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     Date : 19991231

     Dossier : T-1194-98


     ACTION RÉELLE EN MATIÈRE D'AMIRAUTÉ

     CONTRE LE NAVIRE " CSL CABO "

     ET ACTION PERSONNELLE

ENTRE :

     BRITISH COLUMBIA HYDRO &

     POWER AUTHORITY

     demanderesse

     - et -


     LE NAVIRE " CSL CABO ", CABO SHIPPING INC.,

     LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE " CSL CABO ",

     CSL INTERNATIONAL INC. et TOUTES LES AUTRES

     PERSONNES AYANT UN DROIT SUR CE NAVIRE

     défendeurs.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le protonotaire JOHN A. HARGRAVE


[1]      Cette action fait suite à une panne d'électricité survenue le 17 juin 1996 à 20 h 45 dans les îles Pender (Nord et Sud), après que, selon la demanderesse, le navire " CSL CABO " eut endommagé son câble sous-marin de transport d'électricité en jetant l'ancre dessus. La défenderesse demande maintenant la communication d'un rapport intitulé " Pender-Saturna Cable Fault 1996 (Report prepared for Bull, Housser & Tupper) ". De son côté, la demanderesse revendique à ce propos le secret des documents produits à des fins contentieuses.


HISTORIQUE

[2]      Pour saisir ce rapport en contexte, il convient de noter que, selon l'affidavit établi à ce sujet, la demanderesse (désignée ci-après " B.C. Hydro ) a retenu les services de Me J.D.L. Morrison, du cabinet Bull, Housser & Tupper, dans la matinée du 18 juin 1996, c'est-à-dire le lendemain de la panne d'électricité.

[3]      M. Morrison s'est mis en rapport avec le représentant à Vancouver de P & I Insurers, l'assureur du " CSL Cabo ", pour demander la constitution d'un cautionnement. Tout en sachant, par l'expérience acquise dans un cas antérieur de panne d'électricité, qu'une action en dédommagement serait nécessaire, il n'a pas engagé immédiatement la procédure parce que, à la lumière de la même expérience, il faudrait un certain temps à B.C. Hydro pour effectuer les réparations puis documenter la demande de dédommagement. Il s'est donc contenté de correspondre et de négocier avec le représentant des propriétaires du navire.

[4]      À un moment donné entre le 18 juin et le 12 juillet 1996, Me McKenzie, du cabinet Bull, Housser & Tupper, a demandé à l'ingénieur de projet de B.C. Hydro, M. Blenkiron, " un rapport à servir aux fins contentieuses, lequel rapport doit aussi confirmer que le câble se trouve bien dans l'emprise de B.C. Hydro ". Celle-ci a interprété cette demande comme " nécessitant la documentation de l'emplacement du câble à l'intérieur du corridor de BCH et la chronologie des événements " (procès-verbal d'une réunion tenue le 12 juillet 1996, joint à un aide-mémoire en date du 16 juillet 1996).

[5]      B.C. Hydro a donc demandé à l'ingénieur de projet, M. Spink (qui a pris sa retraite depuis), de " préparer un rapport sur le remplacement pour archives et pour fins de contentieux ". Ce rapport, à l'égard duquel la demanderesse revendique le secret professionnel, est celui intitulé " Pender-Saturna Cable Fault (1996) ".

[6]      Afin de me prononcer sur la prétention au secret professionnel, je me suis fait communiquer un exemplaire de ce rapport, que j'ai lu. Vu l'aide-mémoire du 16 juillet 1996, le procès-verbal de la réunion tenue le vendredi précédent, le rapport sur la panne d'électricité du 17 juin 1996, et les factures qui ont été aussi communiquées aux défendeurs, ce rapport ne renferme guère de renseignements que ces derniers ne puissent se faire communiquer et rassembler eux-mêmes au stade de la communication des pièces et de l'interrogatoire préalable. Il est vrai que tout cela n'a guère à voir avec la question du secret professionnel, mais il ressort d'un examen de ce rapport qu'il n'était pas quelque chose de B.C. Hydro eût inévitablement produit pour son propre usage. Ainsi donc, s'il a été établi, pour reprendre les propres termes de B.C. Hydro, aussi " pour archives ", je ne pense pas que cette qualification exclue ipso facto la possibilité que, compte tenu de l'éventualité d'une action en justice, le rapport fût produit avec pour objectif principal de servir de base pour les consultations juridiques ou pour la préparation au litige éventuel.

