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                                                                                                                                           Date : 20020902

                                                                                                                                     Dossier : T-1874-00

Référence neutre : 2002 CFPI 985

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                 -et-

960122 ONTARIO LTD, faisant affaire sous la raison sociale BLUE MOUNTAIN GATEWAY TAVERN, et KATHLEEN JOAN REID

                                                                                                                                              défenderesses

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

1.                    Il s'agit d'un appel contre l'ordonnance en date du 18 juillet 2002 dans laquelle le protonotaire Roger Lafrenière a fixé le 17 septembre 2002 comme date d'audition d'un renvoi et a ordonné la signification aux défenderesses d'une copie de l'ordonnance du 18 juillet 2002 ainsi

que de toute preuve par affidavit que la demanderesse a l'intention de déposer à l'audience.


2.                    Le 2 avril 2001, Madame le juge Heneghan a rendu une ordonnance en faveur de la demanderesse dont le paragraphe 8 dispose :

[TRADUCTION] [...] La demanderesse a droit, sur requête pouvant être présentée ex parte, à l'audition du renvoi à Toronto,sans qu'il soit nécessaire d'en donner avis aux défenderesses, devant un arbitre nommé par la Cour sur une base ex parte [...]

3.                    Le 10 mai 2002, Madame le juge McGillis a ordonné que la demanderesse ait droit au renvoi décrit au paragraphe 8 du jugement contre la défenderesse 960122 Ontario Ltd., sur une base ex parte.

4.                    La demanderesse prétend qu'en exigeant d'elle la notification du renvoi aux défenderesses, l'ordonnance du 18 juillet 2002 de M. Lafrenière modifie en fait l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis qui a décidé d'un renvoi devant se dérouler ex parte.

5.                    La demanderesse prétend donc que le protonotaire a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence en modifiant l'ordonnance de Madame le juge McGillis.

Analyse

6.                    La demanderesse, dans le présent appel, se fonde sur les articles 50 et 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. L'article 50 traite de la compétence des protonotaires et l'article 51, des appels contre les ordonnances des protonotaires devant un juge de la Section de première instance.


7.                    En vertu de l'ordonnance du juge en chef adjoint, en date du 24 mai 2002, le protonotaire Roger Lafrenière était désigné comme arbitre dans la présente affaire pour décider des dommages-intérêts, des bénéfices, des intérêts avant jugement et des frais comme le prévoient les paragraphes 2, 3, 13 et 14 de l'ordonnance de Madame le Juge Heneghan en date du 2 avril 2001.

8.                    Dans le cadre du renvoi, le protonotaire Lafrenière agissait par conséquent comme la personne désignée par le juge en chef sur la base de l'article 153 des Règles.

9.                    Je suis d'avis que l'article 51 des Règles qui traite des appels contre les ordonnances des protonotaires ne s'applique pas dans la présente procédure étant donné que nous avons affaire à l'ordonnance d'un arbitre.

10.              Si c'était un appel contre les conclusions d'un rapport du protonotaire Lafrenière agissant comme arbitre, l'appel devrait être présenté sur la base de l'article 163 des Règles, qui prévoit qu'une partie peut faire appel contre les conclusions du rapport d'un arbitre qui n'est pas un juge, par voie de requête présentée à la section de la Cour qui a ordonné le renvoi, en l'espèce la Section de première instance. L'ordonnance portée en appel n'est pas une ordonnance sur les conclusions d'un arbitre mais plutôt une ordonnance qui porte sur le déroulement d'un renvoi.

11.              Je suis d'avis qu'une telle ordonnance interlocutoire émanant d'un arbitre n'est sujette à aucun appel. Nonobstant cette conclusion, et étant donné que la question n'a pas été soulevée devant moi, j'examine l'affaire quant au fond au cas où j'aurais commis une erreur dans mon appréciation.


12.              Les articles 156 et 159 des Règles prévoient respectivement la procédure d'un renvoi et les pouvoirs d'un arbitre :


156. Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'arbitre adopte la procédure la plus simple, la moins onéreuse et la plus expéditive possible pour le déroulement du renvoi.

[...]

156. Unless the Court orders otherwise, a referee shall adopt the simplest, least expensive and most expeditious manner of conducting the reference

[...]

159. (1) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre possède les mêmes pouvoirs et la même autorité, en matière de pratique et de procédure, qu'un juge de

la Cour présidant l'instruction d'une action.

159. (1) Subject to subsection (2), a referee shall have the same power and authority in matters of practice and procedure as would a judge of the Court presiding at the trial of an action.

   (2) L'arbitre ne peut faire incarcérer une personne ni faire exécuter une ordonnance de contrainte par corps.

   (2) A referee shall not commit a person to prison or enforce an order for attachment.


