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Date : 20040402

Dossier : T-405-03

Référence : 2004 CF 513

Ottawa (Ontario), le 2 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                                NICK FORSCH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS, DOLORES NEILSON, BOB JACKSON et BARB LONG

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur, M. Nick Forsch, a présenté en vain sa candidature à un concours de dotation en personnel lancé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'Agence). Il demande le contrôle judiciaire de la décision d'un comité d'examen (le comité) créé conformément à la Politique sur les plaintes en matière de dotation de l'Agence qui a confirmé les résultats et refusé d'ordonner la divulgation de certains renseignements concernant les autres candidats. Il sollicite une ordonnance annulant la décision du comité et une ordonnance renvoyant sa plainte à un comité composé différemment pour nouvel examen.


CONTEXTE

[2]                Le 26 mars 2002, l'Agence a annoncé un concours de dotation pour des postes de coordonnateur des opérations régionales à Calgary et à New Westminster. Il était mentionné dans l'annonce du concours que les critères de sélection pour les postes de COR exigeaient une expérience « dans la prestation d'au moins deux programmes de l'Agence » .

[3]                Le processus de sélection comprenait trois étapes : un examen des curriculum vitae des candidats pour vérifier s'ils possédaient les qualifications minimales, un examen écrit et une entrevue. Le jury de sélection était composé de deux directeurs régionaux et d'un directeur des ressources humaines.

[4]                M. Forsch, un vétérinaire, s'est porté candidat au poste de COR. Seize candidats, dont M. Forsch, ont été invités à passer l'examen écrit. L'examen portait sur un cas hypothétique relié aux attributions d'un COR et les candidats devaient répondre à deux questions, qui avaient été conçues pour vérifier leur connaissance des procédures de l'Agence, des principaux intéressés dans ce domaine, du protocole de communication et leur compétence en communication.


[5]                Le jury de sélection a invité sept des seize candidats qui avaient passé l'examen à subir une entrevue. M. Forsch ne figurait pas parmi les sept candidats retenus pour l'étape de l'entrevue. Tous les participants au concours ont été informés des résultats le 2 août 2002. Trois candidats ont été choisis pour les postes de COR : Dolores Neilson, Bob Jackson et Barb Long. Ces personnes figurent en qualité de défenderesses, avec l'Agence, dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]                Le demandeur a posé certaines questions au sujet du concours de dotation et de l'expérience des candidats retenus dans un courriel daté du 20 août 2002 envoyé au directeur régional, Scott Acker, un membre du jury de sélection pour ce concours. M. Forsch a par la suite demandé une copie des demandes, des curriculum vitae et des examens des trois candidats reçus.

[7]                Le 4 septembre 2002, M. Acker a rencontré le demandeur pour parler de sa plainte. M. Acker a déposé un affidavit dans la présente instance. Il déclare dans son affidavit avoir indiqué au demandeur que la candidate retenue, Dolores Neilson, répondait manifestement aux exigences en matière d' « expérience » minimale pour le poste, étant donné qu'elle avait travaillé en qualité de coordonnatrice des opérations de secteur et qu'elle avait ainsi acquis de l'expérience dans plusieurs programmes de l'Agence. M. Acker a également informé le demandeur que Mme Neilson possédait de l'expérience dans le « programme 15 » , c'est-à-dire de l'expérience dans des fonctions de soutien à la prestation de programmes de l'Agence (aspects financiers, ressources humaines, communication et gestion administrative).


[8]                Dans une lettre datée du 10 septembre 2002, M. Acker a informé le demandeur qu'il était convaincu que les politiques de l'Agence en matière de dotation en personnel avaient été suivies, conformément aux valeurs et aux principes adoptés par l'Agence, pour la sélection des candidats retenus pour les postes de COR. En particulier, M. Acker a conclu que « les critères exigés en matière d'"expérience" avaient manifestement été appliqués de façon équitable et uniforme à tous les candidats » .

[9]                M. Acker a refusé de communiquer au demandeur les dossiers demandés, en déclarant qu'ils contenaient des données personnelles concernant l'éducation et les antécédents professionnels des candidats reçus et que leur divulgation constituerait une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P-21 (la Loi sur la protection des renseignements personnels). Un des trois candidats, M. Bob Jackson, a consenti à la divulgation des renseignements le concernant et M. Forsch a reçu des copies des documents concernant ce candidat.


[10]            Outre l'affidavit de M. Acker, le défendeur a déposé l'affidavit de Sylvie Tanguay, conseillère nationale principale, Service de dotation en personnel de l'Agence. Mme Tanguay explique dans son affidavit que le processus d'examen des plaintes en matière de dotation est régi par la Politique sur les plaintes en matière de dotation, approuvée par l'Agence le 21 juin 1999 (la « Politique » ) et qu'il comprend quatre étapes : la présentation d'une plainte au gestionnaire délégué, un entretien entre le gestionnaire et le plaignant, la transmission de la réponse écrite du gestionnaire au plaignant et si celui-ci n'est pas satisfait de la réponse, le renvoi de la plainte devant un comité interne d'examen. Le comité interne est le dernier recours prévu par l'Agence et celui-ci peut, notamment, rejeter la plainte ou ordonner au gestionnaire délégué de prendre les mesures correctives jugées appropriées. Le comité interne ne peut substituer sa propre opinion au sujet des qualifications de l'employé à celle de l'employeur (l'Agence), ni ordonner que l'Agence nomme une autre personne.

Le comité interne et la décision

[11]            Le comité interne a siégé les 13 et 29 décembre 2002. Le comité était composé de trois membres : des représentants de l'employeur et de l'unité de négociation et une tierce personne choisie par les deux autres. Avant l'audition, et également après la première séance, le représentant du demandeur a demandé au comité d'ordonner à l'Agence de communiquer les demandes des deux candidats choisis qui n'avaient pas consenti à cette divulgation, ainsi que les réponses qu'ils avaient fournies à l'examen et l'évaluation qu'a faite le jury de sélection de ces réponses, de façon à déterminer si les candidats retenus avaient l'expérience exigée pour le poste de COR.