ANALYSE

[7]      Les règles régissant le secret professionnel, y compris celui des rapports, ont été clairement exposées dans Jordan et al. c. Towns Marine Electronics Ltd. et al. (1996), 110 F.T.R. 22, confirmé sur appel par le juge Noël, (1996) 113 F.T.R. 226. Ainsi que l'a fait celui-ci dans les motifs de son jugement, je reproduirai ci-après plusieurs passages des motifs de l'ordonnance que j'ai rendue dans cette affaire :

     [19] Pour déterminer si un document est privilégié, la Cour a retenu le principe de l'objectif principal qui a été posé dans l'arrêt Waugh v. British Railway Board, [1980] A.C. 521. Dans cet arrêt, la Chambre des lords a adopté le point de vue du juge en chef Barwick, qui avait rédigé la décision des juges minoritaires de la Cour d'appel de l'Australie dans l'arrêt Grant v. Downs, (1976), 135 C.L.R. 674, à la page 677 :
         ["] est privilégié et ne doit pas être divulgué le document qui a été produit ou créé par son auteur ou par la personne ou l'autorité sous la direction particulière ou générale de laquelle il a été produit ou créé avec l'objectif principal de l'utiliser " ou d'utiliser son contenu " pour obtenir des conseils juridiques ou pour favoriser la conduite d'un procès qui, au moment de sa production, était raisonnablement envisagé.
     [20] Il faut concilier les intérêts divergents en présence dans le cadre de la communication préalable pour, d'une part, faire droit à la revendication de privilège invoquée par un plaideur lorsque les conditions applicables sont réunies et, d'autre part, reconnaître qu'il est dans l'intérêt de la justice de procéder à la communication la plus complète possible des documents pertinents qui sont susceptibles de jeter la lumière sur les questions en litige dans une affaire. Pour cette raison, la partie qui revendique un privilège doit respecter strictement le principe maintenant bien établi de l'objectif principal.
     [21] Il incombe à la partie qui revendique un privilège de prouver à la fois que l'objectif principal de la rédaction du rapport était de fournir celui-ci à l'avocat pour qu'il l'utilise dans le cadre d'un procès déjà en cours ou d'un procès qui était raisonnablement en vue ou qui était raisonnablement envisagé au moment de la production du document (voir, par exemple, Marubeni Corporation c. Gearbulk Ltd., (1986), 4 F.T.R. 265, Le " Philippine Victory ", (1992), 49 F.T.R. 211; British Columbia v. Bagbusters Pest Management , décision non publiée rendue par le protonotaire Chamberlist le 24 mars 1995 dans le dossier no 27740 du greffe de Prince George, et Armeco Construction Ltd. c. Canada, (1995), 83 F.T.R. 107, à la page 110).
     [22] La question du privilège dont bénéficient les rapports d'experts en sinistres a été examinée à fond par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt Shaughnessy Golf and Country Club. v. Uniguard Services Ltd., (1986) 1 B.C.L.R. (2d) 309. Il ressort de cet arrêt qu'il ne suffit pas de démontrer qu'un procès était raisonnablement en vue au moment où le document a été produit : la personne qui revendique le privilège doit également établir que l'objectif principal de la création du document était de communiquer celui-ci à l'avocat pour obtenir des conseils juridiques ou pour faciliter le déroulement du procès.

[8]      En l'espèce, comme dans la cause Jordan, on ne sait pas trop s'il faut dégager l'objectif principal de l'avis de certains responsables chez B.C. Hydro, qui ont demandé à l'ingénieur de projet de " préparer un rapport sur le remplacement pour archives et pour fins de contentieux ", de la légende figurant sur la couverture du rapport, qui dit : " Report prepared for Bull, Housser & Tupper " (Rapport préparé à l'intention du cabinet Bull, Housser & Tupper) ou du dessein des avocats de la demanderesse, le cabinet Bull, Housser & Tupper, qui demandaient " un rapport à servir aux fins contentieuses, lequel rapport doit aussi confirmer que le câble se trouve bien dans l'emprise de B.C. Hydro ". Dans Jordan , l'intention en question était celle de l'auteur des rapports visés par la revendication du secret professionnel, c'est-à-dire de l'enquêteur qui n'avait pas son mot à dire sur la décision de les communiquer aux avocats aux fins de consultation ou de représentation en justice. Je me suis donc référé, en page 30, au passage suivant du texte 1991 Supreme Court Practice (le Livre blanc), section 24/5/9, page 436 :

