait que reprendre des modifications évidentes de procédés connus de production de quinolones, la ciprofloxacine étant une quinolone; enfin, que le procédé d'Apotex servant à préparer la ciprofloxacine ne contrefera pas la revendication 14 du brevet '067 puisque celle-ci est un produit découlant d'un procédé. Une vaste gamme de documents portant sur l'état de la technique de l'époque ont été cités à l'appui de l'allégation d'évidence.

[4]         L'allégation de non-contrefaçon a été retirée à la fin de l'audition de la demande[1].

LES PARTIES

[5]         Bayer Allemage est la propriétaire du brevet '067 qui contient des revendications visant un procédé et un produit découlant du procédé, le composé ciprofloxacine. Bayer Canada est une licenciée de Bayer Allemagne pour le brevet '067. Elle vend au Canada la ciprofloxacine en tant que médicament, conformément aux avis de conformité délivrés par le ministre de la Santé.

[6]         Apotex est une « société fabriquant des médicaments génériques » , c'est-à-dire un fabricant et un commerçant de médicaments au Canada qui, pour reprendre les termes du juge Nadon dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)[2] « [...] commercialis[e] une drogue sans avoir à établir, de façon distincte, la sécurité et l'efficacité de cette drogue [...] » . Elle cherche à obtenir du ministre de la Santé un avis de conformité pour pouvoir commercialiser la ciprofloxacine.


[7]         Le ministre de la Santé est chargé de veiller à l'application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement)[3]. Aucun document n'a été présenté pour son compte et il n'a pas été représenté à l'audience.

CONTEXTE

[8]         La date de dépôt prioritaire du brevet '067 est le 29 octobre 1981, même si Bayer allègue dans la présente instance une date antérieure pour l'invention, soit le 20 novembre 1979. Le brevet vise le procédé de production du médicament ciprofloxacine et le médicament en soi obtenu par ce procédé. La ciprofloxacine est un antibiotique qui s'est apparemment montré très efficace pour le traitement systémique d'une vaste gamme d'infections bactériennes Gram positif et Gram négatif, dont quelques-unes sont généralement considérées comme difficiles à traiter. En conséquence, ce médicament de Bayer a connu un grand succès commercial.

[9]         Le contexte de l'invention de la ciprofloxacine exposé ci-après est en grande partie tiré de la décision Bayer AG, and Bayer Corporation c. Carlsbad Technology Inc.[4] de la cour de district des États-Unis, district sud de la Californie, décision inédite datée du 6 juin 2002, portant sur à peu près les mêmes questions que celles en litige en l'espèce. Cela dit, ce qui suit correspond aussi à la preuve dont j'étais saisi.


[10]       Dans les années 60, l'acide nalidixique, agent antibactérien primaire dérivé de la naphtyridine, s'est révélé efficace contre certaines souches de bactéries Gram négatif, mais non contre la souche Pseudomonas aeruginosa et d'autres bactéries difficiles à éliminer.

[11]       En mars 1979, un brevet américain a été délivré à l'égard du composé antibactérien norfloxacine. Contrairement à l'acide nalidixique, la norfloxacine est, comme la ciprofloxacine, dérivée d'une quinolone. La norfloxacine contient un groupe éthyle en position 1, un groupe pipérazinyle en position 7 et un fluor en position 6. Voici la formule développée de la norfloxacine :

Norfloxacine

Dans cette formule, la position 1 se situe à l'extrémité inférieure du cycle de droite, et la position 7, à l'extrémité inférieure gauche du cycle de gauche. Le « groupe pipérazinyle » en position 6 se trouve juste au-dessus de la position 7 et il porte un atome de fluor, indiqué par la lettre « F » .

[12]       Par comparaison, voici un schéma de la ciprofloxacine :


         Ciprofloxacine

[13]       La ciprofloxacine se distingue de la norfloxacine par le cyclopropyle en position 1 à la place du groupe éthyle. La norfloxacine a permis d'améliorer le traitement de certaines infections bactériennes Gram négatif relativement faciles à traiter telles que E. coli, Klebsiella et Salmonella. Elle est également active contre des bactéries Gram positif, notamment Bacillus subtilis. De plus, elle a manifesté une certaine activité contre Pseudomonas aeruginosa, une des bactéries les plus difficiles à éliminer et pour laquelle on a longtemps cherché un traitement. La norfloxacine n'est toutefois pas un médicament systémique et a principalement été prescrite pour traiter des infections urinaires.


[14]       La demande de brevet allemand DE 28 08 070[5] (la publication 070) a été publiée le 30 août 1979. Un certain M. Grohe, inventeur désigné dans la publication 070 et le brevet '067, a participé au « programme d'acide nalidixique » de Bayer Allemagne, dont l'objectif était de mettre au point de nouvelles synthèses de composés hétérocycliques semblables à l'acide nalidixique, mais qui présentaient une activité antibactérienne supérieure. La publication 070 décrit entre autres un procédé de production de composés améliorés à partir de groupes à noyau de quinolone, notamment la naphtyridine, la quinolone et la pyridopyrimidine. La publication expose aussi une formule générique, la « formule IX » , qui présente des substitutions optimales. Comme elle est générique, la formule IX peut être convertie en une quinolone et englobe des milliers de composés issus de combinaisons de noyaux. On conclut dans la publication que la formule IX est potentiellement plus efficace contre certaines bactéries que l'acide nalidixique.

[15]       Le composé précis décrit à l'exemple 19, appelé « acide 1-cyclopropylnalidixique » , qui est couvert par la formule IX, a la même structure que l'acide nalidixique, sauf qu'il a un groupe cyclopropyle au lieu d'un groupe éthyle en position 1. La ciprofloxacine possède un groupe cyclopropyle en position 1. Selon la publication 070, le composé décrit à l'exemple 19 [traduction] « est de loin supérieur à l'acide nalidixique pour le traitement in vitro et in vivo des infections à Staphylococci, Escherichia coli, Proteus, Klebsiella, Pseudomonas et autres bactéries » , mais la publication ne fournit aucune donnée d'essai et aucun médicament commercial n'a été mis au point avec ce composé.

[16]       Une demande de brevet européen équivalant à la publication 070 a été publiée le 9 octobre 1979 et un brevet américain équivalent a été délivré le 18 août 1981.

[17]       L'équivalent japonais de la publication 070 contient des données d'essai comparant l'efficacité de l'acide 1-cyclopropylnalidixique et de l'acide nalidixique. Le document ne divulgue aucune amélioration pour lutter contre Pseudomonas aeruginosa et Staphylococcus aureus, deux bactéries très préoccupantes.


[18]       La publication du brevet allemand, désignée sous le nom de publication 850, est parue le 7 août 1980. Elle divulgue la structure générique d'une pyridopyrimidine et indique que l'acide 1-cyclopropylpipémidique de l'exemple 7 est plus efficace contre de nombreux types de bactéries que l'acide pipémidique et l'acide nalidixique.

[19]       Dans la présente instance, Apotex s'est fondée sur les publications 070 et 850 ainsi que sur d'autres documents portant sur l'état de la technique. Bayer, quant à elle, a mis l'accent sur des articles de revue, particulièrement les articles d'Albrecht et de Koga[6]. Dans son avis d'allégation, Apotex n'a cité que l'article de Koga à l'appui de l'état de la technique.

LE BREVET LITIGIEUX

[20]       Le brevet '067 a été déposé le 8 août 1982. Il revendiquait le 29 octobre 1981 comme date de priorité fondée sur la demande du brevet allemand équivalent et contenait trente-deux (32) revendications. J'ai mentionné plus tôt dans les présents motifs les revendications 1, 8, 10 à 12 et 14 du brevet '067. Elles sont reproduites en totalité en annexe.

[21]       Les « promesses » du brevet '067 sont plutôt modestes en regard des effets démontrés de la ciprofloxacine dans le traitement systémique des infections Gram positif et Gram négatif chez l'humain. Ces promesses sont exprimées dans les deux (2) extraits suivants tirés de la divulgation du brevet :


[traduction] Les composés de la présente invention ont une action antibactérienne supérieure à celle des acides quinoléinecarboxylique et azaquinoléinecarboxylique. Les composés de l'invention ont une action antibactérienne supérieure contre les bactéries Gram positif et Gram négatif, y compris Pseudomonas aeruginosa.

[...]

Les composés de l'invention sont caractérisés par une action antibactérienne particulièrement efficace contre les bactéries Gram positif et Gram négatif, spécialement en comparaison avec les composés de la demande de brevet allemand P 30 33 157.8 du 3.9.1980 et DE-05 (spécification allemande publiée) 2,804,097, comme on peut le voir dans le tableau suivant.

Exemple 2 de la demande de brevet allemand P 30 33 157.8 du 3.9.80

(divulgué dans la DE-OS) (spécification allemande publiée) 2,804,097)

(composé de la formule I (R = H))

               

Méthode de dilution en milieu gélosé

DST (test de sensibilité à la dexhase); 1-2 x 103 germes par boîte

Les composés comparés dans ce tableau sont, de gauche à droite, une invention non identifiée de Bayer, la norfloxacine et la ciprofloxacine.

LES TÉMOINS EXPERTS

[22]       Les experts suivants ont présenté des affidavits pour le compte de Bayer, sur lesquels ils ont été contre-interrogés :


1.          M. Paul Actor, professeur et chercheur au Département de microbiologie et d'immunologie de l'École de médecine de l'Université Temple, professeur auxiliaire en microbiologie et immunologie au Centre médical de l'Université du Nebraska et président de Paul Actor Associates, société d'experts-conseils en produits pharmaceutiques fondée en 1990. Il a obtenu en 1959 un doctorat en parasitologie de l'Université Rutgers.

2.         Dr Ronald F. Grossman, professeur de médecine à l'Université de Toronto et chef du service médical de l'Hôpital Credit Valley de Mississauga (Ontario). Il a obtenu en 1973 un diplôme en médecine de l'Université de Toronto.

3.         M. Karl Georg Metzger, un des inventeurs nommés dans le brevet en litige. Il est actuellement à la retraite, mais il a travaillé en Allemagne comme employé de Bayer AG de septembre 1963 au 1er avril 1994, date de son départ à la retraite. Du milieu des années 70 jusqu'à sa retraite, il a été chef du laboratoire de recherche fondamentale en bactériologie, chef de l'Institut de chimiothérapie et chef du Service de recherche fondamentale en bactériologie de l'Institut de chimiothérapie. M. Metzger a obtenu son doctorat en microbiologie en 1959 de l'Université de Frankfort.

