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Date : 20031219

Dossier : T-66-02

Référence : 2003 CF 1503

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                              LINDA HIEBERT

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision (la décision) par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé, le 13 décembre 2001, la demande que Linda Hiebert (la demanderesse) avait faite pour obtenir une remise de pénalité conformément au paragraphe 3.3(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 1 (la Loi). La demanderesse présente également une demande en vue d'obtenir un jugement déclaratoire portant que les articles 124 et 127 de la Loi sont inconstitutionnels pour le motif que ces dispositions sont arbitraires et qu'elles constituent un déni de justice naturelle et une violation de l'article 7 de la Loi constitutionnelle de 1982.


CONTEXTE

[2]                En 1990, la demanderesse a acheté une entreprise d'importation de chemises d'apparat pour hommes de Hong Kong. Dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise, la demanderesse importait des vêtements à la suite de commandes spéciales de clients de la région de Winnipeg. Entre 1992 et 1997, la demanderesse a sous-évalué les chemises importées dans 79 cas. La valeur en douane de ces chemises s'élevait en tout à 266 677,54 $. Le montant impayé par suite des sous-évaluations s'élevait à 68 839,19 $.

[3]                Le 8 décembre 1997, le ministre a conclu que la demanderesse, par l'entremise de ses courtiers, avait sous-évalué les marchandises importées, de sorte qu'il a signifié un avis de confiscation compensatoire (l'avis) à la demanderesse en vertu de l'article 124 de la Loi. Une confiscation compensatoire est une procédure par laquelle, si la saisie des marchandises confisquées est problématique ou impossible, certaines sommes qui en tiennent lieu sont réclamées. Dans l'avis, on demandait à la demanderesse de verser 206 517,57 $.

[4]                Aucune pénalité n'a été établie à l'encontre de la demanderesse en vertu des articles 109.1, 109.11 ou 109.2 de la Loi.

[5]                Dans l'avis, le ministre informait la demanderesse que, pour qu'un examen puisse être effectué, il fallait lui présenter une demande conformément à l'article 129 de la Loi. L'article 129 de la Loi prévoit qu'une personne peut, dans les trente jours suivant la date de l'avis, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article 131. La demanderesse a présenté pareille demande.

[6]                La demanderesse note que, dans l'avis, le ministre n'indiquait pas que les pouvoirs qui lui étaient conférés en vertu de l'article 131 de la Loi à la suite d'une demande fondée sur l'article 129 ne comprennent pas le pouvoir de réviser le montant de la pénalité imposée en vertu de l'article 124 de la Loi.

[7]                La demanderesse a demandé plusieurs prorogations de délai en vue de présenter des observations dans le cadre de l'examen par le ministre de la décision prévue à l'article 131 de la Loi. Les observations de la demanderesse ont finalement été complétées le 1er juillet 2000.

[8]                La demanderesse, par l'entremise de son courtier, a présenté une demande conformément à l'article 129 pour que l'on procède au réexamen de la pénalité imposée en vertu de l'article 124 de la Loi.

[9]                Par la suite, à l'appui de la demande que le courtier avait faite, l'avocat de la demanderesse a présenté des observations au ministre et a demandé un réexamen du montant de la pénalité imposée le 8 décembre 1997.

[10]            Le 20 juillet 2001, le ministre a informé la demanderesse du rejet de sa demande. Le ministre a informé la demanderesse qu'elle pouvait en appeler devant la Cour fédérale conformément à l'article 135 de la Loi.

[11]            Le 23 octobre 2001, la demanderesse, conformément à l'avis de son avocat, a conclu que le quantum de la cotisation ne pouvait faire l'objet d'un appel devant la Cour fédérale en vertu de l'article 135. La demanderesse a donc présenté une demande au ministre en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi conformément à la politique d'équité et a demandé une réduction de la somme à payer en vertu de l'avis du 8 décembre 1997.

[12]            Le 13 décembre 2001, le représentant du ministre a informé la demanderesse que le ministre ne réduirait pas la somme à payer étant donné que, de l'avis du ministre, une confiscation compensatoire ne constituait pas une pénalité. La présente demande se rapporte à cette décision. Le ministre a encore une fois informé la demanderesse que sa décision pouvait uniquement faire l'objet d'un appel devant la Cour fédérale en vertu de l'article 135 de la Loi.


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[13]            Les dispositions pertinentes de la Déclaration canadienne des droits (S.C. 1960, ch. 44) sont ainsi libellées :


1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont existé et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son sexe :

1. It is hereby recognized and declared that in Canada there have existed and shall continue to exist without discrimination by reason of race, national origin, colour, religion or sex, the following human rights and fundamental freedoms, namely,

a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;

[...]

(a) the right of the individual to life, liberty, security of the person and enjoyment of property, and the right not to be deprived thereof except by due process of law;

...

2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme

[...]

2. Every law of Canada shall, unless it is expressly declared by an Act of the Parliament of Canada that it shall operate notwithstanding the Canadian Bill of Rights, be so construed and applied as not to abrogate, abridge or infringe or to authorize the abrogation, abridgment or infringement of any of the rights or freedoms herein recognized and declared, and in particular, no law of Canada shall be construed or applied so as to

...

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

(e) deprive a person of the right to a fair hearing in accordance with the principles of fundamental justice for the determination of his rights and obligations;


[14]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur les douanes, L.C. 1995 (2e suppl.), ch. 1 sont ainsi libellées :



3.3 (1) Le ministre ou l'agent qu'il charge de l'application du présent article peut, en tout temps, annuler tout ou partie des pénalités ou intérêts à payer par ailleurs par une personne en application de la présente loi, ou y renoncer.

3.3 (1) The Minister or any officer designated by the Minister for the purposes of this section may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable by a person under this Act.109.1 (1) Est passible d'une pénalité maximale de vingt-cinq mille dollars fixée par le ministre quiconque omet de se conformer à une disposition d'une loi ou d'un règlement, désignée par un règlement pris en vertu du paragraphe (3).

109.1 (1) Every person who fails to comply with any provision of an Act or a regulation designated by the regulations made under subsection (3) is liable to a penalty of not more than twenty-five thousand dollars, as the Minister may direct.

Défaut de se conformer

(2) Est passible d'une pénalité maximale de vingt-cinq mille dollars fixée par le ministre quiconque omet de se conformer à une condition d'un agrément octroyé en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes ou à une obligation prévue dans un engagement accepté en vertu de l'article 4.1.

Failure to comply

(2) Every person who fails to comply with any term or condition of a licence issued under this Act or the Customs Tariff or any obligation undertaken under section 4.1 is liable to a penalty of not more than twenty-five thousand dollars, as the Minister may direct.

Prescription par règlement

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

a) désigner toute disposition de la présente loi, du Tarif des douanes ou de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, ou de leurs règlements d'application;

Designation by regulation

(3) The Governor in Council may make regulations

(a) designating any provisions of this Act, the Customs Tariff or the Special Import Measures Act or of any regulation made under any of those Acts; and

b) formuler les descriptions abrégées des dispositions désignées en vertu de l'alinéa a) et prévoir l'utilisation de ces descriptions.

[...]

(b) establishing short-form descriptions of the provisions designated under paragraph (a) and providing for the use of those descriptions.

...

109.11 [Abrogé, 2001, ch. 25, art. 62]

Définition de « marchandises désignées »

109.2 (1) Pour l'application du présent article, « marchandises désignées » s'entend notamment des armes à feu, des armes, des munitions et des autres marchandises classées dans le Chapitre 93 de la liste des dispositions tarifaires de l'annexe du Tarif des douanes ou dans le no tarifaire 9898.00.00 de cette liste.

