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Date : 20030228

Dossier : IMM-62-02

Toronto (Ontario), le vendredi 28 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LINDEN

ENTRE :

THRI RAJ JOHN

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La décision de l'agent des visas portant la date du 10 décembre 2001 est annulée et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen avant le 31 mars 2003. Sans frais.

« A.M. Linden »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


Date : 20030228

Dossier : IMM-62-02

Référence neutre : 2003 CFPI 257

ENTRE :

                                                                     THRI RAJ JOHN

                                                                                                                                                      demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LINDEN(ex officio)

Introduction


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Thri Raj John (le demandeur) à l'encontre d'une décision rendue par Mark Girault (l'agent des visas) en poste au Haut-commissariat du Canada à Colombo au Sri Lanka. Dans une lettre portant la date du 10 décembre 2001, l'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente du demandeur à titre de demandeur indépendant.

Les faits

[2]                 Le demandeur a fait une demande de visa de résident permanent en tant que membre de la catégorie des parents aidés parce que sa tante maternelle est une citoyenne canadienne qui réside à Toronto. À la suite d'une entrevue, on l'a avisé non officiellement que sa demande était acceptée, sous réserve d'un examen médical et d'une vérification de ses antécédents. Comme on le lui avait demandé, il a plus tard fourni une copie du certificat de naissance de sa tante. Un nouvel agent des visas au dossier a voulu vérifier si le demandeur appartenait à la catégorie des parents aidés puisque le demandeur avait préalablement fait une demande pour immigrer au Canada dans la catégorie de demandeur indépendant sans mentionner la présence au Canada d'un proche parent.

[3]                 On a alors demandé au demandeur de se présenter à une deuxième entrevue pendant laquelle on lui a dit que le certificat de naissance qu'il avait soumis était frauduleux, qu'il avait peut-être commis un crime sérieux et que, par conséquent, sa demande était rejetée.


[4]                 Au cours de cette entrevue, le demandeur a expliqué que sa tante avait envoyé son certificat de naissance du Canada et que puisqu'il travaillait en Arabie saoudite au moment de l'envoi, il n'avait effectivement pas vu le certificat; en effet son épouse avait remis le certificat à son avocat qui l'a alors remis au Haut-commissariat du Canada. Il a également dit qu'il pouvait communiquer avec sa tante pour obtenir une explication, et fournir d'autres preuves de son lien de parenté avec elle. Malgré cette demande visant à obtenir plus de temps pour répondre aux doutes de l'agent des visas, ce dernier a répété que sa demande avait été rejetée.

[5]                 Selon le demandeur, sa tante lui a indiqué qu'elle avait obtenu le certificat de naissance en question en 1982, alors qu'elle travaillait au Koweït, avant son arrivée au Canada en tant que réfugiée. Le document lui avait été posté par un ami à qui elle avait fourni les détails entourant sa naissance dans le but d'obtenir ce document. Apparemment, les certificats de naissance sri-lankais sont écrits à la main par des officiels qui transcrivent l'information pertinente à partir de registres originaux. Le demandeur prétend que ni lui ni sa tante n'avaient de moyen de savoir que le certificat était frauduleux.

[6]                 L'agent des visas déclare que le demandeur a eu la possibilité de répondre à ses doutes en ce qui a trait au certificat de naissance frauduleux, mais le demandeur n'est pas d'accord. Il affirme qu'il n'a pas été avisé à l'avance de l'objet de la deuxième entrevue, et que l'agent des visas a ignoré son explication et ne lui a pas donné la possibilité de prouver son lien de parenté avec sa tante. Il ne s'agissait pas là, allègue-t-il, d'une possibilité valable de répondre.


[7]                 L'agent des visas n'était pas convaincu que le demandeur faisait partie de la catégorie des parents aidés et, par conséquent, il a apprécié le demandeur dans la catégorie des demandeurs indépendants (ce qui exige 5 points d'appréciation de plus pour pouvoir immigrer au Canada). Le demandeur a été apprécié le 10 décembre 2001 et a obtenu 65 points d'appréciation, soit la note de passage pour la catégorie des parents aidés mais insuffisante pour être admis dans la catégorie des demandeurs indépendants.

[8]                 L'agent des visas a également conclu qu'il serait contraire à la Loi sur l'immigration d'accorder au demandeur le droit d'établissement au Canada puisqu'il se situait dans la catégorie des personnes non admissibles décrites au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi; en effet, l'agent des visas avait des motifs raisonnables de croire que, en utilisant un faux document, le demandeur a commis au Sri Lanka un acte qui constituait une infraction, et que si cet acte était commis au Canada, il constituerait une infraction qui pourrait être punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à 10 ans.

[9]                 L'agent des visas a conclu que le demandeur savait que le certificat de naissance était faux parce que l'agent des visas avait établi que Attputham Jacob Augustine n'était pas sa vraie tante. Il a tiré cette conclusion parce que, dans sa première demande d'immigration, le demandeur avait omis de mentionner la présence d'un parent au Canada, malgré l'avantage associé à une demande de parent aidé. L'agent des visas n'était pas satisfait de l'explication du demandeur suivant laquelle il avait été trompé par son premier consultant en immigration.

La question en litige

      L'agent des visas a-t-il contrevenu à l'obligation élémentaire d'équité en ne fournissant pas au demandeur une possibilité valable de répondre aux doutes de l'agent des visas quant à l'authenticité du certificat de naissance de sa tante?


