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Date : 20010214

Dossier : IMM-323-00

Référence : 2001 CFPI 67

Ottawa (Ontario), le 14 février 2001

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

- et -

DANIEL NYAME

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE


[1]         Il s'agit d'une demande d'autorisation pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire ainsi qu'une demande de contrôle judiciaire, en application de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), à l'encontre de la décision rendue par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI) le 31 décembre 1999. Dans sa décision, le membre de la formation S. Buchanan a accueilli l'appel interjeté par le défendeur aux termes du paragraphe 70(2) de la Loi, annulé la mesure d'exclusion prise à l'encontre du défendeur et ordonné que le défendeur fasse l'objet d'un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée, conformément à l'alinéa 74(1)b) de la Loi.

[2]         Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance portant annulation de la décision citée précédemment, une ordonnance portant que l'affaire fasse l'objet d'une nouvelle audition devant une formation différemment constituée de la SAI et que celle-ci statue de nouveau à cet égard conformément aux directives que la Cour estimera appropriées, de même que toute autre mesure de redressement que le demandeur estimera indiquée aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

Les faits

[3]         Le défendeur Daniel Nyame est citoyen ghanéen. En 1995, sa mère l'a parrainé par l'entremise d'une demande de résidence permanente. Elle a utilisé le certificat de naissance d'une autre personne pour faciliter l'admission de son fils au Canada. Au point d'entrée, la mère du défendeur a admis qu'elle avait utilisé de fausses pièces d'identité. L'arbitre a donc pris une mesure d'exclusion à l'encontre du défendeur le 8 août 1995. Le défendeur a interjeté appel de cette décision auprès de la SAI. Le 28 janvier 1997, la mesure d'exclusion a été jugée valide sur le plan juridique; cependant, la formation a été convaincue qu'il existait suffisamment de raisons d'ordre humanitaire justifiant que le défendeur ne soit pas renvoyé du Canada. La formation a


ordonné que l'appel soit accueilli, que la mesure de renvoi soit annulée et que le défendeur fasse l'objet d'un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée.

[4]         En avril 1997, le défendeur s'est de nouveau présenté à un point d'entrée. L'arbitre a conclu qu'il n'était pas en possession d'un passeport valide, ni de pièces d'identité ou de documents de voyage émis par le Ghana, ni d'un visa d'immigrant pour le Canada délivré pour le compte de Daniel Nyame. Le 26 août 1997, l'arbitre a pris une mesure d'exclusion. Le défendeur a interjeté appel de cette mesure auprès de la SAI, et c'est la décision de celle-ci qui fait l'objet de la présente demande de contrôle.

Prétentions du demandeur

[5]         Le demandeur se fonde sur les questions et les arguments présentés dans son dossier de demande relativement à la demande d'autorisation, de même que sur les nouveaux questions et arguments soulevés dans son mémoire additionnel. Le demandeur fait valoir que la SAI a commis une erreur de droit en tirant les trois conclusions suivantes :

1.                   En statuant que le principe de la chose jugée s'appliquait relativement à la validité de la mesure d'exclusion qui a été prise contre le défendeur.


Le demandeur soutient que, en se penchant sur la première décision qu'elle avait rendue relativement à la première mesure de renvoi, la SAI n'a pas reconnu qu'une mesure de renvoi ne pouvait être prise par un arbitre que sur le fondement d'un motif existant d'inadmissibilité. Par conséquent, selon le demandeur, la manière dont la SAI a appliqué le principe de la chose jugée a donné lieu à la conclusion erronée selon laquelle la même question a déjà été tranchée dans le cadre du premier appel. Le demandeur affirme que le premier appel portait sur la question de savoir si la mesure de renvoi prise en 1995 était valide et s'il existait néanmoins des raisons d'ordre humanitaire qui auraient dû faire en sorte que le renvoi du Canada n'ait pas lieu. À son avis, le premier appel ne pouvait donc possiblement servir à déterminer de façon définitive que le défendeur n'était pas admissible au Canada pour les motifs qui existaient à ce moment-là, ni à laisser entendre qu'indépendamment des circonstances qui pourraient survenir dans le futur, les raisons d'ordre humanitaire donneraient toujours lieu à une conclusion favorable.

[6]         Le demandeur fait valoir que les paragraphes 70(2) et (3) de la Loi prévoient manifestement que la SAI est habilitée à être saisie d'un appel lorsqu'une mesure de renvoi (exclusion) a été prise contre un individu, comme c'est le cas du défendeur. La première mesure d'exclusion a donné lieu au premier appel qui en a prononcé l'annulation, alors que la seconde mesure d'exclusion a créé un nouveau droit d'appel qui, soutient le demandeur, donne lieu à une nouvelle instance d'appel et à un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire fondé sur les circonstances actuelles du défendeur. Le demandeur avance que, même s'il est loisible à la SAI d'ordonner que le défendeur soit assujetti à un interrogatoire au point d'entrée, rien dans la Loi ne prévoit qu'elle peut se prononcer (et elle ne l'a pas fait en l'espèce) sur les conséquences ou sur l'issue d'un tel interrogatoire.         