            4.         M. Robin Cooper, président de Cooper Consulting Inc., entreprise d'experts-conseils se spécialisant en recherche de nouveaux médicaments et particulièrement en recherche et synthèse de nouveaux composés chimiques antibiotiques. Avant de fonder la société Cooper Consulting Inc. en 1997, M. Cooper a travaillé, de 1965 à 1997, pour les laboratoires de recherche Lilly en qualité de chimiste organique principal. Il a obtenu son doctorat en 1962 du Imperial College et Queen Mary College de Londres, en Angleterre.

5.         M. Donald E. Low, microbiologiste en chef à l'Hôpital Mount Sinai de Toronto et chef des laboratoires médicaux du Service de microbiologie de cet hôpital, professeur au Département de microbiologie et de médecine génétique et au Département de médecine de l'Université de Toronto, professeur au Département de médecine génétique et de microbiologie et chef du service de microbiologie au Département de médecine de laboratoire et de pathobiologie de cette université.

6.         M. James D. Wuest, professeur de chimie à l'Université de Montréal (Québec). M. Wuest a obtenu son doctorat en chimie organique en 1973 de l'Université Harvard.

[23]       Les experts suivants ont présenté des affidavits pour le compte d'Apotex, sur lesquels ils ont été contre-interrogés :


1.         M. Robert Allan McClelland, professeur titulaire au Département de chimie de l'Université de Toronto depuis 1983. Il a obtenu son doctorat en chimie de l'Université de Toronto en 1969.

2.         M. George A. Olah, directeur de l'Institut de recherche Loker sur les hydrocarbures et professeur de renom en chimie organique à l'Université du sud de la Californie de Los Angeles depuis 1977. M. Olah a obtenu en 1949 un doctorat en philosophie et, en 1988, un doctorat honoris causa en sciences, apparemment de l'Université technique de Bupapest, en Hongrie. Il a également obtenu dix (10) doctorats honorifiques en sciences de grandes universités aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Hongrie et en Grèce. En 1994, M. Olah a été le seul récipiendaire du prix Nobel de chimie.

3.         M. Robert M. Williams, professeur permanent de chimie à l'Université d'État du Colorado. Il a travaillé toute sa carrière dans le domaine de la chimie organique. M. Williams a obtenu en 1979 un doctorat en chimie organique du Massachusetts Institute of Technology. Il a ensuite travaillé pendant un (1) an comme boursier de recherches postdoctorales à l'Université Harvard, au laboratoire du regretté professeur Robert B. Woodward, lauréat du prix Nobel.

[24]       J'en dirai davantage plus loin en examinant la preuve fournie par certains de ces témoins-experts et la transcription des contre-interrogatoires de ces témoins sur leurs affidavits.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[25]       Deux questions préliminaires ont été soulevées devant la Cour. Premièrement, certains éléments de preuve contenus dans les affidavits déposés pour le compte d'Apotex devraient-ils être radiés au motif qu'ils ne sont pas pertinents ou qu'ils portent préjudice à Bayer parce qu'ils contredisent l'avis d'allégation d'Apotex ou qu'ils n'étaient pas mentionnés dans ce document? Deuxièmement, l'avis d'allégation d'Apotex devrait-il être déclaré invalide au motif qu'il n'est pas conforme au Règlement et, par conséquent, devrait-on interdire au ministre de délivrer à Apotex un avis de conformité à l'égard de la ciprofloxacine?


[26]       Concernant les questions de nature plus substantielle, Bayer a formulé les questions suivantes dans son mémoire des faits et du droit :

-           Premièrement, les revendications du brevet '067 relatives au produit découlant d'un procédé, soit les revendications 8 et 14, étaient-elles évidentes à la date de priorité du brevet ou, subsidiairement, à une date d'invention antérieure?

-           Deuxièmement, les revendications de Bayer relatives au procédé décrit dans les revendications 10 à 12 pour la fabrication de la ciprofloxacine (la « méthode SEM » ou « méthode de synthèse de l'ester malonique » ) étaient-elles évidentes à la date pertinente?

-           Troisièmement, le procédé revendiqué par Apotex pour la fabrication de la ciprofloxacine viole-t-il la revendication 14 (12)?

Comme je l'ai dit plus tôt, Apotex a retiré, à la fin de l'audience, la question de l'absence de contrefaçon qu'elle avait fait valoir et à laquelle Bayer avait répondu.

[27]       De plus, sur la question de savoir sur qui reposait le fardeau de la preuve dans une demande comme celle de l'espèce, les avocats des parties ont invoqué des décisions différentes.


[28]       Dans son mémoire des faits et du droit, Bayer n'a pas mentionné les questions de la préclusion, de l'abus de procédure et de la jonction, dont faisait état la demande de redressements figurant dans l'avis introductif d'instance modifié. Ces questions n'ont pas non plus été plaidées devant la Cour.

ANALYSE

1)         Questions préliminaires

a)         Requête de Bayer visant à faire radier certains éléments de preuve contenus dans les affidavits déposés pour le compte d'Apotex au motif qu'ils ne sont pas pertinents ou qu'ils portent préjudice à Bayer parce qu'ils contredisent l'avis d'allégation d'Apotex ou n'étaient pas mentionnés dans ce document

[29]       Par avis de requête en date du 6 mars 2002, Bayer a cherché à faire radier des parties importantes des affidavits des experts d'Apotex. Elle a déclaré que les éléments de preuve qu'elle cherchait à faire radier étaient dénués de pertinence, lui portaient préjudice et soit contredisaient l'avis d'allégation, soit n'y étaient tout simplement pas mentionnés. Pour des motifs sur lesquels il n'est pas nécessaire de s'attarder maintenant, la Cour n'a pas statué sur la requête avant l'audition de la demande sur le fond de Bayer. Dans une téléconférence préparatoire à l'audience, la Cour a signalé aux avocats qu'elle était incline à rejeter la requête de Bayer au motif qu'elle accorderait aux éléments de preuve contestés le poids qu'elle considérerait approprié eu égard aux arguments présentés.

[30]       À la fin de l'audition de la demande de Bayer, l'avocat de Bayer a communiqué ce qui suit à la Cour :

[traduction] La requête est retirée sauf en ce qui a trait à l'onglet 24, et cet onglet est retiré sauf en ce qui a trait à la partie à laquelle nous avons fait référence à la page 496[7].


La page 496 du dossier de demande de Bayer se trouve au volume II de dix-neuf (19) volumes. Elle fait partie de la déclaration du propriétaire du brevet américain no 4,670,444 et contient le paragraphe suivant qui constitue, selon moi, le témoignage auquel l'avocat fait référence :

[traduction] En 1980, M. Grohe a souffert de diverses affections, notamment d'une crise cardiaque, et il a dû s'absenter du travail durant une longue période. En septembre, le programme de recherche sur les quinolones a été abandonné. Cependant, avec l'approbation tacite de quelques directeurs de recherche et l'encouragement de Zeiler et de Metzger, M. Grohe a par la suite tenté de synthétiser un autre composé - la forme 1-cyclopropylique de la norfloxacine (la norfloxacine était l'une des quinolones les plus prometteuses à l'époque). Dès sa deuxième tentative, le 15 avril 1981, M. Grohe a réussi à synthétiser le composé qui allait prendre le nom de ciprofloxacine. Les essais microbiologiques initiaux ont montré que la ciprofloxacine était étonnamment efficace pour combattre une grande variété de bactéries Gram négatif et Gram positif et qu'elle était plus efficace que la norfloxacine. L'enrofloxacine a été synthétisée peu de temps après, et la direction de Bayer a pris les mesures nécessaires pour mettre au point des antimicrobiens commerciaux à base de ciprofloxacine et d'enrofloxacine[8].

[31]       Conformément à ce qui lui semble être l'entente conclue à la fin de l'audition de cette affaire, la Cour donnera à la déclaration susmentionnée le poids qu'elle considère approprié, lequel est, à son avis, tout au plus très faible. La déclaration semble être intéressée et avoir été faite dans un contexte très différent de celui de la présente instance et dans des circonstances où M. Grohe n'a pas comparu devant la cour pour attester de l'exactitude de la déclaration. Le document dans lequel elle apparaît est signé au nom de Bayer Allemagne par un avocat du propriétaire du brevet. Le document n'indique nulle part que M. Grohe serait d'accord avec le passage en cause.

b)         Requête de Bayer visant à faire déclarer invalide l'avis d'allégation d'Apotex


[32]       Par avis de requête en date du 26 août 2003, soit pour ainsi dire la veille de l'audition de la présente affaire, Bayer a sollicité une ordonnance

-            déclarant que l'avis d'allégation d'Apotex est invalide au motif qu'il n'est pas conforme à l'article 5 duRèglement;

-           interdisant au ministre de délivrer à Apotex un avis de conformité à l'égard du médicament ciprofloxacine avant l'expiration du brevet '067.

[33]       Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, l'avis d'allégation en cause a été donné dans une lettre en date du 4 octobre 2001. Bayer a répondu à cette demande et a cherché à obtenir une divulgation en vertu du paragraphe 6(7) du Règlement. Apotex la lui a fournie le 13 décembre 2001. Le ministre a vérifié la divulgation et, dans une lettre en date du 3 janvier 2002, a fait savoir à Apotex que sa demande d'avis de conformité avait été rejetée en raison de lacunes, sous réserve de son droit de déposer une nouvelle demande. Avant de déposer la requête en cause, Bayer n'avait pas été avisée qu'Apotex avait déposé une nouvelle demande pour corriger les lacunes relevées. Bien que ces questions ne soient pas particulièrement pertinentes vu la façon dont la Cour a l'intention de statuer sur la requête, les parties semblent avoir des opinions nettement différentes quant au statut de la procédure d'obtention d'avis de conformité dont est saisie le ministre relativement à l'avis d'allégation et quant au caractère suffisant de la divulgation d'Apotex à Bayer.


[34]       Bayer ajoute dans sa requête qu'elle a reçu signification de l'avis d'allégation d'Apotex avant la date où cette dernière a présenté sa demande d'avis de conformité relative à cet avis d'allégation. En conséquence, Bayer allègue que l'avis d'allégation d'Apotex est nul et sans effet parce qu'il n'est pas conforme à l'alinéa 5(3)c)(i) du Règlement.

[35]       Les paragraphes 5(1) et 5(1.1) et les parties pertinentes du paragraphe 5(3) du Règlement sont rédigés comme suit :



5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue et la compare, ou fait référence, à une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence d'après les caractéristiques pharmaceutiques et, le cas échéant, les caractéristiques en matière de biodisponibilité, cette autre drogue ayant été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise, elle doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne soit pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)c) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n'est pas valide,(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée aux alinéas (1)b) ou (1.1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

[...]

c) si l'allégation est faite aux termes des sous-alinéas (1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon les paragraphes (1) ou (1.1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

[...]

