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     Date: 20000706

     Dossier: IMM-3047-00

ENTRE :


FREDDY ALBERTO VALENCIA, LINDA MARGARET KAUZLARICH

et OSCAR DAVID VALENCIA et JACOB ALEXANDER VALENCIA,

par leur tutrice à l'instance LINDA MARGERET KAUZLARICH

     demandeurs

ET :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


[1]      Il s'agit d'une demande de sursis à l'exécution d'une mesure d'expulsion qui devait être exécutée le 20 juin 2000.

[2]      J'ai entendu cette demande à Toronto, le 19 juin 2000. J'ai accordé le sursis, sous réserve des brefs motifs ci-après énoncés.

[3]      M. Valencia est un citoyen colombien qui est initialement arrivé au Canada en 1987 et qui a revendiqué le statut de réfugié. Son statut ne lui a pas été reconnu, et l'autorisation en vue d'un contrôle judiciaire de la décision a été refusée.

[4]      Une autre demande que M. Valencia a présentée à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié a également été rejetée par une lettre datée du 5 novembre 1999.

[5]      Le demandeur est marié à une citoyenne canadienne, Linda Margaret Kauzlarich; deux enfants son nés de cette union, Oscar David Valencia, qui est né le 5 septembre 1989, et Jacob Alexander Valencia, qui est né le 1er septembre 1997. Les deux enfants sont citoyens canadiens.

[6]      Le demandeur a été reconnu coupable de complot en vue du trafic de stupéfiants le 11 janvier 1990 et a été condamné à quatre ans et demi d'emprisonnement. Après avoir été incarcéré pendant dix mois seulement, il a été mis en liberté conditionnelle; la liberté conditionnelle a cessé au mois de juillet 1994. Au mois de juillet 1999, le demandeur est devenu admissible au pardon et a retenu les services d'un conseiller pour qu'il présente une demande de pardon au cours de l'été 1999. M. Valencia a été informé qu'il devait se présenter devant les autorités de l'Immigration au mois d'avril 2000; c'est à ce moment-là, à la suite d'une vérification auprès de la Commission, qu'il a été découvert que le conseiller n'avait pas encore présenté la demande de pardon. La demande a finalement été présentée à la fin du mois d'avril 2000, environ un an après que M. Valencia soit devenu admissible au pardon.

[7]      Au mois de juin 1999, la conjointe du demandeur a présenté une demande dans laquelle elle déclare vouloir parrainer la demande de droit d'établissement au Canada de son mari. Le Centre de traitement des demandes, à Vegreville (Alberta), a accusé réception de cette demande au mois de septembre 1999; dans l'accusé de réception, on informait en outre le demandeur que son cas avait été transféré au Centre d'immigration du Canada de Woodbridge pour traitement.

[8]      Une demande a également été présentée en vue de l'obtention d'une décision fondée sur des raisons d'ordre humanitaire conformément au paragraphe 114(2) de la Loi.

[9]      Il ressort du contenu de cette demande et du dossier du demandeur que celui-ci ne s'est livré à aucune activité criminelle depuis qu'il a été mis en liberté en 1990.

[10]      Il est allégué que le demandeur passe une bonne partie de son temps avec ses deux enfants et qu'il est étroitement lié à l'aîné; en effet, en tant qu'entraîneur de son équipe de soccer, il assiste à toutes les parties. Le demandeur travaille pour Land Rover, à Toronto, depuis 1993; il est également propriétaire d'une petite entreprise de nettoyage qui compte trois employés canadiens; cette entreprise obtient des contrats de nettoyage auprès de diverses concessions d'automobiles; le travail est effectué le soir et en fin de semaine. Le demandeur est l'unique soutien de sa conjointe et de ses deux enfants depuis que cette dernière reste à la maison pour s'occuper de la famille.

[11]      Presque tous les membres de la famille du demandeur habitent également au Canada, à savoir sa mère, deux soeurs et deux frères, et trois d'entre eux sont maintenant citoyens canadiens. Le demandeur croit qu'il pourrait être persécuté s'il retournait dans son pays.

[12]      Il est bien reconnu que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a critiqué à maintes reprises la situation en Colombie. Le demandeur allègue qu'un certain nombre de membres de sa famille ont déjà été tués dans ce pays et que le seul autre frère est parti et s'est installé à Panama à cause des menaces que l'on proférait contre lui. Le demandeur affirme qu'il est certain que, s'il était renvoyé, sa conjointe et ses deux enfants ne l'accompagneraient pas et qu'ils n'auraient aucun moyen évident de subsistance. Les enfants perdraient l'appui d'un père qui, apparemment, n'a eu aucun démêlé avec la justice, qui travaille et qui subvient aux besoins de sa conjointe et de ses deux enfants.

[13]      Il est évident, selon moi, qu'il existe deux motifs sur lesquels le ministère de l'Immigration pourrait se fonder pour considérer d'un bon oeil le cas du demandeur : à savoir, le fait que le demandeur est parrainé par sa conjointe, qui est citoyenne canadienne, et le fait que le demandeur obtiendra son pardon à bref délai puisqu'il pouvait le demander depuis le mois de juillet 1999. Il est en outre possible que la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire soit accueillie.

[14]      Il faut examiner le critère à triple volet se rapportant à la question de savoir s'il existe une question sérieuse. La demande n'est pas futile ou vexatoire. Il est certain que la décision relative au parrainage ou aux raisons d'ordre humanitaire influera sur la question fondamentale, à savoir l'avenir du demandeur, de sa conjointe et de ses enfants.

[15]      Je suis convaincu que le renvoi du Canada d'un parent qui n'est pas citoyen sans qu'il soit tenu compte de l'intérêt des enfants constituerait un facteur fort important dans la décision à rendre au sujet de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire ou de la demande de parrainage; cela soulève également une question sérieuse.

[16]      Quant au deuxième volet, à savoir le préjudice irréparable, si le demandeur était maintenant renvoyé du pays, avant d'avoir eu une autre possibilité, cela aurait presque pour effet de rendre d'autres audiences futiles. Le demandeur perdrait sans aucun doute son emploi ainsi que son entreprise de nettoyage. La chose occasionnerait de graves difficultés à la famille et une séparation pour une période indéfinie entre le père, la conjointe et les enfants, qui comptent sur l'appui de celui-ci. Cela créerait une situation dans laquelle la famille devrait peut-être avoir recours à l'assistance sociale.

[17]      Quant à la question de la prépondérance des inconvénients, il est certain que M. Valencia a déjà été reconnu coupable d'une infraction criminelle grave. Toutefois, dix années se sont écoulées et le demandeur n'a pas récidivé. La demande de droit d'établissement est en instance depuis un an. Ce n'est que récemment que le bureau d'immigration a pris des mesures contre le demandeur. Je suis convaincu que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur en l'espèce.

[18]      La demande semble être suffisamment fondée pour qu'il soit raisonnablement possible d'espérer qu'elle soit accueillie et, si je n'accordais pas le sursis, cela aurait un effet défavorable sur la demande de parrainage ainsi que sur la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.


                         « P. ROULEAU »

                                 JUGE

OTTAWA (ONTARIO),

le 6 juillet 2000.

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-3047-00

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      FREDDY ALBERTO VALENCIA et AUTRES et MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 19 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Rouleau en date du 6 juillet 2000


ONT COMPARU :

BARBARA JACKMAN          POUR LE DEMANDEUR

DAVID TYNDALE          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BARBARA JACKMAN          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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