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Date : 20040324

Dossier : IMM-6187-02

Référence : 2004 CF 438

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                 SARVANANTHAN SATHASIVAM

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 20 novembre 2002, (la décision) qui a rejeté la requête de Sarvananthan Sathasivam (le demandeur) pour la réouverture et le rétablissement de sa demande de statut de réfugié.


HISTORIQUE

[2]                Le demandeur est un Tamoul hindou de Jaffna, au Sri Lanka, âgé de 45 ans. Il allègue la persécution aux mains du TLET et de l'armée sri lankaise. Il est venu au Canada le 22 août 1998 et a demandé le statut de réfugié à la frontière.

[3]                Le demandeur a bien complété son Formulaire de renseignements personnels (FRP) dans le délai prescrit. Pendant qu'il était en attente de l'audition de sa demande, il a épousé une personne qui avait le statut de résidente permanente du Canada.

[4]                En avril 1999, la demande du demandeur a été acheminée vers un processus d'instruction accélérée. Le demandeur a échoué dans sa demande et on l'a donc orienté vers le processus d'instruction approfondie. L'audience a été retardée et le conseil du demandeur lui a recommandé de retirer sa demande de statut de réfugié et de déposer au Canada une demande de résidence permanente sous la catégorie des époux.

[5]                Le demandeur prétend avoir des problèmes psychiatriques. De plus, il dit être illettré et n'avoir aucune connaissance de la procédure de demande de réfugié ou des règlements régissant le parrainage. Il se fiait entièrement à son conseil et suivait toutes ses directives. Le 27 août 1999, son conseil a retiré la demande de statut de réfugié du demandeur.

[6]                Le 22 février 2000, la demande au Canada de parrainage par son épouse a été rejetée.

[7]                Le 23 mars 2000, un avis de demande de rétablissement a été déposé par l'entremise d'un autre conseil relativement à la demande de statut de réfugié. La SSR a rejeté cette demande le 26 avril 2000.

[8]                Une demande de contrôle judiciaire a été déposée et la Cour a accueilli cette demande le 2 octobre 2001 (Sathasivam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no1481, 2001 CFPI 1080). Le fondement de la décision du juge MacKay d'accueillir la demande de contrôle judiciaire du demandeur est résumé dans l'extrait suivant de sa décision :

17. À mon avis, la Commission a commis une erreur de droit en se fondant sur sa propre connaissance de l'ancien avocat du demandeur pour discréditer et pour ne pas accepter la preuve selon laquelle les conseils de l'avocat avaient induit le demandeur en erreur, sans faire part de ses doutes à celui-ci et sans lui donner la possibilité d'apaiser ces doutes.

[9]                Le 7 octobre 2002, la Commission (anciennement la SSR) a réexaminé la requête du demandeur en présence du conseil du demandeur et d'un agent de la protection des réfugiés. Le 12 novembre 2002, la Commission a rejeté la demande de rétablissement une seconde fois. La Commission a rejeté la demande parce qu'elle n'était pas convaincue qu'il y avait eu manquement à la justice naturelle ou qu'il serait dans l'intérêt de la justice de rouvrir la demande de statut.

[10]            La présente demande de contrôle judiciaire fait suite à cette décision de la Commission. Le demandeur dit toujours craindre de rentrer dans son pays d'origine.


LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE JUDICIAIRE

[11]            La Commission a déclaré ce qui suit lorsqu'elle a décidé qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la justice de rouvrir la demande du demandeur :

Le demandeur est venu se réfugier au Canada, disant craindre la persécution au Sri Lanka. Moins d'un an après son arrivée au Canada, le demandeur a décidé de retirer sa demande de statut afin d'accélérer son établissement au pays. Même si le demandeur dit toujours craindre dtre persécuté au Sri Lanka, le tribunal n'en est pas convaincu, puisque le comportement du demandeur au Canada ne concorde pas avec le comportement d'une personne cherchant l'asile. Le système d'octroi de l'asile existe pour protéger les réfugiés; il n'est pas un moyen d'obtenir le droit dtablissement au Canada. Ainsi, si le demandeur est venu au Canada pour les raisons exposées dans son FRP, pourquoi y a-t-il renoncési rapidement? Le tribunal n'est pas convaincu que le demandeur a agi comme il l'a fait simplement parce qu'il ne voulait pas attendre plus longtemps l'audition de sa demande de statut.

[12]            La Commission a dit ce qui suit relativement à la question de la justice naturelle :

[...] Il a été représenté par un conseil à chaque étape [...] Le demandeur a reconnu que son conseil précédent ne l'a pas contraint à retirer sa demande de statut ni l'a influencé en ce sens; il lui a tout simplement présenté cette possibilité. [...]

