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     Date : 19990924

     T-981-98

OTTAWA (ONTARIO, LE 24 SEPTEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

E n t r e :

     BANQUE NATIONALE DE GRÈCE (CANADA),

     demanderesse,

     - et -

     BANQUE DE MONTRÉAL,

     défenderesse,

     - et -

     ASSOCIATION CANADIENNE DES PAIEMENTS,

     intervenante.


     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE


[1]      La présente affaire nous donne l'occasion de faire un survol d'un système dans le cadre duquel sont traités les millions de chèques et autres effets négociables que les Canadiens s'échangent quotidiennement. En raison des sommes d'argent considérables qui circulent de main en main chaque jour par le biais des chèques " et des autres formes de virement de fonds qui ne nous intéressent pas en l'espèce ", un système efficace de compensation entre les établissements financiers qui traitent des chèques est nécessaire. Chaque jour, une banque reçoit des millions de dollars en chèques tirés sur diverses autres banques qui, à leur tour, acceptent des chèques tirés sur la première banque. Il est nécessaire de traiter ces opérations (compensation) et de transférer les fonds à ceux qui y ont droit (règlement). L'établissement chargé de ces opérations est l'Association canadienne des paiements (l'ACP), qui a été constituée sous le régime de la Loi sur l'Association canadienne des paiements , L.R.C. (1985), ch. C-21 (la Loi). Toutes les banques doivent obligatoirement adhérer à l'ACP.

[2]      L'ACP assure l'exploitation de chambres de compensation où les chèques sont acheminés pour les opérations de compensation et de règlement. La compensation a lieu au moment du règlement des soldes des banques membres de l'ACP. À la fin d'un jour de compensation donné, tous les chèques tirés sur une banque déterminée (le tiré) qui ont été présentés à l'encaissement ce jour-là auront été inscrits à titre de sommes dues par le tiré aux banques qui ont accepté les chèques (les banques négociatrices). Mais parallèlement, la banque tirée aura elle-même accepté des millions de dollars en chèques tirés sur d'autres banques, de sorte, qu'à la fin de la journée, une banque déterminée doit des millions de dollars à une série d'autres banques, qui à leur tour lui doivent des millions de dollars. Ces dettes et créances sont réglées chaque jour au moyen du système de règlement, qui relève de la Banque du Canada. Le système de règlement sert à remettre aux banques créditrices l'argent dû par les banques débitrices. Certaines banques ont un compte de compensation à la Banque du Canada. Ce compte leur permet d'effectuer chaque jour la compensation de leurs créances et de leurs dettes. La Banque du Canada porte les sommes nécessaires au crédit des banques qui se retrouvent en position créditrice nette et retire des fonds du compte des banques qui sont en position débitrice nette. Le rôle de la Banque du Canada consiste à agir comme " croupier " en recueillant auprès des banques débitrices l'argent dû aux banques créancières. Il s'ensuit qu'à la fin de chaque jour ouvré, tous les comptes sont à jour, tant du point de vue de la comptabilisation des opérations (compensation) que du point de vue de la liquidation des dettes et des créances entre tous les adhérents au système (règlement).

[3]      Ce ne sont toutefois pas toutes les banques qui ont un compte de compensation à la Banque du Canada1. De toute évidence, pour que le système fonctionne, il doit y avoir un mécanisme permettant de transmettre et de recevoir des fonds pour chaque banque qui adhère au système. En conséquence, les banques qui n'ont pas de compte de compensation à la Banque du Canada (les sous-adhérents) sont tenues d'avoir un compte de compensation auprès d'une banque qui possède un tel compte (les adhérents). Cette dernière banque est par la suite connue et désignée comme étant l'agent de compensation du sous-adhérent. Les autres banques traitent ensuite avec l'agent de compensation du sous-adhérent pour tout ce qui concerne le traitement des chèques. L'agent de compensation du sous-adhérent s'occupe de la compensation de toutes les créances et dettes du sous-adhérent qu'il considère ensuite comme les siennes aux fins de son compte de compensation à la Banque du Canada.

[4]      Par souci d'efficacité commerciale, ces opérations de compensation et de règlement doivent avoir lieu aussitôt que possible après la date à laquelle le chèque est négocié. Tout retard risque de faire échouer l'opération lorsqu'un changement de situation survient entre la date de négociation et la date de compensation et de règlement. En d'autres termes, plus vite le chèque est traité après sa négociation, plus grandes sont les probabilités qu'il y ait des fonds dans le compte pour payer le chèque et plus il est facile pour le tiré d'apurer ses livres. On accorde donc beaucoup d'importance au traitement rapide des effets par le système de compensation.