Arguments et analyse

      Le demandeur prétend qu'on ne lui a pas accordé une possibilité suffisante de répondre aux doutes de l'agent des visas quant à l'authenticité du certificat de naissance de sa tante. Le demandeur renvoie aux arrêts Baker c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, et Khan c. Canada, [2001] C.A.F. 345, pour ce qui est du principe que les droits de participation qui font partie de l'obligation d'équité procédurale varient selon la cause, mais que l'équité procédurale exige que ceux dont les intérêts sont touchés aient une possibilité valable de présenter leur affaire de façon complète et équitable.

[12]            Le demandeur prétend que l'agent des visas est allé à l'encontre de l'obligation d'équité décrite dans l'arrêt Baker en n'accordant pas de temps au demandeur pour obtenir des informations concernant le certificat de naissance frauduleux avant de répondre aux doutes de l'agent des visas.

[13]            Selon les notes STIDI de l'agent des visas, on a indiqué au demandeur que le certificat de naissance était frauduleux et on lui a ensuite demandé : [traduction] « avez-vous d'autres informations à ce sujet? » Le demandeur de répondre : [traduction] « Non - elle l'a envoyé du Canada. Je n'étais pas au courant de ce fait - elle est véritablement ma tante. »


[14]            Vu que le défendeur n'a fourni aucun élément de preuve visant à contredire la preuve du demandeur suivant laquelle il a demandé de façon précise qu'on lui donne la possibilité de communiquer avec sa tante afin d'obtenir des explications sur le document frauduleux, et de fournir d'autres éléments de preuve quant à leur lien de parenté, le demandeur prétend que la Cour devrait accueillir sa preuve sur ce point.

[15]            Le demandeur prétend que la possibilité qui lui a été fournie de répondre aux doutes de l'agent des visas n'était pas valable puisqu'il n'avait aucune connaissance préalable du fait que le certificat de naissance était frauduleux et qu'on ne lui a pas donné la possibilité de présenter des éléments de preuve quant à l'authenticité du document ni quant à son ignorance du fait qu'il s'agissait d'un faux document. On ne lui a pas non plus permis de fournir d'autres éléments de preuve de son lien de parenté.

[16]            Le demandeur prétend que, comme dans la décision Muliadi c. Canada (Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205, on aurait dû lui donner une possibilité suffisante de commenter les éléments de preuve extrinsèques avant que l'agent des visas ne complète son appréciation.


[17]            Le défendeur est d'avis que l'agent des visas a accompli son obligation d'agir équitablement en faisant part au demandeur de ses doutes, et en lui fournissant la possibilité d'y répondre à l'audience. Le défendeur se fonde sur la décision Patel c. Canada (Le Secrétaire d'État), [1995] A.C.F. no 1410 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la Cour a conclu que l'obligation d'équité avait été respectée lorsque le demandeur a subi une deuxième entrevue lui permettant de répondre aux doutes de l'agent des visas quant à son manque de compétence et d'expérience comme imprimeur.

[18]            Dans l'affaire Patel, la Cour a conclu qu'on avait avisé le demandeur des doutes de l'agent des visas et qu'on lui avait donné la possibilité d'y répondre pleinement lors de la deuxième entrevue. Dans l'affaire Patel, cependant, l'immigrant éventuel avait été avisé de l'objet de la deuxième entrevue dans une lettre qui lui avait été envoyée avant l'entrevue. Dans la présente affaire, le demandeur n'a été avisé de l'objet de la deuxième entrevue qu'au moment où il s'y est présenté. Pour ce motif, on ne peut pas dire qu'on lui a donné la possibilité de répondre pleinement aux doutes de l'agent des visas quant à l'authenticité du certificat de naissance de sa tante. Si le demandeur avait été avisé à l'avance de l'objet de sa deuxième entrevue, ou si on lui avait accordé du temps après l'entrevue, il aurait peut-être pu rassembler des éléments de preuve afin de répondre d'une manière valable aux doutes de l'agent des visas concernant le document. Cela aurait pu être fait par téléphone ou par d'autres moyens de communication par écrit.

[19]            Le défendeur prétend que le demandeur devait savoir pourquoi la deuxième entrevue avait été demandée parce que, lors de cette entrevue, le demandeur a fourni un affidavit de sa tante dans lequel elle affirme que son nom de famille a changé de Jacob à Augustine en raison de son mariage. À mon avis, cet argument n'est pas convaincant. L'affidavit de la tante du demandeur, signé le 14 juin 2000, et présenté à l'agent des visas lors de la deuxième entrevue du demandeur, n'établit pas que le demandeur connaissait déjà l'aspect frauduleux du certificat de naissance.

[20]            Par conséquent, je conclus que l'agent des visas a contrevenu à l'obligation d'équité en n'accordant pas au demandeur une possibilité suffisante d'offrir une réponse valable au problème particulier auquel il faisait face, c'est à dire, le fait qu'un document clé qu'il avait soumis était un faux.

Conclusion

      La décision de l'agent des visas doit être annulée, et la demande du demandeur renvoyée pour nouvel examen conformément aux principes d'équité procédurale avant le 31 mars 2003. Sans frais.

« A.M. Linden »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 28 février 2003

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       IMM-62-02

INTITULÉ :                                                        THRI RAJ JOHN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                                       

DATE DE L'AUDIENCE :              le vendredi 28 février 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              le juge Linden (ex officio)

DATE DES MOTIFS :                                     le vendredi 28 février 2003

COMPARUTIONS :

D. Russ Makepeace                                             POUR LE DEMANDEUR                                 

Martin Anderson                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

D. Russ Makepeace                                             POUR LE DEMANDEUR

17, avenue Madison

Bureau 200

Toronto (Ontario)   

M5R 2S2

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                Date : 20030228

                                                                                                                    Dossier : IMM-62-02

ENTRE :

THRI RAJ JOHN

                                                                                                                                                     demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                            

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