         " L'objectif principal d'un document n'est pas nécessairement déterminé en fonction de l'intention de son auteur effectif (Guinness Peat Properties v. Fitzroy Robinson Partnership , [1987] 1 W.L.R. 1027; [1987] 2 All E.R. 716 (C.A.). La personne en autorité sous la direction de laquelle un document est produit ou créé est, dans bien des cas, l'employeur de l'auteur du document; en pareil cas, il faut déterminer l'intention de l'employeur plutôt que l'intention de l'auteur seul (Waugh v. British Railway Board (précité); McAvan v. London Transport Executive, [1982] C.A. Transcript 498). Dans d'autres cas, un document peut être créé sur l'ordre de l'assureur (notamment comme condition de la police d'assurance d'une des parties à l'action). Il convient alors de se reporter à l'intention de l'assureur. "
     Les auteurs du livre blanc estiment donc que, si le rapport est commandé par un assureur, c'est l'intention de ce dernier qui est pertinente.
     [27] Le lord juge Slade a rédigé l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire Guinness Peat Ltd. v. Fitzroy Robinson, (1987), 1 W.L.R. 1027. À la page 1036, il fait remarquer que : [TRADUCTION] " il est de jurisprudence relativement constante que l'objectif principal d'un document ne doit pas nécessairement être déterminé en fonction de l'intention de la personne qui l'a effectivement rédigé ". Il cite ensuite diverses décisions, dont le jugement In Re Highgrade Traders Ltd. , [1984] B.C.L.C. 151, dans lequel le tribunal examine l'objectif que poursuivaient les assureurs en commandant les rapports, et non l'intention des auteurs des rapports eux-mêmes. Il conclut que l'objectif principal du document en question " doit être considéré objectivement au vu de l'ensemble de la preuve, en fonction surtout de l'intention des assureurs qui sont à l'origine de sa rédaction " (à la page 1037).

Il découle du passage ci-dessus que je dois considérer l'intention du cabinet Bull, Housser & Tupper, qui a commandé le rapport en question.

[9]      Ainsi que je l'ai noté dans Jordan, il faut parvenir à un juste équilibre entre la pleine divulgation et la reconnaissance des prétentions légitimes au secret professionnel; c'est pourquoi la Cour a défini et adopté le critère de l'objectif principal. J'ajouterais que si on venait à restreindre la portée de ce secret, comme semblent l'avoir fait certaines juridictions, au point qu'à part la consultation juridique, aucun renseignement communiqué aux avocats chargés du dossier contentieux ou recueilli par eux ne jouit d'aucune protection, ce serait un pas en arrière, qui ajouterait aux coûts des actions en justice.

[10]      L'avocat des défendeurs soutient dans ses conclusions écrites que la communication de ce rapport s'impose, puisqu'il concerne directement l'affaire, qu'il jettera la lumière sur l'incident, et qu'il permettra aux défendeurs de vérifier le bien-fondé de la réclamation et de défendre comme il convient à l'action éventuelle. Cet argument ne fera pas plus avancer la demande de communication, car le critère de la communication d'un document visé par la revendication du secret professionnel n'est pas celui de l'utilité pour la partie adverse. Qui plus est, comme déjà noté supra, il n'y a rien ou presque dans le rapport que les défendeurs ne puissent établir eux-mêmes au moyen d'un interrogatoire préalable détaillé et méthodique.

[11]      L'avocat des défendeurs cite encore un autre précédent. Dans Le Philippine Victory (1992), 49 F.T.R. 211, le juge Teitelbaum était saisi de rapports d'expertise établis dans le cours normal de l'instruction de réclamations d'avarie après le déchargement de la cargaison. Il s'agit là d'une situation tout à fait différente de ce qui se passe en l'espèce, où le rapport a été commandé par les avocats chargés du dossier.