[7]         Le demandeur fait valoir que la Cour d'appel fédérale a statué dans l'arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1981] 1 C.F. 12, au paragraphe 3, qu' « il appartient à l'arbitre, au moment où il rend sa décision, de déterminer si la personne désireuse d'entrer au Canada « fait » partie d'une catégorie non admissible » . Le demandeur affirme donc que le fait que la SAI ait confirmé la validité en droit de la mesure de renvoi prise en 1995 n'équivaut pas corrélativement à la validité de la mesure de renvoi de 1997, ni au maintien définitif de la validité de la conclusion relative à la mesure de renvoi prise en 1995. Le demandeur soutient qu'à titre d'exemple, le défendeur aurait pu entre-temps obtenir un passeport valide, ce qui pourrait signifier que la conclusion relative au paragraphe 14(1) du Règlement ne soit désormais plus applicable. Le demandeur avance également que même s'il existait des raisons d'ordre humanitaire dans le cadre du premier appel, en 1997, cela ne signifie pas nécessairement qu'il en est de même dans le cadre du nouvel appel déposé en 1999.

[8]                     2.          En statuant que le principe de la chose jugée s'appliquait à l'aspect des « raisons d'ordre humanitaire » dans le cadre de l'appel interjeté par le défendeur auprès de la SAI conformément au paragraphe 70(3) de la Loi.


Même si elle n'est pas tout à fait applicable (du fait qu'il s'agit en l'espèce d'un nouvel appel), la jurisprudence que le demandeur présente relativement à la réouverture d'appels de décisions rendues par la SAI peut néanmoins étayer le point de vue selon lequel le principe de la chose jugée ne s'applique pas au regard des raisons d'ordre humanitaire dans la présente affaire. Le demandeur fait valoir, à l'appui de sa position, la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Grillas c. Canada (Ministre de la Main-d'Oeuvre et de l'Immigration), [1972] R.C.S. 577. Dans cet arrêt, les juges ont statué à la majorité qu'en raison de la compétence de nature discrétionnaire et « d'équité » dont la SAI est investie, le principe de la chose jugée ne s'applique pas aux décisions que rend la SAI relativement aux raisons d'ordre humanitaire dans le cadre d'un appel. Comme le fait remarquer le demandeur, les juges majoritaires ont noté que la réouverture de l'audition avait essentiellement pour effet de créer une nouvelle instance d'appel qui s'appuyait sur une nouvelle preuve à l'égard de laquelle la SAI était appelée à exercer sa compétence. Le demandeur soutient que, de manière analogue, la seconde audition du défendeur constitue un nouvel appel et qu'elle se fonde sur de nouveaux éléments de preuve qui n'existaient pas lors de l'audition du premier appel.


[9]         Le demandeur affirme que la SAI a jugé à bon droit que la compétence de la première formation de la SAI a pris fin lorsque les membres de cette formation ont annulé la mesure d'exclusion de 1995. Cependant, la SAI a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que sa compétence d'équité a été ravivée lorsque la seconde mesure d'exclusion a été prise en 1997, non pas en raison de la compétence prolongée dans le temps expliquée dans l'arrêt Grillas, précité, mais bien en raison d'une nouvelle compétence qui lui est accordée en vertu de l'article 70 de la Loi. Par conséquent, soutient le demandeur, la SAI se trouvait alors investie d'une nouvelle compétence d'équité et pouvait à ce titre statuer sur tout nouveau fait qu'on aurait porté à sa connaissance jusqu'au moment de l'exécution de la mesure d'exclusion. Selon le demandeur, le principe de la chose jugée ne s'appliquait donc pas, car cette situation tombait sous le coup de l'exception au principe de la chose jugée prévue dans l'arrêt Grillas,précité; suivant cette exception, la compétence d'équité existe pour trancher la question des raisons d'ordre humanitaire jusqu'à ce que la mesure d'exclusion soit exécutée et jusqu'à ce que l'individu concerné soit renvoyé du Canada (conformément au paragraphe 70 de la Loi).

[10]       À l'appui de son argument, le demandeur fait également valoir l'extrait suivant du paragraphe 5 de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Clancy (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 171 :

Lors de l'audience en notre présence, l'avocat de l'intimé a confirmé que, au cas où l'appel est entendu par la Commission, l'intimé demandera simplement à la Commission d'invoquer sa compétence en équité en vertu de l'alinéa 72(1)b) et non de l'alinéa 72(1)a) de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, nous estimons que les principes énoncés par les juges Abbott et Martland dans l'arrêt Grillas précité devraient s'appliquer aux circonstances de l'espèce, Voir le juge Abbott, à la page 5 Voir également le juge Martland, à la page 11. Nous sommes d'avis que la compétence en équité de la Commission en vertu de l'alinéa 72(1)b) est une compétence qui se prolonge dans le temps et non une compétence qui s'exerce une fois pour toutes. Nous estimons également que la Commission peut exercer sa compétence jusqu'à ce que l'ordonnance de renvoi ait été exécutée. En l'espèce, la Commission avait compétence pour être saisie de l'appel à la date où l'intimé a déposé son avis d'appel. Sa compétence en équité se prolonge, à notre avis, jusqu'à ce que le renvoi du Canada ait eu lieu.

[11]       La prétention du demandeur consiste essentiellement à dire que nous ne sommes pas saisis en l'espèce d'une compétence à l'égard d'une mesure d'exclusion qui se prolonge dans le temps jusqu'à ce que la mesure soit exécutée, mais bien d'une nouvelle compétence dans le cadre d'un nouvel appel à l'égard d'une nouvelle mesure d'exclusion prise en vertu du paragraphe 70(2) de la Loi.