[12]            Le comité a refusé d'ordonner la communication de ces documents, parce qu'il a estimé ne pas avoir le pouvoir de contester l'interprétation qu'avait faite le jury de sélection (c'est-à-dire M. Acker) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et qu'en outre, il n'avait pas le pouvoir d'ordonner la production de preuves. Le comité a également conclu à la page 11 de sa décision qu'étant donné qu'il n'exerçait pas une « fonction administrative quasi judiciaire, les règles de l'équité procédurale, telle que cette notion est utilisée dans le domaine du contrôle judiciaire, ne s'appliquaient aucunement à ses délibérations » .

[13]            Le comité a jugé que les candidats reçus se conformaient aux critères en matière d'expérience figurant dans l'annonce faite pour les postes de COR. Le comité a noté qu'il avait examiné les demandes présentées par les candidats reçus et qu'il était convaincu que ces candidats répondaient aux qualifications exigées pour les postes et qu'il était également convaincu que le jury de sélection avait utilisé la même définition de l'expérience requise pour tous les candidats, et ainsi procédé à une forme d'évaluation qui était à la fois équitable et raisonnable.

[14]            Le comité a décidé que le concours s'était correctement déroulé. Cependant, il a également recommandé que l'Agence revoie sa position au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Compte tenu de l'objet du processus de traitement des plaintes en matière de dotation, le comité a déclaré que l'Agence devait donner une interprétation large et libérale à la Loi sur la protection des renseignements personnels et que les renseignements demandés devraient être divulgués au cours des premières étapes de la procédure de plainte. Le comité a également recommandé que l'Agence informe les candidats à un concours du fait que certains renseignements personnels, touchant notamment les études et l'expérience, peuvent être divulgués au cours du processus de traitement des plaintes en matière de dotation.

[15]            Le représentant du demandeur à l'audience, M. David Riffel, déclare dans un affidavit déposé dans la présente instance que la divulgation des réponses données aux examens par les candidats reçus lui aurait permis d'évaluer si les réponses des candidats reçus avaient été notées de façon uniforme comparées à celles du demandeur, et aussi de façon non discriminatoire, équitable, et selon le mérite. M. Riffel affirme qu'il a déclaré à l'audience du comité que c'était là une des raisons pour lesquelles le demandeur avait demandé qu'on lui communique les réponses des candidats reçus.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]            1.          Quelle est la norme de contrôle applicable à la question de savoir si le comité a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir d'ordonner à l'Agence de divulguer des documents au demandeur? Cette décision était-elle fondée?

2.        Quelle est la norme de contrôle applicable à la question de savoir si le comité a commis une erreur lorsqu'il a décidé qu'il n'avait pas le pouvoir d'interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels? Cette décision était-elle fondée?


3.          Les principes de l'équité procédurale s'appliquent-ils au comité? Si oui, le comité a-t-il violé l'obligation d'agir équitablement lorsqu'il a refusé d'ordonner la production des renseignements utilisés par le jury de sélection et examinés par le comité à l'égard des candidats reçus?

POSITIONS DES PARTIES ET ANALYSE

[17]            La Loi constitutive de l'Agence est la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.C., 1997, ch. 6 (la Loi sur l'ACIA). L'article 13 de la Loi sur l'ACIA attribue à l'Agence le pouvoir d'embaucher des employés et de fixer leurs conditions d'emploi :


13 (1) Le président nomme les employés de l'Agence.

13 (1) The President has the authority to appoint the employees of the Agency.

(2) Le président fixe les conditions d'emploi des employés de l'Agence et leur assigne leurs fonctions.

(2) The President may set the terms and conditions of employment for employees of the Agency and assign duties to them.


[18]            L'article 12 de la Loi sur l'ACIA énonce que l'Agence est un employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (LRTFP) et en raison du pouvoir qu'attribue le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA à l'Agence en matière de nomination des employés, les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (LEFP) qui traitent de la nomination des fonctionnaires fédéraux ne s'appliquent pas à l'Agence : paragraphe 8(1) de la LEFP. L'Agence a élaboré une Politique sur les plaintes en matière de dotation qui établit un mécanisme de traitement des plaintes déposées par les personnes qui ne sont pas satisfaites des décisions de l'Agence en matière de dotation en personnel. Cette Politique a été adoptée dans l'exercice du large pouvoir de nomination des employés qu'accorde à l'Agence le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA.


1.          L'erreur qu'a faite le comité dans l'interprétation de ses pouvoirs

[19]            J'estime que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si le comité interne a correctement interprété ses pouvoirs en matière de divulgation est celle du bien-fondé de la décision. L'approche pragmatique et fonctionnelle enseigne que la Cour doit examiner quatre facteurs pour déterminer la norme de contrôle applicable à une décision administrative particulière : (1) l'existence d'une clause privative ou d'un droit d'appel prévu par la loi, (2) l'expertise du tribunal administratif par rapport à celle de la cour de révision pour ce qui est de la question en litige, (3) les objets de la loi en général et des dispositions en litige en particulier, (4) la nature de la question, question de droit, question de fait ou question mixte de droit et de fait. Voir Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.

[20]            Le demandeur soutient que cette question est régie par les principes de l'équité procédurale qui exigent que le décideur donne à chacune des parties la possibilité de présenter son point de vue et d'examiner les renseignements sur lesquels s'est fondé le décideur. D'après le demandeur, la divulgation des documents demandés devait être ordonnée si l'on voulait que les parties puissent participer utilement au processus, conformément aux principes de l'équité procédurale, tels qu'ils s'appliquaient dans ce contexte administratif particulier.


[21]            Le défendeur soutient que le comité n'a pas été créé par une loi, mais plutôt par une Politique et qu'il n'existe dans son cas ni clause privative ni droit d'appel prévu par une loi. La Politique indique toutefois que la décision du comité est la décision qui clôt le processus d'examen des plaintes. J'estime que ce facteur favorise l'intervention des tribunaux judiciaires.