[5]      La présente affaire illustre bien ce qui arrive lorsqu'un chèque n'est pas traité promptement. La Banque Nationale de Grèce (BNG) avait un client, L.D.O., qui a réglé une créance de 50 000 $ au moyen d'un chèque tiré sur la BNG. La personne qui a accepté le chèque (le bénéficiaire), R.C.L., a déposé le chèque en question dans son compte à la Banque de Montréal (BM). La BM a porté la somme de 50 000 $ au crédit du compte de sa cliente et a transmis le chèque à l'agent de compensation de la BNG, la Banque Royale du Canada (BRC). Le chèque est parvenu à la BRC le 24 avril 1997, date à laquelle la BRC a débité le compte de compensation de la BNG de la somme de 50 000 $.

[6]      À la fin de ce jour-là, l'état des comptes entre les parties était donc le suivant :

     1-      Une somme de 50 000 $ a été portée au crédit de R.C.L.
     2-      Le compte de compensation de la BM à la Banque du Canada a été crédité d'une somme de 50 000 $.
     3-      Le compte de compensation de la BRC à la Banque du Canada a été débité de la somme de 50 000 $
     4-      Le compte de compensation de la BNG à la BRC a été débité de la somme de 50 000 $.

[7]      Mais on remarque que ce qui ne s'est pas produit, c'est que le montant du chèque n'a pas été débité du compte de L.D.O. Cette situation s'explique par le fait que cette opération a lieu au niveau de la banque et non au niveau du système de compensation. En temps normal, le chèque serait porté à l'attention de la banque tirée dans les quelques jours qui suivent sa compensation. Or, en l'espèce, pour des raisons qui demeurent imprécises, le chèque est demeuré à la BRC jusqu'au 22 mai 1997, date à laquelle il a été transmis à la BNG sans aucun avis quant au client ou à l'opération en cause. La BNG s'est renseignée, mais ce n'est que le lendemain qu'elle a pu identifier le client et l'opération.

[8]      Malheureusement, le compte de L.D.O. n'était pas suffisamment approvisionné pour couvrir le montant du chèque. La BNG a, en violation des Règles, renvoyé le chèque à la compensation en tant que chèque sans provision. Le chèque a alors refait tout le processus à l'envers et on a procédé à la contre-passation de toutes les écritures antérieures. À la fin de ce jour de compensation, la situation était la suivante entre les parties :

     1-      La BRC a crédité le compte de compensation de BNG de la somme de 50 000 $.
     2-      Le compte de règlement de la BRC à la Banque du Canada a été crédité de 50 000 $.
     3-      Le compte de compensation de la BM à la Banque du Canada a été débité de 50 000 $.

[9]      Lorsque le chèque lui a été retourné, la succursale de la BM a débité le compte de R.C.L. de la somme de 50 000 $ qu'elle avait antérieurement porté à son crédit. Comme on pouvait s'y attendre, cette dernière opération a causé tout un émoi et s'est soldée par le dépôt d'une plainte à l'ACP au sujet de la BNG. On reprochait à la BNG d'avoir retourné par la compensation un chèque sans provision plus de vingt-quatre heures après que le chèque eut été porté à l'attention de l'agent de la banque qui était en mesure de prendre une décision au sujet du chèque, contrairement à l'article 5 de la règle A4 des Règles de compensation.

[10]      Les chambres de compensation n'ont pas pour mission de résoudre les différends relatifs à la validité des opérations. Elles visent à permettre une compensation rapide et exacte entre les banques. Il est toutefois évident que certains des effets traités dans le système font l'objet d'un refus de paiement pour provision insuffisante ou pour d'autres raisons. Le paragraphe A4(5) des Règles prévoit que le tiré qui retourne un effet par la compensation doit le faire " au plus tard le jour ouvrable suivant l'arrivée de l'effet au premier service du tiré qui est en mesure de prendre la décision de refuser un effet et d'y donner suite " (la règle du délai d'un jour). La raison d'être de cette règle n'a fait l'objet d'aucune preuve ou observation de la part des avocats, mais elle vise vraisemblablement à remettre les parties dans leur position initiale dans les plus brefs délais possibles, de sorte que le préjudice causé par le fait de s'être fié à son détriment à un chèque sans provision est minimisé. Mais lorsque le délai prescrit par la règle du délai d'un jour ne peut être respecté, le chèque sans provision est traité entre banques plutôt que de passer par la chambre de compensation. La compensation entre banques oblige chaque banque à justifier les corrections qu'elle réclame. Mais si un effet est retourné par la compensation, la régularisation se fait automatiquement. En retournant le chèque sans provision par la compensation, la BNG a soldé son compte de compensation aux dépens de la BM.