5. (1) Where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug and compares that drug with, or makes reference to, another drug for the purpose of demonstrating bioequivalence on the basis of pharmaceutical and, where applicable, bioavailability characteristics and that other drug has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

(1.1) Subject to subsection (1.2), where subsection (1) does not apply and where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine found in another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent included on the register in respect of the other drug containing the medicine, where the drug has the same route of administration and a comparable strength and dosage form,

(a) state that the person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person pursuant to paragraph 4(2)(c) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

(3) Where a person makes an allegation pursuant to paragraph (1)(b) or (1.1)(b) or subsection (2), the person shall

...

(c) if the allegation is made under subparagraph (1)(b)(iv) or (1.1)(b)(iv),             

(i) serve on the first person a notice of the allegation relating to the submission filed under subsection (1) or

...


[36]       Dans son dossier de réponse à la requête, Apotex a fourni un affidavit de M. Bernard Sherman, président d'Apotex, dans lequel celui-ci affirme qu'Apotex a, le 5 octobre 2001, envoyé l'avis d'allégation en cause à Bayer par courrier recommandé et qu'Apotex avait corrigé à la satisfaction du ministre les lacunes de sa demande d'avis de conformité. M. Sherman ajoute que la demande déposée auprès du ministre était, au jour de la souscription de l'affidavit, « susceptible d'être approuvée et en attente » .

[37]       Au moment où l'affidavit de M. Sherman et le dossier de réponse à la requête préparé par Apotex ont été signifiés aux avocats de Bayer, Bayer n'avait plus, en pratique, la possibilité de contre-interroger M. Sherman avant le début de l'audition de l'affaire. En conséquence, la requête de Bayer n'a pas été plaidée au début de l'audience, la Cour a accordé du temps à Bayer pendant l'audience pour contre-interroger M. Sherman et la question a été discutée à la fin de l'audience. Au cours de cette discussion, la Cour a commencé à avoir, en raison du développement tardif de la question, des doutes quant au fondement factuel même de cette question.


[38]       La Cour a proposé que l'audience soit ajournée, que les avocats tentent de résoudre la question et que si, deux (2) semaines après la clôture de l'audience, la question n'était pas réglée, la requête soit tranchée sur dossier conformément à l'article 369 des Règles ou, si nécessaire, que l'audience soit reprise.

[39]       Comme on pouvait s'y attendre, la question n'a pas été réglée dans le délai imparti de deux (2) semaines.

[40]       À la fin du délai de deux (2) semaines, Bayer n'a pas demandé à la Cour de statuer sur sa requête conformément à l'article 369 des Règles et n'a pas non plus demandé la reprise de l'audience. Elle a plutôt demandé l'autorisation de déposer un dossier de requête supplémentaire beaucoup plus volumineux que le dossier de requête initial. Dans le doute, la Cour a ordonné, non sans une certaine réticence, le dépôt du dossier de requête supplémentaire. La Cour a également ordonné au registraire d'enquêter pour savoir si Apotex chercherait à déposer des documents de réponse additionnels, si les parties avaient, d'une manière ou d'une autre, réussi à s'entendre sur les faits sous-jacents à la requête et si Bayer voulait que la Cour statue sur la requête conformément à l'article 369 des Règles ou si elle demanderait la reprise de l'audience.


[41]       De façon prévisible, on a informé la Cour que les parties n'étaient pas arrivées à s'entendre sur les faits sous-jacents. Les avocats de Bayer ont essentiellement tergiversé sur la question de savoir si la Cour pouvait ou non juger la requête sur dossier alors que les avocats d'Apotex ont, d'une part, déposé un dossier supplémentaire de réponse à la requête et, d'autre part, demandé la reprise de l'audience. Entre temps, le délai de vingt-quatre (24) mois prévu au Règlement pour qu'il soit statué sur une telle demande tirait dangereusement à sa fin.

[42]       Dans ses derniers documents sur la requête, Bayer a invoqué des irrégularités de la part d'Apotex et de M. Sherman et l'abus des procédures de la Cour. La Cour est par ailleurs convaincue que Bayer n'était pas sans reproche lorsqu'elle a présenté la requête.

[43]       La question faisant l'objet de la requête n'est pas nouvelle dans la présente instance. Dans l'avis de demande modifié déposé le 3 décembre 2002, on trouve les nouveaux paragraphes suivants :


[traduction] Dixièmement, sur ordonnance de la Cour, en date du 2 janvier 2002, découlant d'une requête présentée en vertu du paragraphe 6(7) du Règlement, Apotex a fourni à Bayer sa prétendue demande au ministre pour obtenir un avis de conformité. Le ministre a vérifié que la demande produite à Bayer était la demande dont il était saisi. Le ministre a reçu la demande le 9 octobre 2002 et il l'a rejetée en raison des lacunes décelées lors de l'examen de cette demande, le 3 janvier 2002. L'avis d'allégation est, par conséquent, nul parce qu'il n'est pas conforme à l'alinéa 5(3)c)(i) du Règlement, étant donné qu'il a été signifié après le dépôt de la demande au ministre.

Subsidiairement, l'avis d'allégation n'est pas conforme au Règlement puisqu'il n'a pas trait à la demande d'avis de conformité soumise au ministre conformément à l'alinéa 5(3)c)(i) du Règlement pour les motifs suivants :

a)             Le ministre a rejeté la demande au motif qu'il a relevé, lors de son examen, des lacunes et la demande n'a, par conséquent, jamais été une demande d'avis de conformité au sens du paragraphe 5(1) du Règlement[9].                                                             [Souligné de l'original omis. Souligné sous le mot « après » ajouté.]

Le mot « après » souligné semble erroné. On devrait plutôt lire « avant » .

[44]       Comme il s'agissait d'une question préliminaire susceptible de remettre en cause le fondement de la présente instance, Bayer était en droit de demander par voie de requête à la Cour de se pencher sur les questions formulées dans l'avis d'allégation modifié et ce, dès le commencement de l'instance puisqu'elles étaient susceptibles de faire épargner beaucoup de temps et de ressources tant aux parties qu'à la Cour. Bayer a choisi de ne pas le faire. En fait, elle n'a déposé aucune preuve à l'appui des allégations faites dans les paragraphes reproduits plus haut pendant le délai dont elle disposait. Ainsi, en mai 2002, soit quatre (4) mois après l'expiration de la période prévue pour le dépôt de la preuve, la Cour n'a pas autorisé Bayer à déposer une preuve tardive à cet égard.


[45]       Le mémoire des faits et du droit de Bayer déposé avec la demande n'indique pas que cette question doit être examinée. Il fournit néanmoins une argumentation limitée à ce sujet dans ses derniers paragraphes. Il n'est donc pas surprenant qu'Apotex ne se soit pas penchée en profondeur sur cette question dans son mémoire de réponse.

[46]       Donc, tous les éléments étaient en place la veille de l'audition de la présente demande, de sorte que, si Bayer désirait plaider de façon convaincante la question et, de fait, l'élargir comme elle l'a fait, elle n'avait d'autre choix que de faire valoir cette question dans une « requête préliminaire » dans un dossier de requête séparé. Le dépôt de ce dossier de requête la veille de l'audience offrait à Apotex la possibilité de déposer un dossier de réponse à la requête, notamment l'affidavit de M. Sherman que Bayer conteste maintenant.

[47]       Dans la décision Hoffmann-LaRoche Ltd. c. Canada[10], le juge Reed, refléchissant sur une question équivalente, a écrit au paragraphe 7, à la page 307 :

Il est vrai que selon la jurisprudence antérieure sur cette question, l'avis d'allégation pouvait être signifié avant le dépôt de la PDN et il est vrai que cette jurisprudence n'est plus tout à fait pertinente. Mais l'interprétation du Règlement dans ce type d'affaire elle, demeure pertinente. La méthode recommandée consiste pour le tribuanl à ne pas interpréter trop rapidement le Règlement en lui donnant une portée étroite qui aurait pour effet de retarder le règlement rapide visé par la procédure sommaire du Règlement.

[48]       Pour sa part, Apotex est arrivée à la conclusion suivante dans son dossier de réponse supplémentaire à la requête portant sur cette question, dossier déposé exactement un (1) mois après la fin de l'audition sur le fond de la demande :


[traduction] [...] il est clair que Bayer n'a pas démontré que l'AA [avis d'allégation] d'Apotex est invalide. Apotex allègue essentiellement dans son AA l'invalidité et, à ce titre, ce document n'est pas soumis à l'exigence d'être signifié après le dépôt d'une PDN [présentation de nouvelle drogue]. Même si la Cour devait accepter qu'Apotex allègue dans son AA qu'il n'y a pas contrefaçon et que l'alinéa 5(3)c)(i) du Règlement s'applique, Apotex a retiré son argumentation à cet égard et la question de savoir si la partie traitant de l'absence de contrefaçon est valide ou non est donc maintenant théorique, et les allégations d'invalidité ne sont pas soumises à de telles exigences. Apotex avait déposé auprès du ministre une PND bien avant de signifier son AA. L'avis d'insuffisance lors de l'examen préliminaire n'est pas pertinent quant à la demande existante puisque les lacunes relevées lors de cet examen ont uniquement trait au procédé qui ne contrefait pas le brevet décrit dans l'AA et que cette question est maintenant théorique[11].

[49]       La Cour est convaincue que la façon dont Bayer s'est occupée de cette question a empêché un règlement rapide suivant la procédure sommaire prévue pour de telles demandes. Cette conclusion, conjuguée au retrait tardif de l'allégation de non-contrefaçon et la conclusion tirée au sujet des allégations d'invalidité ont mené la Cour à conclure que la requête ne méritait pas un examen plus approfondi.

[50]       En conséquence, la Cour a convoqué une téléconférence avec les avocats de Bayer et d'Apotex et les a informés qu'elle ne rendrait pas une décision sur la présente demande sur le fondement de la requête en cause mais plutôt sur celui de la validité ou de l'invalidité du brevet '067, et qu'il était par conséquent injustifié à son sens de reprendre l'audience pour examiner la requête sur le fondement des positions très différentes des parties. Après une certaine discussion, les avocats ont accepté la position de la Cour. Cela dit, les avocats de Bayer ont soutenu que la Cour devait adjuger à Bayer des dépens taxés selon un tarif supérieur en raison du retrait tardif de l'allégation d'absence de contrefaçon, alors que les avocats d'Apotex ont fait valoir que sa cliente devait se voir accorder des dépens spéciaux vu la façon dont Bayer s'était occupée de la question préliminaire de la validité ou de l'invalidité de l'avis d'allégation d'Apotex. La Cour s'est engagée envers les avocats à réexaminer les observations écrites relatives aux dépens. Le résultat de cet réexamen se retrouve plus loin dans les présents motifs. À la fin de la téléconférence, il a été convenu que l'audition de la présente demande ne serait pas reprise et que l'audience était donc terminée.


