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Date : 20040518

Dossier : T-2094-02

Référence : 2004 CF 717

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

                                                                             

ENTRE :

    FOOTLOCKER GROUP CANADA INC., autrefois VENATOR GROUP CANADA INC.

                                                                             

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

              R. STEINBERG et LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) dans l'affaire intéressant l'appel interjeté contre une décision du registraire des marques de commerce datée du 16 octobre 2002 (la décision) radiant l'enregistrement no 368,206 visant la marque de commerce WOOLWORTH (la marque de commerce) en vertu de l'article 45 de la Loi.

CONTEXTE

[2]                 Le défendeur, R. Steinberg (le défendeur), a demandé au registraire de donner un avis selon l'article 45 à lgard de la marque de commerce.


[3]                Le 19 juin 2000, un avis selon l'article 45 a été donné à l'égard de l'enregistrement no 368,206 visant la marque de commerce en liaison avec des services de vente au détail.

[4]                La demanderesse a obtenu une prorogation de délai jusqu'au 19 décembre 2000 pour répondre à l'avis donné en vertu de l'article 45. Le 18 décembre 2000, la demanderesse a déposé l'affidavit de M. Ronald Stinson, souscrit le 15 décembre 2000 (l'affidavit Stinson 1), en réponse à l'avis donné en vertu de l'article 45.

[5]                La demanderesse fait observer que l'affidavit Stinson 1 établit que la marque de commerce a été employée au Canada pendant plusieurs années. Elle a été employée durant la période de trois ans précédant le 19 juin 2000, date de l'avis donné en vertu de l'article 45. La marque de commerce est encore employée aujourd'hui en liaison avec des services de vente au détail.

[6]                Une photographie montrant l'emploi de la marque de commerce en liaison avec les services est jointe à l'affidavit Stinson 1 comme pièce A.

[7]                Le registraire a fait savoir au défendeur qu'il pouvait présenter une argumentation écrite. Le défendeur a choisi de ne pas le faire.

[8]                Le registraire a ensuite informé la demanderesse qu'elle pouvait présenter une argumentation écrite. La demanderesse a présenté une argumentation écrite le 1er août 2001, et a demandé la tenue d'une audience.

[9]                L'audience, à laquelle les deux parties étaient représentées, a été tenue le 27 juin 2002.

[10]            L'agent d'audience a conclu que la déclaration faite au paragraphe 5 de l'affidavit Stinson 1 était vague et ne prouvait pas qu'il y avait eu emploi durant la période pertinente, c.-à-d. durant la période de trois ans précédant le 19 juin 2000.

[11]            L'agent d'audience a conclu que l'auteur de l'affidavit de la demanderesse n'avait pas indiqué quand l'enseigne portant la marque de commerce avait été installée.

[12]            L'agent d'audience a également conclu que la déclaration faite dans l'affidavit Stinson 1 quant aux chiffres de ventes ne permettait pas de conclure que, lorsque les services ont été rendus, la marque de commerce était employée ou montrée de la façon indiquée à la pièce A jointe à l'affidavit Stinson 1.

[13]            Le registraire, par décision datée du 16 octobre 2002, a ordonné que l'enregistrement no 368,206 soit radié.

[14]            Le 16 janvier 2003, la demanderesse a déposé l'affidavit de M. Ronald Stinson, souscrit le 15 janvier 2000 (l'affidavit Stinson 2), au soutien du présent appel.

[15]            La photographie jointe à l'affidavit Stinson 1 (cette photographie a également été jointe comme pièce 1A à l'affidavit Stinson 2) montre la marque de commerce employée sur une enseigne fixée à la devanture d'un magasin situé dans la ville de Toronto (Ontario) durant la période pertinente.

[16]            L'enseigne de magasin sur laquelle est montrée la marque de commerce (de la façon décrite au paragraphe 4 de l'affidavit Stinson 2) est fixée à la devanture du magasin depuis 1999 et y est demeurée sans interruption jusqu'après le 19 juin 2000, date de l'avis donné en vertu de l'article 45.


[17]            Selon l'affidavit Stinson 2, la marque de commerce a été employée au Canada par la demanderesse en liaison avec des services de vente au détail, et les ventes réalisées au Canada en 1999 et en l'an 2000 sont les suivantes :

1999        -                au-dessus de 1 380 399 $

2000        -                au-dessus de 1 458 000 $

Affidavit Stinson 2, paragraphe 6

[18]            Le défendeur signale que l'enregistrement no 368,206 visant la marque de commerce en liaison avec des services de vente au détail a été délivré le 27 avril 1990 en faveur de F.W. Woolworth Co. Ltd.