[11]      La Loi autorise l'ACP à prendre des règlements administratifs précisant les modalités de fonctionnement du système de compensation et de règlement.


18. (1) The Board may make by-laws

18. (1) Le conseil peut prendre des règlements administratifs portant sur :

...

...

(c) for the administration and management of the business of the Association;

c) la conduite des affaires de l"Association;

(d) respecting clearing arrangements and related matters;

d) les accords de compensation entre les membres et questions connexes;

(e) respecting settlements and related matters;

e) les paiements et questions connexes;

...

...

(g) establishing penalties to be paid by members for failure to comply with the by-laws and rules; and

g) les amendes exigibles des membres en cas d"infraction aux règles et aux règlements administratifs;


Le règlement administratif no 3 porte sur la compensation. Voici les dispositions applicables au présent litige :

     ITEMS ACCEPTABLE FOR CLEARING


14.01 General - Only those payment items specified in the Rules may be exchanged through the clearing. Payment items exchanged through the clearing shall be payable on demand or otherwise conform to the Rules as to value date, be drawn on or payable through a Member, be endorsed or guaranteed as specified in section 15.02 and in the Rules, be of a class specified in accordance with section 14.02 and otherwise conform with the requirements of the Rules.

     EFFETS ACCEPTABLES POUR FINS

     DE COMPENSATION

14.01 Généralités -_ Seuls les effets de paiements indiqués dans les Règles peuvent s"échanger par l"intermédiaire de la compensation. Les effets de paiement qui s"échangent par voie de compensation seront payables à vue ou se conformeront, en ce qui concerne la date de valeur, aux modalités prévues dans les Règles; ils seront tirés sur un membre ou payables par l"intermédiaire de celui-ci, endossés ou garantis comme le stipulent les Règles et l"article 15.02 du présent Règlement; ils appartiendront à l"une des catégories d"effets de paiement décrites à l"article 14.02 et seront conformes aux exigences établies dans les Règles.



     RETURN OF ITEMS

19.01 - Return of Items. Through the Clearing - Payment items received through the clearing may be returned for the reasons set out in the Rules. Members returning, through the clearing, items received through the clearing, shall do so only in the manner set out in the Rules.

     RETOUR DES EFFETS

19.01 - Retour des effets par la compensation - Les membres qui retournent par l"intermédiaire de la compensation des effets reçus par l"intermédiaire de la compensation le feront de la manière établie dans les Règles.


La Règle A4 porte sur les effets retournés et réacheminés.

Introduction          1.      a)      La présente Règle expose les procédures, les échéanciers et les responsabilités applicables chaque fois qu'un effet est échangé par la compensation pour paiement et que le paiement est refusé ou ne peut être obtenu, et lorsque le tiré retourne ou réachemine l'effet par la compensation.

                 b)      Rien dans la présente Règle n'empêche le tiré ou l'institution négociatrice d'exercer ses droits ni de faire valoir ses recours en dehors du cadre de la compensation. Avant qu'il ne prenne ces mesures, cependant, il lui est recommandé d'examiner la possibilité d'exercer les options qui s'offrent à lui en vertu de la Règle A6 ou de la Règle A9.

             [...]

Motif du retour          4.      Sous réserve des exceptions qui suivent, le tiré peut retourner un effet par la compensation si, pour quelque raison, l'effet ne peut être payé :

Différence entre les

mots et les chiffres          a)      Nul effet n'est retourné au motif que " les mots et les chiffres sont différents " lorsque la différence est de moins de dix dollars ($10) ; et

Effet visé avant

la compensation              b)      Le tiré ne peut retourner un effet qu'il a visé avant que l'effet n'ait été introduit dans la compensation, à moins que ce ne soit parce que l'endossement est frauduleux, absent ou incomplet ou au motif que l'effet a subi des modifications importantes après avoir été visé.