[51]       Me fondant sur tout ce qui précède, je rejetterai, sans examiner le fond, la requête de Bayer visant à faire déclarer invalide l'avis d'allégation d'Apotex.

2)          Invalidité du brevet '067

[52]       Étant donné le retrait de la question de l'absence de contrefaçon, l'avis d'allégation repose maintenant sur les allégations d'invalidité pour cause d'évidence. Plus particulièrement, il s'agit des revendications du brevet '067 relatives au produit découlant d'un procédé, soit les revendications 8 et 14, et de celles visant le procédé revendiqué, soit les revendications 10 à 12 qui portent sur la fabrication de la ciprofloxacine.

a)         Le fardeau de la preuve en matière de validité de brevet

[53]       Le libellé de l'article 47 de la Loi sur les brevets[12] en vigueur à l'époque pertinente était le suivant :


47. Tout brevet accordé conformément à la présente loi doit être délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets. Le brevet doit porter à sa face la date à laquelle il a été accordé et délivré, et il est par la suite prima facie valide et acquis au titulaire et à ses représentants légaux pour la période y mentionnée, laquelle doit être déterminée suivant les articles 48 et 49.

                                     [Non souligné dans l'original.]

47. Every patent granted under this Act shall be issued under the signature of the Commissioner and the seal of the Patent Office; the patent shall bear on its face the date on which it is granted and issued and it shall thereafter be prima facie valid and avail the grantee and his legal representatives for the term mentioned therein, which term shall be as provided in and by sections 48 and 49.                                                                                                        [emphasis added]



[54]       Invoquant la validité prima facie du brevet '067, Bayer soutient que le fardeau de la preuve quant à l'allégation d'invalidité pour cause d'évidence repose sur Apotex. À l'appui de cette affirmation, elle cite la décision AB Hassle et Astrazeneca Canada Inc. c. Apotex Inc. et le ministre de la Santé[13]. Dans ses motifs datés du 20 juin 2003, le juge Campbell a écrit, au paragraphe 23 :

Apotex fait valoir que le Règlement vise entre autres à permettre au breveté de procéder par voie sommaire pour protéger ses droits de brevet lorsque les allégations de non-contrefaçon ou d'invalidité du fabricant de produits génériques sont dénuées de fondement. J'estime que, s'agissant du moins des allégations d'invalidité, l'argument d'Apotex ne reflète pas l'état actuel du droit.

À l'appui de cette conclusion, le juge Campbell a examiné de façon assez approfondie l'état de la jurisprudence. Je reprends ici cet examen :

Dans l'arrêt Hoffman-La Roche, précité, aux pages 210 et 211, le juge Stone fait l'analyse suivante au sujet justement d'une allégation de contrefaçon faite dans le cadre d'une procédure d'obtention d'un AC :

C'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 qui, assumant la conduite de l'instance, a « la charge initiale de la preuve » . C'est une charge difficile, « puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité » .

Cette charge, appelée dans les poursuites civiles le « fardeau de persuasion » , oblige le poursuivant à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. En revanche, le « fardeau de présentation de la preuve » désigne l'obligation de soulever une question et signifie que la partie doit s'assurer qu'il y a au dossier suffisamment d'éléments de preuve de l'existence ou de l'inexistence d'un fait ou d'une question pour satisfaire au critère préliminaire au sujet de ce fait ou de cette question.

Lorsque l'avis de conformité [allégation?] d'une deuxième personne allègue la non-contrefaçon, la Cour devrait présumer que « les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf dans la mesure [où] la partie requérante prouve le contraire » .

Pour décider si les allégations sont « fondées » , « la Cour doit examiner si, à la lumière de ces faits tels qu'ils sont présumés ou prouvés, ces allégations engageraient en droit à conclure que le brevet en litige ne serait pas contrefait par la partie intimée » .

La décision du ministre quant à la délivrance d'un avis de conformité doit être axée sur la question de savoir si les allégations de la deuxième personne sont « suffisamment bien fondées pour appuyer la conclusion, tirée à des fins administratives, que la mise en marché du produit générique ne violerait pas le brevet du requérant » . [Renvois omis.] [Pas de caractères gras dans l'original.]

Cependant, en ce qui concerne précisément les allégations d'invalidité de brevet, la Section d'appel de la Cour a clarifé, dans l'arrêt Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 464, le fardeau de présentation de la preuve qui repose sur Apotex en l'espèce. La juge Sharlow dit ce qui suit au paragraphe 5 :


Une demande visant à obtenir une ordonnance d'interdiction conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est assimilable à toute demande de contrôle judiciaire en ce sens qu'il incombe au requérant dtablir qu'il a droit à l'ordonnance sollicitée. En d'autres mots, il incombait à Bayer de prouver que l'allégation d'invalidité d'Apotex ntait pas justifiée. C'est ce qu'a dit le juge des requêtes au paragraphe 15 de ses motifs :

La question de fond à trancher consiste à savoir si Bayer s'est déchargé de son fardeau de prouver que l'allégation d'Apostex au sujet de l'invalidité [...] n'est pas justifiée.

Pour tenter de se décharger de ce fardeau, Bayer s'est appuyé sur la présomption légale de la validité de son brevet. En raison de cette présomption, on peut dire qu'Apotex, en sa qualité de partie répondant à la demande d'ordonnance de prohibition, a le fardeau de la preuve en ce sens que si Apotex n'avait produit aucun élément de preuve susceptible d'établir l'invalidité du brevet, Bayer aurait pu obtenir gain de cause sur le seul fondement de cette présomption légale. Comme l'a dit correctement le juge des requêtes au paragraphe 15 :

Une présomption légale, par exemple, peut aider Bayer et « avoir pour effet de faire passer la charge de la preuve [à l'autre partie] » .

Les mots entre guillemets sont tirés de la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santénationale et du Bien-être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), où le juge Hugessen a dit à la page 319 :

Si je saisis bien l'économie du [Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)], c'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6, en l'espèce Merck, qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale. Cette charge me paraît difficile puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité. Il y a bien entendu certaines présomptions (par exemple la présomption légale de validité du brevet) [...] qui peuvent être à l'avantage de la partie requérante et peuvent avoir pour effet de faire passer la charge de la preuve à la partie intimée.

Toutefois, en l'espèce, Apotex a bel et bien produit un élément de preuve, sous la forme d'un affidavit, que le juge des requêtes a considéré à juste titre comme relatif à la question de la validité.

L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359.                                                              [Pas de caractères gras dans l'original.]

Le juge MacDonald a cité et approuvé l'arrêt Bayer, précité, dans l'arrêt Hoffmann-La Roche c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 1356, où il a dit :

Nu-Pharm conteste la façon dont le juge des requêtes a abordé la présomption de validité reconnue par la Loi sur les brevets. Dans Bayer c. Canada (Ministre de la Santéet du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 464 (QL), le juge Sharlow indique ce qui suit au paragraphe 9 :


L'application de la présomption légale en présence d'une preuve de l'invalidité dépend de la force de cette preuve. Si celle-ci démontre selon la probabilité la plus forte que le brevet est invalide, la présomption est réfutée et n'est plus pertinente : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350 (C.A.F.), à la page 359.   

La conclusion du juge Muldoon selon laquelle la preuve soumise par Nu-Pharm était insuffisante pour combattre la présomption légale signifie qu'il a conclu que Nu-Pharm n'avait pas démontré, selon la probabilité la plus forte, que le brevet était invalide. Nous sommes d'avis qu'il n'y a pas d'erreur de droit dans la façon dont le juge de première instance a abordé cette question.

Par conséquent, la question n'est pas de savoir si les allégations d'invalidité d'Apotex sont dénuées de fondement, mais si la preuve produite par Apotex à l'appui des allégations contenues dans l'AA démontre, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet 751 est invalide.

[55]       Apotex s'est, quant à elle, fondée sur la décision GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Ministre de la Santé)[14] où, moins d'un (1) mois plus tard, mon confrère le juge Noël a écrit, au paragraphe 15 :

La jurisprudence a établi que la charge de la preuve visant à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations contenues dans l'ADA ne sont pas fondées repose sur la partie demanderesse, en l'espèce, GlaxoSmithKline. Dans le cadre d'une procédure visant à obtenir une ordonnance d'interdiction, une allégation est présumée vraie sauf preuve contraire : [...]. Aussi, GlaxoSmithKline a-t-elle la charge de prouver que les allégations de Pharmascience ne sont pas fondées.                                                                                                 [Renvois omis.]

[56]       Pharmascience avait allégué l'invalidité.


[57]       La Cour ne voit aucune distinction importante entre les décisions précitées. La Cour estime également qu'elles sont compatibles avec l'analyse et la conclusion du juge dans la présente instance dans la décision Smithkline Beecham Pharma Inc. c. Apotex Inc.[15]. Par conséquent, à l'instar du juge Campbell, la Cour est convaincue que, sur la question de l'invalidité, il faut répondre à la question suivante : s'il est vrai que le fardeau ultime repose sur Bayer, la preuve à l'appui des allégations contenues dans l'AA d'Apotex suffit-elle pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet '067 est invalide pour cause d'évidence?

b)         Le critère de l'évidence

[58]       La Cour est convaincue que la juge Dawson a admirablement résumé dans ses motifs, aux paragraphes 101 à 111 de la décision Pfizer Canada Inc. c. Apotex Inc.[16], l'état du droit en ce qui concerne le critère de l'invalidité pour cause d'évidence :

J'aborderai d'abord l'allégation d'invalidité fondée sur l'évidence à la lumière du commentaire de la Cour d'appel dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY [...] selon lequel il est préférable d'examiner cette question en premier.

La formulation du critère de l'évidence la plus souvent citée est celle du juge Hugessen dans l'arrêt Beloit, qui s'exprime ainsi :

[Traduction] Pour établir si une invention est évidente, il ne s'agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l'évidence de l'invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d'esprit inventif ou d'imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d'intuition; un triomphe de l'hémisphère gauche sur le droit. Il s'agit de se demander si, compte tenu de l'état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l'invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C'est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

En d'autres termes, il s'agit de déterminer en général si l'invention alléguée exigeait une activité inventive : arrêt Windsurfing International Inc. et al. c. Trilantic [...]

Comme l'indique l'arrêt Beloit, le critère de l'évidence est difficile à satisfaire étant donné qu'une « étincelle d'esprit inventif » suffit : arrêt Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. [...]. Toute invention est évidente une fois qu'elle a été faite, c'est pourquoi il faut accueillir avec une extrême prudence le témoignage des experts pouvant tirer profit du recul : [...]