[19]            Le 31 janvier 1993, la propriété de l'enregistrement a été transférée de F.W. Woolworth Co. Ltd. à Woolworth Canada Inc., et ce transfert a été inscrit sur le registre des marques de commerce le 3 décembre 1993.

[20]            Le 12 juin 1998, la propriété de l'enregistrement no 368,206 a encore été transférée, de Woolworth Canada Inc. à Venator Group Canada Inc., et ce transfert a été inscrit sur le registre des marques de commerce le 24 mars 1999.

[21]            À compter du 1er novembre 2001, le nom du propriétaire a été changé pour Foot Locker Canada Inc., et ce changement a été inscrit sur le registre des marques de commerce le 23 décembre 2002.

[22]            Le 19 juin 2000, date à laquelle l'avis prévu à l'article 45 a été donné, Venator Group Canada Inc. était inscrite comme propriétaire de l'enregistrement no 368,206.


QUESTIONS EN LITIGE

La demanderesse soulève les questions suivantes :        

La marque de commerce WOOLWORTH a-t-elle étéemployée par la demanderesse en liaison avec des services de vente au détail durant la période pertinente, soit durant la période de trois ans précédant le 19 juin 2000, date de l'avis prévu à l'article 45?

ARGUMENTS

Demanderesse

[1]                La demanderesse affirme que la Cour peut substituer sa décision à celle du registraire lorsque ce dernier a pris une mauvaise décision, ou lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Cour et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire (Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée (2000), 5 C.P.R. (4th) 180, à la page 196 (C.A.F.), Swabey Ogilvy Renault c. Golden Brand Clothing (Canada) Ltd. (2002), 19 C.P.R. (4th) 516, à la page 520 (C.F. 1re inst.), Value-Village Markets (1990) Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1995), 60 C.P.R. (3d) 502, à la page 506 (C.F. 1re inst.)).

[2]                La demanderesse soutient que le registraire a mal interprété les déclarations faites dans l'affidavit Stinson 1 et a tiré des conclusions de fait qui sont manifestement erronées.

[3]                L'affidavit Stinson 2 déposé dans le présent appel contient des renseignements additionnels qui prouvent qu'il y a eu emploi de la marque de commerce durant la période pertinente.

[4]                Dans Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.), le juge Thurlow définit ainsi la preuve requise dans une procédure intentée en vertu de l'article 45 :

Le paragraphe 44(1) [maintenant l'article 45] exige qu'il soit fourni au registraire un affidavit ou une déclaration statutaire « indiquant » , et non simplement énonçant, si la marque de commerce est employée, c'est-à-dire décrivant l'emploi de cette marque de commerce au sens de la définition de l'expression « marque de commerce » à l'article 2 et de l'expression « emploi » à l'article 4.

Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, p. 66, juge Thurlow (CAF).

[5]                Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services (paragraphe 4(2) de la Loi).

[6]                La demanderesse affirme que la marque de commerce a été employée en liaison avec des services de vente au détail, comme en font foi la photographie contenue dans la pièce A jointe à l'affidavit Stinson 1, la pièce 1A jointe à l'affidavit Stinson 2 et les chiffres des ventes réalisées en 1999 et en l'an 2000 dont fait état l'affidavit Stinson 2.

[7]                Dans Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.), un premier affidavit a été jugé insuffisant pour prouver un emploi durant la période pertinente, à la lumière de Plough, précité. Un second affidavit a été déposé en appel. Le juge Mahoney a déclaré ce qui suit, à la page 57 :

L'intimé [registraire des marques de commerce] a assez bien résumé la preuve pertinente que contient le second affidavit de l'appelante; voici ce résumé :

[traduction] Dans le second affidavit, en date du 9 septembre 1980, M. Hallarn déclare que la marque de commerce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE D'ÉCLAIRAGE UNION était, à la date de l'avis donné conformément à l'article 44 [maintenant l'art. 45], employée au Canada par son propriétaire inscrit en liaison avec chacune des marchandises que spécifie l'enregistrement, à l'exception des couvertures électriques. M. Hallarn déclare que ladite marque de commerce était montrée à l'intérieur et à l'extérieur des divers établissements du propriétaire inscrit où celui-ci offrait en vente et vendait ses marchandises au public. L'auteur de l'affidavit ajoute que les étiquettes indiquant le prix des marchandises portaient la marque de commerce et étaient apposées sur les marchandises du propriétaire inscrit au moment de leur vente de manière à attirer l'attention d'un acheteur sur ladite marque de commerce. La pièce A déposée au soutien de l'affidavit indique la manière dont la marque de commerce était apposée sur les marchandises. Il s'agit d'un échantillon dtiquette de prix qui porte la marque de commerce UNION LIGHTING CENTRE/CENTRE DCLAIRAGE UNION. En conclusion, le déposant déclare qul'exception des couvertures électriques, toutes les marchandises nommées dans ltat des marchandises étaient offertes en vente et étaient vendues en liaison avec ladite marque de commerce à toutes les époques en cause.


Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56, p. 57-58 (C.F. 1re inst.).

[8]                La demanderesse soutient qu'il est injustifiable, en droit, de demander au propriétaire d'une marque de commerce de faire des dépenses et des efforts pour indiquer, par une preuve surabondante, l'emploi qu'il fait de sa marque de commerce, lorsque cet emploi peut être facilement prouvé de manière simple et directe. C'est l'emploi qui doit être indiqué, et non un exemple de tous les emplois (Union Electric Supply Co. Ltd., précité).

[9]                Le juge Wetston, dans Gesco Industries Inc. c. Sim & McBurney (1997), 76 C.P.R. (3d) 289 (C.F. 1re inst.), conf. par 9 C.P.R. (4th) 480 (CAF), résume ainsi les principes de preuve applicables à la procédure prévue par l'article 45 :

L'intimée soutient que le fardeau de prouver l'emploi au Canada au cours de la période pertinente impose à l'inscrit une charge exigeante. Je ne suis pas d'accord : Value Village, précité, à la p. 509. En effet, tout ce que le registraire doit prendre en considération, c'est si l'appelant a fourni certains éléments de preuve de l'emploi de sa marque de commerce au cours de la période pertinente : Mantha & Associés/Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.); Plough, précité. Ainsi, la preuve présentée au registraire doit établir les faits « à partir desquels on peut déduire logiquement qu'il y a eu "emploi" ou "emploi dans le cours normal du commerce" » : Keepsake, précité.

Gesco Industries Inc. c. Sim & McBurney (1997), 76 C.P.R. (3d) 289, p. 294 (C.F. 1re inst.); aff'd 9 C.P.R. (4th) 480 (FCA).

[10]            Selon la demanderesse, le seul fardeau qui incombe au propriétaire d'une marque de commerce dans le cadre d'une procédure intentée en vertu de l'article 45 consiste à fournir une preuve d'emploi suffisante pour éviter la radiation (Gesco Industries Inc., précité, à la page 294; Union Electric Supply Co. Ltd., précité, à la page 57; Value-Village Markets (1990) Ltd., à la page 509; Austin Nichols & Co. c. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513, à la page 525 (C.A.F.); Wells' Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77, à la page 86,Swabey Ogilvy Renault c. Golden Brand Clothing (Canada) Ltd. (2002), 19 C.P.R. (4th) 516, à la page 521 (C.F. 1re inst.)).

[11]            Dans Keepsake, Inc. c. Prestons Ltd. (1983), 69 C.P.R. (2d) 50 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach a expliqué que l'affidavit présenté dans le cadre d'une procédure intentée en vertu de l'article 45 ne doit pas contenir de détails explicites. Certains détails peuvent être déduits des éléments de preuve fournis dans l'affidavit :

Même si l'affidavit soumis au registraire et l'affidavit additionnel produit devant la Cour auraient pu être plus explicites, la preuve permettait néanmoins de déduire, tout bien considéré, que les bagues ont été vendues dans le cours normal du commerce et que les opérations en question constituaient des opérations commerciales sans lien de dépendance.

Dans l'affaire Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (dossier T-4929-81 [63 C.P.R. (2d) 56, [1982] 2 C.F. 263]), voici ce qu'a déclaré le juge Mahoney dans son jugement rendu le 15 avril 1982 [C.P.R., p.57] :

Il est absolument injustifiable de demander au propriétaire d'une marque de commerce de faire des dépenses et des efforts pour indiquer, par une preuve surabondante, l'emploi qu'il fait de sa marque de commerce, lorsque cet emploi peut être facilement prouvé de manière simple et directe.

Keepsake, Inc. c. Prestons Ltd. (1983), 69 C.P.R. (2d) 50, p. 61 (C.F. 1re inst.).

[12]            La demanderesse fait valoir que les détails explicites demandés par le registraire dans la décision ne sont pas nécessaires. Il ressort clairement de l'affidavit Stinson 1 que les chiffres de ventes se rapportent à des magasins qui montrent la marque de commerce sur leur devanture de la façon indiquée à la pièce A jointe à l'affidavit Stinson 1 et à la pièce 1A jointe à l'affidavit Stinson 2.