[12]       Bien que la Loi habilite la SAI à ordonner que le défendeur soit interrogé de nouveau comme s'il demandait l'admission au pays, le demandeur soutient que cela ne signifie pas que la SAI ait compétence pour lier l'agent examinateur subséquent quant à l'issue de cet interrogatoire. Cela s'inscrit par contraste à la compétence de la SAI relativement à un appel concernant une demande de parrainage où, aux termes du paragraphe 77(5) de la Loi, la décision de la SAI faisant droit à l'appel d'une décision rejetant une demande de parrainage empêche qu'on se fonde subséquemment sur le même motif d'inadmissibilité. La SAI y fait expressément mention dans sa décision, qui fait l'objet de la présente demande de contrôle, lorsqu'elle déclare :

Bien qu'il n'y ait pas dans la Loi de disposition particulière qui semble empêcher la prise d'une autre mesure de renvoi fondée sur les mêmes circonstances, j'ose espérer que CIC n'agira plus de cette façon dans l'avenir.

[13]      Le demandeur fait donc valoir que, même s'il est vrai que la loi permet en principe qu'une autre mesure de renvoi soit prise au terme de l'interrogatoire subséquent de l'appelant, la décision empêcherait que cette situation se produise du fait de l'application erronée du principe de la chose jugée. En outre, le demandeur affirme que, dans ses motifs, la SAI met en garde contre la prise d'une mesure subséquente, et ce, en dépit de l'issue de l'appel par laquelle on a ordonné que le défendeur soit interrogé de nouveau.


[14]      Afin de cerner l'intention du législateur, le demandeur met en contraste le pouvoir accordé par le paragraphe 32(3) de la Loi (qui habilite l'arbitre à accorder le droit d'établissement à une personne qui en fait la demande et qui satisfait aux exigences prescrites par la Loi et par le Règlement sur l'immigration de 1978, D.O.R.S./78-172) avec la compétence limitée dont jouit la SAI dans des cas comme celui en l'espèce (la Loi ne permet pas à la SAI de se prononcer sur le droit d'établissement). Le demandeur tire deux inférences quant à l'intention du législateur : d'une part, la SAI ne possède pas une telle compétence et, d'autre part, le pouvoir qu'a l'arbitre d'accorder le droit d'établissement ne doit être exercé que dans le cas où la personne concernée satisfait aux conditions d'admissibilité et non pas, comme c'est le cas en l'espèce, lorsqu'elle n'y satisfait pas. Le demandeur soutient donc que le législateur avait l'intention de permettre uniquement aux personnes admissibles d'obtenir le droit d'établissement au terme du processus (cependant, il est possible d'avoir recours aux processus prévus au paragraphe 114(2) de la Loi).

[15]      Le demandeur avance qu'il appert que la SAI estime que, si une nouvelle mesure de renvoi devait être prise, l'appel accueilli en application du paragraphe 74(1) serait alors nul et inopérant. Selon le demandeur, la décision laisse aussi entendre qu'il doit donc y avoir au préalable une intention corrélative portant que la première décision soit « concluante relativement à cette question ou qu'elle lie CIC » .

[16]      Le demandeur rejette les hypothèses qui sous-tendent la décision de la SAI et réitère le fait qu'une décision favorable à l'égard d'un appelant fait obstacle à son renvoi du pays à cette étape-là des procédures, et qu'elle lui donne l'occasion de se plier aux exigences prévues par la loi ou de chercher à obtenir une dispense d'application par l'entremise du paragraphe 114(2) de la Loi. La compétence de la SAI ne va pas jusqu'à lui permettre d'ordonner qu'un tel appelant obtienne le droit d'établissement ou qu'il bénéficie d'une dispense d'application des exigences prévues par la loi, comme la décision visée en l'espèce tente effectivement de le faire.


[17]                  3.          En statuant que, pour que le principe de la chose jugée ne s'applique pas à l'égard de l'appel interjeté par le défendeur, un changement fondamental dans les circonstances doit être survenu depuis son dernier appel auprès de la SAI.

Le demandeur cite l'affaire Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 153 F.T.R. 289 (C.F. 1re inst.) pour étayer son argument selon lequel les exceptions au principe de la chose jugée exigent uniquement que le changement survenu dans les circonstances soit pertinent plutôt que fondamental au regard des éléments de preuve, comme l'énonce la SAI dans ses motifs. Le demandeur soutient que les changements survenus dans les circonstances étaient manifestement pertinents (puisque le défendeur était âgé à l'époque de 19 ans, qu'il appert qu'il bénéficiait du bien-être social, qu'il avait perdu contact avec sa mère et qu'il ne vivait plus avec elle). Le demandeur cite également l'affaire Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1987), 1 Imm. L.R. (2d) 159, à l'appui de son argument selon lequel il est loisible à la SAI de tenir compte des changements subséquents survenus dans le cheminement personnel du défendeur.


[18]      Le demandeur se réfère de plus à l'arrêt Castro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 87 (C.A.F.), dans lequel la Cour a adopté le critère portant que les nouveaux éléments de preuve doivent étayer la conclusion selon laquelle il existe une « possibilité raisonnable » , plutôt qu'une « probabilité raisonnable » , que la SAI modifie sa décision initiale lorsqu'elle décide de rouvrir un appel. Par conséquent, le demandeur soutient que la SAI s'est appuyée sur une norme trop sévère et qu'elle a commis une erreur de droit en concluant que les nouveaux faits [TRADUCTION] « n'ont pas entièrement modifié l'aspect de l'affaire » .