Le juge Wetston a néanmoins fait remarquer, dans l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. [...], au paragraphe 243 : « il n'y [a] pas d'activité inventive à suivre un cheminement évident et bien défini, en utilisant des techniques et des procédés connus sur des compositions connues, à moins que l'inventeur ne rencontre des difficultés qui n'auraient pas pu raisonnablement être prévues par une personne versée dans l'art ou être surmontées par l'application d'une compétence ordinaire » .


Le juge Wetston s'est dit convaincu, dans l'affaire qui lui avait été soumise, que les réalisations antérieures « n'auraient pas amené un technicien compétent mais dépourvu d'imagination à cette invention sans expérimentations excessives » [...]. La Cour d'appel a conclu que cette formulation du critère n'était pas erronée [...].

Quelle est alors la portée de l'expérimentation ou de la manipulation que le technicien compétent et dénué d'imagination, le parangon de déduction, a le droit de mener?

Pfizer se fonde sur la jurisprudence, notamment l'arrêt Bayer Aktiengesellschaft c. Apotex Inc. [...] pour soutenir que l'exécution de recherches ou d'expérimentations semble être hors du champ d'activité du technicien compétent et qu'elle ne suffit pas pour prétendre que des indices suffisants faisaient en sorte que l'invention « valait la peine d'être tentée » .

Dans l'arrêt Bayer, le juge Lederman a écrit [...] :

[traduction] Il semble y avoir une différence importante entre les capacités du technicien fictif anglais versé dans l'art et celui du Canada. En effet, l'exécution de recherches ou d'expérimentations semble être hors du champ d'activité du technicien fictif compétent canadien. Dans la décision Cabot Corp. c. 318602 Ontario Ltd. [...], le juge Rouleau a cité un extrait de H.G. Fox dans Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions :

[traduction] Pour qu'une invention soit considérée comme « évidente » , il faut qu'elle ait été directement découverte par la personne qui rechercherait quelque chose de neuf, un nouveau procédé de fabrication ou autre, sans avoir besoin d'expérimentation, de réflexion profonde, de recherche que ce soit en laboratoire ou dans les textes.

[Non souligné dans le texte original.] Aussi, même si on s'imaginerait normalement que le laboratoire de cette personne mythique est plein d'éprouvettes et de boîtes de Pétri mythiques et qu'elle passe sa vie en expérimentations, aucune recherche de cette nature n'est prise en compte aux fins de l'application du critère juridique. Toute logique qu'ait pu paraître à une personne effectivement versée dans l'art à cette époque, en fonction de l'état des connaissances, de mener certaines expérimentations, cela n'est pas permis au technicien mythique versé dans l'art. Ce chercheur mythique ne peut posséder un esprit de recherche ou de réflexion qui le conduirait ultimement à la solution, mais on attend plutôt de lui qu'il s'exclame instantanément et spontanément, sans plus, « Je connais déjà la réponse et elle est évidente » . Pas plus qu'il ne convient de dire qu'il y avait des indications importantes qui guidaient l'expert mythique vers la solution ou des indices suffisants pour que l'invention « vaille la peine d'être tentée » . Dans la décision Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning c. Halocarbon (Ontario) Ltd. [...], le juge Collier en rejetant le critère de l'expérience qui « vaut la peine d'être tentée » a déclaré :

Il est facile de dire a posteriori, avec l'avantage du recul, qu'une expérience dans des circonstances telles qu'on les suppose ici, lorsque le temps et les dépenses sont illimités, vaut ou valait la peine d'être tentée.

Il n'en demeure pas moins que même si le technicien versé dans son art ne doit pas faire de recherche, il est, comme l'a noté le juge Hugessen dans l'arrêt Beloit, un parangon de déduction et de dextérité. Il est aussi raisonnablement en mesure de se tenir au courant des progrès accomplis dans son domaine : Whirlpool Corp. c. Camco Inc. [...].


Si j'essaie d'appliquer ces principes aux faits qui m'ont été présentés, je pose d'abord comme prémisse que le brevet s'adresse au psychiatre versé dans son art ou à une personne qui connaît bien le traitement des troubles anxieux. Les parties conviennent que comme le brevet 065 porte une date de dépôt prioritaire du 2 novembre 1989, c'est à partir de cette date qu'il faut évaluer l'évidence. Un psychiatre versé dans son art devait-il faire preuve d'esprit inventif à cette date pour traiter le trouble panique ou le TOC au moyen de la sertraline? Ou arrivait-il directement et sans difficulté à cette solution?                                     [Renvois omis.]

[59]       La Cour adopte ces analyse et énoncé de la question.

c)         La date pertinente aux fins de l'appréciation de l'évidence

[60]       Comme l'a soutenu Bayer, la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'évidence des revendications du brevet en litige est soit la date de l'invention, si elle est prouvée - et la Cour estime que, sur cette question, le fardeau repose sur Bayer -, soit la date de dépôt prioritaire, à savoir le 29 octobre 1981, si elle n'est pas prouvée.

[61]       Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd et al[17], le juge Sexton, se prononçant au nom de la Cour, a écrit ce qui suit aux pages 77 et 78 :

Pour être considéré comme l'inventeur d'une invention, il faut remplir deux conditions : i) il faut être la personne qui a eu une idée nouvelle ou qui a découvert une nouvelle chose qui constitue l'invention; et ii) il faut être la personne qui donne à l'idée conçue ou à la découverte sa forme pratique.

Le simple fait d'avoir une idée n'est donc pas une invention à moins d'être combinée au second élément qui consiste à donner à cette idée une forme pratique qui sert à prouver que l'acte mental d'invention a eu lieu à une certaine date. Toutefois, pour attribuer une date à une invention, le fait de donner à une idée sa forme pratique ne va pas jusqu'à la formalité de la demande de brevet. La date à laquelle une invention est conçue ou découverte est plutôt [traduction] « la date à laquelle l'inventeur peut prouver qu'il a énoncé pour la première fois, par écrit ou verbalement, une description qui fournit les moyens de fabriquer ce qui est inventé » . En d'autres termes, l'invention doit être [traduction] « présentée sous une forme définie et pratique » ..                  [Souligné dans l'original. Renvois omis.]


[62]       Dans l'affidavit qu'il a déposé (affidavit souscrit le 21 décembre 2001), M. Metzger, un des inventeurs nommés dans le brevet '067, affirme ce suit :

[traduction] Au cours de la vie du programme [le « programme sur l'acide naphtyridine » de Bayer, commencé au milieu des années 70 et auquel la direction a mis un terme le 18 septembre 1980], les composés créés et testés comprenaient les quinolones ainsi que d'autres composés. Par exemple, on trouve joint au présent affidavit, en pièce « B » , une note manuscrite, en date de novembre 1979, qui décrit en première page la structure de la molécule de la ciprofloxacine. En novembre 1979, je connaissais M. Grohe depuis plusieurs années et j'avais lu beaucoup de choses écrites par lui. Au meilleur de ma connaissance, la pièce « B » a été rédigée par M. Grohe. En novembre 1979, il était aussi le seul chimiste de Bayer qui essayait de synthétiser les composés de quinoléine et son nom est indiqué sur la pièce « B » [18].

S'il est vrai que le nom de M. Grohe est effectivement indiqué sur la pièce « B » mentionnée dans le paragraphe précédant et que cette pièce est effectivement datée du 20 novembre 79, le seul lien entre cette pièce et Bayer est néanmoins le nom de M. Grohe.

[63]       Les avocats de Bayer ont soutenu que je devais utiliser avec beaucoup de circonspection le témoignage de M. Metzger. Je comprends leur préoccupation étant donné l'intérêt personnel qu'a M. Metzger à protéger l'intégrité du brevet '067. Cela dit, le paragraphe cité, qui est tiré de l'affidavit de M. Metzger souscrit le 21 décembre 2001, sert avant tout à établir les faits pertinents. Il n'est pas une preuve d'expert. Dans de telles circonstances, il est permis d'établir une distinction[19]. À mon avis, rien ne justifie qu'on n'accorde pas à ce paragraphe toute sa valeur.


[64]       Dans son avis de demande introductif de la présente instance et son avis de demande modifié déposé par la suite, Bayer note ce qui suit, sous le titre [traduction] « La ciprofloxacine est une innovation » :

[traduction] la ciprofloxacine a été découverte au plus tard en avril 1981 et, quoi qu'il en soit, Apotex admet que la date d'invention par défaut est la date de priorité d'octobre 1981;

Ni l'avis de demande initialement déposé ni l'avis de demande modifié ne mentionne une date d'invention en novembre 1979. On ne m'a présenté aucune preuve de fond relativement à une date d'invention en avril 1981.

[65]       L'alinéa 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) exige que l'avis de demande contienne un énoncé complet et concis des motifs invoqués. En l'espèce, l'avis de demande ne mentionne ni la date d'invention du 20 novembre 1979 ni toute autre date antérieure à la date de priorité. Je suis convaincu qu'Apotex a subi un grave préjudice en ne pouvant pas répondre à une telle allégation[20].

[66]       En conséquence, malgré le témoignage de M. Metzger, que la Cour ne trouve pas concluant, la Cour conclut que la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'évidence des revendications du brevet '067 est la date de dépôt prioritaire mentionnée dans le brevet, soit le 29 octobre 1981.

d)         Personne ayant des compétences ordinaires dans l'art


[67]       Comme on pouvait s'y attendre, les experts qui ont témoigné sur la question de savoir qui sont les personnes versées dans l'art en cause en l'espèce ont exprimé des points de vue très différents. Il n'est pas étonnant non plus que les personnes qu'ils considèrent versées dans l'art doivent satisfaire à une norme très élevée.

[68]       M. Donald E. Low a affirmé ce qui suit pour le compte de Bayer :

[traduction] Pour apprécier le caractère évident de la ciprofloxacine utilisée, c.-à-d. pour évaluer ses propriétés antimicrobiennes et dans quelle mesure elles étaient prévisibles eu égard à l'état de la technique à ce moment-là, j'ai commencé par examiner les compétences d'une « personne ayant des compétences ordinaires dans l'art » en 1981. Je comprends que le terme « évident » implique que l'information contenue dans les documents sur l'état de la technique dont disposait Apotex à la date de l'invention de la ciprofloxacine, que je dois considérer être le 29 octobre 1981 (même si je comprends que la date de l'invention puisse être antérieure), permettait à la personne versée dans l'art d'arriver directement et facilement à la solution que préconise le brevet de Bayer relativement à la ciprofloxacine. On m'a également informé qu'une telle personne versée dans l'art ne fait preuve d'aucune intuition ou imagination devant un problème.