[...]

De l'avis du tribunal, il n'y a eu aucun manquement aux principes de justice naturelle ni aucun élément qui justifierait le rétablissement de la demande.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[13]            Le paragraphe 53(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, établies en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, énonce ce qui

suit :


53. (1) Toute personne peut demander à la Section de rétablir la demande d'asile qu'elle a faite et ensuite retirée.

Forme et contenu de la demande

53. (1) A person may apply to the Division to reinstate a claim that was made by that person and withdrawn.

Form and content of application

(2) La personne fait sa demande selon la règle 44; elle y indique ses coordonnées et transmet une copie de la demande au ministre.

(2) The person must follow rule 44, include their contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

(3) La Section accueille la demande soit sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle, soit s'il est par ailleurs dans l'intérêt de la justice de le faire.

(3) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice or if it is otherwise in the interests of justice to allow the application.


QUESTIONS EN LITIGE

[14]            Le demandeur soulève les questions suivantes :

La Commission a-t-elle omis de prendre en considération un manquement aux principes de justice naturelle à l'endroit du demandeur dans la présente affaire?

La Commission, en rejetant la présente demande, a-t-elle agi à l'encontre de l'intérêt de la justice?


ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission?

[15]            À mon avis, la norme de contrôle appropriée dans la présente affaire est la norme de la décision raisonnable simpliciter, comme l'a dit le juge Kelen dans la décision Gulishvili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1200:

[9]            La présente affaire soulève une question mixte de fait et de droit. Est-ce que la SSR a commis une erreur en décidant que les faits de la cause de la demanderesse ne justifiaient pas que sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention soit rouverte? La norme de contrôle dans de tels cas est la décision raisonnable simpliciter, ou autrement dit, de savoir si la SSR avait « clairement tort » selon le juge Evans dans l'arrêt Cihal c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (2000), 257 N.R. 62 (C.A.F.).

La Commission a-t-elle omis de prendre en considération un manquement aux principes de justice naturelle à l'endroit du demandeur dans la présente affaire?

[16]            Le demandeur dit que son ancien conseil l'a tellement mal conseillé qu'il s'agit d'un cas d'erreur ou de négligence de la part du conseil. Ce sont là des allégations sérieuses qui ne devraient pas être faites à la légère. Le demandeur renvoie aux décisions Shirwa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 51 (1re inst.), et Mathon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 28 F.T.R. 217, à titre d'exemples de situations où des conseils ont commis des erreurs tellement importantes que la Cour a estimé qu'il y avait manquement aux principes de justice naturelle.

[17]            Dans la décision Mathon, précitée, le conseil a omis de déposer une demande de réexamen dans le délai prescrit, malgré le fait que le demandeur dans cette affaire avait signé le document dans le délai prescrit. À la page 229, le juge Pinard a conclu : « [L]a forclusion ayant été encourue uniquement à cause de l'erreur et/ou de la négligence d'un procureur, il n'incombe pas au justiciable qui a agi avec diligence de supporter les conséquences de semblables erreur ou négligence. »


[18]            Dans la décision Shirwa, précitée, le juge Denault était confronté à une situation dans laquelle le conseil avait eu un comportement encore plus répréhensible. Dans cette affaire, le demandeur avait été amené à croire erronément que son conseil était un avocat alors qu'il ne l'était pas. On a conclu que le conseil avait fait preuve de négligence parce que son travail à titre de conseil du demandeur s'était limité au dépôt en preuve du FRP du demandeur. Son comportement pendant l'audience n'était pas conforme au critère de la diligence raisonnable. Dans cette affaire, le juge Denault a également noté que l'omission de fournir des observations écrites était également préjudiciable au demandeur. Dans l'affaire Shirwa, précitée,le conseil du demandeur a omis de répondre à chacune des inquiétudes expressément soulevées par l'agent d'audience. Également dans Shirwa, précitée, « l'autre recours » que cherche à obtenir le demandeur (c'est-à-dire une plainte au barreau) était limité parce que le barreau ne pouvait intenter une poursuite contre le conseil du demandeur, qui n'était pas un avocat. La somme de toutes ces considérations a fait que la conduite du conseil du demandeur a été considérée grandement préjudiciable au demandeur. Le juge Denault a conclu que ce préjudice constituait un déni de justice parce que le demandeur avait été privé d'une audience complète et juste, et que la décision de la Commission dans Shirwa, précitée, était susceptible de contrôle sur cette base.