[19]      Les nouveaux faits et les changements survenus dans les circonstances qui ont été présentés lors de la deuxième audition sont tels, selon le demandeur, qu'ils ont donné lieu à la possibilité raisonnable que la SAI parvienne à une conclusion différente de celle qu'elle a tirée au terme de la première audition. Le demandeur avance que, sur le fondement de ces nouveaux faits, il se pourrait qu'il n'existe plus de raisons d'ordre humanitaire permettant au défendeur de demeurer au Canada.

[20]      Enfin, le demandeur fait valoir que, vu le régime instauré par la Loi, si le défendeur souhaite s'établir au Canada ou régulariser son statut, il lui incombe de se prévaloir uniquement des mécanismes prévus par la loi (à savoir une demande à un bureau des visas, une demande de parrainage ou une demande de dispense à l'égard du paragraphe 9(1) au moyen d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire). Le défaut de sa part d'entreprendre de telles démarches s'avère pertinent, selon le demandeur, quant à la conclusion de la SAI relativement aux raisons d'ordre humanitaire.

Prétentions du défendeur


[21]      Le défendeur fait valoir que le demandeur n'a pas déposé de demande d'autorisation pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire, ni de demande de contrôle judiciaire, pas plus qu'il a demandé à la SAI de réexaminer la première ordonnance que celle-ci a rendue. Le défendeur fait plutôt observer que le demandeur n'a pas tenu compte de la première ordonnance de la SAI ou qu'il l'a mal comprise. Selon le défendeur, faire droit à l'argument du demandeur portant que la SAI a mal apprécié l'étendue de sa compétence donnerait lieu à une situation dans laquelle le demandeur serait autorisé à solliciter un nouveau procès à toutes les fois qu'il n'est pas d'accord avec une décision donnée.

[22]      À l'appui de son argument, le défendeur cite l'affaire Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précitée, pour démontrer que le principe de la chose jugée s'applique à moins que ne survienne un changement pertinent dans les circonstances. Lorsqu'il s'agit d'un changement pertinent dans les circonstances, le demandeur peut déposer une deuxième demande, mais celui-ci ne l'a pas fait au sens où l'entendait la Cour dans l'affaire Kaloti, précitée. Le défendeur soutient néanmoins que le demandeur n'a pas signalé de nouvelles circonstances pour les fins de la mesure d'exclusion.


[23]      Le défendeur renvoie ensuite à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kaloti, précitée (Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 390 (C.A.F.)), pour étayer son argument selon lequel la décision d'invoquer essentiellement les mêmes motifs pour fonder une mesure d'exclusion constitue en l'espèce un abus des procédures de la part du demandeur. De plus, le défendeur fait référence à l'arrêt Moldeveanu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 235 N.R. 192 (C.A.F.), dans lequel on a conclu que la tentative du ministre de débattre à nouveau d'un point à l'égard duquel on avait déjà statué a été faite trop tardivement et qu'il aurait dû demander l'autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada.

[24]      Le défendeur affirme que la mesure d'exclusion prise en 1997 se fonde essentiellement sur les mêmes motifs que la première et que le caractère de chose jugée de la conclusion tirée par la SAI quant à la validité de la mesure d'exclusion de 1995 peut être difficilement mis en doute du fait que la mesure d'exclusion de 1997 a été déclarée valide. Selon le défendeur, les mesures d'exclusion prises sont toutes deux fondées sur trois motifs d'inadmissibilité, parmi lesquels deux motifs ont été invoqués pour l'une et l'autre des mesures. Comme le soutient le défendeur, le motif invoqué à l'appui de la mesure d'exclusion de 1997 n'a rien de nouveau et aurait pu être fondé sur la mesure d'exclusion de 1995. La SAI a décidé d'annuler la mesure d'exclusion de 1995 au motif qu'il existait des raisons d'ordre humanitaire.

[25]      Si on se fie au demandeur, ce sont les raisons d'ordre humanitaire qui ont caractère de chose jugée et qui l'empêchent de demander l'expulsion du défendeur. Le demandeur n'a pas sollicité le réexamen des motifs d'ordre humanitaire à la lumière des nouveaux éléments de preuve. Selon le défendeur, le demandeur a plutôt ordonné que le défendeur soit exclu du pays au même motif que celui cité précédemment et a laissé au défendeur la tâche de plaider l'application du principe de la chose jugée devant la SAI.


[26]      Dans le cadre de l'appel déposé en 1997 à l'encontre de la mesure d'exclusion prise en 1995, le motif d'ordre humanitaire auquel la SAI a conclu porte que le défendeur était une victime innocente des machinations de sa mère. Le défendeur soutient qu'aucun nouvel élément de preuve ne modifie ce fait. Il plaide que seuls les éléments de preuve qui pourraient modifier la conclusion initiale tirée par la SAI sont pertinents.