Dans ce contexte, la personne ayant des compétence ordinaires dans ce domaine serait titulaire d'un doctorat en microbiologie ou d'un doctorat en médecine et aurait, dans le cadre de son travail, évalué pendant plusieurs années des composés antibactériens ou aurait une expérience pratique ou une formation lui permettant d'avoir des connaissances similaires et de comprendre les propriétés des composés antibactériens. Une personne ayant des compétences ordinaires connaîtrait les méthodes usuelles de mesure et d'évaluation des propriétés des agents antimicrobiens, notamment de la CMI [concentration minimale inhibitrice] [...] et d'autres mesures de l'efficacité. Cette personne connaîtrait aussi d'autres éléments importants de l'évaluation des composés antibactériens, comme la toxicité, le mécanisme d'action et la concentration sérique.

Une personne ayant des compétences ordinaires dans ce domaine aurait entendu parler des relations structure-activité. Cela veut dire qu'elle saurait que de légères modifications à la structure de composés bicycliques (comme les quinolones, les naphtyridones et les pyridopyrimidones) entraînent souvent des différences considérables dans les propriétés antibactériennes, la toxicité et la vitesse d'absorption, pour ne nommer que ces facteurs, rendant l'innocuité et l'efficacité de ces nouveaux composés antibactériens hautement imprévisibles[21].


[69]       M. Robin D. G. Cooper, témoignant également pour le compte de Bayer, a insisté sur l'importance que la personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine ait de l'expérience de travail dans l'industrie pharmaceutique, et plus précisément en développement de médicaments et en évaluation de nouveaux composés antibactériens[22]. Il a ajouté que cette personne fictive a la capacité d'évaluer et de trouver la littérature sur les brevets. M. Cooper a affirmé :

[traduction] Au moment d'étudier les relations structure-activité, une telle personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine saurait que toute modification du noyau de la molécule peut donner une toute nouvelle molécule aux propriétés structurales, électroniques et spatiales nouvelles et différentes. Cette personne saurait également que la modification des groupes substituants de ce même noyau peut elle aussi communiquer des propriétés imprévisibles à la molécule. Cette personne saurait aussi que les propriétés d'une molécule dépendent de la structure entière de la molécule, et pas seulement de son noyau ou de certains de ses groupes substituants[23].

[70]       M. Paul Actor, témoignant également pour le compte de Bayer, a affirmé qu'en plus de connaître les tests de mesure de la concentration minimale inhibitrice et les autres méthodes de vérification de l'efficacité, cette personne fictive serait au courant des autres éléments importants de l'évaluation des composés antibactériens, comme la toxicité, le spectre d'activité antimicrobienne, la concentration sérique et le mécanisme d'action[24]. Il a ajouté ce qui suit :

[traduction] Une personne ayant des compétences ordinaires dans ce domaine aurait également une certaine connaissance de l'étude des [...], relations structure-activité - c'est-à-dire comment la structure d'une molécule est liée à son activité curative. Cette personne saurait notamment que de légères modifications apportées à la structure d'un composé entraînent souvent des différences considérables au chapitre des propriétés antibactériennes ou autres et que l'efficacité et l'innocuité des nouveaux composés chimiques en tant que produits pharmaceutiques deviennent hautement imprévisibles[25].


[71]       Il a également affirmé qu'en plus de Bayer, d'autres sociétés de recherche et de développement de produits pharmaceutiques ont participé activement à la synthèse de quinolones, de naphtyridones et de pyridopyrimidones (par exemple Warner Lambert, Sterling Drug, Kyorin Pharmaceutical Co., Dainippon Pharmaceutical Co.) dans les années 70 et 80, et qu'aucune de ces entreprises, qui employaient toutes des experts hautement qualifiés en chimie et en microbiologie, n'a synthétisé la ciprofloxacine[26].

[72]       M. Robert M. Williams[27] et M. Robert A. McClelland[28], qui ont témoigné pour le compte d'Apotex, ont fait des déclarations au même effet.

[73]       Rien de ce qui précède ne semble compatible avec le concept du technicien fictif versé dans l'art[29] des motifs du juge Lederman dont il a été question plus tôt, mais la Cour accepte les éléments de preuve présentés et conclut qu'en l'espèce la personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine est en fait un scientifique hautement qualifié et expérimenté. Se fondant sur ce concept de la personne ayant, en 1981, des compétences ordinaires dans le domaine, la Cour examinera maintenant la question de l'évidence des revendications du produit découlant du procédé du brevet '067 et des revendications relatives au procédé, soit les revendications 10 à 12.

e)         Évidence des revendications du produit découlant du procédé visé aux revendications 8 et 14

i)           Absence de motivation à combiner les éléments


[74]       Dans la décision Wellcome Foundation Ltd. c. Apotex Inc.[30], le juge MacKay a écrit ce qui suit à la page 357:

[...] si le technicien versé dans l'art devait s'attacher au problème, il se peut qu'à la lumière de l'état de la technique antérieure, il soit en mesure de prédire quels produits résulteraient de la réaction. Il n'y a cependant aucune raison apparente d'entreprendre les réactions revendiquées dans les brevets si les chercheurs n'avaient pas envisagé une utilisation spécifique. Cela revient à dire que si les nouvelles substances produites ont de la valeur, l'étincelle d'esprit inventif est représentée par l'usage possible auquel les nouvelles substances sont destinées.

Autrement dit, la Cour utilise ce passage pour affirmer que, si l'invention revendiquée met en évidence une utilité inattendue, cette utilité inattendue peut à son tour établir l' « esprit inventif » .

[75]       Dans son premier affidavit déposé pour le compte de Bayer, M. Cooper affirme :

[traduction] Je crois également qu'aucun des documents sur l'état de la technique présentés par Apotex n'aurait poussé une personne ayant des compétences ordinaires à combiner les enseignements exposés dans ces documents pour mettre au point la ciprofloxacine. Tel qu'il est illustré ci-dessus, de nombreuses autres publications de l'époque décrivaient les qualités supérieures des autres composés. De plus, Albrecht et Koga croyaient comme tout le monde que le groupe 1-éthyle présentait une efficacité optimale en position 1. Une personne compétente dans le domaine mais peu imaginative et peu inventive n'aurait pas combiné les enseignements des divers documents sur l'état de la technique produits par Apotex, qui n'ont aucun lien entre eux, pour remettre en question cette opinion courante.

Aucune des molécules existantes à l'époque mentionnées par Apotex, à l'exception de la norfloxacine, n'était une quinolone. Certaines étaient des naphtyridones (par exemple l'acide nalidixique), et d'autres, des pyridopyrimidones (par exemple les acides pipédémique ou piromidique). Les naphtyridones et les pyridopyrimidones ont chacune des noyaux différents des quinolones. Par conséquent, l'effet signalé d'une modification de ces noyaux ne pousserait pas une personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine à présumer qu'une telle modification à un noyau différent, comme celui d'une quinolone, aurait le même effet ou un effet prévisible. Ce facteur est particulièrement important dans le contexte de ces composés existants à l'époque mentionnés par Apotex, qui présentent très peu de similitudes avec le noyau de la quinolone[31].

[76]       À l'opposé, M. Williams a affirmé ce qui suit pour le compte d'Apotex :


[traduction] [...] Le technicien compétent peu imaginatif, qui aurait connu la structure de la norfloxacine, n'aurait pas eu besoin d'inventer ni de faire un effort d'imagination créatrice pour remplacer un éthyle par un cyclopropyle dans la structure de la norfloxacine. Il est difficile d'imaginer des signes plus évidents qui puissent montrer que cette même substitution, soit un cyclopropyle à la place d'un éthyle dans la structure de la norfloxacine, permet manifestement d'en améliorer l'activité antimicrobienne. La logique et les enseignements de la littérature avant le 29 octobre 1981 permettent de déduire explicitement et sans difficulté la structure de la ciprofloxacine à partir de celle de la norfloxacine.

[Tableau omis.]

Cette comparaison établit sans équivoque que le substituant cyclopropyle en N-1 est un groupe fonctionnel supérieur et actif sur le plan pharmacologique dans le noyau de l'acide 4-pyridone-3-carboxylique et que le technicien compétent peu imaginatif arriverait directement et sans difficulté à la structure de la ciprofloxacine en se fondant sur la structure et l'activité antibiotique connues de la norfloxacine[32].

[77]       Dans leurs affidavits de réponse, tant M. Cooper que M. Actor, ont réfuté la position que M. Williams a fait valoir dans ce passage[33].

ii)         L'éloignement de l'état de la technique

[78]       Dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. et al c. Valmet OY[34], le juge Hugessen a, au nom de la Cour, écrit ce qui suit à la page 296 :

[...]

3. Les idées reçues dans les milieux de l'industrie à l'époque de l'invention en 1969 s'éloignaient de la solution préconisée par le brevet, et c'est avec beaucoup de réticence que cette invention a été acceptée par l'industrie. [...]

4. Depuis son adoption, la machine a connu un succès commercial phénoménal, au point où, ainsi que l'a lui-même dit le juge de première instance, elle « a été désormais presque universellement adopté[e] dans la section des presses des machines à papier. [...]


Même si aucun de ces facteurs, pris individuellement, ne permet de trancher la question de l'évidence, chacun d'eux plaide plus éloquemment que toute analyse a posteriori en faveur du caractère inventif du brevet; leur effet cumulatif est tout simplement irrésistible.

[79]       Il est donc clair que constitue une considération pertinente le fait que l'état de la technique de l'époque, tout comme les idées reçues, nous éloigne de l'invention présumée.

[80]       M. Cooper a affirmé ce qui suit au sujet de « l'éloignement » :

[traduction] Le principal article de synthèse de l'époque [1981] était celui d'Albrecht, [...] mentionné dans l'article de Koga, qu'Apotex a présenté [...]. L'article exhaustif d'Albrecht résume les structures connues de l'acide nalidixique, notamment l'acide nalidixique, l'acide piromidique et l'acide pipédémique, et dresse un bilan de l'état des connaissances de l'époque en ce qui concerne les différents substituants en position 1 de ces structures cycliques. [...] Albrecht a précisé que, lors d'une comparaison de l'activité des acides quinoléinecarboxyliques ayant un groupe alkyle en position 1, les effets produits par des radicaux plus petits étaient toujours les plus efficaces. En principe, c'est avec le groupe éthyle qu'on obtient une activité optimale. [...]

Cet article explique l'allégation d'Albrecht voulant que des radicaux plus petits en position 1 aient un meilleur effet. Les substituants en position 1 qui étaient plus gros que l'éthyle [...], même dans un groupe propyle linéaire [...], avaient des effets nuisibles sur l'activité antibactérienne des composés modifiés dans le cas de l'acide piromidique et de l'acide pipémédique. En conséquence, une personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine ne se serait pas attendue à ce que le groupe cyclopropyle plus gros ait un effet bénéfique dans de tels composés[35].

[Renvois et formules chimiques omis. Souligné dans l'original.]