[22]            Deuxièmement, le comité interne est composé de trois membres, choisis selon un processus particulier, conformément à la Politique, en raison des points de vue différents qu'ils apportent au processus d'examen des plaintes. La Politique énonce que le comité interne est composé d'un « gestionnaire de niveau 3 » de l'Agence, à savoir du gestionnaire délégué qui était responsable du processus de dotation visé par la plainte, d'un représentant de l'agent de négociation[1] et d'une personne choisie par les deux autres. Le défendeur soutient qu'un tel comité possède comparé aux tribunaux judiciaires une grande expertise dans le domaine des recours en matière de dotation. Le défendeur soutient également que la fonction qu'exerce le comité interne est de nature polycentrique, puisque celui-ci ne formule que des recommandations.


[23]            Le rôle du tribunal, tel qu'il est exposé dans la Politique elle-même et aussi dans le document de Questions et réponses, 1re édition : Politique sur les plaintes en matière de dotation de l'Agence (le document de Q & R) élaboré dans le but d'étayer et de compléter la Politique et de décrire les modalités de procédure et d'interprétation de la Politique, est de régler rapidement la plainte « par la concertation plutôt qu'en recourant à un processus d'examen et de décision qui ressemble à un tribunal » . Néanmoins, pour ce qui est de la première question en litige, à savoir l'interprétation des pouvoirs du comité, il ne paraît pas possible d'attribuer à ce comité une plus grande expertise que celle que possède la Cour et cela montre par conséquent qu'il n'y a pas lieu de faire preuve d'une retenue particulière à l'égard de ses décisions.

[24]            Troisièmement, la présente affaire porte sur une situation unique, étant donné que le tribunal administratif dont la décision est soumise à l'examen de la Cour n'est pas régi par des règles de nature législative mais doit plutôt son existence à une politique publique, créée et administrée par la volonté de l'employé, l'Agence, dans le cadre de son pouvoir de nommer ses employés que lui attribue le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA. Je ne souscris pas à l'argument du défendeur selon lequel le comité n'a pas été créé par une loi, étant donné qu'il a en fait été créé par les paragraphes 13(1) et (2) de la Loi sur l'ACIA.


[25]            Comme la Cour suprême du Canada l'a déclaré dans Pushpanathan, précité, au paragraphe 26, la question centrale de l'analyse de la norme de contrôle applicable consiste à dégager l'intention du législateur de la loi qui a créé le tribunal administratif dont la décision est attaquée. J'estime que l'intention législative que reflète le paragraphe 13(1) de la Loi sur l'ACIA est d'accorder à l'employeur, l'Agence, une grande latitude dans la façon dont elle nomme ses employés et traite les plaintes relatives à ces nominations. Ce paragraphe a pour effet de soustraire l'Agence à l'application des dispositions de la LEFP en matière de nomination. Le mécanisme de traitement des plaintes en matière de dotation, mis sur pied par la Politique, est la façon que l'Agence a choisie, de sa propre initiative, pour exercer ce contrôle et il convient donc de faire preuve de retenue à son égard.

[26]            Cependant, même l'Agence n'était pas tenue par la loi de créer ce comité, ni même d'adopter cette Politique, il demeure que c'est ce qu'elle a fait et il est normal de s'attendre à ce que l'Agence respecte ses propres lignes directrices. Comme cela est mentionné dans le document de Q et R à A.4-24 « En instaurant la "Politique sur les plaintes en matière de dotation", l'Agence a choisi de respecter les décisions des comités d'examen » .

[27]            Enfin, la nature de la question que soulève la première question en litige dans le présent examen concerne la compétence; le comité d'examen, mis sur pied conformément à la Politique et non pas à une disposition législative expresse, a-t-il le pouvoir d'ordonner la divulgation de documents? Il s'agit donc d'une question mixte de fait et de droit, étant donné qu'elle porte sur l'interprétation de la Politique, qui n'est pas une loi, et l'interprétation du rôle du comité dans le régime créé par l'Agence, tel qu'il a été créé conformément à la Loi sur l'ACIA. Ce facteur appelle à une retenue moindre de la part des tribunaux judiciaires.


[28]            Après avoir longuement réfléchi à cette question, j'estime que la décision qu'a prise le comité à l'égard de son pouvoir d'ordonner la divulgation de renseignements est mal fondée. Il est vrai que ce comité ne possède pas le pouvoir explicite, en vertu d'une disposition législative, d'ordonner cette divulgation, comme l'aurait un comité d'appel constitué aux termes de la LEFP, qui a le pouvoir de convoquer des témoins ou d'ordonner la production de documents, mais ce pouvoir existe, dans un sens général, en tant qu'élément des principes fondamentaux de l'équité procédurale. Comme je l'explique ci-dessous, j'estime que les principes de l'équité procédurale s'appliquent à ce comité, et que celui-ci a commis une erreur lorsqu'il a affirmé que ces principes ne jouaient aucun rôle dans ses délibérations.

[29]            J'en suis arrivé à cette conclusion en tenant compte du fait que ce comité ne possède pas de pouvoirs attribués par sa loi constitutive, étant donné que la Loi sur l'ACIA et la Politique ne mentionnent aucunement que le comité interne possède les pouvoirs énumérés dans la partie II de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. 1985, ch. I-11, comme c'est le cas, notamment, pour les comités d'appel créés en vertu de la LEFP (voir les articles 7.2 à 7.4 et 21 de la LEFP). Néanmoins, le pouvoir de veiller à ce que la personne qui participe à un processus prévoyant une audience et créé par une disposition législative générale (l'article 13 de la Loi sur l'ACIA) ait les moyens de connaître les preuves se rapportant à sa plainte, et sur lesquels l'employeur et le comité d'examen se fondent, existe en tant qu'élément de la common law en matière d'équité procédurale. La Politique reconnaît expressément que le comité d'examen doit respecter l'équité procédurale :


Le comité interne est régi par les règles d'équité en matière de procédure. Le comité a le devoir d'agir équitablement et l'obligation de prendre des décisions impartiales. Les intervenants ont le droit d'être entendus et d'entendre le cas de l'intervenant ou des autres intervenants. Le comité interne examine la plainte et peut recueillir les preuves (y compris les témoignages oraux s'il le juge nécessaire) qui sont requises afin de prendre une décision. Le comité interne peut obtenir toute information nécessaire du conseiller en ressources humaines en matière de politiques, procédures et pratiques de dotation. La décision du comité interne doit être fondée sur l'adhésion du processus aux politiques et valeurs en ressources humaines de l'Agence, et plus spécifiquement ses valeurs relatives à l'emploi.