109.11 [Repealed, 2001, c. 25, s. 62]

Definition of "designated goods"

109.2 (1) In this section, "designated goods" includes firearms, weapons, ammunition and any other goods classified under Chapter 93 of the List of Tariff Provisions set out in the schedule to the Customs Tariff or under tariff item No. 9898.00.00 of that List.

Infraction liée à des produits du tabac ou à des marchandises désignées

Contravention relating to tobacco products and designated goods


Cotisation

109.3 (1) Les pénalités prévues aux articles 109.1 ou 109.2 peuvent être établies par l'agent. Le cas échéant, un avis écrit de cotisation concernant la pénalité est signifié à personne ou par courrier recommandé ou certifié par l'agent à la personne tenue de la payer.

Assessment

109.3 (1) A penalty to which a person is liable under section 109.1 or 109.2 may be assessed by an officer and, if an assessment is made, an officer shall serve on the person a written notice of that assessment by sending it by registered or certified mail or delivering it to the person.Restriction

(2) Une infraction à la présente loi, au Tarif des douanes, à la Loi sur les mesures spéciales d'importation ou à leurs règlements d'application ne peut faire l'objet à la fois de la pénalité prévue à l'article 109.1 et de celle prévue à l'article 109.2.

Limitation on assessment

(2) A person shall not be assessed penalties under both sections 109.1 and 109.2 in respect of the same contravention of this Act, the Customs Tariff or the Special Import Measures Act or the regulations made under those Acts.

Pénalité supplémentaire

(3) Une saisie effectuée en vertu de la présente loi ou l'avis réclamant un paiement en vertu de l'article 124 relativement à une infraction donnée à la présente loi ou à ses règlements d'application n'empêche pas l'établissement d'une pénalité en vertu du paragraphe (1) pour la même infraction.

Penalty in addition to other sanction

(3) An assessment under subsection (1) may be made in addition to a seizure under this Act or a demand for payment under section 124, in respect of the same contravention of this Act or the regulations.

Emploi de la description abrégée

(4) Pour caractériser une contravention, il suffit d'en reporter sur l'avis de cotisation la description abrégée visée à l'alinéa 109.1(3)b) ou toute autre description qui n'en diffère pas quant au fond.

[...]

Sufficiency of short-form description

(4) The use on a notice of assessment of a short-form description established under paragraph 109.1(3)(b) or of a description that deviates from that description without affecting its substance is sufficient for all purposes to describe the contravention.

...

110. (1) L'agent peut, s'il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises, saisir à titre de confiscation :

110. (1) An officer may, where he believes on reasonable grounds that this Act or the regulations have been contravened in respect of goods, seize as forfeit

a) les marchandises;

(a) the goods; or

b) les moyens de transport dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu'ils ont servi au transport de ces marchandises, lors ou à la suite de l'infraction.

(b) any conveyance that the officer believes on reasonable grounds was made use of in respect of the goods, whether at or after the time of the contravention.

Saisie des moyens de transport

(2) L'agent peut, s'il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait d'un moyen de transport ou des personnes se trouvant à son bord, le saisir à titre de confiscation.

Seizure of conveyances

(2) An officer may, where he believes on reasonable grounds that this Act or the regulations have been contravened in respect of a conveyance or in respect of persons transported by a conveyance, seize as forfeit the conveyance.


Saisie des moyens de preuve

(3) L'agent peut, s'il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements, saisir tous éléments dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu'ils peuvent servir de moyens de preuve de l'infraction.

Seizure of evidence

(3) An officer may, where he believes on reasonable grounds that this Act or the regulations have been contravened, seize anything that he believes on reasonable grounds will afford evidence in respect of the contravention.Avis de la saisie

(4) L'agent qui procède à la saisie-confiscation prévue au paragraphe (1) ou (2) prend les mesures convenables, eu égard aux circonstances, pour aviser de la saisie toute personne dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu'elle a le droit de présenter, à l'égard des biens saisis à titre de confiscation, la requête visée à l'article 138.

[...]

Notice of seizure

(4) An officer who seizes goods or a conveyance as forfeit under subsection (1) or (2) shall take such measures as are reasonable in the circumstances to give notice of the seizure to any person who the officer believes on reasonable grounds is entitled to make an application under section 138 in respect of the goods or conveyance.

...

123. La confiscation des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi, ou celle des sommes ou garanties qui en tiennent lieu, est définitive et n'est susceptible de révision, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 127.1 et 129.

123. The forfeiture of goods or conveyances seized under this Act or any money or security held as forfeit in lieu of such goods or conveyances is final and not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 127.1 and 129.

124. (1) L'agent qui croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la présente loi ou à ses règlements du fait de marchandises ou de moyens de transport peut, si on ne les trouve pas ou si leur saisie est problématique, réclamer par avis écrit au contrevenant :

124. (1) Where an officer believes on reasonable grounds that a person has contravened any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods or conveyance, the officer may, if the goods or conveyance is not found or if the seizure thereof would be impractical, serve a written notice on that person demanding payment of

a) soit le paiement du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

(a) an amount of money determined under subsection (2) or (3), as the case may be; or

b) soit le paiement du montant inférieur ordonné par le ministre.

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

(2) Pour l'application de l'alinéa (1)a), s'il s'agit de marchandises, le paiement que peut réclamer l'agent est celui du total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

(2) For the purpose of paragraph (1)(a), an officer may demand payment in respect of goods of an amount of money of a value equal to the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto

a) au moment de la signification de l'avis, si elles n'ont pas fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5) ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l'alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6);

(a) at the time the notice is served, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies; or


b) au moment où elles ont fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas.

(b) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case.(3) Pour l'application de l'alinéa (1)a), s'il s'agit de moyens de transport, le paiement que peut réclamer l'agent est celui de leur contre-valeur, déterminée par le ministre, au moment de la signification de l'avis.

(3) For the purpose of paragraph (1)(a), an officer may demand payment in respect of a conveyance of an amount of money of a value equal to the value of the conveyance at the time the notice is served, as determined by the Minister.

(4) Dans les cas où, pour les calculs visés au paragraphe (2), il est impossible d'établir la valeur en douane des marchandises, on peut y substituer leur valeur, déterminée par le ministre, au moment de la signification de l'avis.

(4) For the purpose of calculating the amount of money referred to in subsection (2), where the value for duty of goods cannot be ascertained, the value of the goods at the time the notice is served under subsection (1), as determined by the Minister, may be substituted for the value for duty thereof.

(4.1) Les articles 117 et 119 et le paragraphe (2) s'appliquent aux infractions à la présente loi ou aux règlements à l'égard de marchandises exportées ou sur le point de l'être, la mention de « valeur en douane des marchandises » valant mention de « valeur des marchandises » .

(4.1) Sections 117 and 119 and subsection (2) apply to a contravention of this Act or the regulations in respect of goods that have been or are about to be exported, except that the references to "value for duty of the goods" in those provisions are to be read as references to "value of the goods".

(4.2) Pour l'application du paragraphe (4.1), la valeur des marchandises est égale à l'ensemble de tous les paiements que l'acheteur a faits, ou s'est engagé à faire, au vendeur ou au profit de celui-ci à leur égard.

(4.2) For the purposes of subsection (4.1), the expression "value of the goods" means the total of all payments made or to be made by the purchaser of the goods to or for the benefit of the vendor.

(4.3) Dans le cas où il est impossible d'établir la valeur des marchandises en application du paragraphe (4.2), le ministre peut déterminer cette valeur.

(4.3) If the value of the goods cannot be determined under subsection (4.2), the Minister may determine that value.

(5) Il suffit, pour que l'avis prévu au paragraphe (1) soit considéré comme signifié, qu'il soit envoyé en recommandé à la dernière adresse connue du destinataire.