[19]            Dans la décision précédente de la Cour concernant le demandeur, je note que le juge MacKay a dit ce qui suit :

17. À mon avis, la Commission a commis une erreur de droit en se fondant sur sa propre connaissance de l'ancien avocat du demandeur pour discréditer et pour ne pas accepter la preuve selon laquelle les conseils de l'avocat avaient induit le demandeur en erreur, sans faire part de ses doutes à celui-ci et sans lui donner la possibilité d'apaiser ses doutes.

18. Tel était le facteur crucial, quoique ce ne soit pas le seul facteur, sur lequel le décideur s'est fondé en concluant qu'il n'existait pas suffisamment de raisons permettant de rétablir la revendication et qu'il n'était pas dans l'intérêt de la justice de rétablir la revendication. À mon avis, cette erreur est suffisante pour justifier une ordonnance annulant la décision de rejeter la demande visant au rétablissement de la revendication. Il se peut bien qu'un réexamen de l'affaire n'entraîne pas un résultat différent. Cependant, lorsque la procédure suivie par le décideur n'est pas équitable aux fins de la détermination du facteur crucial ayant influé sur sa décision, la Cour a l'obligation d'intervenir.

[20]            Dans la présente demande, je conclus que la Commission n'a pas fait preuve d'une telle injustice. Le défendeur fait remarquer qu'à l'audience devant la Commission, le demandeur a témoigné que son ancien conseil ne l'avait pas persuadé ou forcé à abandonner sa demande de statut de réfugié. Le demandeur a également signé l'avis de retrait qui indiquait qu'il comprenait la nature et les conséquences de son retrait et qu'il retirait sa demande sans avoir été influencé. Sur le fondement de cet élément de preuve, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure ainsi : « [I]l n'y a eu aucun manquement aux principes de justice naturelle ni aucun élément qui justifierait le rétablissement de la demande. »

[21]            La Commission s'est clairement fondée sur le témoignage du demandeur lui-même selon lequel son ancien conseil ne l'a pas persuadé ou forcé à abandonner sa demande de statut de réfugié. Le demandeur ne nie pas avoir témoigné dans ce sens. Il n'a pas été forcé de retirer sa demande de statut de réfugié et il l'a fait pour des raisons qui lui paraissaient logiques au moment où il l'a fait. En raison d'événements subséquents, il regrette maintenant d'avoir retiré sa demande de statut de réfugié, mais, cela ne le place pas dans la même situation que les demandeurs dans les affaires Shirwa et Mathon, précitées.

[22]            La Commission a clairement tenu compte des allégations du demandeur concernant les recommandations de son ancien conseil, mais, en définitive, a décidé que cela ne constituait pas un manquement aux principes de justice naturelle. La Cour a statué que l'incompétence d'un conseil peut servir de motif de contrôle judiciaire fondé sur un manquement à la justice naturelle. Mais, il ne doit pas y avoir de faute de la part du demandeur.

[23]            Dans la décision Huynh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm L.R. (2d) 18 (C.F.1reinst.), le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) a fait la mise en garde suivante :

23. [...] Il me semble que, dans beaucoup de cas, les plaideurs qui n'ont pas gain de cause peuvent désirer attribuer le résultat à l'incompétence des avocats en cause. Lorsque telle prétention est fondée, un client peut agir contre un avocat en vue d'une réparation. J'estime toutefois que l'omission de la part d'un avocat, librement choisi par un client, ne saurait, en aucun cas à l'exception du cas le plus extraordinaire, entraîner l'annulation d'une décision à l'occasion d'un appel ou d'un contrôle judiciaire.

[24]            Dans la décision Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 555 (C.F. 1 reinst.), le juge Pelletier a dit clairement que la Cour ne devrait pas accepter des allégations d'inconduite professionnelle importante faites à l'endroit d'un membre du barreau et un officier de la Cour sans obtenir d'explications de cette personne concernant la conduite en question, ni sans élément de preuve qui démontre que la question a été soumise à l'organisme dirigeant pour fins d'enquête. Dans l'affaire qui nous occupe, je n'ai devant moi aucun élément de preuve qui démontre que le demandeur a déposé quelque plainte que ce soit contre son ancien conseil.

[25]            Le seul élément de preuve présenté à la Cour est que le demandeur a pris la décision d'abandonner sa demande de statut de réfugié en se fondant sur la recommandation de son ancien conseil. Selon ce dernier, la demande de parrainage de la conjointe s'opérait de façon automatique et il n'avait pas besoin de continuer la demande de statut de réfugié. Le conseil actuel du demandeur prétend qu'il ne serait pas pratique de s'attendre à ce qu'une personne dans la position du demandeur aille plus loin que ce dernier ne l'a fait pour tenter de déposer une plainte contre son ancien conseil. Il me renvoie aux décisions Shirwa, précitée, et Saad Taher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 991, pour étayer sa position selon laquelle il y a eu manquement aux principes de justice naturelle dans la présente cause et que la Commission ne l'a pas reconnu.