[27]      Le défendeur cite une décision rendue par la SAI de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, McLeod c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 187, pour étayer son argument selon lequel l'ordonnance portant que le défendeur se présente de nouveau à un point d'entrée pour un nouvel interrogatoire ne signifie pas qu'il est loisible au demandeur de ne pas tenir compte de la conclusion tirée par la SAI. Le demandeur est tenu de se conformer à l'ordonnance de la SAI et d'accorder au défendeur le droit d'établissement. Dans l'affaire McLeod, précitée, la SAI a déclaré à la page 196 :

[TRADUCTION] L'appel ayant été accueilli et la mesure de renvoi prise contre chaque appelant ayant été annulée, la question demeure bien sûr l'effet d'une ordonnance selon laquelle chaque appelant sera interrogé comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée. Comme l'appel a été accueilli en raison de l'existence de raisons d'ordre humanitaire qui ont justifié la conclusion que les appelants ne devraient pas être renvoyés du Canada au moment de l'interrogatoire au point d'entrée, cette conclusion devrait être exécutoire et le visa qu'ils ont reçu devrait avoir pour effet de leur donner un droit d'établissement au Canada.


[28]      Le défendeur ne peut se voir assujetti de nouveau à une mesure d'exclusion essentiellement pour le même motif qu'avant, puisque cela équivaudrait à ne pas tenir compte de la décision rendue en 1997 par la SAI portant que les raisons d'ordre humanitaire empêchaient une telle mesure d'exclusion. Le défendeur renvoie à l'affaire Marques c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 35 Imm. L.R. (2d) 81 (C.F. 1re inst.), dans laquelle on a annulé une demande déposée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi et ordonné le réexamen de la question. Cependant, la demande fondée sur les raisons d'ordre humanitaire a été rejetée une fois de plus. La Cour a notamment statué que la procédure de réexamen était viciée, car l'agent ne s'était pas conformé à l'ordonnance lorsqu'il a examiné la demande quant à savoir si de nouvelles circonstances sont survenues depuis l'annulation de la décision précédente (il aurait plutôt dû procéder à un réexamen).

[29]      Le défendeur plaide qu'il appert que, selon le demandeur, la décision a perdu son caractère exécutoire en raison du temps qui s'est écoulé depuis 1997, lorsque la SAI a conclu à l'existence de raisons d'ordre humanitaire. De l'avis du défendeur, le délai dans le traitement de l'affaire est entièrement attribuable au demandeur et, par conséquent, ne constitue pas un élément qui peut être soulevé à l'encontre du défendeur. Les affaires Meikle c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 137 F.T.R. 304 (C.F. 1re inst.) et Valdez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 684, IMM-2793-94 (4 mai 1995) (C.F. 1re inst.) étayent cet argument. Comme ces deux affaires portent sur des décisions rendues par la SAI, le défendeur affirme que la jurisprudence à laquelle elles renvoient est tout aussi applicable en l'espèce.


[30]      Le demandeur plaide qu'il devrait lui être loisible de ne pas tenir compte de l'ordonnance délivrée par la SAI et d'invoquer le retard dans le traitement de l'affaire pour justifier une deuxième mesure d'exclusion (celle-ci étant identique à la mesure d'exclusion prise en 1995 et annulée en 1997). Cependant, le demandeur devrait s'en tenir aux mêmes règles que pour toute autre partie, et il est abusif de sa part de simplement solliciter de nouveau une ordonnance à l'encontre d'une partie pour les mêmes motifs qu'avant, et ce, compte tenu d'une ordonnance de la SAI l'empêchant précisément de le faire. Le défendeur soutient qu'il existe des raisons exceptionnelles qui justifient que les dépens lui soient adjugés en l'espèce.

[31]      Le défendeur fait valoir dans son mémoire additionnel que la Cour d'appel fédérale a statué que les tribunaux devaient faire preuve d'un degré considérable de retenue à l'égard de la SAI dans la manière dont ils interprètent l'étendue de sa compétence. Le défendeur soutient que la SAI peut, du moment que rien dans la Loi n'y fasse clairement obstacle, déterminer que le demandeur a commis une erreur en ne se pliant pas à l'ordonnance précédente qu'elle avait rendue en 1997. Le défendeur avance en outre qu'il est loisible à la SAI d'invoquer le principe de la chose jugée si les éléments de preuve se prêtent à une telle interprétation. Il note que la Loi confère à la SAI une compétence très générale en ce qui a trait à son pouvoir de délimiter sa propre compétence. À moins qu'il y ait une restriction claire à l'égard de la compétence inhérente à la SAI, la Cour doit se garder d'en créer une. L'arrêt Canada (Solliciteur général) c. Kainth (1994), 26 Imm. L.R. (2d) 226 (C.A.F.) est cité à l'appui de ces arguments.


[32]      L'avocat du défendeur plaide également qu'il y a lieu de se demander si les présentes procédures ne présentent qu'un intérêt théorique, du fait que personne n'a eu de nouvelles du défendeur depuis que les procédures ont été entamées. Sa mère et son beau-père ne savent rien de ses allées et venues et le demandeur n'a pas produit d'éléments de preuve portant qu'il aurait communiqué avec le ministère. Dans ces circonstances, le défendeur soutient qu'il n'y a plus de question litigieuse à débattre et que le silence du demandeur sur cette question donne du poids à la possibilité que le défendeur ait tout simplement tourné la page et abandonné tout intérêt dans la présente procédure.

[33]      Questions en litige

1.                   La Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le principe de la chose jugée s'appliquait à l'égard de la validité de la mesure d'exclusion qui a été prise à l'encontre du défendeur?