(5) Service of the notice referred to in subsection (1) is sufficient if it is sent by registered mail addressed to the person on whom it is to be served at his latest known address.

(6) Le destinataire de l'avis est tenu de payer, en plus de la somme mentionnée dans l'avis, des intérêts au taux réglementaire, calculés sur le solde impayé pour la période allant du lendemain de la signification de l'avis jusqu'au jour du paiement intégral de la somme. Toutefois, aucun intérêt n'est exigible si la somme est payée intégralement dans les trente jours suivant la date de l'avis.

[...]

(6) A person on whom a notice of ascertained forfeiture has been served shall pay, in addition to the amount set out in the notice, interest at the prescribed rate for the period beginning on the day after the notice was served and ending on the day the amount is paid in full, calculated on the outstanding balance. However, interest is not payable if the amount is paid in full within thirty days after the date of the notice.

...


127. La créance de Sa Majesté résultant d'un avis signifié en vertu de l'article 109.3 ou d'une réclamation effectuée en vertu de l'article 124 est définitive et n'est susceptible de révision, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 127.1 et 129.

127. The debt due to Her Majesty as a result of a notice served under section 109.3 or a demand under section 124 is final and not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 127.1 and 129.127.1 (1) Le ministre ou l'agent qu'il désigne pour l'application du présent article peut annuler une saisie faite en vertu de l'article 110, annuler ou réduire une pénalité établie en vertu de l'article 109.3 ou une somme réclamée en vertu de l'article 124 ou rembourser un montant reçu en vertu de l'un des articles 117 à 119, dans les trente jours suivant la saisie ou l'établissement de la pénalité ou la réclamation dans les cas suivants :

127.1 (1) The Minister, or any officer designated by the Minister for the purposes of this section, may cancel a seizure made under section 110, cancel or reduce a penalty assessed under section 109.3 or an amount demanded under section 124 or refund an amount received under any of sections 117 to 119 within thirty days after the seizure, assessment or demand, if

a) le ministre est convaincu qu'aucune infraction n'a été commise;

(a) the Minister is satisfied that there was no contravention; or

b) il y a eu infraction, mais le ministre est d'avis qu'une erreur a été commise concernant la somme établie, versée ou réclamée et que celle-ci doit être réduite.

(b) there was a contravention but the Minister considers that there was an error with respect to the amount assessed, collected, demanded or taken as security and that the amount should be reduced.

(2) La somme qui est remboursée à une personne en vertu de l'alinéa (1)a) est majorée des intérêts au taux réglementaire, calculés à compter du lendemain du jour du paiement de la somme par cette personne jusqu'à celui de son remboursement.

[...]

(2) If an amount is returned to a person under paragraph (1)(a), the person shall be given interest on that amount at the prescribed rate for the period beginning on the day after the amount was originally paid by that person and ending on the day it was returned.

...

129. (1) Les personnes ci-après peuvent, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie ou la signification de l'avis, en s'adressant par écrit, ou par tout autre moyen que le ministre juge indiqué, à l'agent qui a saisi les biens ou les moyens de transport ou a signifié ou fait signifier l'avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article131 :

129. (1) The following persons may, within ninety days after the date of a seizure or the service of a notice, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing, or by any other means satisfactory to the Minister, to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or closest to the place from where the notice was served:

a) celles entre les mains de qui ont été saisis des marchandises ou des moyens de transport en vertu de la présente loi;

(a) any person from whom goods or a conveyance is seized under this Act;

b) celles à qui appartiennent les marchandises ou les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

(b) any person who owns goods or a conveyance that is seized under this Act;

c) celles de qui ont été reçus les montants ou garanties prévus à l'article 117, 118 ou 119 concernant des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

(c) any person from whom money or security is received pursuant to section 117, 118 or 119 in respect of goods or a conveyance seized under this Act; or


d) celles à qui a été signifié l'avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

(d) any person on whom a notice is served under section 109.3 or 124.(2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu'elle l'a présentée.

[...]

(2) The burden of proof that notice was given under subsection (1) lies on the person claiming to have given the notice.

...

131. (1) Après l'expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l'espèce, les circonstances de l'affaire et décide si c'est valablement qu'a été retenu, selon le cas :

131. (1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

a) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

(a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

b) le motif d'utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction aux mêmes loi ou règlements, ou le motif de cette infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

(b) in the case of a conveyance seized or in respect of which a notice was served under section 124 on the ground that it was made use of in respect of goods in respect of which this Act or the regulations were contravened, whether the conveyance was made use of in that way and whether the Act or the regulations were so contravened; or

c) le motif de non-conformité aux paragraphes 109.1(1) ou (2) ou à une disposition désignée en vertu du paragraphe 109.1(3) pour justifier l'établissement d'une pénalité en vertu de l'article 109.3, peu importe s'il y a réellement eu non-conformité.

(c) in the case of a penalty assessed under section 109.3 against a person for failure to comply with subsection 109.1(1) or (2) or a provision that is designated under subsection 109.1(3), whether the person so failed to comply.

d) [Abrogé, 2001, ch. 25, art. 72]

(d) [Repealed, 2001, c. 25, s. 72]

(1.1) La personne à qui a été signifié un avis visé à l'article 130 peut aviser par écrit le ministre qu'elle ne produira pas de moyens de preuve en application de cet article et autoriser le ministre à rendre sans délai une décision sur la question.

(1.1) A person on whom a notice is served under section 130 may notify the Minister, in writing, that the person will not be furnishing evidence under that section and authorize the Minister to make a decision without delay in the matter.

(2) Dès qu'il a rendu sa décision, le ministre en signifie par écrit un avis détaillé à la personne qui en a fait la demande.

(2) The Minister shall, forthwith on making a decision under subsection (1), serve on the person who requested the decision a detailed written notice of the decision.


(3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n'est susceptible d'appel, de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

[...]

(3) The Minister's decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

...133. (1) Le ministre, s'il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d'infraction et, dans le cas des moyens de transport visés à l'alinéa 131(1)b), que les motifs d'utilisation ont été valablement retenus, peut, aux conditions qu'il fixe :

133. (1) Where the Minister decides, under paragraph 131(1)(a) or (b), that there has been a contravention of this Act or the regulations in respect of the goods or conveyance referred to in that paragraph, and, in the case of a conveyance referred to in paragraph 131(1)(b), that it was used in the manner described in that paragraph, the Minister may, subject to such terms and conditions as the Minister may determine,

a) restituer les marchandises ou les moyens de transport sur réception du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

(a) return the goods or conveyance on receipt of an amount of money of a value equal to an amount determined under subsection (2) or (3), as the case may be;

b) restituer toute fraction des montants ou garanties reçus;

(b) remit any portion of any money or security taken; and

c) réclamer, si nul montant n'a été versé ou nulle garantie donnée, ou s'il estime ces montant ou garantie insuffisants, le montant qu'il juge suffisant, à concurrence de celui déterminé conformément au paragraphe (4) ou (5), selon le cas.

(c) where the Minister considers that insufficient money or security was taken or where no money or security was received, demand such amount of money as he considers sufficient, not exceeding an amount determined under subsection (4) or (5), as the case may be.

(1.1) Le ministre, s'il décide en vertu de l'alinéa 131(1)c) que la personne ne s'est pas conformée, peut, aux conditions qu'il fixe :

(1.1) If the Minister decides under paragraph 131(1)(c) that the person failed to comply, the Minister may, subject to any terms and conditions that the Minister may determine,

a) remettre à la personne une portion de la pénalité établie en vertu de l'article 109.3;

(a) remit any portion of the penalty assessed under section 109.3; or

b) réclamer une somme supplémentaire.