[26]            La décision Shirwa, précitée, dit clairement que « l'incompétence manifestée par un avocat à l'audition d'une demande du statut de réfugié justifie le contrôle judiciaire de la décision du tribunal, en raison de la violation d'un principe de justice naturelle » (paragraphe 11), et que « [l]orsque le requérant n'a commis aucune faute, mais que le manque de diligence de son avocat a pour effet de le priver totalement de son droit d'être entendu, il y a manquement à un principe de justice naturelle, en sorte qu'un contrôle judiciaire est fondé (Mathon) » .

[27]            À mon avis, pour ce motif de plainte, la question principale qui m'est soumise est de savoir quels éléments de preuve sont requis pour établir l'incompétence ou l'inconduite avant qu'on puisse affirmer qu'il existe un motif de contrôle judiciaire. Dans la présente cause, il n'y a pas eu d'audition de la demande de réfugié. Le demandeur dit qu'il a retiré sa demande de statut de réfugié parce que son ancien conseil lui a dit que, puisque la demande de parrainage de la conjointe s'opérait de façon automatique, il n'était pas obligé de continuer la demande de statut de réfugié et il pouvait la retirer : [traduction] « Sur la recommandation de mon conseil, j'ai retiré ma demande. » (Dossier de la Cour, page 228.)

[28]            Lorsque la présente affaire a été plaidée devant la Commission, le demandeur était représenté par M. Gordon Wiseman. Sur la question de la conduite de l'ancien conseil du demandeur et les recommandations qu'il a faites sur des questions importantes, M. Wiseman a notamment dit ce qui suit :

[traduction] En toute justice pour [l'ancien conseil], qui n'est pas ici, il ne savait peut-être pas, comme le souligne mon ami, que, [...] que, A, le demandeur avait peut-être ce problème médical, et B, il ne savait peut-être pas qu'il n'était pas nécessaire qu'il retire la [...] la demande, et qu'il aurait pu, en même temps, aller de l'avant avec le parrainage. (Dossier de la Cour, page 237)

[...]

[...] nous ne disons certainement pas que [l'ancien conseil] a fourni des renseignements susceptibles d'induire en erreur. (Dossier de la Cour, page 237)


[...]

Il était marié et il a signalé ce fait à son conseil, mais sa demande a été acheminée dans un processus accéléré [...] et ensuite [...] et ensuite nous avons entendu qu'après le processus accéléré, il y aurait un retard, pour ce qui est de fixer une date pour l'audition. Et c'est à ce moment là, il semble, que son représentant lui a effectivement donné ce [...] Je crois qu'on a utilisé le mot « possibilité » , vous savez, qu'il pouvait retirer la demande et continuer avec la [...] demande de parrainage de la conjointe. Et, clairement, dans l'esprit de M. Sathasivam, cela signifiait que ce serait là une façon plus rapide et expéditive de procéder. Sinon, il n'y avait clairement pas d'avantage ou de raison de retirer la demande. Je dirais que cela ne fait que démontrer [...] en toute logique, pourquoi, dans son esprit, il serait d'accord avec cela.

À la lumière de certaines des questions, on a beaucoup discuté de la question de savoir s'il pouvait retirer la demande ou devrait la retirer ou pouvait peut-être la retirer, et en définitive il a dit que le conseil lui a dit qu'il pouvait la retirer. Encore une fois, je soumets que c'est dans un tel cas, où il a un conseil et le conseil suggère [...] clairement, une suggestion est faite et elle provient nécessairement du conseil.

Alors [...] alors dans un cas pareil, où un client plus ou moins averti s'en remet aux recommandations de son conseil, comme cela est clairement le cas ici, et en l'occurrence, pour quelque raison que ce soit, et non, comme je l'ai déjà dit, parce que les conseils induisaient en erreur [...] cela n'est pas la position que nous adoptons [...] mais, comme je l'ai dit, parce qu'il existait une condition peut-être inconnue de [l'ancien conseil], et que les recommandations se sont révélées mauvaises, alors [...] alors je [...] soumettrais que dans de telles circonstances, le bénéfice du doute doit revenir au demandeur.