[81]       M. Actor a témoigné au même effet[36].


[82]       En contre-interrogatoire, M. Williams aurait indirectement convenu, à propos des documents faisant état de la technique de l'époque, que ces derniers « s'éloignaient » de l'invention présumée[37].

iii)         Propriétés améliorées inattendues

[83]       Comme je l'ai noté plus tôt, la divulgation du brevet '067 dresse de façon relativement modeste les possibilités du brevet, alors que les essais, la commercialisation et l'utilisation de la ciprofloxacine ont présenté des résultats plus intéressants que ce qui avait été exposé dans le brevet.

[84]       Après avoir cité le juge Thurlow, devenu par la suite juge en chef, dans la décision Société des Usines Chimiques Rhone-Poulenc c. Jules R. Gilbert Ltd.[38], le juge MacKay a écrit ce qui suit dans la décision Wellcome Foundation Ltd. c. Apotex Inc.[39]:

[...] En cas d'utilité imprévue pour une fin spécifique, l'effet combiné de la nouveauté des substances et de l'imprévisibilité de leur utilité satisfait au critère de l'ingéniosité inventive.

[85]       Le fait que la ciprofloxacine, substance nouvelle, a, depuis son arrivée sur le marché, présenté des « utilités imprévues » n'a, dans l'ensemble, pas été contesté devant la Cour.

iv)        Considérations secondaires


[86]       Comme le faisait remarquer la Cour dans l'arrêt Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY[40], même si le succès commercial - expression qui implique, selon la Cour, qu'il y a eu une réponse à un besoin de longue date de l'industrie -, ne suffit pas pour trancher la question de l'évidence, il « plaide plus éloquemment que toute analyse a posteriori en faveur du caractère inventif [de l'invention revendiquée dans le] brevet. »

[87]       Encore une fois, on n'a pas, dans l'ensemble, contesté que la ciprofloxacine a répondu, depuis son introduction dans le marché, à un besoin de longue date, qu'elle a eu un succès commercial et que l'industrie a reconnu son importance.

v)         Analyse rétrospective

[88]       L'avocat de Bayer a soutenu qu'il est interdit d'effectuer une analyse rétrospective lorsqu'on examine la question de l'évidence. Il a soutenu qu'il faut faire preuve d'une extrême prudence à l'égard de la preuve d'expert fondée sur une analyse rétrospective puisque toute invention est évidente une fois qu'elle est faite, particulièrement pour les experts dans le domaine.

[89]       Dans l'arrêt Farbwerke Hoechst A.G. c. Halocarbon (Ont.) Ltd.[41], le juge Pigeon, se prononçant au nom de la majorité, a écrit ce qui suit aux pages 155 et 156 :


[...] En pratique, tous les travaux de recherches suivent l'orientation donnée par l'état de la technique. Dans ces conditions et avec l'avantage du recul, il y aurait presque toujours moyen de dire qu'il n'y a aucun esprit inventif dans les nouveaux perfectionnements parce que chacun peut alors voir comment les réalisations antérieures montraient la voie. La découverte de la pénicilline a constitué un progrès des plus importants, une grande invention. Par la suite, nombre de personnes ont travaillé à la recherche d'autres antibiotiques, soumettant méthodiquement à des tests des familles entières de divers micro-organismes autres que le penicillium notatum. [...] Je ne conçois pas que l'on puisse avec succès contester des brevets d'antibiotiques ou de procédés visant leur production, en disant que la découverte de la pénicilline a ouvert la voie et qu'il n'y avait aucun esprit inventif dans la recherche d'autres antibiotiques ainsi que dans les essais et le perfectionnement des procédés. [...]

[90]       L'avocat de Bayer a fait valoir que ce passage s'applique intégralement si l'on remplace la pénicilline par la norfloxacine, quoique la norfloxacine ne constitue ni le « progrès des plus importants » ni la « grande invention » qu'a été la pénicilline. Il a ensuite soutenu qu'on pouvait qualifier d' « analyse rétrospective » la plupart des témoignages d'experts présentés pour le compte d'Apotex et sur lesquels celle-ci s'appuie pour invoquer l'invalidité des revendications relatives au produit découlant du procédé du brevet '067. La Cour est d'avis que cette affirmation de Bayer est justifiée quant au fond. Une bonne partie du témoignage d'expert présenté pour le compte d'Apotex constitue une analyse rétrospective.

[91]       Il convient de faire remarquer que, comme je l'ai dit plus tôt dans les présents motifs, c'est loin d'être la première fois qu'Apotex attaque le brevet '067. Elle l'a fait pour la première fois plus de treize (13) ans après la délivrance du brevet. Si l'allégation d'évidence est fondée sur autre chose qu'une analyse rétrospective, la Cour comprend difficilement la tardiveté avec laquelle Apotex l'a invoquée.


[92]       Enfin, la Cour note, au sujet de l' « analyse rétrospective » , que le rejet d'une allégation d'évidence fondée sur une analyse rétrospective ne devrait pas être interprété comme interdisant à une partie de prouver que l'invention alléguée a répondu à un besoin de longue date, qu'elle a connu un succès commercial et que l'industrie l'a jugée très positivement. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, une telle preuve constitue une considération secondaire quant au caractère non évident et n'équivaut pas simplement à une « analyse rétrospective » .

vi)        Conclusion sur la question de l'évidence des revendications relatives au produit découlant du procédé, soit les revendications 8 et 14 du brevet '067

[93]       Se fondant sur l'analyse qui précède et gardant à l'esprit le fardeau de la preuve en matière de validité des brevets et le critère de l'évidence, tous deux examinés plus tôt dans les présents motifs, la Cour est convaincue, vu l'ensemble de la preuve, que Bayer a réfuté avec succès l'allégation selon laquelle les revendications 8 et 14 du brevet '067 étaient évidentes à la date pertinente pour la personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine pertinent.

f)          Évidence de la méthode SEM ou « méthode de synthèse de l'ester malonique » revendiquée dans les revendictions 10 à 12 du brevet '067

[94]       L'avocat de Bayer a soutenu que le procédé de préparation de la ciprofloxacine revendiqué dans les revendications 10 à 12 n'est, par définition, pas évident si la Cour décide que les revendications 8 et 14 du brevet '067 sont valides car non évidentes. À l'appui de sa prétention, il a invoqué l'arrêt Société des Usines Chimiques Rhone-Poulenc c. Jules R. Gilbert Ltd.[42], où le juge Hall, se prononçant au nom de la Cour, a écrit ce qui suit à la page 227 :


[traduction] [...] L'invention revendiquée dans la revendication 18 vise un procédé qui inclut la réaction de certaines substances chimiques connues avec certaines autres substances chimiques connues. Il s'agit d'un type de réaction chimique bien connu qui a pour but de produire un résultat que tout chimiste compétent aurait pu prévoir. On a admis tout cela au paragraphe 1 de l'exposé conjoint des faits et il en découle, malgré le fait additionnel que personne n'avait encore effectué la réaction en utilisant ces substances précises, que le procédé ne pouvait constituer une invention, à moins qu'il n'ait produit des substances possédant une utilité que les connaissances de l'époque ne permettaient pas de prévoir. En tant que simples nouvelles substances chimiques, elles ne pourraient constituer des inventions, à moins de posséder des utilités imprévues, mais si on conclut qu'elles possèdent de telles utilités, comme médicaments, peinture ou teinture par exemple, ou qu'elles ont un quelconque usage pratique, elles pourraient à la fois constituer des inventions de substances nouvelles et utiles et présenter l'utilité nécessaire pour élever au statut d'invention des méthodes bien connues lorsque celles-ci sont utilisées pour fabriquer ces substances.                                                                                                                             [Non souligné dans l'original.]

[95]       Ayant conclu que la ciprofloxacine, substance découlant d'un procédé - la méthode SEM décrite aux revendications 10 à 12 -, est une substance nouvelle et utile méritant la protection d'un brevet puisqu'elle n'est pas évidente, j'estime que la ciprofloxacine présente en outre l'utilité nécessaire pour élever au statut d'invention la méthode SEM utilisée pour produire la ciprofloxacine lorsque cette méthode est utilisée pour fabriquer cette substance.

[96]       Vu ce qui précède, la Cour refuse de poursuivre l'analyse afin de déterminer si la méthode SEM, qui consiste à faire réagir certaines substances chimiques connues avec d'autres substances chimiques connues, était en soi, à la date pertinente, une méthode inventive, par opposition à [traduction] « un type de réaction chimique bien connu qui a pour but de produire un résultat que tout chimiste compétent aurait pu prévoir » . Encore une fois, il n'est pas étonnant que les preuves d'expert présentées à la Cour aient été, dans une certaine mesure, contradictoires, mais on ne s'y est pas longuement attardé étant donné le passage précité de l'arrêt Rhone-Poulenc.


[97]       La Cour conclut que la méthode SEM revendiquée dans les revendications 10 à 12 du brevet '067 est valide parce qu'elle n'est pas évidente à la date pertinente. En effet, au moment où le brevet '067 a été délivré, la méthode permettait de produire une substance nouvelle et utile, la ciprofloxacine, qui présentait une utilité qu'une personne ayant des compétences ordinaires dans le domaine n'aurait pas pu prévoir à cette date.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS ET REDRESSEMENTS PRINCIPAUX ACCORDÉS

[98]       Ce qui suit est un résumé des conclusions de la Cour quant aux différentes questions soulevées dans la présente instance :

-           premièrement, en ce qui concerne la requête de Bayer visant à faire radier certains éléments des affidavits déposés pour le compte d'Apotex au motif qu'ils sont non pertinents ou qu'ils portent préjudice à Bayer parce qu'ils contredisent l'avis d'allégation d'Apotex ou ne sont pas mentionnés dans ce document, requête ayant été retirée à l'exception de la partie de la déclaration du propriétaire du brevet à l'égard du brevet américain no 4,670,444, la Cour décide d'accorder à cette partie de la déclaration du propriétaire du brevet le poids qu'elle estime approprié, soit un poids tout au plus très faible. Cette partie de la déclaration n'a joué en l'espèce aucun rôle important dans les conclusions de fond de la Cour;

-           deuxièmement, la Cour rejettera la requête de Bayer visant à faire déclarer invalide l'avis d'allégation d'Apotex;

-           troisièmement, la Cour conclut que, s'agissant des revendications relatives au produit découlant d'un procédé, les revendications 8 et 14 du brevet '067 ne sont pas invalides pour cause d'évidence à la date pertinente;

-           enfin et quatrièmement, la Cour conclut que les revendications relatives au procédé, soit les revendications 10 à 12 du brevet '067, ne sont pas invalides pour cause d'évidence à la date pertinente.