[30]            De plus, le document de Q & R au paragraphe A.4-23 envisage le cas où « de nouvelles preuves » qui n'auraient pas été présentées à un stade antérieur du processus seraient déposées par la suite. Le document énonce que le comité doit décider si l'information est pertinente au règlement de la plainte et si elle l'est, il doit l'admettre. Dans ce cas, le comité « doit donner à l'autre partie à la plainte le temps et la possibilité d'examiner la preuve et d'y réagir » . J'estime que cet aspect renforce la conclusion selon laquelle le tribunal a le pouvoir d'ordonner la divulgation de preuves dans les affaires dont il est saisi.

2.          L'interprétation qu'a faite le comité de ses pouvoirs relatifs à la Loi sur la protection des renseignements personnels

[31]            La question qui porte sur la conclusion du tribunal selon laquelle il n'avait pas le pouvoir d'adopter « une interprétation juridiquement contraignante » de l'application qu'a faite le jury de sélection de la Loi sur la protection des renseignements personnels est une question mixte de fait et de droit. La Politique elle-même, qui n'est pas une loi, ni un fait, occupe donc une position médiane, et il convient de l'interpréter et d'analyser également la Loi sur la protection des renseignements personnels. En outre, il est possible d'affirmer que la Cour est plus experte sur ce point que le comité d'examen.

[32]            J'analyse les autres facteurs de l'approche pragmatique et fonctionnelle tout comme je l'ai fait pour la première question en litige. Par conséquent, j'en arrive à la conclusion que la décision qu'a prise le comité interne sur ce point est également visée par la norme du bien-fondé de la décision.

[33]            Le demandeur soutient que le comité a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir de renverser l'interprétation fournie par le jury de sélection selon laquelle la Loi sur la protection des renseignements personnels interdisait la divulgation des renseignements demandés, ni celui de formuler sa propre interprétation contraignante. Le demandeur cite les parties du document de Q & R traitant de la procédure utilisée par l'Agence pour répondre aux demandes de divulgation de renseignements et soutient que cela indique que la Loi sur la protection des renseignements personnels n'interdit pas au comité interne ni à l'Agence d'ordonner la divulgation de renseignements dans cette affaire.


[34]            Au cours des débats sur cette question, le demandeur a soutenu que l'article 7 de la Loi sur l'ACIA autorisait le président de l'Agence à déléguer son pouvoir à l'égard des demandes de divulgation présentées aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels aux gestionnaires de l'Agence et également, dans le cadre du processus de traitement des plaintes en matière de dotation, au comité mis sur pied pour examiner ces plaintes. Le défendeur soutient que le président n'a pas le pouvoir de divulguer des renseignements aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de déléguer cette fonction au comité interne. J'estime que l'argument du défendeur ne tient pas compte du fait que le président est considéré, aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels comme un « responsable d'institution fédérale » , en vertu des définitions d' « institution fédérale » et de « responsable d'institution fédérale » données dans cette Loi. En outre, le président de l'Agence figure également dans l'annexe I du Décret sur la désignation des responsables d'institutions fédérales (Loi sur la protection des renseignements personnels), TR/83-114, et ses modifications.

[35]            Je souscris à l'affirmation selon laquelle le président a le pouvoir, aux termes de l'article 7 de la Loi sur l'ACIA, de déléguer « à toute personne les attributions qui lui sont conférées sous le régime de la présente Loi ou de toute autre loi » , ce qui comprend le pouvoir de prendre des décisions à l'égard des demandes de divulgation pour les motifs énoncés dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le tribunal créé par la Politique adoptée par l'Agence a le pouvoir, conformément à cette Politique, d'examiner les décisions prises par les gestionnaires de l'Agence au cours d'un concours et d'une façon générale, l'utilisation du pouvoir délégué de prendre des décisions, aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels, relatives à des demandes de divulgation de renseignements.

[36]            La réparation que le comité peut accorder est exposée de la façon suivante dans la Politique :


Le comité interne doit répondre au plaignant par écrit dans les trente (30) jours suivant la réception de la plainte. Le comité interne peut ordonner au gestionnaire délégué de prendre les mesures correctrices jugées appropriées et sous l'autorité de l'Agence. Le comité ne peut pas substituer son évaluation des qualités des employés ni diriger la nomination d'une autre personne. Néanmoins, il peut recommander l'annulation de la nomination qui a donné lieu à la plainte. Si des problèmes surgissent pendant la mise en application de la décision du comité, celui-ci peut faire des recommandations appropriées au Président.

[Non souligné dans l'original]

[37]            Le document de Q & R précise ainsi les pouvoirs que possède le comité dans ce domaine :

Q. 4-24 Quels sont les pouvoirs ou les limites du comité d'examen dans sa réponse à une plainte?

R. 4-24 Le mandat du comité d'examen est décrit dans la Politique. Ainsi, il est habilité à déterminer si le processus de dotation et la décision qui en découle respectent les valeurs et les politiques de l'Agence. Il peut enjoindre le gestionnaire délégué à prendre les mesures correctives qu'il juge appropriées et qui se situent dans les limites des pouvoirs de l'Agence. Le comité ne peut pas imposer son opinion sur les compétences des employés ou ordonner la nomination d'une autre personne. Il peut toutefois recommander que soit annulée la nomination ayant donné lieu à la plainte. Comme il s'agit d'une politique administrative et non d'une exigence juridique, les décisions du comité n'ont aucune force de loi. En instaurant la Politique sur les plaintes en matière de dotation, l'Agence a choisi de respecter les décisions des comités d'examen.