Délai pour le retour      5.      Sous réserve de l'article 6, le tiré qui retourne un effet par la compensation à l'institution négociatrice tel qu'établie à l'article 12 doit le faire au plus tard le jour ouvrable suivant l'arrivée de l'effet au premier service du tiré qui est en mesure de prendre la décision de refuser un effet et d'y donner suite.
Exceptions          6.      Nonobstant l'article 5, les exceptions suivantes à la limite de temps pour le retour d'un effet s'appliquent :

Endossement frauduleux          a)      Il n'y a pas de limite de temps si un effet est retourné par la compensation pour cause d'" endossement frauduleux ". Cependant, lorsqu'un effet retourné contient à la fois une " signature frauduleuse " et un " endossement frauduleux ", l'effet est retourné conformément à l'article 5 ;

Effets visés pour le retour      b)      Il n'y a pas de limite de temps si le tiré vise l'effet aux fins du retour après l'avoir reçu par la compensation;

Effets postdatés              c)      Un effet peut être retourné pour la raison qu'il est " postdaté " jusqu'au jour, inclusivement, précédant la date d'échéance ; et

Paiement en double          d)      Lorsqu'un original et une photocopie ont tous deux été payés, le second effet payé est retourné, pour " opposition au paiement " avec une explication du retour.

Créance contre le tiré      9.      L'institution négociatrice qui considère que le tiré n'a pas retourné un effet conformément à l'article 5 ou 6 peut déclarer que l'effet est contesté en vertu de la Règle A6 et exiger que le tiré lui rembourse :

                 a) le montant de l'effet ; et

                 b) l'intérêt sur l'effet en vertu de la Règle J10.

La Règle A6 prévoit un cadre de règlement des différends des litiges découlant du système.

     EFFETS CONTESTÉ3S

Introduction          1.      La présente Règle expose les procédures selon lesquelles l'institution négociatrice peut contester un effet, et les moyens de trancher le différend.

Définitions          2.      Dans la présente Règle,

             [...]
Portée              3.      Les procédures exposées dans la présente Règle :

                 a)      s'appliquent à chaque membre, non-membre admissible et autre tiré ; et

                 b)      ne s'appliquent pas aux effets de paiement point de service électronique partagé (Règle E1), ni aux effets de paiement EDI (Règle E3), ni versements électroniques (Règle H6).

Avis              4.      L'institution négociatrice qui conteste un effet retourné donne un avis écrit à la succursale tirée dans les 60 jours suivant la réception de l'effet retourné par la succursale qui a reçu initialement l'effet au moment de la négociation ou du dépôt. L'avis énonce le motif de la contestation.

Effet en suspens          5.      L'effet contesté ne peut être renvoyé de nouveau par la compensation à la succursale tirée, mais doit être conservé par l'institution négociatrice en attendant le règlement du différend.

Accusé de réception      6.      La succursale tirée accuse réception, par écrit, de l'effet contesté dans les dix jours ouvrables suivant sa réception.

Non-résolution          7.      Si le différend ne peut se régler au niveau local, il faut en saisir l'autorité compétente au sein de l'institution.

Représentant au CNC      8.      S"il ne peut se régler au niveau indiqué à l'article 7, le différend peut être renvoyé aux représentants des parties respectives au sein du Comité national de compensation (CNC) de l'ACP.

Groupe de règlement des

différends          9.      S'il ne peut se régler au niveau indiqué à l'article 8, le différend peut être renvoyé à un groupe de règlement des différends composé de représentants d'institutions membres, qui déterminera si la Loi, les Règlements et les Règles de l'ACP ont été correctement suivis. Le processus exposé dans la Règle A9 s'applique selon le cas et les parties sont liées par la décision du Groupe de règlement des différends mais conservent un recours par la voie de l'arbitrage ou des tribunaux.

Arbitrage          10.      Si les procédures qui précèdent ne permettent pas de régler le différend, après 60 jours de l'avis de la contestation, les parties peuvent passer à l'arbitrage en vertu de la Règle A9.

Intérêt              11.      Le montant de la perte d'intérêt sur le transit est calculé conformément à la Règle J10, sauf que l'intérêt est calculé à compter de la date de l'avis de contestation.

[12]      Lorsque la BM s'est rendue compte de ce qui s'était passé au sujet de l'opération de R.C.L., elle a porté plainte auprès de l'ACP, qui a constitué un groupe d'observation pour régler le différend. Le groupe d'observation a statué que la BNG n'avait pas respecté les règles et il a condamné la BNG à remettre la somme de 50 000 $ à la BM.