2.                   La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le principe de la chose jugée s'appliquait à l'égard de l'aspect des « raisons d'ordre humanitaire » dans le cadre de l'appel interjeté par le défendeur auprès de la SAI aux termes du paragraphe 70(3) de la Loi?

3.                   La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en affirmant que, pour que le principe de la chose jugée ne s'applique pas, il doit survenir un changement fondamental dans les circonstances depuis le dernier appel interjeté auprès de la SAI?

Dispositions législatives pertinentes

[34]      Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration disposent :



69.4 (1) La section d'appel est une cour d'archives; elle a un sceau officiel dont l'authenticité est admise d'office.

(2) La section d'appel a compétence exclusive, dans le cas des appels visés aux articles 70, 71 et 77, pour entendre et juger sur des questions de droit et de fait -- y compris en matière de compétence -- relatives à la prise d'une mesure de renvoi ou au rejet d'une demande de droit d'établissement présentée par un parent.

(3) La section d'appel a, pour la comparution, la prestation de serment et l'interrogatoire des témoins, ainsi que pour la production et l'examen des pièces, l'exécution de ses ordonnances et toute autre question relevant de sa compétence, les attributions d'une cour supérieure d'archives. Elle peut notamment_:

a) par citation adressée aux personnes ayant connaissance de faits se rapportant à l'affaire dont elle est saisie, leur enjoindre de comparaître comme témoins aux date, heure et lieu indiqués et d'apporter et de produire tous documents, livres ou pièces, utiles à l'affaire, dont elles ont la possession ou la responsabilité;

b) faire prêter serment et interroger sous serment;

c) recevoir, en cours d'audition, les éléments de preuve supplémentaires qu'elle estime utiles, crédibles et dignes de foi.

(4) La section d'appel notifie aux parties, conformément aux règles mentionnées au paragraphe 65(1), sa décision sur l'appel présenté en vertu des articles 70 ou 71.

(5) La section d'appel n'est tenue de motiver par écrit sa décision sur un appel présenté en vertu des articles 70 ou 71 que si l'une des parties le demande dans les dix jours suivant sa notification, auquel cas la transmission des motifs se fait sans délai.

69.4 (1) The Appeal Division is a court of record and shall have an official seal, which shall be judicially noticed.

(2) The Appeal Division has, in respect of appeals made pursuant to sections 70, 71 and 77, sole and exclusive jurisdiction to hear and determine all questions of law and fact, including questions of jurisdiction, that may arise in relation to the making of a removal order or the refusal to approve an application for landing made by a member of the family class.

(3) The Appeal Division has, as regards the attendance, swearing and examination of witnesses, the production and inspection of documents, the enforcement of its orders and other matters necessary or proper for the due exercise of its jurisdiction, all such powers, rights and privileges as are vested in a superior court of record and, without limiting the generality of the foregoing, may

(a) issue a summons to any person requiring that person to appear at the time and place mentioned therein to testify with respect to all matters within that person's knowledge relative to a subject-matter before the Division and to bring and produce any document, book or paper that the person has or controls relative to that subject-matter;

(b) administer oaths and examine any person on oath; and

(c) during a hearing, receive such additional evidence as it may consider credible or trustworthy and necessary for dealing with the subject-matter before it.

(4) The Appeal Division shall, in accordance with rules made under subsection 65(1), notify the parties to an appeal made pursuant to section 70 or 71 of its disposition of the appeal.

(5) The Appeal Division shall forthwith give written reasons for its disposition of any appeal made pursuant to section 70 or 71 where either of the parties to the appeal has so requested within ten days after having been notified of the disposition of the appeal.


70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants_:

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) à (5), peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel_:

a) les non-résidents permanents qui se sont vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention aux termes de la présente loi ou de ses règlements;

b) les personnes qui, ayant demandé l'admission, étaient titulaires d'un visa de visiteur ou d'immigrant, selon le cas, en cours de validité lorsqu'elles ont fait l'objet du rapport visé à l'alinéa 20(1)a).

(3) Les moyens que peuvent invoquer les appelants visés au paragraphe (2) sont les suivants_:

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) le fait que, pour des raisons d'ordre humanitaire, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada.

(3.1) Ne peut faire appel devant la section d'appel la personne à l'égard de laquelle il a été décidé, en application de l'alinéa 40.1(4)d), que l'attestation visée au paragraphe 40.1(1) est raisonnable.

(4) Les moyens d'appel sont limités aux questions de droit, de fait ou mixtes dans le cas d'appels relatifs à une mesure d'expulsion ou d'expulsion conditionnelle interjetés par les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon le cas_:

a) ont fait l'objet de l'attestation prévue au paragraphe 40(1), sauf si elles sont visées au paragraphe (5);

b) appartiennent, selon la décision d'un arbitre, à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)e), f), g), j) ou l), sauf si elles sont visées au paragraphe (3.1).

(5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d'un arbitre_:

a) appartiennent à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

b) relèvent du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.

(6) Malgré le paragraphe 74(2), la section d'appel ne peut réexaminer le cas -- l'ordonnance de sursis visant la mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel cessant alors d'avoir effet -- si, selon le ministre, la personne n'a pas respecté les conditions du sursis et constitue un danger pour le public au Canada et que, selon la décision d'un arbitre, elle_:

a) appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d);

b) relève du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1);

c) relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d).

70. (1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely,

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada.