[Non souligné dans l'original]

[38]            Le comité a conclu qu'il n'avait pas le pouvoir de modifier la décision qu'avait prise l'Agence de ne pas divulguer les renseignements concernant les candidats reçus, qualifiés par l'Agence de « renseignements personnels » au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le comité a formulé de la façon suivante ses conclusions sur ce point :

[traduction] ... il n'existe aucune base légale ou réglementaire qui permettrait à ce comité de soustraire l'Agence aux obligations que lui impose, en qualité d'institution gouvernementale, la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le processus de traitement des plaintes en matière de dotation prévu par la Politique adoptée par l'Agence ne peut se comparer, par exemple, avec le processus d'appel prévu par le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique qui crée des exceptions précises aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le paragraphe 26.(1) de ce Règlement se lit :


L'appelant a accès sur demande à l'information, notamment tout document, le concernant ou concernant le candidat reçu et qui est susceptible d'être communiqué au comité d'appel.

La Loi sur la protection des renseignements personnels, appliquée parallèlement au Règlement, accorde le pouvoir de divulguer les renseignements personnels concernant une nomination effectuée aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Le comité ne possède pas de pouvoir légal équivalent.

Le comité estime qu'il n'a pas le pouvoir de formuler une interprétation juridiquement contraignante de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de passer outre aux dispositions de cette Loi ni d'autoriser l'Agence à se soustraire aux obligations découlant de cette Loi. Le comité n'a pas non plus le pouvoir d'ordonner la divulgation de renseignements.

[39]            J'estime que la conclusion du tribunal selon laquelle la Politique ne l'autorise pas à interpréter la Loi sur la protection des renseignements personnels est mal fondée, étant donné qu'il aurait pu, et aurait dû, en tant qu'organisme spécialisé mis sur pied pour élaborer des directives au sujet des mesures correctives que l'Agence devrait prendre pour mettre en oeuvre ses politiques en matière de dotation en personnel, analyser lui-même si le jury de sélection avait eu raison de refuser la demande de divulgation de renseignements présentée par le demandeur aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[40]            Le comité s'est en fait écarté de sa conclusion précédente selon laquelle il n'avait pas le pouvoir d'interpréter les décisions du jury de sélection relatives à la Loi sur la protection des renseignements personnels puisqu'il a en fait formulé certaines recommandations concernant l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels à la demande de divulgation de renseignements présentée par le demandeur. Il déclare à la page 10 de ses motifs :


[traduction] Le tribunal estime qu'en refusant de divulguer ces renseignements, l'Agence fait preuve d'une trop grande prudence. Nous reconnaissons qu'en l'absence de directives juridiques claires, la décision de divulguer des renseignements personnels se rapportant à une plainte exige que l'on pose un jugement. Cependant, lorsqu'une plainte soulève des questions touchant des renseignements concernant un candidat, il semble raisonnable, de l'avis du comité, d'interpréter libéralement la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[41]            À la page 12 de ses motifs, le comité conclut de la façon suivante une de ses trois recommandations finales :

[traduction] 3. Que l'Agence réexamine sa position à l'égard de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le comité estime que compte tenu des buts du processus de traitement des plaintes, il conviendrait de donner à la Loi sur la protection des renseignements personnels une interprétation large et libérale et que les renseignements demandés soient divulgués au cours des premières étapes de la procédure d'examen des plaintes. Les candidats pourraient être avisés que les renseignements personnels touchant notamment l'éducation et l'expérience, risquent d'être divulgués au cours du processus de traitement des plaintes.

[42]            Le comité a commis une erreur lorsqu'il a décidé qu'il n'avait pas le pouvoir d'analyser et de fournir des directives à l'Agence à l'égard de l'interprétation et de l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, en ce qui concerne la situation particulière du demandeur. Comme le mentionne la Politique, le comité « peut ordonner » que l'Agence prenne des mesures correctrices. La Politique ne limite pas les aspects du processus de dotation en personnel que le comité peut prendre en considération.

[43]            Le défendeur a soutenu à l'audience que le pouvoir du comité d' « ordonner... des mesures correctrices » devait s'interpréter comme si le comité n'avait que le pouvoir d'émettre des directives pour l'avenir et qu'il ne pouvait interpréter lui-même la Loi sur la protection des renseignements personnels, ni ordonner la divulgation de renseignements dans le but de corriger une erreur commise au cours d'un processus de traitement d'une plainte particulière.


[44]            J'estime que l'expression « mesures correctives » que l'on retrouve dans la Politique n'a pas une portée aussi limitée et compte tenu du fait que le comité a été créé non seulement pour formuler des directives générales pour l'avenir mais également pour fournir des directives concernant des plaignants particuliers, si l'on interprétait les pouvoirs du comité comme le souhaite le défendeur, celui-ci ne disposerait pratiquement d'aucun pouvoir d' « ordonner » qu'une mesure soit prise à l'égard d'une plainte particulière. Cela va à l'encontre des termes utilisés dans la Politique qui indiquent que le tribunal peut uniquement « recommander » l'annulation de la nomination qui a donné lieu à la plainte. Si l'Agence avait eu l'intention de n'accorder au comité que le pouvoir de faire des recommandations institutionnelles, il aurait utilisé des termes explicites indiquant que le comité avait uniquement le pouvoir de faire des recommandations relatives à des mesures correctives générales.

[45]            En outre, le document de Q & R énonce qu'en établissant cette Politique, l'Agence a choisi de respecter les décisions des comités d'examen. Cela indique, d'après moi, que l'Agence considère que les recommandations et les directives du comité doivent jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de sa Politique en matière de dotation et de traitement des plaintes individuelles.


3.          Les principes de l'équité procédurale applicables dans ce contexte

[46]            Il est bien établi que la question de la norme de contrôle ne se pose pas lorsqu'il s'agit d'évaluer si le processus suivi par un tribunal administratif respecte les garanties et les mécanismes processuels qu'exige un contexte administratif particulier : voir Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, au paragraphe 74 et, d'une façon générale, Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653. Il est également bien établi que l'obligation d'agir de façon équitable s'impose à tous les décideurs administratifs dès qu'ils prennent des décisions qui touchent les droits, les privilèges ou les intérêts d'un individu, pourvu que cette décision ne soit pas de nature législative. Voir Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, Cardinal c. Directeur de l'Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 653 et Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.