(b) demand that an additional amount be paid.

Toutefois, la totalité de celle-ci et de la somme établie ne doit pas dépasser le montant maximal de la pénalité qui peut être établie en vertu de l'article 109.3.

If an additional amount is demanded, the total of the amount assessed and the additional amount may not exceed the maximum penalty that could be assessed under section 109.3.

(2) La restitution visée à l'alinéa (1)a) peut, s'il s'agit de marchandises, s'effectuer sur réception :

(2) Goods may be returned under paragraph (1)(a) on receipt of an amount of money of a value equal to

a) soit du total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

(a) the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto


(i) au moment de la saisie, si elles n'ont pas fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l'alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6),

(i) at the time of seizure, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies, or(ii) au moment où elles ont fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas;

(ii) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case; or

b) soit du montant inférieur que le ministre ordonne.

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

Restitution des moyens de transport

(3) La restitution visée à l'alinéa (1)a) peut, s'il s'agit de moyens de transport, s'effectuer sur réception :

Return of a conveyance under paragraph (1)(a)

(3) A conveyance may be returned under paragraph (1)(a) on receipt of an amount of money of a value equal to

a) soit de leur contre-valeur, déterminée par le ministre, au moment de la saisie;

(a) the value of the conveyance at the time of seizure, as determined by the Minister; or

b) soit du montant inférieur que celui-ci ordonne.

(b) such lesser amount as the Minister may direct.

Réclamation : marchandises

(4) Le montant susceptible d'être réclamé en vertu de l'alinéa (1)c) ne peut, s'il s'agit de marchandises, dépasser le total de leur valeur en douane et des droits éventuellement perçus sur elles, calculés au taux applicable :

Amount demanded in respect of goods under paragraph (1)(c)

(4) The amount of money that the Minister may demand under paragraph (1)(c) in respect of goods shall not exceed an amount equal to the aggregate of the value for duty of the goods and the amount of duties levied thereon, if any, calculated at the rates applicable thereto,

a) au moment de la saisie ou de la signification de l'avis prévu à l'article 124, si elles n'ont pas fait l'objet d'une déclaration en détail ou d'une déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), ou si elles sont passibles des droits ou droits supplémentaires prévus à l'alinéa 32.2(2)b) dans le cas visé au paragraphe 32.2(6);

(a) at the time of seizure or of service of the notice under section 124, if the goods have not been accounted for under subsection 32(1), (2) or (5) or if duties or additional duties have become due on the goods under paragraph 32.2(2)(b) in circumstances to which subsection 32.2(6) applies; or

b) au moment où elles ont fait l'objet de la déclaration en détail ou de la déclaration provisoire prévues au paragraphe 32(1), (2) ou (5), dans les autres cas.

(b) at the time the goods were accounted for under subsection 32(1), (2) or (5), in any other case.

Réclamation : moyens de transport

(5) Le montant susceptible d'être réclamé en vertu de l'alinéa (1)c) ne peut, s'il s'agit de moyens de transport, dépasser leur contre-valeur, déterminée par le ministre, au moment de la saisie ou de la signification de l'avis prévu à l'article 124.

Amount demanded in respect of conveyance under paragraph (1)(c)

(5) The amount of money that the Minister may demand under paragraph (1)(c) in respect of a conveyance shall not exceed an amount equal to the value of the conveyance at the time of seizure or of service of the notice under section 124, as determined by the Minister.


(6) Dans les cas où, pour les calculs visés au paragraphe (2) ou (4), il est impossible d'établir la valeur en douane des marchandises, on peut y substituer leur valeur, déterminée par le ministre, au moment de la saisie ou de la signification de l'avis prévu à l'article 124.

(6) For the purpose of calculating the amount of money referred to in subsection (2) or (4), where the value for duty of goods cannot be ascertained, the value of the goods at the time of seizure or of service of the notice under section 124, as determined by the Minister, may be substituted for the value for duty thereof.(7) Les personnes à qui une somme est réclamée en application des alinéas (1)c) ou (1.1)b) versent avec la somme réclamée des intérêts au taux réglementaire, calculés sur les arriérés pour la période commençant le lendemain de la signification de l'avis prévu au paragraphe 131(2) et se terminant le jour du paiement intégral de la somme. Toutefois, aucun intérêt n'est exigible si la pénalité est payée intégralement dans les trente jours suivant la signification de l'avis.

[...]

(7) If an amount of money is demanded under paragraph (1)(c) or (1.1)(b), the person to whom the demand is made shall pay the amount demanded together with interest at the prescribed rate for the period beginning on the day after the notice is served under subsection 131(2) and ending on the day the amount has been paid in full, calculated on the outstanding balance of the amount. However, interest is not payable if the amount demanded is paid in full within thirty days after the notice is served.

...

135. (1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

135. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

(2) La Loi sur la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.

(2) The Federal Court Act and the Federal Court Rules applicable to ordinary actions apply in respect of actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.


POINTS LITIGIEUX

[15]            La demanderesse soulève les questions suivantes :

[TRADUCTION] Le ministre a-t-il commis une erreur en refusant d'examiner la demande fondée sur l'équité que la demanderesse avait faite conformément au paragraphe 3.3(1) de la Loi?

Le ministre a-t-il agi sans avoir la compétence voulue, a-t-il outrepassé sa compétence, ou a-t-il par ailleurs refusé d'exercer sa compétence en refusant d'exercer son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 3.3(1) de la Loi?

En refusant d'examiner la question de la pénalité imposée en vertu de l'article 124 de la Loi, le ministre a-t-il agi de façon à ne pas observer un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu d'observer?

L'imposition de la pénalité par le ministre conformément à l'article 124 de la Loi était-elle arbitraire, violait-elle le droit à l'application régulière de la loi reconnu à la demanderesse et constituait-elle un déni de justice naturelle?


NORME DE CONTRÔLE

[16]            Dans l'arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] A.C.S. no 18, paragraphes 20 à 25, la Cour suprême du Canada a confirmé qu'il fallait appliquer la méthode pragmatique et fonctionnelle en examinant les décisions administratives. Il faut appliquer cette méthode comportant plusieurs facteurs afin de déterminer la norme de contrôle dans chaque cas où une décision administrative est examinée. Toutefois, en l'espèce, j'estime que les conclusions sont les mêmes, et ce, indépendamment de la norme de contrôle que l'on applique. J'apprécierai donc chaque question soulevée par la demanderesse par rapport à la norme de la décision correcte.

ANALYSE

Le ministre a-t-il commis une erreur en refusant d'examiner la demande fondée sur l'équité que la demanderesse avait faite en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi pour le motif qu'une confiscation compensatoire n'est pas une pénalité?


[17]            Le ministre a refusé d'examiner la demande fondée sur l'équité que la demanderesse avait faite en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi pour le motif qu'une confiscation compensatoire ne constitue pas une pénalité. La demanderesse soutient que tout montant établi par le ministre en sus du montant des droits qu'elle doit par ailleurs payer constitue une pénalité parce que le montant supplémentaire n'est pas un droit par ailleurs payable conformément aux dispositions du Tarif des douanes, ou des intérêts découlant du non-paiement de droits. La demanderesse affirme que toute somme établie en sus des droits à payer est une « sanction » imposée au contrevenant par le ministre en vertu de la Loi.

[18]            Le défendeur fait remarquer que le paragraphe 3.3(1) permet au ministre d'annuler une pénalité à payer par ailleurs par une personne en application de la Loi ou d'y renoncer. Par conséquent, la seule question dont la Cour est saisie est de savoir si une confiscation compensatoire est une pénalité au sens de la Loi. Le défendeur affirme que, dans la négative, le ministre a refusé à juste titre d'envisager d'annuler la confiscation compensatoire ou d'y renoncer, parce que le pouvoir discrétionnaire qu'il possède à cet égard est limité aux pénalités et intérêts payables en application de la Loi.