     En conclusion, le groupe est d'avis que la BNG a contrevenu aux règles de l'ACP en retournant le chèque no 316 par la compensation, contrairement à l'article 5 de la Règle A4. En vertu de l'alinéa 8(2)b) de la Règle A11, le groupe ordonne à la BNG de rendre à la BM la somme de 50 000 $ (la valeur du chèque no 316), majorée des intérêts. Les frais d'intérêts doivent être calculés en conformité avec la Règle J10 à compter de la date de la contestation de l'effet par la BM (selon toute vraisemblance, le 26 mai 1997) jusqu'à la date de restitution.

[13]      La BNG cherche à obtenir l'annulation de la décision du groupe d'observation au motif que la BM s'est fait rembourser par sa cliente, auquel cas elle n'a subi aucune perte ou a proposé à sa cliente, comme geste de bonne volonté, de créditer le compte de sa cliente de la somme de l'opération, auquel cas elle agissait uniquement comme percepteur pour sa cliente. Dans un cas comme dans l'autre, soutient la BNG, la BM fait valoir une réclamation qu'il appartient à sa cliente de défendre devant les tribunaux.

[14]      Il ne fait aucun doute que les règles et les règlements administratifs portant sur la compensation ne créent, en ce qui concerne les banques, aucun droit ou obligation envers leurs clients2. Les droits et les réparations conférés par les règles ne valent qu'entre les banques et l'ACP.

[15]      Le groupe d'observation a prétendu condamner la BNG à payer 50 000 $ à la BM en raison de son inobservation des Règles. L'inobservation reprochée à la BNG était le fait de retourner par la compensation le chèque refusé plus d'une journée après sa réception par l'autorité de la BNG qui était en mesure de prendre une décision à son sujet. Comme la BRC a conservé le chèque en question pendant quelques semaines, il est évident qu'un délai d'une journée de plus n'a pas véritablement changé la situation dans laquelle la BM et la BNG se trouvaient face à leurs clientes. Le problème réside plutôt dans la décision de la BNG de recourir à la compensation pour retourner l'effet au lieu de s'adresser directement à la BM.

[16]      Je conclus que la décision du groupe d'observation ne devrait pas être modifiée. Il était parfaitement justifié de conclure que la BNG avait contrevenu aux Règles.


[17]      La véritable question qui se pose est l'ordonnance de restitution. Le groupe d'observation a prétendu interpréter ce terme de façon logique et selon son sens courant.

     [TRADUCTION]
     La Règle A11 énumère les sanctions que le groupe de l'observation peut imposer lorsqu'il conclut qu'un membre de l'ACP ne s'est pas conformé aux Règles. Le groupe reconnaît que la seule peine pécuniaire qui peut être infligée est celle qui est prévue à l'alinéa 8(2)d) de la Règle A11, qui autorise le groupe d'observation à rendre " une ordonnance exigeant la restitution à un membre qui a subi une perte découlant directement du fait des actes ou des omissions d'un membre relevant de l'ACP ".

     En ce qui concerne l'emploi du mot " restitution " à l'alinéa 8(2)b), le groupe de l'observation est d'avis que ce terme est employé dans son sens courant (c.-à-d. celui d'indemnisation, de dédommagement) et non dans le sens des principes juridiques stricts du droit de la " restitution ". Cette interprétation est confirmée par le libellé de la Règle (" une ordonnance exigeant la restitution ").
     [...]
     En conclusion, le groupe est d'avis que la BNG a contrevenu aux règles de l'ACP en retournant le chèque no 316 par la compensation, contrairement à l'article 5 de la Règle A4. En vertu de l'alinéa 8(2)b) de la Règle A11, le groupe ordonne à la BNG de rendre à la BM la somme de 50 000 $ (la valeur du chèque no 316), majorée des intérêts. Les frais d'intérêts doivent être calculés en conformité avec la Règle J10 à compter de la date de la contestation de l'effet par la BM (selon toute vraisemblance, le 26 mai 1997) jusqu'à la date de restitution.