[13]            Dans Mantha & Associés/Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354 (C.A.F.), l'appel concernait une décision par laquelle le registraire avait radié l'enregistrement d'une marque de commerce au motif que les photographies montrant l'emploi de la marque ne suffisaient pas à prouver l'emploi durant la période pertinente. Le registraire avait jugé que certaines déclarations faites dans un affidavit n'étaient que de simples allégations d'emploi. Le juge de première instance a confirmé la décision du registraire, affirmant que certaines déclarations faites dans un affidavit fourni par l'appelante ne constituaient que de « simples assertions » . Le juge Hugessen, au nom de la Cour d'appel fédérale, a résumé les faits de l'affaire de la façon suivante :


En rejetant l'appel interjeté par l'appelante de la décision par laquelle le registraire a radié la marque de commerce en litige, le juge a résumé la preuve par affidavit qui lui avait été présentée comme suit :

Selon l'affidavit, l'appelante, entre le 8 janvier 1990 et le 8 janvier 1992, a exploité son entreprise de transport au Canada en se servant de camions et de remorques portant la marque de commerce et le dessin composé des mots CT CENTRAL TRANSPORT, comme en font foi les photographies jointes constituant la pièce B du premier affidavit. Le déposant a lui-même pris ces photographies le 3 juillet 1992 ou vers dette date, aux installations de l'appelante à Windsor (Canada).

Le juge a par la suite qualifié cette preuve de « simple assertion » et conclu que cette preuve ne démontre pas de rattachement entre la marque de commerce apparaissant sur les camions et les remorques figurant sur les photographies et la prestation des services en question.

Mantha & Associés /Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354, p. 355, juge Hugessen (CAF).

[14]            Dans Mantha, précité, la Cour d'appel fédérale a conclu que c'était une erreur de qualifier de « simples assertions » les déclarations faites dans l'affidavit. En outre, la Cour d'appel a précisé que ces assertions de fait démontrant l'emploi constituaient la seule preuve nécessaire dans le cadre d'une procédure intentée en vertu de l'article 45 :

Nous sommes tous d'avis que le juge a commis une erreur. Dans un certain sens, toutes les déclarations contenues dans un affidavit constituent de « simples assertions » ; ce que la Cour a jugé inadéquat dans les procédures engagées en vertu de l'article 45 sont les assertions portant sur l'emploi (une question de droit) par opposition aux assertions de fait démontrant l'emploi : voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62, [1981] 1 C.F. 679, 34 N.R. 39. Il ressort clairement du résumé de la preuve rédigé par le juge que les faits démontrent l'emploi, c'est-à-dire que l'appelante « a exploité son entreprise de transport au Canada en se servant de camions et de remorques portant la marque de commerce » . C'est tout ce qui lui était nécessaire de prouver.

Mantha & Associés /Associates c. Central Transport, Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 354, p. 355, juge Hugessen (CAF).

[15]            Dans le présent appel, la demanderesse a déposé un second affidavit, l'affidavit Stinson 2, qui clarifie les assertions de fait démontrant l'emploi de la marque de commerce durant la période pertinente.


[16]            Selon la demanderesse, l'affidavit Stinson 2 établit clairement que la marque de commerce a été fixée à la devanture d'un magasin situé dans la ville de Toronto (Ontario) durant la période pertinente. Cet emploi est étayé par la photographie jointe comme pièce lA à l'affidavit Stinson 2 et par les chiffres de ventes démontrant l'emploi de la marque de commerce.

[17]            L'affidavit Stinson 2 établit également que la marque de commerce est fixée à la devanture du magasin de la façon indiquée à la pièce 1A de l'affidavit Stinson 2 depuis 1999 et qu'elle y est demeurée sans interruption jusqu'après le 19 juin 2000.

[18]            Enfin, l'affidavit Stinson 2 contient des assertions de fait portant que la marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec des services de vente au détail et que les ventes réalisées au Canada en liaison avec ces services ont dépassé 1 000 000 $ en 1999 et en l'an 2000.

[19]            La demanderesse affirme que les assertions de fait contenues dans l'affidavit Stinson 2 établissent que la marque de commerce a été employée durant les trois années précédant le 19 juin 2000, date de l'avis donné en vertu de l'article 45. La marque de commerce a donc été employée durant la période pertinente et, de ce fait, son enregistrement devrait être maintenu.

Défendeur

[20]            Le défendeur fait observer que le mot « emploi » est ainsi défini à l'article 2 de la Loi :


« emploi » ou « usage » À l'égard d'une marque de commerce, tout emploi qui, selon l'article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

"use", in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;


[21]            L'article 4 de la Loi précise quand une marque de commerce est réputée employée :



4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.