[19]            La demanderesse soutient que la Cour a dit que l'imposition d'une cotisation conformément au paragraphe 124(1) de la Loi constitue l'imposition d'une pénalité (ACL Canada Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national) (1993), 68 F.T.R. 180 (C.F. 1re inst.), page 187). La demanderesse soutient que le montant supplémentaire établi à son encontre en sus du montant établi en vertu du Tarif des douanes constitue donc une pénalité selon le sens commun ordinaire de ce terme.

[20]            La demanderesse souligne que la Loi ne définit pas le terme « pénalité » . La Cour doit donc examiner le sens clair de ce mot conformément à l'usage commun (Sullivan et Driedger, On The Construction of Statutes, 4e éd. (Toronto, Butterworths, 2002) page 20).

[21]            Le défendeur souligne que les marchandises sont confisquées à compter du moment où il y a infraction à la Loi. Aucun acte et aucune procédure n'est nécessaire pour qu'il y ait confiscation. La confiscation est simplement la conséquence juridique inévitable de la perpétration de l'infraction : R. c. Mason, [1935] R.C.S. 513, He c. Canada, [2000] A.C.F. no 93 (C.F. 1re inst.).

[22]            Le montant qu'un agent peut réclamer à la place des marchandises confisquées ne peut pas excéder la valeur en douane de ces marchandises, plus les droits levés sur ces marchandises. Ainsi, en l'espèce, la confiscation compensatoire ne pouvait pas excéder 335 516,73 $.

[23]            Le défendeur soutient qu'une confiscation compensatoire est définitive et peut uniquement être révisée de la façon prévue à l'article 129, et ce, parce que le législateur ne voulait clairement pas qu'une confiscation fasse l'objet d'un examen autrement que dans le contexte d'une demande fondée sur l'article 129 de la Loi.


[24]            Le défendeur souligne que la Loi prévoit expressément des pénalités aux articles 109.1, 109.11 (maintenant abrogé) et 109.2. Comme le terme « pénalité » le laisse entendre, ces pénalités sont une somme d'argent établie contre une personne pour la punir d'avoir violé la Loi. Ces pénalités peuvent être établies en plus de la saisie des marchandises confisquées. Seules ces pénalités peuvent faire l'objet d'un examen en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi.

[25]            Le défendeur fait remarquer qu'aux articles 127 et 127.1 de la Loi, une distinction est faite entre les avis prévus à l'article 124 et les pénalités établies en vertu des articles 109.1, 109.11 et 109.2, ce qui montre que le législateur voulait que les montants soient considérés comme étant de nature différente. Selon le défendeur, étant donné qu'une confiscation ne constitue pas une pénalité, mais qu'elle est plutôt la conséquence juridique inévitable de la perpétration d'une infraction, le ministre a eu raison de refuser d'appliquer le paragraphe 3.3(1) de la Loi à la confiscation compensatoire dont la demanderesse avait fait l'objet.

[26]            La demanderesse soutient que le ministre a eu tort de refuser d'exercer sa compétence en refusant d'examiner la demande fondée sur l'équité en vertu du paragraphe 3.3(1) et qu'il a porté atteinte à son pouvoir discrétionnaire en interprétant d'une façon erronée l'application du paragraphe 3.3(1). (Berthier c. Canada (Ministre du Travail) (2000), 190 F.T.R. 149 (C.F. 1re inst.), Stark c. Canada (Ministre du Revenu national) (1997), 213 N.R. 75 (C.A.F.).


[27]            Avec égards, je ne suis pas d'accord avec la demanderesse sur ce point. Le législateur manifeste clairement son intention dans le libellé et dans le régime de la Loi. L'article 127 fait clairement une distinction entre « une somme réclamée en vertu de l'article 124 » (c'est-à-dire une confiscation compensatoire) et les pénalités décrites dans les autres dispositions de la Loi.

[28]            La Loi prévoit également une façon distincte de traiter les montants relatifs aux confiscations compensatoires en cas de litige portant sur l'infraction ou sur le quantum. La chose se fait au moyen des articles 129, 131 et 133. L'article 133 confère clairement au ministre le pouvoir de rajuster tout montant établi au moyen d'une confiscation compensatoire.

[29]            Dans le contexte du régime prévu par la Loi à l'égard des pénalités et des autres paiements, le sens attribué au terme « pénalité » selon l'usage commun et les dictionnaires n'est pas particulièrement utile lorsqu'il s'agit d'apprécier l'intention du législateur. Dans ce cas-ci, le régime et le contexte législatifs fournissent une réponse plus convaincante.

[30]            La demanderesse a soutenu que dans la décision ACL Canada Inc., précitée, le juge MacKay était arrivé à une conclusion différente et avait décidé qu'une confiscation (ou la somme en tenant lieu) constituait de fait une pénalité. Cependant, l'examen de cette décision m'a convaincu que le juge MacKay n'a pas tiré cette conclusion. La distinction n'avait pas été invoquée devant lui dans cette affaire-là et la façon dont il a employé le mot « pénalité » n'avait rien à voir avec le contexte du paragraphe 3.3(1) de la Loi.

[31]            Cela étant, je conclus que le législateur voulait que les sommes établies en vertu de la procédure de confiscation compensatoire soient traitées au moyen des articles 129, 131 et 133 de la Loi et non au moyen du paragraphe 3.3(1).

[32]            Le ministre n'a commis aucune erreur susceptible de révision en informant la demanderesse de la chose.

[33]            Pour les mêmes motifs, je conclus que le ministre n'a pas agi sans avoir la compétence voulue, qu'il n'a pas outrepassé sa compétence et qu'il n'a pas par ailleurs refusé d'exercer la compétence qu'il possédait en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi à l'égard de la demande que la demanderesse avait faite.

Le ministre a-t-il commis une erreur en refusant d'examiner la question de la pénalité imposée en vertu de l'article 124 de la Loi du fait qu'il n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu d'observer?


[34]            La demanderesse soutient qu'étant donné que l'imposition de la pénalité visée à l'article 124 constitue en soi un acte arbitraire, le refus du ministre de réexaminer la décision qu'il a rendue à la suite de la demande qu'elle avait faite conformément au paragraphe 3.3(1) de la Loi, en l'absence d'un droit d'appel, avait pour effet de l'empêcher de se faire entendre à l'égard de l'imposition initiale de la pénalité et à l'égard de tout réexamen de cette décision.

[35]            La demanderesse soutient qu'en refusant de réexaminer l'imposition de la pénalité dans ce cas-ci, le ministre a omis d'observer les règles de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu d'observer.

[36]            Le défendeur affirme que l'argument invoqué par la demanderesse sur ce point est essentiellement que le ministre a arbitrairement établi une pénalité en vertu de l'article 124 et a ensuite refusé de réexaminer cette pénalité en vertu du paragraphe 3.3(1). Le défendeur note que l'argument de la demanderesse est qu'on ne lui a pas reconnu le droit de participer à la prise de la décision administrative, tant pour ce qui est de l'imposition initiale de la confiscation compensatoire que pour le réexamen de cette mesure. Toutefois, le défendeur soutient que je ne suis pas saisi de cette question dans la présente demande, qui porte uniquement sur la décision fondée sur le paragraphe 3.3(1), et que les assertions de la demanderesse sur ce point ne sont pas correctes.