[12]      Dans Le Philippine Victory, le juge Teitelbaum, qui s'attachait aussi à la question de savoir si c'était en vue du procès que les rapports d'expertise avaient été établis, a évoqué la cause Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. McPhail's Equipment Company Ltd. (1977), 16 N.R. 295, dans laquelle la demanderesse, déterminée à exproprier la défenderesse, avait fait évaluer le terrain en question avant de consulter ses avocats. La Cour d'appel fédérale a conclu que l'évaluation n'était pas protégée par le secret professionnel, par ce motif qu'au moment où elle eut lieu, il n'y avait aucune éventualité raisonnable de procès, étant donné en particulier que les négociations de règlement n'avaient même pas commencé. En fait, l'évaluation avait été faite dans le contexte des prévisions budgétaires en vue de l'expropriation. La Cour a noté que rien n'indiquait que le service du contentieux de l'appelante était intervenu avant que l'expropriation ne fût déjà bien avancée. Au mieux, il y avait certaines indications que le CN considérait les expropriations comme potentiellement litigieuses, et la Cour a noté que si le CN faisait une offre au propriétaire, celui-ci pourrait fort bien l'accepter, ou encore l'offre déboucherait sur des négociations qui pourraient aboutir à un règlement, mais qu'" on ne pourrait parler de "raisonnable éventualité d'un procès" que si toutes les tentatives de règlement avaient échoué " (page 298).

[13]      À mon avis, une expropriation, comme dans C.N. c. McPhail's Equipment où le seul litige véritable portait sur la valeur du terrain, est très différente d'un accident maritime qui donne lieu à de nombreuses questions litigieuses, dont celle de la responsabilité civile, et où la partie lésée retient les services d'un avocat pour aller voir l'autre partie et demander un cautionnement réel. Dans ce contexte maritime, il y a toutes les raisons de s'attendre à un procès. En fait, on peut dire avec suffisamment d'assurance que très peu d'incidents touchant les câbles de transport d'électricité, les pipelines et autres équipements sous-marins de ce genre sont réglés à l'amiable sans que la justice ait à intervenir, ne serait-ce que pour forcer la constitution d'un cautionnement ou pour assurer un tribunal où chaque partie peut contester les prétentions de l'autre.

[14]      Ainsi que je l'ai fait observer dans Jordan v. Towns, il faut parvenir à un juste équilibre dans le processus de communication de documents pour faire droit aux revendications légitimes de secret tout en veillant à ne pas entraver la pleine divulgation propre à faire la lumière sur des points litigieux. En l'espèce, B.C Hydro ne peut faire valoir sa prétention au secret professionnel que si son cas tombe en plein dans le champ d'application de la règle de l'objectif principal.

[15]      Cette règle est évoquée supra dans le passage de l'ordonnance Jordan c. Towns Marine, qui rappelle le critère tel qu'il a été défini par la Chambre des lords dans Waugh v. British Railway Board, [1980] A.C. 521, pages 532 et 543 à 545. Dans cette cause, certains lords juges ont adopté, pour pierre de touche en matière de secret professionnel, le critère de l'objectif principal dégagé par la Cour d'appel d'Australie dans son arrêt Grant v. Downs (1976), 135 C.L.T. 674, page 677, et qui est moins restrictif que celui du seul objectif qui était généralement en vigueur jusque là. Voici encore une fois, pour plus de commodité, la définition du critère de l'objectif principal :

     est privilégié et ne doit pas être divulgué le document qui a été produit ou créé par son auteur ou par la personne ou l'autorité sous la direction particulière ou générale de laquelle il a été produit ou créé avec l'objectif principal de l'utiliser " ou d'utiliser son contenu " pour obtenir des conseils juridiques ou pour favoriser la conduite d'un procès qui, au moment de sa production, était raisonnablement envisagé. [Mise en italique ajoutée par lord Edmund-Davies de la Chambre des lords]

[16]      Il est clair que ce critère de l'objectif principal comporte deux conditions, l'une relative à l'objectif du rapport, l'autre étant la prévision ou possibilité raisonnable d'un procès au moment de la production de ce rapport.

[17]      En l'espèce, le rapport a été commandé ou suscité par les avocats du cabinet Bull, Housser & Tupper. Je suis convaincu que de leur point de vue, le but principal en était de servir d'outil de contentieux leur permettant de conseiller B.C. Hydro.