[22]            L'expression « marque de commerce » est ainsi définie à l'article 2 de la Loi :


a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,


[23]            L'article 45 de la Loi exige du propriétaire inscrit d'une marque de commerce à qui un avis a été envoyé par le registraire qu'il fournisse une preuve indiquant, à l'égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l'avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[24]            En ce qui concerne le sens des mots « employée au Canada » contenus dans l'article 45 de la Loi, le juge Dubé a conclu ce qui suit dans l'affaire Lindy c. Registraire des marques de commerce (1981), 57 C.P.R. (2d) 127, à la page 131 (C.F. 1re inst.) :

À mon avis, il résulte nécessairement de l'ensemble de la Loi que l'expression « employée au Canada » signifie employée par le propriétaire inscrit ou par l'usager inscrit.

[25]            Ce raisonnement a été admis par la Cour d'appel fédérale dans l'affaireStar-Kist Foods Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1988), 20 C.P.R. (3d) 46, à la page 52 (C.A.F.) et suivi par le juge Cullen dans l'affaire Meredith & Finlayson c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1992), 43 C.P.R. (3d) 473, à la page 482 (C.F. 1re inst.).

[26]            Dans Plough, précité, à la page 66, la Cour d'appel fédérale a énoncé la preuve requise dans une procédure intentée en vertu de l'article 45 de la façon suivante :

Le paragraphe 44(1) exige qu'il soit fourni au registraire un affidavit ou une déclaration statutaire « indiquant » , et non simplement énonçant, si la marque de commerce est employée, c'est-à-dire décrivant l'emploi de cette marque de commerce au sens de la définition de l'expression « marque de commerce » à l'article 2 et de l'expression « emploi » à l'article 4. Cela ressort clairement des termes du paragraphe en question puisqu'il exige que le propriétaire inscrit fournisse un affidavit ou une déclaration statutaire indiquant, à lgard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l'enregistrement, si la marque de commerce est employée au Canada et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date. Cela a pour but non seulement d'indiquer au registraire que le propriétaire inscrit ne veut pas renoncer à l'enregistrement, mais aussi de l'informer quant à l'emploi de la marque de commerce afin que lui et la Cour, s'il y a appel, puissent être en mesure d'apprécier la situation et d'appliquer, le cas échéant, la règle de fond énoncée au paragraphe 44(3). Il n'est pas permis à un propriétaire inscrit de garder sa marque s'il ne l'emploie pas, c'est-à-dire s'il ne l'emploie pas du tout ou s'il ne l'emploie pas à lgard de certaines des marchandises pour lesquelles cette marque a été enregistrée.

[27]            Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable à l'appel d'une décision rendue en vertu de l'article 45 de la Loi, le défendeur signale que la Cour d'appel a conclu ce qui suit dans Brasseries Molson, société en nom collectif, précité, à la page 196 :

...Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

[28]            La preuve présentée par la demanderesse en réponse à l'avis prévu à l'article 45 consistait en l'affidavit Stinson 1. Dans cet affidavit, M. Stinson est désigné comme étant le directeur des finances de Venator Group Canada Inc. depuis le 14 décembre 1998.


[29]            Le paragraphe 5 de l'affidavit Stinson 1 contient une allégation selon laquelle la marque de commerce a été employée au Canada pendant plusieurs années, était employée à la date de l'avis donné en vertu de l'article 45 et était toujours employée en liaison avec des services de vente au détail à la date où l'affidavit a été souscrit. La photographie d'une entrée de magasin, au-dessus de laquelle sont fixées plusieurs enseignes portant des marques de commerce, dont une seule porte la marque de commerce, a été jointe comme pièce A à l'affidavit.

[30]            L'agent d'audience a conclu avec raison que la preuve n'était pas claire quant à la question de savoir si, durant la période pertinente, la marque de commerce était montrée à l'entrée du magasin de la façon indiquée sur la photographie et que, par conséquent, l'enregistrement en question devait être radié.

[31]            Le défendeur soutient toutefois que l'agent d'audience a commis une erreur en concluant que des services de vente au détail ont été fournis par le propriétaire inscrit durant la période pertinente, et ce, parce que le paragraphe 5 de l'affidavit Stinson 1 n'indique pas quelle entité a employé la marque de commerce au Canada pendant plusieurs années, quelle entité employait la marque de commerce à la date de l'avis donné en vertu de l'article 45 et quelle entité continuait àemployer la marque de commerce en liaison avec des services de vente au détail.

[32]            En outre, l'affidavit Stinson 1 ne précise pas quelle entité exploitait le point de vente au détail apparaissant sur la photographie jointe comme pièce A.

[33]            Le paragraphe 6 de l'affidavit Stinson 1 ne précise pas non plus quelle entité a réalisé les ventes dont il fait état.