[37]            La confiscation compensatoire n'est pas visée par l'examen, mais le défendeur souligne qu'elle n'a pas été imposée d'une façon arbitraire. La confiscation compensatoire a remplacé une confiscation réelle des marchandises. Or, ces marchandises ont été confisquées simplement parce qu'elles avaient été sous-évaluées.


[38]            La question de savoir si les marchandises devaient être confisquées a de fait été examinée. Le défendeur note qu'il a fallu deux ans et demi à la demanderesse pour compléter ses observations sur ce point et qu'un avocat a aidé la demanderesse tout au long du processus. Les observations de la demanderesse contenaient des références, la transcription de l'audience de détermination de la peine tenue par suite de l'accusation dont elle avait fait l'objet au criminel et divers autres documents et elles faisaient état de ses antécédents. La lettre du 20 juillet 2001 renfermant la décision du ministre sur ce point indique que les éléments fournis par la demanderesse ont été examinés. Le défendeur soutient que la demanderesse avait donc amplement eu la possibilité de participer à la prise de la décision et qu'elle y a de fait pris part.

[39]            Le défendeur affirme qu'en soutenant que l'imposition de la confiscation compensatoire était arbitraire et que l'omission de réexaminer la décision en vertu du paragraphe 3.3(1) va donc à l'encontre des règles de justice naturelle et d'équité procédurale, la demanderesse demande à la Cour de ne pas tenir compte du fait que le ministre a de fait examiné la question de l'imposition de la confiscation compensatoire en tenant compte de ses observations.


[40]            De plus, le défendeur souligne qu'au moment où le ministre a fait connaître la décision qu'il avait prise en vertu de l'article 131 de la Loi, il a également réclamé le paiement en vertu de l'article 133. Or, l'article 133 permet au ministre de déterminer si la somme versée par la demanderesse est insuffisante ou trop élevée, une fois qu'il a décidé qu'il y a eu infraction. Le montant qui peut être réclamé est limité à la valeur en douane des marchandises, plus les droits y afférents. Le défendeur soutient que la même restriction est prévue à l'article 124 de la Loi.

[41]            Le défendeur fait remarquer que le montant visé à l'article 133 est réclamé dans la lettre du 20 juillet 2001 du ministre, qui indique également que la documentation fournie par la demanderesse a été examinée.

[42]            Le défendeur affirme que la demanderesse ne peut donc pas maintenant affirmer que la confiscation compensatoire était arbitraire et qu'elle n'a fait l'objet d'aucun examen. La question de la confiscation et la question du montant réclamé à la place de la saisie des marchandises ont été examinées par le ministre dans le contexte de la décision fondée sur l'article 131 et de la réclamation fondée sur l'article 133.

[43]            La demanderesse, qu'un avocat aidait, a décidé de ne pas solliciter le contrôle judiciaire de la demande fondée sur l'article 133 et la confiscation compensatoire, la décision prise par le ministre en vertu de l'article 131 et la demande que le ministre a faite en vertu de l'article 133 ne sont pas ici en cause.


[44]            Encore une fois, je dois souscrire à l'avis du défendeur sur ce point. La requête de la demanderesse renferme une demande visant à faire déclarer inconstitutionnels les articles 124 et 127 de la Loi pour le motif que ces dispositions sont arbitraires, qu'elles constituent un déni de justice naturelle et qu'elles contreviennent à l'article 7 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, la seule décision du ministre dont la Cour est ici saisie est celle qui est [TRADUCTION] « datée du 13 décembre 2001, par laquelle la demande que la demanderesse a faite pour obtenir une remise de la pénalité établie conformément au paragraphe 3.3(1) de la Loi sur les douanes a été refusée » . Je ne dispose d'aucun élément de preuve et d'aucun argument portant sur d'autres décisions dont la demanderesse a fait l'objet.

[45]            L'argument véritable invoqué par la demanderesse dans ce cas-ci est qu'elle estime que les lettres du ministre l'ont induite en erreur et qu'elle a suivi des procédures qui ont empêché la prise d'une décision relative au quantum de la confiscation compensatoire. La demanderesse n'a jamais affirmé qu'elle n'avait pas contrevenu à la Loi; elle voulait simplement contester le montant de la cotisation et faire réexaminer la question. Elle a fait part de la chose au ministre et, à la suite de plusieurs décisions, elle a été avisée des droits qu'elle possédait en vertu de la Loi lorsqu'il s'agissait de faire examiner l'affaire. Toutefois, elle estime avoir été induite en erreur parce que les procédures d'examen sur lesquelles le ministre a attiré son attention ne pouvaient pas mener à un réexamen du montant de la cotisation, soit la seule question qui la préoccupait.

[46]            Dans l'avis, le ministre informait la demanderesse que la seule façon dont elle pouvait faire examiner l'affaire consistait à présenter une demande fondée sur l'article 129 de la Loi. La demanderesse n'a pas été informée que les pouvoirs conférés au ministre en vertu de l'article 131 de la Loi ne permettaient pas d'établir le montant.


[47]            Par conséquent, lorsque, par l'entremise de son courtier, la demanderesse a présenté une demande en vertu de l'article 129 en vue de faire réexaminer la question de la somme établie en vertu de l'article 124, la demande a été rejetée par le ministre, qui a ensuite informé la demanderesse qu'un appel pouvait être interjeté devant la Cour fédérale conformément à l'article 135 de la Loi. Cependant, le ministre n'a pas dit à la demanderesse que l'appel ne pouvait pas donner lieu à un examen de la question du quantum de la cotisation parce que, selon la jurisprudence de la Cour portant sur la disposition en cause, il n'était pas possible d'examiner la question du quantum.

[48]            C'est pourquoi la demanderesse a en fin de compte conclu qu'elle devait présenter une demande au ministre en vertu du paragraphe 3.3(1) de la Loi, accompagnée d'une demande visant l'application de la politique d'équité prévue par cette disposition relativement à la somme établie par la confiscation compensatoire.

[49]            Je sympathise certes avec le sentiment de frustration que la demanderesse éprouve à cet égard. Cependant, on ne saurait imputer au ministre le fait que la demanderesse ne comprenait pas la procédure qu'il convenait de suivre et je ne considère pas que les avis que le ministre a signifiés à la demanderesse prêtent à confusion à cet égard.

[50]            Je ne dispose d'aucun élément de preuve montrant que le ministre n'a pas tenu compte des observations et de la documentation présentées par la demanderesse au sujet de la question du quantum dans le cadre de la demande fondée sur l'article 131 et de la décision prise en vertu de l'article 133 au sujet de la somme que celle-ci doit payer. De fait, la décision du 20 juillet 2001 renferme une demande fondée sur l'article 133 et informe expressément la demanderesse que l'examen effectué par le ministre [TRADUCTION] « était fondé sur la documentation fournie ainsi que sur les rapports officiels de l'Agence » .

[51]            La demanderesse a toujours eu la faculté de demander des avis juridiques au sujet de la portée des renseignements et décisions obtenus du ministre. Le fait qu'elle n'a pas entièrement compris le régime de la loi, dans la mesure où il s'appliquait à son cas, ne l'aide pas dans la demande qu'elle présente maintenant en vue de faire examiner la décision du ministre en vertu du paragraphe 3.3(1) et le ministre n'a pas omis d'observer les règles de justice naturelle ou d'équité procédurale ou la procédure prévue par la loi.

L'imposition de la pénalité par le ministre conformément à l'article 124 de la Loi était-elle arbitraire, violait-elle le droit à l'application régulière de la loi reconnu à la demanderesse et constituait-elle un déni de justice naturelle?


[52]            La demanderesse affirme que la Loi ne prévoit aucun mécanisme permettant à la personne qui reçoit un avis de confiscation compensatoire de contester le montant des droits à payer ou un montant supplémentaire établi en vertu des paragraphes 124(2) et 124(4) de la Loi. Selon la demanderesse, la décision du ministre pourrait donc être excessive, l'État pouvant recevoir des sommes auxquelles il n'a pas le droit.

