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                                                                                  Date : 20010517

                                                                       Dossier : IMM-3277-00

                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 500

ENTRE :

                                         BI LIAN CHEN

                                                                                       demanderesse

                                                     

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION


[1]    Bi Lian Chen (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié, Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 30 mai 2000. Par cette décision, la Commission a conclu que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

LES FAITS

[2]    La demanderesse est une citoyenne de la Chine. Elle revendique le statut de réfugié au motif d'une crainte fondée de persécution par le gouvernement chinois du fait de sa religion.

[3]    La demanderesse soutient être une adepte de la religion Tian Dao. Elle a décrit cette religion comme étant un assemblage de cinq religions, savoir le bouddhisme, le daoïsme, la chrétienté, l'islam et une « nouvelle » religion, qui est peut-être le confucianisme[1]. Elle déclare avoir été initiée à cette religion en avril 1998. Elle prétend que, suite à une distribution de tracts portant sur cette religion en juin 1999, le Bureau de la sécurité publique (le BSP) a arrêté un de ses coreligionnaires. Elle déclare que le BSP la recherchait et qu'il lui avait adressé une sommation.

[4]    La demanderesse déclare qu'elle craint pour sa sécurité, ainsi que pour sa capacité à pratiquer librement sa religion, si elle doit retourner en Chine.


[5]                La Commission a conclu de façon négative quant à la crédibilité de la demanderesse, se fondant surtout sur son comportement durant l'audience. La Commission a conclu qu'elle n'était pas en possession de renseignements fiables qui lui permettraient d'arriver à une conclusion positive face à la revendication de statut de réfugié au sens de la Convention présentée par la demanderesse.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]                La demanderesse soulève deux questions dans cette demande. Premièrement, elle soutient que la Commission a commis une erreur en accordant une trop grande importance à son comportement à l'audience. Deuxièmement, elle déclare que la Commission a commis une erreur en n'évaluant pas si elle est en fait une adepte de Tian Dao.

LE POINT DE VUE DE LA DEMANDERESSE

[7]                La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en s'appuyant principalement sur son comportement durant l'audience pour justifier sa conclusion qu'elle n'était pas crédible. Subsidiairement, elle soutient que la Commission a commis une erreur de droit en ne présentant aucune conclusion quant à la question de savoir si elle était une adepte de la religion Tian Dao.


[8]                Selon la demanderesse, il s'agit d'une erreur susceptible de révision étant donné que sa revendication de statut de réfugié au sens de la Convention est fondée sur la persécution du fait de sa religion. En l'absence d'une conclusion qu'elle est une adepte de la religion Tian Dao, la demanderesse soutient que la Commission n'a pas correctement évalué la portée de la preuve afin d'arriver à une conclusion de fait qui devait servir de fondement à l'évaluation de sa crainte d'être persécutée.

LE POINT DE VUE DU DÉFENDEUR

[9]                Le défendeur soutient que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit, qu'elle a évalué la crédibilité de la demanderesse au vu des facteurs pertinents, y compris son comportement, et qu'elle est arrivée à une conclusion raisonnable qui devrait être confirmée par notre Cour.

[10]            De plus, le défendeur soutient que la conclusion de la Commission quant au manque de crédibilité général de la demanderesse permet de déduire que la Commission a rejeté la prétention de la demanderesse qu'elle est une adepte de la religion Tian Dao, même si elle n'est pas arrivée à une conclusion concrète à ce sujet.

[11]            Le défendeur cite la décision de Monsieur le juge Teitelbaum dans Yu c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] J.C.F. no 1043, sur laquelle il fonde son argument.


ANALYSE

[12]            Il est de commune renommée que l'évaluation de la crédibilité fait partie du mandat confié à la Commission dans son examen des revendications de statut de réfugié au sens de la Convention, et que le comportement est un facteur qui peut être évalué dans ce contexte : voir Mostajelin c. Canada, [1993] J.C.F. no 28 et Wen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] J.C.F. no 907.

[13]            Toutefois, selon moi la retenue judiciaire face aux conclusions quant à la crédibilité ne peut servir à excuser l'omission par la Commission de s'exprimer clairement au sujet d'une conclusion de fait essentielle. À ce sujet, je renvoie à la décision de Monsieur le juge Rothstein dans Chong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) C.F. 1re inst., IMM-3438-97, au paragraphe 4, où il déclare ceci :

Certes, je répugne à toucher à une décision fondée sur une conclusion de crédibilité; mais je ne suis pas convaincu qu'en l'espèce, le tribunal se soit penché sur la principale question dont il était saisi. Voir Wang c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (22 décembre 1997), Toronto IMM-250-97 (C.F. 1re inst.). Par mesure d'extrême prudence, j'estime que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et que l'affaire est renvoyée à un différent tribunal pour qu'il procède à un réexamen. Le nouveau tribunal devrait inclure dans sa détermination la question de savoir s'il croit que le demandeur était un catholique pratiquant en Chine et, dans l'affirmative, si cela lui créait des difficultés équivalant à de la persécution et s'il a, en conséquence, raison de craindre d'être persécuté.

[14]            L'avocat du défendeur soutient que cette décision est contraire à celle du juge Teitelbaum dans Yu, précité, et il me presse d'adopter Yu. Je ne suis pas de cet avis.


[15]            Selon moi, il est raisonnable de s'attendre à ce que la Commission s'exprime clairement quant aux questions essentielles soulevées par une revendication de statut de réfugié. En l'instance, la Commission ne pouvait conclure que la demanderesse avait une crainte fondée de persécution au motif de sa religion à moins d'arriver à la conclusion qu'elle était membre de cette religion. La Commission n'a pas traité de cette « question essentielle » dans ses motifs.

[16]            Par conséquent, bien que je reconnaisse le rôle de la Commission dans l'évaluation de la crédibilité, je conclus qu'en l'instance elle a commis une erreur en ne traitant pas d'une question essentielle qui lui était soumise, savoir le bien-fondé de la crainte de persécution de la demanderesse au motif de la religion.

[17]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée à une formation différente pour nouvelle décision, conformément à ces motifs.

[18]            Aucune question ne m'a été soumise pour certification.

                                        ORDONNANCE

[19]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée à une formation différente pour nouvelle décision, conformément à ces motifs.


[20]            Aucune question ne m'a été soumise pour certification.

« E. Heneghan »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 17 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :                                           IMM-3277-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        BI LIAN CHEN, demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION, défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MERCREDI 16 MAI 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE JEUDI 17 MAI 2001

ONT COMPARU

Mme Vania Campana                                         pour la demanderesse

M. Martin Anderson                                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Lewis & Associates                                           pour la demanderesse

290 est, rue Gerrard

Toronto (Ontario)

M5A 2G4

Morris Rosenberg                                              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada



[1] Dossier du tribunal, pages 176 et 177.

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