[99]       En conséquence, j'accorderai les redressements suivants :

1.         Une ordonnance conformément au paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Apotex Inc. un avis de conformité en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues à l'égard des comprimés de chlorhydrate de ciprofloxacine de 100, 250, 500 et 750 mg destinés à être administrés par voie orale, avant l'expiration du brevet canadien no 1,218,067;

2.         Enfin, des ordonnances rejetteront la requête préliminaire par laquelle Bayer a cherché à obtenir une déclaration d'invalidité à l'égard de l'avis d'allégation d'Apotex visé dans la présente affaire, ainsi que la portion de la requête de Bayer visant à faire radier certains éléments des affidavits déposés pour le compte d'Apotex, sauf dans la mesure où elle a préalablement été retirée.

[100]     Comme je l'ai dit plus tôt dans les présents motifs, l'audition de la présente affaire a été ajournée, et non close, le 8 septembre 2003. Ainsi, on avait la possibilité de reprendre l'audience pour examiner la requête de Bayer visant à faire déclarer invalide l'avis d'allégation d'Apotex. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai également dit plus tôt, l'audience n'a toutefois pas été reprise. Pour plus de certitude, je rendrai une autre ordonnance pour déclarer que l'audience est close.

DÉPENS


[101]     Juste avant l'ajournement de l'audition de la présente affaire, le 8 septembre 2003, les avocats ont convenu que les dépens devraient suivre l'issue de la cause et être calculés de la façon ordinaire. Dans les demandes supplémentaires déposées relativement à leur requête visant l'obtention d'une déclaration indiquant que l'avis d'allégation d'Apotex est invalide, les avocats de Bayer ont modifié leur position pour chercher à obtenir des dépens taxés selon un tarif supérieur dans toutes les cours, et plus particulièrement, l'adjudication des dépens sur la base avocat-client relativement à cette requête et à l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex retirée après l'argumentation sur le fond. En réponse, les avocats d'Apotex ont demandé l'adjudication des dépens sur la base avocat-client, ou, à tout le moins, l'adjudication de dépens taxés selon un tarif supérieur.

[102]     Conformément à l'engagement donné par la Cour lors de la téléconférence ayant suivi l'audience sur le fond, la Cour a précédemment examiné dans les présents motifs les observations écrites des parties relatives à l'adjudication de dépens taxés selon un tarif supérieur. La Cour ne juge pas ces observations convaincantes. Comme elle l'a indiqué dans les présents motifs, s'il est vrai que les avocats de Bayer ont fait des allégations sérieuses à l'encontre d'Apotex et de son président relativement à la requête concernant l'invalidité de l'avis d'allégation, la Cour est toutefois convaincue que Bayer n'était pas sans reproche lorsqu'elle s'est présentée devant la Cour. Le retrait tardif de l'allégation de non-contrefaçon était intimement lié à la poursuite tardive et intensive de cette requête. La Cour n'est pas convaincue que la conduite des parties à l'égard de cette requête et le retrait des allégations d'absence de contrefaçon devraient avoir une incidence sur la taxation des dépens.


[103]     En conséquence, comme Bayer a eu gain de cause sur le fond dans la présente demande, Apotex sera condamnée aux dépens. Bayer aura droit aux dépens dans toutes les cours, à moins qu'il n'en ait été décidé autrement dans une ordonnance antérieure quant à tout aspect de la présente instance. Les dépens seront taxés de la façon ordinaire.

[104]     Aucuns dépens ne seront adjugés au ministre de la Santé ou à son encontre.

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Sandra D. de Azevedo, LL.B.


                                                                ANNEXE

                                        (paragraphe [20])

l.               Une méthode de préparation de l'acide 1-cyclopropyl-6-fluoro-1,4­-

dihydro-4-oxo-7-pipérazinoquinoléine-3-carboxylique de formule générale

[I]

ou d'un sel ou d'un hydrate de cet acide, dans lequel

                R représente l'hydrogène, le méthyle, l'éthyle ou le B-hydroxyéthyle,                comprenant

                a) la réaction de l'acide 7-chloro-l-cyclopropyl-6-fluoro-1,4-dihydro 4-oxoquinoléine-3-carboxylique de formule

[II]

dans laquelle

                R1 représente un atome d'hydrogène,

avec une pipérazine ou un dérivé de pipérazine de formule générale

[III]

[...]

8.              Un acide 1-cyclopropyl-6-fluoro-1,4-dihydro-4-oxo-7­pipérazinoquinoléine-3-carboxylique de formule I tel que décrit dans la revendication 1, ou un sel ou hydrate dérivé pharmacoacceptable s'il est préparé selon la revendication 1 ou un équivalent chimique évident.

[...]

10.            Une méthode de préparation de l'acide 1-cyclopropyl-6-fluoro-1,4­dihydro-4-oxo-7-pipérazinoquinoléine-3-carboxylique comprenant la réaction de l'acide 7-chloro-l-cyclopropyl-6-fluoro-1,4-dihydro-­4-oxoquinoléine-3-carboxylique avec la pipérazine.


11.            Une méthode conforme à la revendication 10, où l'acide 7-chloro­1-cyclopropyl-6-fluoro-1,4-dihydro-4-oxoquinoléine-3-carboxylique est obtenu par cyclisation du 2-(2,4-dichloro-5-fluoro­benzoyle)-3-cyclopropylaminoacrylate d'éthyle, par réaction avec l'hydrure de sodium dans le dioxane anhydre.

12.            Une méthode conforme à la revendication 11, où le 2-(2,4-dichloro-5-fluorobenzoyle)-3-cyclopropylaminoacrylate d'éthyle est obtenu par réaction du 2-(2,4-dichloro-5-fluoro-benzoyle)-3­-éthoxyacrylate d'éthyle avec la cyclopropylamine.

[...]

14.            L'acide 1-cyclopropyl-6-fluoro-1,4-dihydro-4­oxo-7-pipérazinoquinoléine-3-carboxylique s'il est préparé selon un procédé conforme à la revendication 10, 11 ou 12 ou un équivalent chimique évident.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-2052-01

INTITULÉ :                                       BAYER AG et BAYER INC. c. APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L'AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :                          du 2 au 8 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Gibson

DATE DES MOTIFS :                                 le 17 octobre 2003

COMPARUTIONS :

                                  

Neil Belmore                                        pour les demanderesses

Ken Clark                               

Harry Radomski                                   pour la défenderesse Apotex Inc.

Rick Tuzi                                

Aucune comparution                            pour le défendeur le ministre de la Santé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.r.l. pour les demanderesses

Avocats

Toronto (Ontario)                   

GOODMANS s.r.l.                             pour la défenderesse Apotex Inc.

Avocats

Toronto (Ontario)                   

Morris Rosenberg                                pour le défendeur le ministre de la Santé

Sous-procureur général du Canada                  



[1]         Transcription, volume 5, page 805.

[2]         (1997), 74 C.P.R. (3d) 307 (C.F. 1re inst.), à la page 314.

[3]         D.O.R.S. 93-133, modifié.

[4]         Cahier de la jurisprudence et de la doctrine de la demanderesse, volume I, onglet F4.

[5]         Dossier de demande des demanderesses, volume 2, onglet 7.

[6]         Dossier de la demande des demanderesses, volume V, onglet 8B, et volume II, onglet 3, respectivement.

[7]       Transcription, volume 5, page 803.

[8]       Dossier de demande des demanderesses, volume II, onglet 3-24, page 496.

[9]       Dossier de la demande des demanderesses, volume 1, onglet 1, pages 13 et 14.

[10]       (1999), 86 C.P.R. (3d) 303 (C.F. 1re inst.).

[11]      Dossier supplémentaire de réponse à la requête déposé par Apotex le 8 octobre 2003, onglet 1, page 10.

[12]       S.R.C. 1970, ch. P-4.

[13]       [2003] A.C.F. no 994 (C.F. 1re inst.), avis d'appel déposé, dossier de la Cour fédérale no A-345-03.

[14]       [2003] A.C.F. no 1151 (Q.L.), (C.F.).

[15]       (2001), 14 C.P.R. (4th) 76, confirmé : (2002), 21 C.P.R. (4th) 129 (C.A.F.).

[16]       (2002), 22 C.P.R. (4th) 466 (C.F. 1re inst.).

[17]       (2000), 10 C.P.R. (4th) 65 (C.A.F.); confirmé : (2002), 21 C.P.R. (4th) 499 (C.S.C.).

[18]      Dossier de la demanderesse, volume IV, onglet 7, page 1105.

[19]       Voir : A.B. Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du bien-être social) (1998), 78 C.P.R. (3d) 489 (C.F. 1re inst.), pages 503 et 504, paragraphe 60.

[20]       Voir Pharmacia Inc. c. Canada (1995), 60 C.P.R. (3d) 328, à la page 339 (1re inst.) et AB Hassle c. Canada (1997), 71 C.P.R. (3d) 129, à la page 143 (1re inst.).

[21]      Dossier de demande des demanderesses, volume VIII, onglet 14, pages 1984 et 1985.

[22]       Dossier de demande des demanderesses, volume V, onglet 8, page 1140.

[23]      Dossier de demande des demanderesses, volume V, onglet 8, page 1141.

[24]       Dossier de demande des demanderesses, volume III, onglet 4, page 581.

[25]      Dossier de demande des demanderesses, volume III, onglet 4, pages 581 et 582.

[26]       Dossier de demande des demanderesses, volume III, onglet 4, page 587.

[27]       Dossier de demande des demanderesses, volume XI, onglet 23, pages 2890 et 2891.

[28]       Dossier de demande des demanderesses, volume XI, onglet 19, pages 2747 et 2748.

[29]       Op. cit., page 29.

[30]       (1991), 39 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), décision modifiée, 60 C.P.R. (3d) 135 (C.A.F.).

[31]      Dossier de demande des demanderesses, volume V, onglet 8, pages 1161 et 1162.

[32]      Dossier de demande des demanderesses, volume XI, onglet 23, pages 2908 et 2909.

[33]       Dossier de demande des demanderesses, volume VI, onglet 9, pages 1334 et 1335; volume III, onglet 4, pages 585 et 586; et volume IV, onglet 5, pages 900 et 902.

[34]       (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.).

[35]      Dossier de demande des demanderesses, volume V, onglet 8, pages 1144 et 1145.

[36]       Dossier de demande des demanderesses, volume IV, onglet 5, pages 902 à 904.

[37]       Dossier de demande des demanderesses, volume XVIII, onglet 36, page 4306.

[38]       [1966] Ex. C.R. 59.

[39]       op. cit., note 30.

[40]       Supra, note 34.

[41]      (1979), 42 C.P.R. (2d) 145 (C.S.C.).

[42]      (1968), 55 C.P.R. 207 (C.S.C.).


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