[34]            Le 16 janvier 2003, la demanderesse a déposé l'affidavit Stinson 2 au soutien du présent appel. Le défendeur affirme que le second affidavit, hormis les renseignements fournis au paragraphe 2 concernant la société Venator Group Canada Retail Ltd. et son lien avec Venator Group Canada Inc., constitue une répétition des allégations contenues dans l'affidavit Stinson 1, à l'exception des renseignements contenus dans les paragraphes 4 et 5.

[35]            Au paragraphe 4 de l'affidavit Stinson 2, l'auteur de l'affidavit affirme que la marque de commerce a été fixée à la devanture du magasin apparaissant sur la photographie jointe comme pièce 1A, et que ce magasin est situé dans la ville de Toronto (Ontario). On ne précise pas quand et par qui la photographie a été prise.

[36]            L'endroit exact où est situé le magasin n'est pas indiqué; il n'y a pas non plus d'allégation portant que le magasin appartenait au propriétaire inscrit, Venator Group Canada Inc., ou à son titulaire de licence, ou qu'il était exploité par ceux-ci.

[37]            Même si le paragraphe 5 de l'affidavit Stinson 2 indique que l'enseigne portant la marque de commerce fixée au-dessus de l'entrée du magasin apparaissant sur la photographie est en place depuis 1999 et est demeurée sur la devanture du magasin sans interruption jusqu'après le 19 juin 2002, il n'est pas précisé, encore une fois, qui était propriétaire ou exploitait le magasin durant la période alléguée. De plus, on ne sait pas trop quand exactement en 1999 ladite enseigne a été fixée à la devanture du magasin.

[38]            Le défendeur affirme qu'à l'instar du paragraphe 6 de l'affidavit Stinson 1, le paragraphe 6 de l'affidavit Stinson 2 n'indique pas quelle entité a réalisé les ventes réalisées en 1999 et en l'an 2000.

[39]            Le défendeur signale également que le nom de la demanderesse, ou de son prédécesseur en titre, ne figure nulle part dans les paragraphes 5 et 6 de l'affidavit Stinson 1, ni dans les paragraphes 4, 5 et 6 de l'affidavit Stinson 2.


[40]            Par conséquent, le défendeur affirme que ni l'affidavit Stinson 1 ni l'affidavit Stinson 2 n'établit de lien entre l'enseigne fixée au-dessus de l'entrée du point de vente au détail apparaissant sur la photographie et la demanderesse.

[41]            En conséquence, aucun des affidavits n'indique que la marque de commerce était employée par le propriétaire au 19 juin 2000, date de l'avis donné en vertu de l'article 45, ou à un moment quelconque au cours de la période de trois ans précédant ledit avis. La radiation de l'enregistrement de la marque de commerce devrait donc être maintenue.

[42]            Même si une preuve additionnelle a été déposée dans le présent appel, le défendeur soutient que cette preuve n'aurait pas eu d'effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire parce qu'elle n'établit pas que la marque de commerce a été employée par le propriétaire inscrit au cours de la période pertinente.

ANALYSE

[43]            Selon moi, le différend opposant les parties dans la présente demande se résume à la seule question de savoir si un emploi de la marque de commerce durant la période pertinente peut être attribué au propriétaire inscrit.


[44]            L'affidavit Stinson 2, qui a été déposé par la demanderesse en réponse aux questions soulevées dans la décision du registraire, a résolu ces questions. L'emploi de la marque de commerce durant la période pertinente est démontré. Cependant, l'affidavit Stinson 2 n'indique pas qui a employé la marque de commerce. Aucun lien n'est établi entre le propriétaire de la marque de commerce et le magasin où celle-ci est employée à Toronto, et il n'existe aucun lien explicite entre les chiffres de ventes fournis au paragraphe 6 et le propriétaire de la marque de commerce.

[45]            On comprend facilement comment cela a pu se produire. Dans sa décision, l'agent d'audience a expressément conclu ce qui suit : [traduction] « Il est vrai que les chiffres de ventes semblent indiquer que des services de vente au détail ont été fournis par le propriétaire inscrit durant la période pertinente » . L'agent d'audience fait allusion ici aux chiffres de ventes contenus dans le paragraphe 6 de l'affidavit Stinson 1, qui se lit comme suit :

[traduction] Les ventes courantes de la marque de commerce WOOLWORTH en liaison avec les services de vente au détail sont les suivantes :

1999 - plus de 1 380 399 $                                                                                                 2000 - 1er févr. au 2 déc. : plus de 1 200 000 $

[46]            La décision ne mentionne pas expressément que les chiffres de ventes peuvent être attribués de quelque façon que ce soit au propriétaire inscrit. L'agent d'audience présume simplement que c'est le cas, et ce, probablement parce que M. Stinson, au paragraphe 1 de l'affidavit Stinson 1, affirme être au courant des faits allégués dans l'affidavit en raison de la connaissance personnelle qu'il en a eu et de son accès aux registres de Venator Group Canada Inc., dont il était le directeur des finances lorsqu'il a souscrit l'affidavit Stinson 1, le 15 décembre 2000. Au moment où l'avis selon l'article 45 a été donné, Venator Group Canada Inc. était inscrite comme propriétaire de la marque de commerce sur le registre.