[47]            La Politique est le mécanisme qu'a adopté l'employeur pour veiller à ce que les employés de l'Agence soient nommés de façon équitable et transparente (voir l'énoncé de politique ci-dessous). La Politique énonce que le comité interne « est régi par les règles d'équité en matière de procédure » et décrit les éléments fondamentaux de cette obligation. C'est la façon dont l'Agence a décidé d'agir pour exercer les pouvoirs que lui attribue l'article 13 de la Loi sur l'ACIA. J'estime que, compte tenu de ce qui précède et du fait que les intérêts du demandeur sont touchés par la décision du comité, ce contexte administratif donne naissance à l'obligation de respecter l'équité procédurale et le comité a commis une erreur lorsqu'il a jugé que l'équité procédurale n'avait « aucune place » dans ses délibérations.

La violation de l'équité procédurale

[48]            La conclusion selon laquelle les principes de l'équité procédurale s'appliquent à un contexte administratif ne règle pas la question, puisqu'il faut ensuite déterminer le contenu ou la portée de ces principes, par rapport au contexte administratif particulier. Je note tout d'abord les paroles de la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Baker, précité, aux paragraphes 21 et 22 et 28 :

L'existence de l'obligation d'équité, toutefois, ne détermine pas quelles exigences s'appliqueront dans des circonstances données. Comme je l'écrivais dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, « la notion d'équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » . Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l'obligation d'équité procédurale : Knight, aux pages 682 et 683; Cardinal, précité, à la page 654; Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, le juge Sopinka.

Bien que l'obligation d'équité soit souple et variable et qu'elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés, il est utile d'examiner les critères à appliquer pour définir les droits procéduraux requis par l'obligation d'équité dans des circonstances données...

... Les valeurs qui sous-tendent l'obligation d'équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d'un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

[49]            Dans Baker, précité, la Cour a ensuite présenté une liste non exhaustive de cinq facteurs qu'il convient de prendre en considération pour préciser le contenu de l'obligation d'équité dans un contexte administratif particulier :


(1) la nature de la décision et le processus suivi pour y parvenir; la mesure dans laquelle ce processus se rapproche du processus judiciaire est de nature à indiquer jusqu'à quel point ces principes directeurs devraient s'appliquer au processus administratif;

(2) la nature du régime législatif et les termes de la loi en vertu de laquelle agit l'organisme en question;

(3) l'importance de la décision pour la ou les personnes touchées par elle;

(4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;

(5) les choix de procédure faits par l'organisme lui-même.

[50]            Le demandeur soutient que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne peut l'emporter sur l'obligation qu'a le tribunal de suivre les règles de l'équité procédurale. Le demandeur invoque sur ce point l'arrêt H. c. R., [1986] 2 C.F. 71 (1re inst.).


[51]            Le demandeur soutient également que l'équité exigeait que les renseignements soient divulgués dans cette situation, que le jury de sélection a mal interprété la Loi sur la protection des renseignements personnels et que cette erreur aurait dû être corrigée par le comité interne. Selon le demandeur, l'alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels autorise la divulgation à un tiers de renseignements personnels lorsque ces renseignements concernent les fonctions ou le poste d'un individu. Étant donné que le demandeur demandait la divulgation des demandes présentées par les candidats reçus de façon à déterminer si ces derniers possédaient l'expérience requise pour les postes de COR, ces renseignements ne constituaient pas des « renseignements personnels » au sens de l'alinéa 3j). Le demandeur invoque sur ce point Canada (Commissaire à l'information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 R.C.S. 66.

[52]            Le demandeur cite les facteurs énumérés dans l'arrêt Baker et en particulier, le fait que la Politique énonce expressément que le comité applique les règles de l'équité procédurale, y compris le droit d'entendre le cas des autres intervenants. Pour plus de commodité, je reproduis à nouveau le passage de la Politique qui traite d'équité procédurale :

Le comité interne est régi par les règles d'équité en matière de procédure. Le comité a le devoir d'agir équitablement et l'obligation de prendre des décisions impartiales. Les intervenants ont le droit d'être entendus et d'entendre le cas de l'intervenant ou des autres intervenants. Le comité interne examine la plainte et peut recueillir les preuves (y compris les témoignages oraux s'il le juge nécessaire) qui sont requises afin de prendre une décision. Le comité interne peut obtenir toute information nécessaire du conseiller en ressources humaines en matière de politiques, procédures et pratiques de dotation. La décision du comité interne doit être fondée sur l'adhésion du processus aux politiques et valeurs en ressources humaines de l'Agence, et plus spécifiquement ses valeurs relatives à l'emploi.

[53]            On retrouve également dans l'énoncé de politique de la Politique cette référence aux « valeurs relatives à l'emploi » :

Énoncé de politique

La Politique de l'Agence comporte les caractéristiques suivantes :

- le programme de dotation doit respecter les valeurs de l'Agence relatives à l'emploi;

- les nominations seront fondées sur les valeurs de l'Agence relatives aux ressources humaines, plus spécifiquement ses valeurs relatives à l'emploi, et les processus de nomination seront équitables et transparents;

...


[54]            Pour ce qui est des renseignements demandés dans la présente affaire, je conclus que le jury de sélection et le comité interne par la suite ont décidé à tort que les demandes présentées par les candidats reçus ne pouvaient être divulguées aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En outre, le comité, ainsi que l'Agence dans les observations qu'elle a présentées dans la présente instance, ont commis une erreur en tenant pour acquis qu'il suffisait de dire à un candidat qu'un candidat reçu possédait l'expérience requise pour ne pas être tenu de donner au plaignant la possibilité d'examiner les renseignements sur lesquels repose cette affirmation et qui se rapportent à la plainte du demandeur. Cependant, pour ce qui est des réponses d'examen des candidats reçus, je juge que le comité était fondé à conclure que la divulgation de ces réponses d'examen ne concernait pas la plainte du demandeur et par conséquent, qu'il n'était pas nécessaire de les divulguer.