[53]            Selon la demanderesse, la chose a pour effet de rendre arbitraire la décision du ministre parce que, si le montant des droits à payer ou la valeur des marchandises sont erronément calculés, les personnes qui reçoivent un avis ne sont pas en mesure en vertu de la Loi de s'assurer que le montant à payer est licite.

[54]            La demanderesse affirme en outre que le pouvoir du ministre de déterminer le montant de la pénalité conformément au paragraphe 124(1) de la Loi est arbitraire dans la mesure où le ministre peut imposer le montant qu'il estime indiqué comme pénalité sans avoir recours à quelque disposition de la Loi ou d'un règlement applicable.

[55]            La demanderesse soutient que l'article 127 de la Loi empêche tout appel à part celui qui est prescrit à l'article 129 de la Loi et que l'article 129 ne prévoit aucun appel de la décision prise par le ministre au sujet du montant imposé en vertu de l'article 124.


[56]            La demanderesse déclare qu'un appel fondé sur l'article 129 de la Loi est examiné par le ministre en vertu de l'article 131, qui permet à celui-ci de déterminer s'il y a eu infraction à la Loi, mais qui ne confère aucun pouvoir discrétionnaire au sujet du quantum de la réclamation qui est faite conformément à l'article 124 (ACL Canada Inc., précité, pages 197 et 199).

[57]            La position du défendeur est que le caractère arbitraire d'une décision n'est pas en cause. Une fois qu'il y a eu infraction à la Loi, les marchandises sont confisquées et, au lieu de saisir les marchandises, le ministre peut procéder à une confiscation compensatoire, le montant ne devant pas excéder la valeur en douane des marchandises, plus les droits à payer à cet égard. La question de savoir si les marchandises sont de fait confisquées donne lieu à un examen ministériel en vertu de l'article 131. Avec cet examen, le ministre détermine si la somme qui a été versée à l'égard d'une confiscation compensatoire est trop faible ou trop élevée. En l'espèce, le ministre a pris les décisions en vertu des articles 131 et 133 après avoir tenu compte des longues observations de la demanderesse.

[58]            Le défendeur signale qu'en fait, l'article 133 de la Loi prévoit un mécanisme permettant au ministre de s'assurer qu'aucune erreur de calcul n'a été commise. En outre, au cas où il subsisterait certains doutes, le défendeur souligne que les modifications récemment apportées à la Loi prévoient un examen du calcul de tout montant établi, versé ou réclamé.


[59]            La demanderesse soutient qu'étant donné qu'un appel fondé sur l'article 131 ne permet pas d'accorder une réparation à la partie qui demande l'examen du quantum, d'une pénalité, l'imposition de cette pénalité, en l'absence d'un examen prévu par la loi ou par un règlement, est en soi arbitraire. De plus, la demanderesse soutient que le pouvoir d'imposer une pénalité, dont le quantum peut être déterminé unilatéralement par le ministre sans qu'il existe de droit d'appel, viole les dispositions de la Déclaration canadienne des droits relatives à l' « application régulière de la loi » .

[60]            En se fondant sur l'arrêt R. c. Drybones, [1970] R.C.S. 282, page 294, la demanderesse soutient en outre que les tribunaux judiciaires ont statué que les dispositions législatives qui violent la Déclaration des droits emportent les conséquences ci-après énoncées :

[L]'art. 2 veut dire, et signifie effectivement que, si une loi du Canada ne peut être « raisonnablement interprétée et appliquée » sans supprimer, restreindre ou enfreindre un des droits ou libertés reconnus et proclamés dans la Déclaration, une telle loi est inopérante « à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits » .


[61]            Or, le jugement majoritaire rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Drybones, précitée, reposait sur des circonstances fort différentes de celles qui sont ici présentes. L'arrêt Drybones, précité, était fondé sur le principe selon lequel une personne est privée de l'égalité devant la loi, si pour elle, à cause de sa race, un acte qui, pour ses concitoyens canadiens, n'est pas une infraction et n'appelle aucune sanction devient une infraction punissable en justice. L'arrêt Drybones, précité, portait sur l'alinéa 94b) de la Loi sur les Indiens, qui, selon ce qu'il avait été jugé, créait une telle infraction. Dans l'arrêt Drybones, précité, il a été statué que l'alinéa 94b) de la Loi sur les Indiens pouvait uniquement être interprété de façon que son application supprime, restreigne ou enfreigne l'un des droits déclarés et reconnus dans la Déclaration canadienne des droits. L'alinéa 94b) de la Loi sur les Indiens a donc été jugé inopérant.

[62]            Dans l'arrêt Bear c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 96 (C.A.F.) (demande d'autorisation de pourvoi rejetée par la Cour suprême du Canada [2003] A.C.S. no 115), la Cour d'appel fédérale a noté, en ce qui concerne l'alinéa b) de l'article premier de la Déclaration des droits, que l'arrêt Drybones, précité, s'appliquait d'une façon restreinte aux questions d'égalité dans l'administration de la loi. Comme le juge Strayer l'a dit au nom de la Cour :


[39]          En toute déférence, j'estime que les arrêts que la Cour suprême a rendus après l'arrêt Drybones démontrent de façon éloquente que l'alinéa 1b) ne garantissait pas explicitement ou implicitement le droit à la protection égale de la loi. Dans l'arrêt Canada c. Lavell, [1974] R.C.S. 1349, un des juges de la Cour suprême a déclaré, dans un jugement qui a recueilli l'appui de la majorité de ses collègues, que l'alinéa 1b) ne permettrait pas d' « invoquer le concept égalitaire illustré par le 14e Amendement de la Constitution des États-Unis [...] » , mais qu'il ne garantissait que l' « égalité dans l'administration ou l'application de la loi par les fonctionnaires chargés de son application et par les tribunaux » de droit commun du pays (Lavell, aux pages 1365 et 1366). Ainsi, la Cour suprême a expliqué que l'arrêt Drybones interdisait au législateur de créer une infraction pour une catégorie de personnes définies en fonction de la race pour laquelle d'autres personnes ne pourraient pas être traduites en justice. La Cour a assimilé cette garantie au concept traditionnel de la « primauté du droit » qui, dans son sens traditionnel, est interprété comme signifiant que chacun - qu'il s'agisse d'un simple citoyen ou d'une autorité publique - est subordonné à la loi et aux tribunaux. Dans l'arrêt Bliss c. P.G. du Canada, [1979] 1 R.C.S. 183, la Cour suprême a refusé d'appliquer l'alinéa 1b) de manière à invalider certaines dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage qui conféraient certains avantages à une catégorie de femmes mais pas à d'autres. La Cour a établi une distinction entre la situation en cause dans l'affaire Drybones, qui portait sur l'imposition à un groupe racial d'une peine qui n'était infligée à personne d'autre, et la situation en cause dans l'affaire Bliss, qui concernait l'admissibilité à des prestations. La Cour n'était pas disposée à conclure que l'alinéa 1b) garantissait le droit à la protection égale de la loi. C'est d'ailleurs en tenant compte de cette jurisprudence que le législateur a rédigé le paragraphe 15(1) de la Charte en y ajoutant les notions de « droit à l'égalité devant la loi » , de « droit à la même protection de la loi » et de « droit au même bénéfice de la loi » (voir l'analyse de cette question dans l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, à la page 170). Depuis l'adoption de la Charte, alors qu'on a essayé d'invoquer l'alinéa 1b) de la Déclaration des droits relativement à une loi qui établissait une distinction entre les juges nommés par le gouvernement fédéral en ce qui concerne les cotisations versées à leur régime de retraite, la Cour suprême a refusé de revoir la question. Dans l'arrêt La Reine c. Beauregard, [1986] 2 R.C.S. 56, à la page 90, après avoir examiné la jurisprudence sur le droit à « l'égalité devant la loi » reconnu par l'alinéa 1b) de la Déclaration des droits et après avoir signalé l'interprétation étroite qui lui avait été donné, le juge en chef Dickson a conclu ce qui suit :

Or, je crois que le temps est révolu où il aurait pu convenir de procéder à une réévaluation de ces préoccupations et de l'orientation que la Cour a adoptées dans l'interprétation de ce document.

