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Date : 20031217

Dossier : IMM-1304-02

Référence : 2003 CF 1478

ENTRE :

                                                           SURINDER PAUL SEHGAL

demandeur

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                 Dans une lettre du 18 décembre 2001, un agent des visas du Consulat général du Canada à Buffalo (New York) a avisé le demandeur, par l'entremise de son intermédiaire au Canada (l'intermédiaire), notamment de ce qui suit :

[traduction] Nous vous avons envoyé une lettre, le 4 juin 2001, vous rappelant que vous deviez nous faire parvenir une [demande mise à jour]. Par cette lettre, nous vous avons également fait savoir que votre dossier ne pourrait être complété sans ces renseignements.

À ce jour, nous n'avons reçu aucune réponse. Puisque vous ne vous êtes pas conformé aux dispositions du paragraphe 9(3) de la Loi, vous faites partie de la catégorie des personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi, soit celle des personnes qui ne se conforment pas aux conditions prévues à la Loi et à ses règlements.


[2]                 En conséquence, la demande d'établissement au Canada du demandeur a, à tous égards, été considérée comme abandonnée. C'est précisément cette décision qui fait l'objet de la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie.

[3]                 Le renvoi aux notes du STIDI dans le dossier du tribunal, tel que confirmé par l'affidavit de l'agent des visas responsable de la décision visée en l'espèce, indique que la lettre qui demandait une mise à jour de la demande a été envoyée au demandeur, probablement aux soins de l'intermédiaire, le 1er décembre 2000. D'autres renvois semblables indiquent qu'une lettre de suivi, envoyée le 4 juin 2001, spécifiait que si le demandeur ne répondait pas dans un délai de soixante (60) jours, son dossier pourrait être fermé. Les parties n'ont pas contesté que, si la lettre du 1er décembre 2000 avait été envoyée et reçue, on n'y avait pas répondu et, en outre que, si la lettre du 4 juin 2001 avait été envoyée et reçue, on n'y avait pas répondu dans le délai de soixante (60) jours stipulé.

[4]                 Le 23 novembre 2001, l'avocat de l'intermédiaire du demandeur écrivait au Consulat général du Canada à Buffalo afin de s'informer de l'état de la demande d'établissement du demandeur. En apprenant la décision visée par la présente demande de contrôle, l'intermédiaire a essayé, sans succès, d'obtenir que cette décision soit examinée de nouveau. Cette demande a été rejetée. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire a été présentée.

[5]                 Un employé de l'intermédiaire atteste, dans l'affidavit qu'il a déposé au soutien de la présente demande de contrôle judiciaire, qu'il n'a reçu aucune lettre du Consulat général du Canada à Buffalo au sujet de la demande du demandeur entre le 23 août 2000 et le 23 novembre 2001. Il mentionne, en particulier, qu'il n'a pas reçu la présumée lettre du 4 juin 2001, mais il ne fait aucune référence précise à la présumée lettre du 1er décembre 2000.

[6]                 Les questions en litige soulevées pour le compte du demandeur dans la demande de contrôle judiciaire sont les suivantes : premièrement, quel est le poids, s'il y en a un, qu'il faut accorder à l'affidavit déposé pour le compte du défendeur et aux notes du STIDI indiquant l'envoi des lettres des 1er décembre 2000 et 4 juin 2001; deuxièmement, le défendeur a-t-il manqué à l'obligation d'équité procédurale à l'endroit du demandeur en omettant de répondre à la lettre de l'intermédiaire datée du 23 novembre 2001.

[7]                 En ce qui a trait à la première question, l'avocat m'a renvoyé à l'arrêt Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[1] dans lequel la Cour d'appel fédérale a répondu par la négative aux questions certifiées suivantes :

Les notes d'un agent des visas concernant une entrevue qu'il a eue avec un demandeur et qui font l'objet de notes CAIPS établissent-elles ce qui s'est produit à l'entrevue, en l'absence d'un affidavit de l'agent des visas attestant de la vérité de ce qu'il a inscrit dans ses notes au sujet de ce qui s'est produit à l'entrevue?                                                                                                                 [Non souligné dans l'original.]


Pendant l'audience, les parties n'ont pas contesté que « l'agent des visas » auquel on faisait référence était bien l'agent des visas qui avait fait l'entrevue et qui avait fait les inscriptions en cause dans les notes du STIDI.

[8]                 L'avocat a souligné que, par voie de conséquence, je ne devrais accorder aucun poids aux inscriptions, dans les notes du STIDI en l'espèce, qui indiquent que les deux lettres ont été envoyées puisque la personne qui a fait ces inscriptions dans les notes du STIDI n'a pas produit d'affidavit attestant de leur véracité. En réalité, l'affidavit déposé pour le compte du défendeur mentionne la transmission des deux lettres par une personne différente et pour cette raison, l'avocat prétend qu'il ne s'agit que de ouï-dire auquel il ne faut accorder aucun poids.