[55]            Le défendeur souligne qu'au cours du traitement de la plainte, le demandeur a été informé du fait que la candidate reçue, Dolores Neilson, possédait l'expérience requise et que cela démontre que la plainte déposée par le demandeur sur ce point avait reçu une réponse équitable. M. Acker déclare avoir parlé au demandeur de l'expérience que possédait Mme Neilson pendant leur entretien, une étape obligatoire du processus de traitement des plaintes qui est exposé dans la Politique. M. Acker expose également dans son affidavit qu'il a déclaré devant le comité que Mme Neilson possédait l'expérience minimale requise pour le poste de COR, étant donné qu'elle avait travaillé en qualité de coordonnatrice des opérations de secteur et qu'elle avait également de l'expérience à l'égard du « programme 15 » . M. Acker déclare que le demandeur n'a pas contesté ces affirmations, que ce soit au moment du traitement de la plainte ou au cours de l'audience du comité. Le comité a également reconnu ce fait, à la page 10 de ses motifs.

[56]            L'argument présenté par le défendeur sur ce point ne m'a pas convaincu du fait que les demandes présentées par les candidats reçus en vue d'obtenir les postes de COR a) constituaient des renseignements personnels qui ne pouvaient être divulgués parce que cette divulgation serait incompatible avec l'objet pour lequel ils avaient été obtenus, b) constituaient des renseignements dont certaines parties ne pouvaient être divulguées, et qu'il aurait fallu prélever les parties des documents qui contenaient des renseignements personnels non reliés aux attributions ou aux postes d'un candidat ou c) que ces renseignements n'étaient plus pertinents par le seul fait que l'employeur avait déclaré au demandeur que les autres candidats possédaient l'expérience requise. Le demandeur n'a pas contesté le fait que les candidats reçus possédaient l'expérience requise parce qu'il n'a pu prendre connaissance de ces renseignements en raison du refus de l'Agence de les divulguer.

[57]            Le document de Q & R décrit les avantages qu'offre la divulgation au plaignant des renseignements se rapportant à sa plainte. Ce document énonce ce qui suit au sujet du processus à suivre pour décider quels sont les renseignements qui peuvent être communiqués à un plaignant.

Q. 4-8 Quelle est la différence entre l'information dévoilée lors d'un entretien « postérieur à la sélection » et celle qui l'est pendant le processus de traitement d'une plainte en matière de dotation?

...


Lorsqu'une plainte a été déposée ou que des discussions ont été entamées au sujet des préoccupations qui ont trait à un processus de dotation et que le plaignant a exposé ses préoccupations, l'information tirée du processus de dotation qui est pertinente à ces préoccupations ne doit être fournie que dans le but de chercher à résoudre la plainte ainsi déposée. Les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels doivent être préalablement satisfaites avant le dévoile [sic] des renseignements. Ce dévoile [sic] d'information doit s'assurer que les parties à la plainte ont accès aux renseignements et aux documents pertinents en vue de faciliter les discussions et le règlement à une étape antérieure à l'audition par un comité d'examen. Grâce à cette information, les arguments présentés lors de l'audition témoigneront d'une bonne connaissance des faits et des questions en litige.

Q. 4-9 Quel type d'information peut être fourni à un plaignant?

R. 4-9 Il est possible de transmettre au plaignant toute l'information pertinente (documents réels) qui n'est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou qui ne compromettra pas de futurs processus de dotation si elle est divulguée.

Il faut tout d'abord déterminer si les renseignements demandés peuvent être dévoilés conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels (à savoir l'information personnelle d'autres gens), que l'usage est compatible avec les fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés. Par exemple, l'examen écrit d'un postulant utilisé pour l'évaluation des qualités du postulant pourrait être dévoilé pour revoir les qualités évaluées pour l'examen. Il faut ensuite déterminer si les renseignements demandés rencontrent les exigences de la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information en ce qui concerne la dévoile [sic]; la dernière question qu'on doit se poser sert à déterminer si les renseignements demandés sont pertinents à la plainte. La dévoile [sic] des renseignements concernant un examen écrit ne sera peut-être pas justifiée si l'objet de la plainte concerne des questions reliées à la présélection. Les renseignements peuvent être communiqués au plaignant d'une façon que l'Agence estimera appropriée. ... La façon dont cette information est fournie doit permettre de protéger raisonnablement les renseignements personnels concernant d'autres gens, tout en n'en restreignant pas de façon irraisonnable l'accès au plaignant.

...

[Non souligné dans l'original]


[58]            Il ressort clairement des explications fournies par l'Agence au sujet de sa politique que la procédure à suivre pour divulguer des renseignements à un plaignant comprend deux étapes. Tout d'abord, l'Agence doit examiner les documents demandés de façon à déterminer s'ils contiennent des « renseignements personnels » , tels que définis dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Si c'est le cas, l'Agence doit alors décider si la divulgation de ces renseignements serait compatible avec l'objet pour lequel ils ont été obtenus. Cette directive est conforme à l'alinéa 8(2)a) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Deuxièmement, il faut décider si les renseignements demandés se rapportent à la plainte.

[59]            L'Agence a mis sur pied ce processus pour déterminer si les documents demandés doivent être divulgués à un plaignant et a déclaré que les règles de l'équité procédurale devaient être respectées par le comité interne. Comme je l'ai décidé, le comité interne a mal utilisé ce processus. Le défendeur a noté à l'audience que l'effet de la décision sur M. Forsch ne pouvait être comparé à celui qu'a eu la décision sur le demandeur de l'affaire Baker, précitée, mais j'estime que la plainte a eu un effet certain sur le demandeur qui pense avoir peut-être perdu, de façon inéquitable, la possibilité d'obtenir une promotion au sein de l'Agence en participant au concours de COR.


[60]            Combiné au fait que la nature de la décision prise ne devait pas être de nature accusatoire et que le processus ne devait pas ressembler à un processus judiciaire, ces facteurs m'amènent à conclure que la décision du comité de ne pas divulguer les demandes présentées par les candidats reçus allait à l'encontre des principes de l'équité procédurale. Faute d'avoir pu obtenir ces renseignements, le demandeur n'a pas été en mesure de présenter sa plainte de façon complète et équitable et la divulgation de ces renseignements n'aurait pas porté atteinte au droit à la protection des renseignements personnels des candidats reçus comme le prévoit la Loi sur la protection des renseignements personnels, étant donné que l'Agence aurait pu fournir ces renseignements sans aller à l'encontre de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le fait que l'employeur et le comité aient examiné ces renseignements n'a pas pour effet de remédier à cette violation, étant donné que la participation du demandeur au processus a été compromise par le fait qu'il n'a pas été en mesure d'examiner lui-même la nature exacte de l'expérience que prétendaient posséder les candidats reçus. Ces renseignements étaient également pertinents à sa plainte en matière de dotation.