[40] Contrairement au juge de première instance, je ne crois pas que l'impossibilité pour l'intimée de cotiser au RPC constituait un déni de son droit à l'égalité devant la loi garanti par l'alinéa 1b) de la Déclaration des droits. Il n'y avait rien en l'espèce qui permettait de conclure que la loi était appliquée différemment dans le cas de l'intimée par rapport aux autres travailleurs canadiens d'une façon qui s'apparenterait à la situation en cause dans l'affaire Drybones. Je crois qu'on peut raisonnablement conclure de ce survol de la jurisprudence que ce n'est que lorsque la Charte a été adoptée et que son paragraphe 15(1) est entré en vigueur en 1985 que la volonté politique de garantir l'égalité devant la loi et d'assurer la protection égale de la loi s'est matérialisée sur le plan constitutionnel.

[63]            Je note également la décision que la Cour suprême du Canada a récemment rendue dans l'affaire Authorson c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.S. no 40, où le juge Major a rendu jugement au nom de la Cour :

[5]            Les garanties établies par la Déclaration canadienne des droits quant à l'application régulière de la loi assurent-elles une protection contre l'expropriation résultant de l'édiction d'une loi valide? Bien que l'alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits confère certaines garanties procédurales - et puisse également conférer certaines garanties substantielles - j'ai conclu qu'il faut répondre non à cette question.

[6]            La Déclaration canadienne des droits ne permet qu'un individu soit privé de la jouissance de ses biens que par l'application régulière de la loi. Le présent pourvoi porte sur la validité d'une loi fédérale qui a censément éteint le droit des anciens combattants invalides de réclamer les intérêts sur leurs pensions qui ont été gérées par le gouvernement.

[...]


[10] La Déclaration canadienne des droits est une loi fédérale qui rend inopérante toute loi fédérale incompatible avec les garanties qu'elle prévoit. Elle protège les droits qui existaient au moment de son entrée en vigueur en 1960. Si le législateur désire contourner les garanties prévues dans la Déclaration canadienne des droits, il doit le faire de manière explicite en déclarant que la loi en question s'applique malgré la Déclaration canadienne des droits. L'État n'a pas adopté pareille disposition dérogatoire d'une manière explicite lorsqu'il a édicté la disposition législative déclarant irrecevables les demandes visant les intérêts. Par conséquent, la question en litige dans le présent pourvoi consiste à déterminer si le droit à l'application régulière de la loi quant à la jouissance des biens, qui existait en 1960 et qui a été inscrit dans la Déclaration canadienne des droits, permet à l'État de nier toute responsabilité quant aux intérêts qui n'ont pas été versés en invoquant une loi valablement édictée.

[11] Quelle protection la garantie d'application régulière de la loi comporte-t-elle en ce qui concerne les biens?

[12] La garantie d'application régulière de la loi ne confère pas aux anciens combattants le droit à un préavis et à une audition par le Parlement avant l'adoption d'une loi expropriatrice. Aussi malheureux que cela puisse être pour l'intimé, notre longue tradition parlementaire n'a jamais exigé une telle procédure.

[13] En l'espèce, l'application régulière de la loi commande-t-elle la tenue d'une audition individuelle devant un tribunal? Si la loi a pour effet d'exiger la tenue d'une audition ou le prononcé d'un jugement, ce processus doit être conforme à la jurisprudence canadienne qui exige la tenue d'une audience équitable. Ce n'est cependant pas ce que le législateur a prescrit. En l'espèce, il n'est pas contesté que, si la loi s'applique, le droit des anciens combattants à des dommages-intérêts pour les intérêts non versés est éteint.

[14] La Déclaration canadienne des droits oblige-t-elle le législateur à accorder une juste indemnisation aux anciens combattants? Notre tradition de common law n'est pas favorable à l'expropriation sans indemnisation par le gouvernement, mais le législateur peut néanmoins la prévoir à condition que ce soit en des termes clairs et non ambigus.

[15] Le par. 5.1(4) de la Loi sur le ministère des Anciens combattants a pour effet de déposséder les membres d'un groupe vulnérable de leur droit sur des biens, au mépris de l'obligation de fiduciaire de l'État envers les anciens combattants invalides. Toutefois, le législateur a effectivement le pouvoir de les déposséder ainsi. Le pourvoi doit être accueilli.

[64]            La demanderesse soutient que le pouvoir du ministre de déterminer unilatéralement le quantum conformément à l'article 124 de la Loi sans qu'il existe de droit d'appel viole son droit à la jouissance de ses biens et son droit de ne « s'en voir privé[e] que par l'application régulière de la loi » conformément à la Déclaration des droits.

[65]            Le défendeur affirme que, compte tenu de la nature de la confiscation compensatoire effectuée en vertu de la Loi, la Déclaration des droits n'est pas violée. En premier lieu, la confiscation compensatoire n'est pas une pénalité, mais la conséquence juridique inévitable de la perpétration d'une infraction. Le défendeur déclare en outre qu'il y a deux étapes au cours desquelles la question de savoir si des marchandises sont confisquées est examinée, à savoir l'étape de la décision fondée sur l'article 131 et l'étape de l'appel y afférent prévu à l'article 135. La demande fondée sur l'article 133 vise une décision à l'égard de laquelle le contrôle judiciaire peut être sollicité devant la présente cour (ACL Canada Inc., précité).

[66]            Le défendeur soutient que l'imposition d'une confiscation compensatoire ne prive donc pas la demanderesse du droit à la jouissance de ses biens et du droit de ne s'en voir privée que par l'application régulière de la loi.

[67]            Je suis d'avis que l'imposition d'un paiement réclamé par le ministre conformément à l'article 124 de la Loi n'est pas arbitraire et qu'en l'espèce, le droit à l'application régulière de la loi reconnu à la demanderesse n'a pas été violé. Aucun déni de justice n'a été commis. La procédure de confiscation compensatoire existe depuis longtemps; elle s'applique également à quiconque contrevient à la Loi; de plus, dans les dispositions de la Loi qui traitent des conséquences d'une confiscation compensatoire, le législateur a prévu des restrictions ainsi qu'un régime d'application régulière de la loi qui ne va pas à l'encontre de la Déclaration des droits et qui n'est pas arbitraire.


[68]            Même si j'étais ici directement saisi de ces questions, ce qui est loin d'être certain puisque seule la décision prise par le ministre en vertu du paragraphe 3.3(1) fait l'objet de l'examen, je suis convaincu qu'en l'espèce, il n'a pas arbitrairement été porté atteinte aux droits de la demanderesse.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Le défendeur a droit aux dépens de la demande.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-66-02

INTITULÉ :                                                    LINDA HIEBERT

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                              WINNIPEG

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 24 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

BARBARA SHIELDS                                      POUR LA DEMANDERESSE

TRACEY TELFORD                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

AIKINS, MACAULAY ET

THORVALDSON                                          POUR LA DEMANDERESSE

WINNIPEG (MANITOBA)

MORRIS ROSENBERG                                  POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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