[47]            Le défendeur adopte la position selon laquelle les problèmes liés à l'attribution de l'emploi ne sont pas résolus par l'affidavit Stinson 2. Je suis d'accord avec lui, en ce sens que l'affidavit Stinson 2 ne nous donne pas plus de détails sur le lien qui existe entre le magasin de Toronto où la marque de commerce est montrée, les chiffres de ventes et le propriétaire inscrit, Venator Group Canada Inc. M. Stinson, dans l'affidavit Stinson 2, ne fait qu'affirmer avoir eu connaissance des faits à l'égard desquels il prête serment [traduction] « soit de par les registres de Northern Group Retail Ltd. [une société remplaçante de Venator Group Canada Inc.], soit de par la connaissance que j'en ai eu à titre de directeur des finances de Venator Group Canada Inc. ... alors propriétaire de l'enregistrement no TMA 368,206 visant la marque de commerce WOOLWORTH » .

[48]            La demanderesse affirme que les questions soulevées par le défendeur au sujet de l'attribution de l'emploi ne sont que de « simples formalités » , et qu'il ressort clairement du paragraphe 1 des deux affidavits Stinson que lorsqu'il est fait mention du magasin et des chiffres de ventes, il faut les attribuer à Venator Group Canada Inc. La demanderesse ajoute que si le défendeur avait un doute sur la question de l'attribution de l'emploi, il aurait pu contre-interroger M. Stinson relativement à ses affidavits et/ou intenter une procédure en vertu de l'article 57. La demanderesse croit que comme l'affidavit Stinson 2 constituait une réponse aux questions soulevées dans la décision (qui ne faisait état d'aucun problème concernant l'établissement d'un lien entre l'emploi de la marque de commerce et le propriétaire), la question ne devrait pas être soulevée dans le cadre du présent appel.

[49]            À mon avis, la Cour doit donc déterminer si les affidavits Stinson établissent un lien suffisant entre l'emploi de la marque de commerce et le propriétaire et, dans la négative, si cette défectuosité rend la décision déraisonnable et susceptible d'annulation.


[50]            Aucun désaccord important ne semble exister entre les parties quant au droit applicable. Les deux parties portent à l'attention de la Cour les affaires habituelles concernant la procédure intentée en vertu de l'article 45 et la nécessité d'éviter d'exiger une « preuve surabondante » de sorte que « [ce soit] l'emploi qui [doive] être indiqué, et non un exemple de tous les emplois » (voir Union Electric Supply Co. Ltd., précité, à la page 57). Le défendeur met l'accent sur l'énoncé contenu dans la décision Lindy, précitée, à la page 131, et dans celles qui l'ont suivie, selon lequel « l'expression "employée au Canada" signifie employée par le propriétaire inscrit ou par l'usager inscrit » . Il ne semble pas y avoir de désaccord sur les principes pertinents. La difficulté consiste plutôt à déterminer comment ceux-ci devraient s'appliquer dans la présente situation, où le lien entre l'emploi et le propriétaire inscrit n'est pas vraiment évident et où, bien que cela ne semble pas avoir dérangé l'agent d'audience, il ne semble rien y avoir dans les affidavits Stinson qui s'attaque directement à la question.

[51]            La jurisprudence établit que le fardeau qui incombe au propriétaire d'une marque de commerce dans le cadre d'une procédure intentée en vertu de l'article 45 se limite à fournir une preuve d'emploi suffisante pour éviter la radiation. Elle établit également que la preuve par affidavit n'a pas à être parfaite. Dans Gesco Industries Inc., précité, le juge Wetston a affirmé que « la preuve présentée au registraire doit établir les faits "à partir desquels on peut déduire logiquement qu'il y a eu 'emploi' ou 'emploi dans le cours normal du commerce'" » . De même, dans Keepsake Inc., précité, à la page 61, le juge Cattanach a dit ce qui suit au sujet de l'affidavit soumis dans cette affaire :

Même si l'affidavit soumis au registraire et l'affidavit additionnel produit devant la Cour auraient pu être plus explicites, la preuve permettait néanmoins de déduire, tout bien considéré, que les bagues ont été vendues dans le cours normal du commerce et que les opérations en question constituaient des opérations commerciales sans lien de dépendance.