13.              Il est établi qu'un arbitre a de vastes pouvoirs dans le déroulement d'un renvoi. Dans Midway Manufacturing Co. c. Bernstein (1988), 23 C.P.R. (3d) 272, le juge Strayer (maintenant juge à la Cour d'appel) a déclaré :

[...] une fois que la tenue d'un renvoi a été ordonnée, c'est l'arbitre qui est maître de ses procédures, sauf dans les cas limités énoncés dans les Règles dans lesquels un juge peut intervenir avant le dépôt du rapport.

Ces larges pouvoirs sont codifiés dans l'article 159(1) des Règles qui prévoit effectivement qu'un arbitre aura les mêmes pouvoirs et la même autorité, en matière de pratique et de procédure, qu'un juge présidant l'instruction d'une action.


14.              Je suis d'avis qu'en prononçant son ordonnance du 18 juillet 2002, l'arbitre n'a pas agi au-delà de son autorité. Il est plutôt intervenu dans le cadre du renvoi fixé par l'ordonnance de la Cour. L'ordonnance de l'arbitre n'a conféré aucun droit aux défenderesses, elle a seulement décidé des documents qui doivent leur être signifiés. En produisant ses effets, l'ordonnance de l'arbitre n'accorde pas aux défenderesses le droit de présenter une preuve sur le renvoi, de présenter des observations ou de participer de quelque façon au renvoi.

15.              Il est bien possible que l'ordonnance de l'arbitre produise des effets plus importants et mène à une requête des défenderesses sur la base de l'alinéa 399(1)a) des Règles. Les défenderesses pourraient solliciter, par voie de requête, une modification de l'ordonnance qui a décidé du renvoi ex parte ainsi qu'une ordonnance les autorisant à participer au renvoi.

16.              Je suis également d'avis qu'une ordonnance ex parte qui a pour effet d'empêcher la partie adverse de participer pleinement à une procédure judiciaire doit être interprétée de façon restrictive.

Audi alteram partem, principe juridique selon lequel les deux parties à un litige doivent être entendues, est un principe fondamental de notre système de justice. L'intérêt de la justice est mieux servi quand le juge des faits peut tenir compte de la preuve et des arguments des parties dont les intérêts sont opposés. On devrait tout mettre en oeuvre pour promouvoir ce principe.

17.              Je ne trouve rien de répréhensible dans l'ordonnance d'un arbitre qui conduit un défendeur à solliciter une ordonnance lui permettant de participer pleinement à un renvoi.


18.              Dans une procédure ex parte, la seule preuve dont dispose l'arbitre est celle du demandeur. L'arbitre doit procéder à des appréciations de fait sur la base de la preuve ainsi présentée. En l'espèce, l'arbitre peut avoir de bonnes raisons de vouloir une signification aux défenderesses. Le protonotaire a fait remarquer dans l'énonciation de l'ordonnance, qu'il a lu l'énoncé des questions en litige produit par la demanderesse en date du 16 mai 2001. Cet énoncé apparaît, après examen, comme très général et les questions comme étant loin d'être clairement définies. Toute information    supplémentaire sur la question soulevée des dommages-intérêts serait d'une grande utilité à l'arbitre qui, autrement, serait amené à faire une appréciation des faits sur la base de la preuve présentée par la demanderesse, preuve qui peut bien être insuffisante. Les défenderesses sont dans une situation particulière en raison du fait qu'elles devront non seulement porter le fardeau d'une éventuelle appréciation contre elles, mais qu'elles sont également à même de faire contrepoids à ce qui pourrait être une procédure à sens unique.

19.              En somme, je suis d'avis que le protonotaire, en tant qu'arbitre, n'a commis aucune erreur susceptible de révision en ordonnant que les défenderesses se voient personnellement signifier une copie de l'ordonnance ainsi que de toute preuve par affidavit sur laquelle elles ont l'intention de se fonder à l'audience du renvoi relatif à la demande de dommages-intérêts ou de bénéfices. Une ordonnance donnant droit à un renvoi au profit du demandeur, renvoi « pouvant être présent[é] ex parte » , n'est pas modifiée par un arbitre ordonnant que la preuve présentée par le demandeur soit signifiée au défendeur. Une telle ordonnance est liée au déroulement d'un renvoi, une question de pratique et de procédure soumise au pouvoir discrétionnaire de l'arbitre.

20.              Pour les motifs ainsi énoncés, la requête est rejetée.


                                                                     ORDONNANCE

La Cour ordonne que :

1.                    L'appel soit rejeté.

« Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                   

DOSSIER :                                            T-1874-00

INTITULÉ :                                           Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. 960122 Ontario Ltd. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 26 août 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                        Le 19 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Colleen Stanley                           POUR LA DEMANDERESSE

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Colleen Stanley                           POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario) M5H 2A4

POUR LA DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario) M5X 1K6


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