(2) Subject to subsections (3) to (5), an appeal lies to the Appeal Division from a removal order or conditional removal order made against a person who

(a) has been determined under this Act or the regulations to be a Convention refugee but is not a permanent resident; or

(b) seeks landing or entry and, at the time that a report with respect to the person was made by an immigration officer pursuant to paragraph 20(1)(a), was in possession of a valid immigrant visa, in the case of a person seeking landing, or a valid visitor's visa, in the case of a person seeking entry.

(3) An appeal to the Appeal Division under subsection (2) may be based on either or both of the following grounds:

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that, having regard to the existence of compassionate or humanitarian considerations, the person should not be removed from Canada.

(3.1) No appeal may be made to the Appeal Division by a person with respect to whom a certificate has been filed under subsection 40.1(1) where it has been determined, pursuant to paragraph 40.1(4)(d), that the certificate is reasonable.

(4) A person described in subsection (1) or paragraph (2)(a) against whom a deportation order or conditional deportation order is made may appeal to the Appeal Division on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact, where the person is

(a) a person, other than a person described in subsection (5), with respect to whom a certificate referred to in subsection 40(1) has been issued; or

(b) a person, other than a person described in subsection (3.1), who has been determined by an adjudicator to be a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(e), (f), (g), (j) or (l).

(5) No appeal may be made to the Appeal Division by a person described in subsection (1) or paragraph (2)(a) or (b) against whom a deportation order or conditional deportation order is made where the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada and the person has been determined by an adjudicator to be

(a) a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c), (c.1), (c.2) or (d);

(b) a person described in paragraph 27(1)(a.1); or

(c) a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed.

(6) Where the Appeal Division directs that the execution of a deportation order or conditional deportation order be stayed, the direction is of no effect and, notwithstanding subsection 74(2), the Appeal Division may not review the case, where the Minister is of the opinion that the person has breached the terms and conditions set by the Appeal Division and that the person constitutes a danger to the public in Canada and the person has been determined by an adjudicator to be

(a) a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c), (c.1), (c.2) or (d);

(b) a person described in paragraph 27(1)(a.1); or

(c) a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed.


74. (1) Si elle fait droit à un appel interjeté dans le cadre de l'article 70, la section d'appel annule la mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel et peut_:

a) soit lui substituer celle qui aurait dû être prise;

b) soit ordonner, sauf s'il s'agit d'un résident permanent, que l'appelant fasse l'objet d'un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée.

(2) En cas de sursis d'exécution de la mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel, l'appelant est autorisé à entrer ou à demeurer au Canada aux éventuelles conditions fixées par la section d'appel. Celle-ci réexamine le cas en tant que de besoin.

3) Dans le cas visé au paragraphe (2), la section d'appel peut, à tout moment_:

a) modifier les conditions imposées ou en imposer de nouvelles;

b) annuler son ordre de surseoir à l'exécution de la mesure, et parallèlement_:

(i) soit rejeter l'appel et ordonner l'exécution dès que les circonstances le permettent,

(ii) soit procéder conformément au paragraphe (1).

74. (1) Where the Appeal Division allows an appeal made pursuant to section 70, it shall quash the removal order or conditional removal order that was made against the appellant and may

(a) make any other removal order or conditional removal order that should have been made; or

(b) in the case of an appellant other than a permanent resident, direct that the appellant be examined as a person seeking admission at a port of entry.

(2) Where the Appeal Division disposes of an appeal by directing that execution of a removal order or conditional removal order be stayed, the person concerned shall be allowed to come into or remain in Canada under such terms and conditions as the Appeal Division may determine and the Appeal Division shall review the case from time to time as it considers necessary or advisable.

(3) Where the Appeal Division has disposed of an appeal by directing that execution of a removal order or conditional removal order be stayed, the Appeal Division may, at any time,

(a) amend any terms and conditions imposed under subsection (2) or impose new terms and conditions; or

(b) cancel its direction staying the execution of the order and

(i) dismiss the appeal and direct that the order be executed as soon as reasonably practicable, or

(ii) allow the appeal and take any other action that it might have taken pursuant to subsection (1).


[35]      Question 1

La Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SAI) a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le principe de la chose jugée s'appliquait à l'égard de la validité de la mesure d'exclusion qui a été prise à l'encontre du défendeur?


Le présent appel a été interjeté par le défendeur en vertu du paragraphe 70(2) de la Loi. Lorsque le défendeur s'était présenté pour la première fois au point d'entrée en 1995, une mesure d'exclusion avait alors été prise à son égard. Il a porté cette mesure d'exclusion en appel devant la SAI, qui a conclu à sa validité en droit, mais qui l'a néanmoins annulée en raison de l'existence de raisons d'ordre humanitaire et ordonné que le défendeur se soumette à un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée. Lorsque le défendeur s'est présenté de nouveau au point d'entrée, en avril 1997, on a déterminé qu'il ne détenait pas de passeport valide, ni de pièces d'identité ou de voyage émises par le Ghana, et l'arbitre a pris une seconde mesure d'exclusion contre lui le 26 août 1997. C'est cette seconde mesure d'exclusion qui fait l'objet du présent appel.

[36]      En appel de la seconde mesure d'exclusion, la SAI a fait droit à l'appel du défendeur compte tenu du principe de la chose jugée. La SAI a déclaré ce qui suit :

En conséquence, l'appel est accueilli en raison de l'application du principe de la chose jugée. La mesure d'exclusion prise par l'arbitre F. Douglas, le 26 août 1997, est annulée, et j'ordonne par les présentes que Daniel Nyame fasse l'objet d'un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée.