[18]      Pour examiner l'affaire au regard de ce critère de l'objectif principal, supposons un moment que le rapport en question fût, comme le pensait son auteur, l'ingénieur de projet de B.C. Hydro, qui semblait avoir reçu ses instructions de seconde ou de troisième main, un document à double objectif, " pour archives et pour fins de contentieux ". J'estime qu'une telle supposition est erronée, eu égard à la fois à la formulation de la demande émanant des avocats de B.C. Hydro et au procès-verbal de la réunion du 16 juillet 1996 de responsables de cette dernière, où il est indiqué que ce rapport a été établi à la demande de ses avocats. Mais quand bien même on accepterait cette supposition faite par l'ingénieur de projet sur instructions de son employeur, cela ne serait d'aucun secours pour les défendeurs, car le critère de l'objectif principal adopté par la Chambre des lords dans Waugh signifie que cet objectif principal peut être voulu soit par l'auteur du rapport soit par la personne qui l'a commandé. Il est évident qu'en commandant le rapport en question, les avocats entendaient principalement s'en servir comme outil en vue du litige à venir et comme base de consultation. Cependant, j'ai aussi conclu qu'en dépit de la qualification ambiguë employée par l'ingénieur de projet chez B.C. Hydro, la préparation du rapport avait pour objectif principal d'éclairer les avocats de cette dernière en vue du litige à venir. En effet, comme l'ont fait observer les compilateurs du Livre blanc, dans ce passage que j'ai cité supra :

     Dans d'autres cas, un document peut être créé sur l'ordre de l'assureur " Il convient alors de se reporter à l'intention de l'assureur.

C'est sans conteste ce que prescrivent la Cour d'appel d'Angleterre dans Guiness Peat Properties Ltd. v. Fitzroy Robinson Partnership, et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Re Highgrade Traders Ltd., supra. Ainsi que l'a fait observer le lord juge Slade dans Guiness Peat Properties en page 1037, l'objectif principal " doit être considéré objectivement au vu de l"ensemble de la preuve, en fonction surtout de l'intention des assureurs qui sont à l"origine de sa rédaction ". En l'espèce, ce sont les avocats de B.C. Hydro qui ont demandé la production du rapport en question : les avocats ont certainement au moins autant droit à la déférence que les assureurs. Donc, s'il y a quelque doute sur l'objectif principal qui se dégagerait des instructions données par B.C. Hydro à son ingénieur de projet d'une part, et l'objectif principal tel que le conçoivent les avocats de B.C. Hydro d'autre part, il est indubitable en l'espèce qu'à la lumière des éléments de preuve examinés objectivement, c'est l'intention de ces avocats qui doit compter. Cette conclusion, bien entendu, ne tranche pas tout à fait la question, car il faut aussi tenir compte du moment où le rapport a été établi.

[19]      Le second élément de ce critère veut qu'il y ait un litige en cours ou une éventualité raisonnable de procès au moment de la production du rapport. Dans McPhail's Equipment (supra) que citent les défendeurs, il n'y avait aucun litige en cours ni, même par un gros effort d'imagination, aucune éventualité raisonnable de litige, puisqu'il y aurait certainement des négociations de règlement pour commencer et qu'un procès ne serait au mieux qu'une possibilité découlant de l'expropriation dans le futur, au cas où les négociations n'aboutiraient pas. Voilà qui marque la différence entre l'arrêt McPhail's Equipment de la Cour d'appel et l'affaire en instance. Les faits de la cause citée étaient tels que les négociations étaient la norme et étaient prévisibles avant qu'on puisse envisager une possibilité de litige. La conclusion que les négociations, et non la contestation judiciaire, étaient la norme dans McPhail's Equipment différencie ce précédent du grand nombre de causes où il y a conformité avec critère de l'objectif principal, sans qu'aucun litige soit en cours.

[20]      En l'espèce, une contestation judiciaire était au moins une " éventualité raisonnable " au moment où le rapport fut commandé.

[21]      Les deux conditions du critère de l'objectif principal étant remplies en l'espèce, le rapport intitulé " Pender-Saturna Cable Fault (1996) Report " est protégé par le secret professionnel.

[22]      La demanderesse, qui l'a emporté, a droit aux dépens de la requête.

     Signé : John A. Hargrave

     ________________________________

     Protonotaire



Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-1194-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      British Columbia Hydro & Power Authority

                     c.

                     Le navire " CSL Cabo ", Cabo Shipping Inc., les propriétaires du navire " CSL Cabo ", CSL International Inc., et toutes les autres personnes ayant un droit sur ce navire

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)


DATE DE L'AUDIENCE :      13 décembre 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE


LE :                      31 décembre 1999


ONT COMPARU :


M. Douglas G. Morrison              pour la demanderesse

M. Thomas S. Hawkins              pour les défendeurs


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Bull, Housser & Tupper              pour la demanderesse

Vancouver (C.-B.)

Campney & Murphy                  pour les défendeurs

Vancouver (C.-B.)

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