[61]            J'estime que la communication des demandes présentées par les candidats reçus dans le cadre du processus de traitement des plaintes est un objectif compatible avec l'objet pour lequel les renseignements ont été obtenus, à savoir, solliciter une nomination au sein de l'Agence en participant à un concours de dotation. Le jury de sélection aurait dû tenir compte de ce fait et divulguer les renseignements demandés. Les renseignements personnels se trouvant dans les demandes présentées par les candidats reçus qui ne concernaient pas leurs attributions et leurs fonctions antérieures pendant qu'ils étaient à l'emploi d'une « institution fédérale » au sens de la définition contenue dans la Loi sur la protection des renseignements personnels ne pouvaient être divulgués en vertu de l'alinéa 3j) de cette Loi : Canada c. GRC, précité, aux paragraphes 37 et 38. En outre, ces renseignements n'étaient pas pertinents à la plainte déposée par le demandeur. Par conséquent, ces renseignements auraient dû être prélevés des documents demandés.

[62]            Le comité a reconnu que la plainte du demandeur portait au départ sur le fait que les candidats reçus ne possédaient peut-être pas le type d'expérience requis mais a été ensuite axée sur le caractère raisonnable de la décision du jury de sélection d'accepter l'expérience relative au « programme 15 » . J'estime que cette conclusion ne modifie pas le fait que le demandeur aurait dû avoir la possibilité de voir les demandes relatives aux postes de COR présentées par les candidats reçus, étant donné qu'il avait contesté au départ que ces derniers possédaient l'expérience requise dans deux programmes de l'Agence.


[63]            En ce qui concerne la question de la divulgation des réponses fournies par les candidats reçus à l'examen et les notes d'évaluation préparées par le jury de sélection à ce sujet, je conclus, en me fondant sur les preuves au dossier, que le demandeur a prétendu pour la première fois à l'audience que l'examen n'avait pas été évalué de façon équitable ou uniforme et que ce motif ne faisait pas partie de sa plainte initiale, ni de la correspondance qui s'en est suivie avec le gestionnaire délégué. Le comité interne a tenu compte de ce fait et déclaré que sa plainte à l'égard de l'examen était fondée sur deux aspects seulement, les circonstances entourant le choix du moment où il a été invité à passer son examen et l'allégation selon laquelle les questions d'examen ne permettaient pas de vérifier adéquatement la connaissance qu'avaient les candidats des attributions des postes de COR. J'estime que l'équité procédurale n'exigeait pas que l'Agence ou le comité, conformément à la Politique, communique ces documents. Les réponses d'examen des autres candidats ne se rapportaient pas à la plainte initiale du demandeur qui avait été envoyée au comité et par conséquent, la conclusion à laquelle en est arrivé le tribunal au sujet de la pertinence des réponses des examens à la plainte n'a aucunement compromis la possibilité qu'avait M. Forsch de présenter ses arguments.

[64]            Le document de Q & R énonce que le comité ne doit pas accepter des preuves qui ne se rapportent pas à la plainte initiale. Ce document énonce ce qui suit :

Q. 4-23 Le comité devrait-il accepter de nouvelles preuves (que ce soit du plaignant ou du gestionnaire délégué) qui n'avaient pas été dévoilées ou discutées à des stades antérieurs du processus de traitement des plaintes?

R. 4-23       ...

Le comité doit se méfier de nouvelles preuves qui ne sont pas réellement pertinentes à la plainte initiale. Par exemple, si la plainte a surtout trait à des irrégularités qui auraient été commises dans l'application de tests dans le cadre d'un processus de dotation, on aura alors, aux étapes antérieures du processus de traitement de la plainte, surtout dévoilé et discuté d'éléments d'information concernant les tests. Lorsque siège le comité, si le plaignant désire présenter des preuves d'irrégularités censées être survenues dans la notation de l'entrevue, cela n'a rien à voir avec la plainte examinée même s'il l'information est pertinente au processus de dotation faisant l'objet de la plainte. Le comité devra alors refuser la preuve.

[Non souligné dans l'original]

[65]            Étant donné le choix qu'a fait l'Agence en matière de procédure et les larges pouvoirs que lui attribue la Loi sur l'ACIA en matière de nomination des employés, il n'est pas nécessaire de divulguer, dans le cadre de l'instance devant le comité interne, les renseignements qui ne se rapportent pas à la plainte pour respecter l'équité procédurale.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision du comité datée du 31 janvier 2003 est annulée et un comité différemment composé sera tenu d'examiner à nouveau la plainte du demandeur conformément à la directive suivante :

Dans un délai d'un mois de la présente ordonnance, et avant la nouvelle décision, l'Agence canadienne d'inspection des aliments divulguera au demandeur les demandes présentées par les candidats reçus au concours 02-CFIA-AB-CGY-C1-91, en prélevant les renseignements personnels qui ne sont pas reliés aux postes, attributions et responsabilités des candidats employés par une institution fédérale, au sens que donne à cette expression l'alinéa 3j) de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Les réponses d'examen des candidats reçus et l'évaluation de ces réponses par le jury de sélection ne seront pas divulguées au demandeur, étant donné qu'elles ne sont pas pertinentes à la plainte de celui-ci. Le demandeur a droit aux dépens.

                                                                         _ Richard G. Mosley _             

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-405-03

INTITULÉ :                            NICK FORSCH

ET

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 29 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :           LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Steven Welchner                                               POUR LE DEMANDEUR

Richard Casanova                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STEVEN WELCHNER                                    POUR LE DEMANDEUR

Nelligan O'Brien Payne LLP

Ottawa (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1] La Politique précise également la procédure à suivre pour choisir le deuxième membre du comité si le plaignant fait partie d'un groupe exclu ou non représenté.


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