[52]            Il semble donc clair que, lorsque l'on examine des questions relatives à l'emploi du moins, des inférences peuvent être tirées d'affidavits qui ne sont pas parfaits. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas en tirer dans le cas où, comme en l'espèce, l'emploi est démontré, mais où il faut déterminer s'il s'agit d'un emploi par le propriétaire inscrit. Je crois cependant qu'il faut faire preuve d'une grande prudence à l'égard de ces inférences en raison du fait qu'il est évident qu'il doit s'agir d'un emploi « par le propriétaire inscrit » ou par une autre partie, comme un titulaire de licence, ayant même qualité. Compte tenu de la facilité avec laquelle elle peut être escamotée dans un affidavit, je suis également d'avis qu'il ne s'agit pas là d'une question où les faits devraient être pris pour acquis.

[53]            D'après les faits dont je suis saisi, le registraire pouvait clairement déduire du registre que Venator Group Canada Inc. était le propriétaire inscrit de la marque de commerce à la date pertinente. Dans l'affidavit Stinson 1, on lui a déclaré que le souscripteur dudit affidavit était au courant des faits allégués dans celui-ci parce qu'il était le directeur des finances du propriétaire inscrit et avait donc eu une connaissance personnelle de ces faits ainsi qu'un accès aux registres du propriétaire inscrit.

[54]            Cependant, la preuve d'un emploi durant la période pertinente se fonde sur le fait que la marque de commerce a [traduction] « été fixée à la devanture du magasin apparaissant sur la photographie jointe aux présentes comme pièce 1A » durant la période pertinente, et sur le fait que ladite marque de commerce a été employée en liaison avec des services de vente au détail qui ont généré des chiffres de ventes spécifiques durant la période pertinente.


[55]            La demanderesse ayant choisi de démontrer l'emploi durant la période pertinente en faisant référence à un magasin précis situé à un endroit précis ainsi qu'à des chiffres de ventes, il était particulièrement important, en l'espèce, d'établir un lien entre le propriétaire inscrit de la marque de commerce et ces faits précis. À mon avis, les lacunes que comportent les affidavits Stinson sont trop importantes pour qu'un lien entre l'emploi et le propriétaire inscrit puisse être établi. Il s'agit d'une question si fondamentale que l'omission de l'aborder semble suspecte. Il aurait été si facile de dissiper tous les doutes sur la question dans un contexte où la nécessité d'établir un lien entre l'emploi et le droit de propriété est plutôt élémentaire. Je ne pense pas que cette question constitue une simple formalité qui peut être ignorée. Agir ainsi reviendrait à encourager l'escamotage dans la plus fondamentale des exigences en matière de preuve prévues par l'article 45. Je suis d'accord avec la demanderesse pour dire qu'aucun type particulier de preuve n'est exigé en réponse à un avis donné en vertu de l'article 45 et que tout ce que le propriétaire inscrit doit faire, c'est de [traduction] « fournir une preuve prima facie d'emploi » (voir Borden & Elliott c. Cara Operations Ltd. (1997), 82 C.P.R. (3d) 115, à la page 120), mais je ne crois pas que la preuve fournie en l'espèce établit un emploi prima facie « par le propriétaire inscrit » .

[56]            Par conséquent, même si la preuve additionnelle présentée sous la forme de l'affidavit Stinson 2 aurait bien pu avoir un effet sur la décision du registraire (parce que celui-ci n'a vu aucun problème concernant le lien entre l'emploi et le propriétaire inscrit), j'estime que cette décision, lorsqu'elle est examinée par rapport à la norme de la décision raisonnable simpliciter, est déraisonnable parce que, selon la preuve présentée au registraire, aucun lien n'a été établi entre les emplois allégués durant la période pertinente et le propriétaire de la marque de commerce.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          L'appel est rejeté. L'enregistrement de la marque de commerce est radié.

2.          Les dépens de l'appel sont adjugés au défendeur.

                                                                                    « James Russell »

                                                                                  Juge

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B., D.D.N.


                                                   COUR FÉDÉRALE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    T-2094-02

INTITULÉ :                                   FOOTLOCKER GROUP CANADA INC.,

autrefois VENATOR GROUP CANADA INC.

c.

R. STEINBERG

et

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :             OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :            30 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

EN DATE DU :                             18 MAI 2004

COMPARUTIONS :

ROSE-MARIE PERRY, c.r. POUR LA DEMANDERESSE

RICHARD UDITSKYPOUR LE DÉFENDEUR,

R. STEINBERG

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING LAFLEUR HENDERSON s.r.l. POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

MENDELSOHN POUR LE DÉFENDEUR,

MONTRÉAL (QUÉBEC)R. STEINBERG

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