[29]            En raison des observations que M. Wiseman a faites à la Commission, il est difficile de s'en prendre à la décision de la Commission ou de voir comment la conduite de l'ancien conseil du demandeur est à l'origine d'un manquement aux principes de justice naturelle.

[30]            Dans la décision Taher, précitée, au paragraphe 2, la situation que décrit le juge Pinard était très différente :

La Commission était saisie d'éléments de preuve clairs et non contredits indiquant que le demandeur, qui ne parlait ni ne comprenait aucune de nos langues officielles, avait retenu les services d'un avocat d'expérience dans un délai raisonnable. C'est par la seule faute de son avocat que le demandeur n'a pas produit son FRP et qu'il n'a pas fourni son adresse, son numéro de téléphone et le nom de son avocat. Le demandeur n'a donc pas été négligent.


[31]            Dans l'affaire qui nous occupe, le demandeur n'a pas été négligent. Il s'en est remis aux recommandations de son conseil et c'était raisonnable de le faire. Mais le fait que sa demande de statut de réfugié n'ait pas été entendue ne résulte pas de « la seule faute de son avocat » . Le dossier de la Cour montre que, devant la Commission, le demandeur n'a pas adopté une position selon laquelle son ancien conseil lui avait fait des recommandations qui l'ont induit en erreur. Le fait est que la décision prise n'a pas eu le résultat escompté. C'est une décision avec laquelle le demandeur était d'accord, parce qu'il s'attendait à ce que la demande de parrainage au Canada de sa conjointe réussisse. Le fait qu'elle a échoué et que, par conséquent, sa demande de statut de réfugié n'a pas été entendue ne signifie pas qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle. Donc, il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion sur la question et sa décision ne devrait pas être modifiée par la Cour.

La Commission, en rejetant la présente demande, a-t-elle agi à l'encontre de l'intérêt de la justice?


[32]            Le demandeur admet que son objectif global était de devenir résident permanent du Canada et que, fondamentalement, il n'y avait rien de mal à tenter contourner le processus établi pour arriver à son but. Sur cette question, le demandeur avance que ses actes étaient [traduction] « dans l'intérêt de l'économie du processus administratif et dans son propre intérêt sur le plan financier » . Toutefois, le désir du demandeur d'obtenir le droit d'établissement au Canada, peu importe par quel moyen, ne l'emporte pas sur la préoccupation de la Commission selon laquelle « [l]e système d'octroi de l'asile existe pour protéger les réfugiés; il n'est pas un moyen d'obtenir le droit d'établissement au Canada » . Un résultat qui n'est pas favorable au demandeur ne signifie pas que les intérêts de la justice n'ont pas été servis ou qu'une erreur susceptible de contrôle a été commise.

[33]            Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la Commission a ignoré des éléments de preuve pertinents reliés aux intérêts de la justice ou que la Commission a commis une erreur en n'accordant pas assez d'importance au mariage du demandeur à une résidente permanente. À mon avis, même si la Cour avait pu en arriver à une décision différente de celle de la Commission, il n'y a rien de déraisonnable dans la conclusion suivante de la Commission :

Même si le demandeur dit toujours craindre dtre persécuté au Sri Lanka, le tribunal n'en est pas convaincu, puisque le comportement du demandeur au Canada ne concorde pas avec le comportement d'une personne cherchant l'asile. Le système d'octroi de l'asile existe pour protéger les réfugiés; il n'est pas un moyen d'obtenir le droit dtablissement au Canada. Ainsi, si le demandeur est venu au Canada pour les raisons exposées dans son FRP, pourquoi y a-t-il renoncési rapidement? Le tribunal n'est pas convaincu que le demandeur a agi comme il l'a fait simplement parce qu'il ne voulait pas attendre plus longtemps l'audition de sa demande de statut.

[34]            Je conclus donc que la Commission n'a pas commis d'erreur équivalant à un manquement aux principes de justice naturelle en rejetant la demande.

[35]            Dans un délai de sept jours à partir de la réception des présents motifs d'ordonnance, les conseils devront signifier et déposer toute observation relative à la certification d'une question de portée générale. Chacune des parties disposera d'un délai supplémentaire de trois jours pour signifier et déposer toute réplique aux observations de l'autre partie. Après cela, une ordonnance sera rendue.

                                                                                 _ James Russell _             

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-6187-02

INTITULÉ :                            SARVANANTHAN SATHASIVAM

c.                     

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE MARDI 6 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :           LE 24 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Kumar Sriskanda                       POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kumar Sriskanda                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040324

                    Dossier : IMM-6187-02

ENTRE :

SARVANANTHAN SATHASIVAM

                                          demandeur

                           -et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                   


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