     L'article 8 de la Règle A11 est ainsi libellé :

     8. (1) Si le directeur général ou le Groupe de l'observation établit qu'un membre de l'ACP a contrevenu ou ne s'est pas conformé à la Loi, aux Règlements ou aux Règles de l'ACP, le directeur général ou le Groupe de l'observation peut imposer une ou plusieurs des sanctions décrites au paragraphe (2) à l'endroit du membre.
     (2)      Les sanctions qui peuvent être imposées en vertu du paragraphe (1) sont :
         a) une ordonnance de ne pas faire ;
         b) une réprimande ;
         c) toute mesure qui peut être nécessaire pour destituer un membre du Conseil d'administration ou de tout comité du Conseil ;
         d) une ordonnance exigeant la restitution à un membre qui a subi une perte découlant directement du fait des actes ou des omissions d'un membre relevant de l'ACP ;
         e) en plus de toute mesure que le Conseil peut prendre en vertu du paragraphe 12.02 du Règlement no 1, un membre qui ne paie pas sa cotisation ou des droits le jour où ces cotisations ou droits sont payables doit verser une amende, établie par résolution du Conseil, n'excédant pas un huitième pour cent du montant payable pour chaque jour où le paiement est en souffrance (art. 2 du Règlement no 5 de l'ACP) ;
         f) un avis au membre indiquant que ses droits à la qualité de membre au sein de l'Association qui sont précisés dans l'avis peuvent être suspendus après 30 jours de l'envoi de l'avis, à moins de redressement dans cette période de 30 jours (art. 12.01 du Règlement no 1 de l'ACP) ; ou
         g) une suspension d'un droit du membre en vertu de la Loi, des Règlements ou des Règles de l'ACP, ou l'imposition d'une condition pour le maintien de ce droit, sous réserve du paragraphe f) ci-dessus.

De toute évidence, la raison d'être de l'emploi du terme " restitution " dans ce contexte est de remettre une banque qui a subi un préjudice financier en raison de l'inobservation commise par une autre banque dans la même situation que celle dans laquelle elle se serait trouvée si la banque fautive s'était conformée aux Règles. On s'assure ainsi que les membres ne tirent pas profit d'une inobservation des Règles.

[18]      La BNG soutient qu'il n'y a pas lieu de rendre une ordonnance de restitution parce que la BM portera tout simplement l'argent au crédit de sa cliente. La BM ne pouvait de façon réaliste réclamer l'argent pour elle-même alors que sa cliente s'est vue débiter d'une somme de 50 000 $. Elle n'a subi aucune perte, contrairement à sa cliente. Il s'ensuit que la BM se sert simplement du système de contrôle de la conformité pour percevoir de l'argent pour sa cliente.

[19]      On a raison d'affirmer que le système de compensation et de règlement n'est pas le mécanisme approprié pour résoudre des différends qui opposent essentiellement des clients de banques. Un chèque impayé n'est pas un problème entre des banques : c'est un problème qui concerne des clients de banques qui disposent de leurs propres recours. On ne devrait pas permettre aux banques adhérentes de se servir du système de l'ACP pour donner accès à leurs clients à des mesures de recouvrement dont ils ne pourraient pas autrement se prévaloir. Le problème que comporte cet argument est qu'il ne tient pas compte des agissements intéressés. Une banque serait bien malvenue d'abuser du système pour éviter une perte et de prétendre ensuite que les règles ne sont pas censées l'empêcher de profiter de son inobservation. À mon avis, la banque adhérente qui retire un avantage indu de son manquement aux règles devrait être tenue de restituer cet avantage sans forcer une autre banque à décider si elle s'en tient à la lettre de ses droits envers sa cliente ou si elle absorbe elle-même la perte.

[20]      Par ces motifs, la demande de la BNG est rejetée. Les dépens devront être taxés.


     O R D O N N A N C E


     La demande présentée par la demanderesse est rejetée. Les dépens devront être taxés.

     " J. D. Denis Pelletier "

     Juge


Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-981-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Banque Nationale de Grèce (Canada) c. Banque de Montréal et Association canadienne des paiements


LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      Le 14 juin 1999


     MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE

     PRONONCÉS PAR LE JUGE PELLETIER

     EN DATE DU 24 SEPTEMBRE 1999


ONT COMPARU :

Me Vasillios Giannis                          pour la demanderesse
Personne n'a comparu                      pour la défenderesse
Me Lynn Starchuk                          pour l'intervenante




PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Vasillios Giannis                          pour la demanderesse

Avocat et procureur

Montréal (Québec)

Meighen, Demers                          pour la défenderesse

Avocats et procureurs

Toronto (Ontario)

Osler, Haskin & Harcourt                      pour l'intervenante

Ottawa (Ontario)

__________________

1      Tout dépend strictement du volume d'activité de la banque concernée.

2      National Slag v. CIBC et al., (1985), 19 D.L.R. (4d) 383 (C.A. Ont.).

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