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Date : 19990923


Dossier : IMM-6582-98

Entre :

     LIBENGE LIKELE, JEAN-CLAUDE

     Partie demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



TREMBLAY-LAMER J.:



[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par la Commission de l"immigration et du Statut de réfugié, Section du statut, en date du 27 octobre 1998 qui concluait que le demandeur n"est pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]      Le demandeur soumet que l"audition n"a pas été enregistrée ce qui constitue un manquement au principe de justice naturelle.


[3]      Récemment, la Cour Suprême du Canada a tranché la question sur l"absence de transcription. Dans la décision de Syndicat canadien de la Fonction publique, Section local 301 c. Montréal (ville)1, Madame le juge L"Heureux-Dubé résume la jurisprudence préalable et articule les principes juridiques qui s"appliquent à des situations où la transcription de l"audience est absente ou incomplète :

Dans l"arrêt Kandiah , la Cour d"appel fédérale a reconnu la préoccupation sous-tendant l"arrêt Tung , à savoir qu"un requérant puisse être dépouillé de ses moyens de révision ou d"appel dans le cas où il n"existe pas de transcription des délibérations de l"audition en litige. Cependant, la cour a statué que si la décision que la cour devait rendre pouvait être rendue sur la foi d"autres éléments de preuve, les principes de justice naturelle ne seraient pas enfreints.
[...]
En l"absence d"un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d"appel ou de révision. Si c"est le cas, l"absence d"une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. Cependant, lorsque la loi exige un enregistrement, la justice naturelle peut nécessiter la production d"une transcription. [Je souligne].
[...] en l"absence d"un droit à l"enregistrement d"une audition accordé par la loi, les droits que possède une partie eu égard à la justice naturelle ne seront violés que si la cour a un dossier inadéquat qui ne lui permet pas de fonder sa décision 2.

[4]      L"affaire Kulmiye a repris ce principe que "[...] l'absence de transcription n'est déterminante que dans les cas où ce défaut porte atteinte, d'une certaine façon, à la capacité du requérant de présenter ses arguments en vue d'un contrôle judiciaire"3.

[5]      En l"espèce, le tribunal a conclu que le témoignage du demandeur était truffé d"invraisemblances, d"incohérences et de contradictions. Ainsi, la décision du tribunal reposait uniquement sur le manque de crédibilité du demandeur.

[6]      Je vois mal comment celui-ci peut présenter un argument devant cette Cour qu"une telle conclusion est manifestement déraisonnable lorsqu"il n"est pas en mesure, vu l"absence de transcription, de référer à son témoignage lors de l"audition.

[7]      Quant au fait que le procureur ne s"était pas objecté à ce que son témoignage ne soit pas enregistré à l"audition, encore aurait-il fallu qu"il soit au courant que celle-ci n"était pas enregistrée. Or, il n"y a aucun élément de preuve qui démontre qu"il ait été informé de ce fait.

[8]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accordée. Le dossier est renvoyé pour redétermination devant un panel nouvellement constitué.

[9]      Aucun des avocats n"a recommandé la certification d"une question.





    

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 septembre 1999.

__________________

1      [1997] 1 R.C.S. 793.

2      Ibid. aux pp. 839-40, 842, 843.

3      Kulmiye c. Canada (M.C.I.) (le 27 janvier 1998), IMM-3553-96 (C.F. 1ère inst.).

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