[9]                 J'en viens à une conclusion favorable au défendeur sur cette question. Je suis convaincu que les inscriptions en cause dans les notes du STIDI sont d'une nature très différente de celle de notes d'entrevue, qui sont, au moins jusqu'à un certain point, des impressions subjectives qui pourraient bien être très différentes des souvenirs et impressions de la personne interviewée. Dans de telles circonstances, il n'est que raisonnable de s'attendre que la personne dont les impressions ou les souvenirs sont inscrits atteste de leur exactitude. Par contre, en l'espèce, les inscriptions ne sont que des faits qui ne peuvent être sujets à interprétation. Bien que je convienne que les renvois aux inscriptions en cause dans l'affidavit déposé pour le compte du défendeur n'ont pas beaucoup de valeur, je demeure convaincu qu'il est loisible à la Cour d'accorder un certain poids à de telles inscriptions et c'est ce que j'ai décidé de faire. Je suis convaincu qu'exiger que toutes ces inscriptions soient attestées par un affidavit de l'individu qui les a faites ne peut qu'imposer un fardeau déraisonnable au défendeur.

[10]            Dans le même ordre d'idées, j'en arrive à une conclusion défavorable au demandeur en ce qui a trait à la deuxième question, à savoir si le défendeur a manqué à l'obligation d'équité à l'égard du demandeur en omettant de répondre à la lettre du 23 novembre 2001 de l'intermédiaire. La lettre qui constitue la décision, objet du présent contrôle, ne mentionne pas précisément celle du 23 novembre 2001 de l'intermédiaire, mais il me semble que ce n'est pas par pur hasard qu'elle a été écrite moins d'un mois après la lettre de l'intermédiaire et, sans aucun doute, bien après l'expiration du délai de soixante (60) jours accordé pour répondre à la lettre alléguée du 4 juin 2001. Je considère cette lettre comme une réponse à celle du 23 novembre. En conséquence, la question de savoir si l'absence de réponse aurait constitué une violation de l'obligation d'équité n'est pas soulevée.

[11]            Enfin, à mon humble avis, l'allégation faite pour le compte du demandeur, selon laquelle l'intermédiaire n'a jamais reçu les deux missives datées du 1er décembre 2000 et du 4 juin 2001, est quelque peu suspecte. J'admets par contre que l'allégation qu'aucune des lettres n'a été reçue a été faite sous serment. Cela étant dit, les lettres en cause ont apparemment été adressées à l'intermédiaire, à l'adresse même à laquelle une lettre avait déjà été envoyée et que l'intermédiaire avait reçue, adresse qui n'avait pas changé lorsque la lettre visée par la demande de contrôle a été reçue.


[12]            Pour conclure, un individu qui fait une demande d'établissement au Canada a le fardeau de s'assurer avec diligence du suivi de cette demande. Le défendeur n'a pas le fardeau de s'assurer que le demandeur poursuive avec diligence une demande telle que celle qui a donné lieu à la décision, visée par le présent contrôle.

[13]            Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[14]            À la clôture de l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, j'ai avisé les avocats que la demande serait rejetée. L'avocat du demandeur a demandé un délai pour évaluer s'il allait soumettre une question certifiée, demande qui lui a été accordée. L'avocat a soumis la question certifiée suivante dans le délai prescrit :

[traduction] Les notes d'un agent des visas concernant le dossier d'un demandeur et qui font l'objet de notes au STIDI établissent-elles ce qui s'est produit dans le dossier, en l'absence d'un affidavit de l'agent attestant de la vérité de ce qu'il a inscrit dans ses notes au sujet de ce qui s'est produit dans le dossier?


[15]            L'avocat du défendeur soumet que la question proposée ne devrait pas être certifiée pour trois (3) raisons : premièrement, il affirme que la question certifiée proposée ne porte pas sur le fondement de ma décision en l'espèce que j'ai brièvement décrit aux avocats à la clôture de l'audience; deuxièmement, il affirme que le droit régissant l'utilisation des notes du STIDI en tant que preuve est bien établi; et troisièmement, il affirme que la position de l'avocat du demandeur, selon laquelle cette décision changera la façon dont les notes du STIDI sont traitées lors d'un contrôle judiciaire, est inexacte.

[16]            Je suis d'accord pour certifier une question, quoique différente de celle proposée pour le compte du demandeur. La voici :

[traduction] La Cour est-elle autorisée à accorder un certain poids aux inscriptions dans les notes du STIDI qui font partie du dossier du tribunal lors d'une demande de contrôle judiciaire lorsque ces inscriptions n'ont pour sujet que la transmission de lettres à une date en particulier et que l'exactitude de telles inscriptions n'est pas attestée par les individus qui ont fait les inscriptions?

Je suis convaincu que la question qui précède serait déterminante dans le cas d'un appel en l'espèce et que le droit n'est pas bien établi à cet égard. Alors que je suis convaincu qu'il s'agit d'une question grave de portée générale et ce, malgré l'étroitesse de sa portée, elle est d'une pertinence particulière en l'espèce car le dossier du tribunal ne faisait pas partie du dossier présenté à la Cour et il n'est pas clair si les copies des lettres en cause apparaissent au dossier du tribunal.

                                                                          _ Frederick E. Gibson _             

                                                                                                             Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 17 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-1304-02

INTITULÉ :                                                                    SURINDER PAUL SEHGAL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 11 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 17 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

M. Max Chaudhary                                                           POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Max Chaudhary                                                           POUR LE DEMANDEUR

CHAUDHARY LAW OFFICE

18 Wynford Drive, pièce 707

North York (Ontario)

M3C 3S2

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]         (2001), 17 Imm. L.R. (3d) 234 (C.A.F.).


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