La Section d'appel de l'immigration ordonne, en conformité avec l'alinéa 74(1)b) de la Loi sur l'immigration, que Daniel Nyame fasse l'objet d'un interrogatoire comme s'il demandait l'admission à un point d'entrée.

[37]      Dans l'arrêt Grewal, précité, la Cour s'est exprimée en ces termes à la page 13 :

Dans ces conditions, nous sommes tous d'avis que l'arbitre n'était pas fondé en droit à rendre une ordonnance d'exclusion contre le requérant au motif qu'il était une personne visée à l'alinéa 19(l)i). Selon nous, en vertu du paragraphe 32(5), il appartient à l'arbitre, au moment où il rend sa décision, de déterminer si la personne désireuse d'entrer au Canada « fait » partie d'une catégorie non admissible.


[38]      En l'espèce, l'arbitre doit tirer une conclusion fondée sur des faits qui existent au moment où la décision est prise. En ce qui concerne le défendeur, on situe cette date au 26 août 1997. On a déterminé que le défendeur ne possédait pas les pièces d'identité requises et on a pris une nouvelle mesure d'exclusion contre lui le 26 août 1997. En application du paragraphe 70(2) de la Loi, il était loisible au défendeur d'interjeter appel de cette mesure et celui-ci l'a donc fait. Il s'agit en l'espèce d'une nouvelle mesure d'exclusion fondée sur les faits découverts le 26 août 1997. Je suis d'avis que le principe de la chose jugée ne s'applique pas en l'espèce, car la mesure se fondait sur les faits découverts le 26 août 1997, que l'arbitre estimait être quelque peu différents des faits antérieurs. Il appartient à la Commission de tenir une audience relativement à cette nouvelle mesure d'exclusion. En conséquence, je suis d'avis que la SAI a commis une erreur en appliquant le principe de la chose jugée pour accueillir l'appel.

[39]      Question 2

La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que le principe de la chose jugée s'appliquait à l'égard de l'aspect des « raisons d'ordre humanitaire » dans le cadre de l'appel interjeté par le défendeur auprès de la SAI aux termes du paragraphe 70(3) de la Loi?

Puisque c'est la seconde mesure qui fait l'objet du second et nouvel appel déposé auprès de la SAI, j'estime que la SAI doit entendre les prétentions relatives aux motifs d'appel fondés sur des raisons d'ordre humanitaire qui sont prévus au paragraphe 70(3) de la Loi. En conséquence, je suis d'avis que la SAI a commis une erreur en concluant que le principe de la chose jugée s'appliquait en l'espèce pour l'empêcher de connaître des raisons d'ordre humanitaire énumérées au paragraphe 70(3). Il y a lieu de faire observer qu'il se pourrait fort bien, malgré que les circonstances aient changé, c'est-à-dire que le défendeur n'habite plus avec sa mère, que les raisons d'ordre humanitaire qui fondaient la décision initiale de la SAI soient encore valides et qu'elles puissent encore servir de fondement à l'annulation de toute nouvelle mesure d'exclusion. Cependant, j'estime qu'il s'agit d'une question qu'il convient de trancher en appel de la seconde mesure d'exclusion.


[40]      Question 3

La SAI a-t-elle commis une erreur de droit en affirmant que, pour que le principe de la chose jugée ne s'applique pas, il doit survenir un changement fondamental dans les circonstances depuis le dernier appel interjeté auprès de la SAI?

Je propose de ne pas aborder cette question, car mes conclusions relatives aux questions 1 et 2 disposent de la présente demande.

[41]      Un examen du dossier et de la décision m'amène à la conclusion tirée par la SAI selon laquelle une nouvelle mesure d'exclusion, prise malgré la conclusion que le défendeur ne devrait pas être renvoyé du Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, pourrait équivaloir et équivaudra à un abus des procédures de la Commission. Cela n'a cependant pas servi de fondement à la décision de la Commission et n'a pas été plaidé devant moi.

[42]      J'ai examiné la question qu'on envisageait certifier conformément au paragraphe 83(1) de la Loi, mais je ne la certifierai pas, car j'ai renvoyé l'affaire devant une formation différemment constituée de la SAI pour que celle-ci la réexamine.

[43]      Je ne rendrai pas d'ordonnance relative aux dépens.


ORDONNANCE

[44]      LA COUR ORDONNE que la décision rendue par la SAI en date du 31 décembre 1999 soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant une formation différemment constituée de la SAI pour que celle-ci la réexamine et qu'elle statue de nouveau à cet égard.

[45]      ET ELLE ORDONNE qu'il n'y aura aucune ordonnance relative aux dépens.

                                                                                                                            « John A. O'Keefe »          

                                                                                                                                               J.C.F.C.                     

Ottawa (Ontario)

Le 14 février 2001

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                                                 IMM-323-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                M.C.I. c. Daniel Nyame

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                    Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                   Le 30 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR :          Le juge O'Keefe          

EN DATE DU :                                                                     14 février 2001

ONT COMPARU :

Mme Marianne Zoric                                                               Pour le demandeur

M. Michael Crane                                                                    Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                                                               Pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

M. Michael Crane                                                                    Pour le défendeur

Toronto (Ontario)

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