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Date : 20020311

Dossier : T-2157-01

                                                                                                  Référence neutre : 2002 CFPI 271

                                                           ACTION SIMPLIFIÉE

ENTRE :

                                                      DONALD JAMES WHYTE,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                             et

LES PROPRIÉTAIRES, EDWARD MASKALL et

TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT

SUR LE DRAGUEUR « SANDPIPER VI » , SON ÉQUIPEMENT

ET SON NAVIRE ANNEXE AINSI QU'UN CADRE EN « A » ,

ISLAND DREDGING CORP. et

ISLAND SAND PIPING CORP.,

autrefois dénommé ISLAND SAND SALES LTD.,

                                                                                                                                         défendeurs.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]         Le demandeur a fait délivrer et apparemment signifier un mandat de saisie du dragueur « Sandpiper VI » et de son équipement. Le demandeur déclare maintenant qu'une partie de l'équipement du « Sandpiper VI » , soit le pipeline flottant de dragage des matériaux, a été loué par le défendeur personnellement ou par la société défenderesse, Island Sand Piping Corp., et déplacé de manière à pouvoir être utilisé par un tiers. Le demandeur, qui présente cette requête à bref préavis, s'inquiète naturellement de la violation apparente de la saisie. M. Maskell, qui se représente lui-même, et qui représente les autres défendeurs, n'a déposé aucun document.

[2]         Le demandeur présente cette requête en vue d'obtenir une ordonnance en matière d'outrage. Toutefois, le demandeur, qui se représente lui-même, n'a pas bien examiné les dispositions relatives à l'outrage des Règles de la Cour fédérale, qui exigent d'abord une requête pour ordonner une audience en justification suivie d'une audience en justification, devant un juge, pour trancher la question de l'outrage. J'entends traiter la présente requête comme une demande en vue d'obtenir une ordonnance de se justifier. Dans le cadre de la présente procédure, il incombe au requérant de prouver prima facie la violation d'un mandat de saisie : voir, par exemple, La Reine c. Perry [1982] 2 C.F. 519 (C.A.), à la page 525. L'outrage inclut l'entrave à la saisie d'un navire par un tribunal, un point que j'illustrerai en temps opportun.

[3]         Afin de fixer une audience devant un juge pour cette affaire, pour établir s'il y a eu outrage ou non, je dois, ainsi que je l'ai déjà mentionné, décider si le demandeur a prouvé prima facie une conduite par laquelle les défendeurs ont violé un mandat de saisie, dont ils connaissaient l'existence.


[4]         En opposition à la présente requête, M. Maskall a témoigné sans avoir prêté serment que le pipeline en cause ne constituait qu'une partie de l'équipement détenu par les défendeurs, que le pipeline n'a pas été désigné comme faisant partie de la saisie, et, à son avis, qu'il ne devrait pas être regroupé avec le navire saisi. En plus de déposer un affidavit, M. Whyte a fait valoir, sans avoir prêté serment, que la défenderesse n'avait qu'un dragueur, qu'il avait effectué des travaux sur le pipeline et que le pipeline de la défenderesse, conformément aux conditions de la location, ne pouvait être utilisé par la défenderesse que sur son dragueur saisi. J'accorde peu de poids au témoignage non sous serment; toutefois, il m'amène à faire une remarque sur la portée d'une saisie.

[5]         Comme de nombreuses affaires le démontrent, les tribunaux incluent dans la définition d'un navire tout son équipement, examinant souvent explicitement l'usage d'un navire et le lien entre l'équipement ou ses accessoires et le navire lui-même : voir par exemple l'arrêt The « Dundee » (1823) 166 E.R. 39, à la page 46, 1 Hagg. Ad. 109, à la page 127, rendu par lord Stowell de la Haute cour de l'amirauté.

[6]         Pour ce qui est de la portée d'un mandat de saisie, je ne répéterai pas tout ce que j'ai dit dans l'affaire Pacific Tractor Rentals (V.I.) Ltd. c. Le navire « Palaquin » (1997) 115 F.T.R. 224, aux pages 226 et suivantes : il suffit de dire que non seulement l'équipement qui se trouve à bord du navire, mais aussi toute partie de l'équipement d'un navire qui a été enlevée et qui est emportée à terre avant la saisie, peut être visée par le mandat de saisie. Il s'agit d'un concept qui a été clairement énoncé par les rédacteurs comme proposition générale découlant de l'affaire The « Alexander » (1812) 165 E.R. 1310 :

[Traduction]

Un mandat de saisie d'un navire vise tout ce qui s'y rattache comme équipement, même les éléments qui en sont matériellement détachés. (Meeson, Admiralty Jurisdiction and Practice, Lloyds of London Press, 1993, à la page 124.)


Des passages similaires à celui figurant dans Meeson se retrouvent aussi dans Wiswal, The Development on Admiralty Jurisdiction Since 1800, Cambridge University Press, 1970, à la page 184, et dans Roscoe, Admiralty Jurisdiction and Practice, 5e édition, Stevens & Sons, 1931, à la page 276.

[7]         En l'espèce, il y a une preuve prima facie que le pipeline de dragage de matériaux était visé par la saisie, d'après la requête et les documents du demandeur.

[8]         La requête et les documents du demandeur, abstraction faite des éléments non pertinents, sollicitent premièrement ce qui est peut-être une solution pratique, soit l'acceptation du déplacement et de l'utilisation par un tiers du pipeline saisi, mais assortie du versement d'une part du produit de la location pour acquitter la réclamation en échange d'un consentement après le fait au déplacement, à la location et à l'utilisation du pipeline. Étant donné le levier dont le demandeur peut maintenant disposer, je ne suis pas certain si, d'une part, cette mesure ne s'apparenterait pas à une saisie avant jugement, une procédure que la Cour ne peut accorder, mais une solution qui, si les parties en conviennent, pourrait être pratique ou si, d'autre part, il s'agit d'un moyen de pression compte tenu de la solution de rechange que le demandeur sollicite. Comme solution de rechange, le demandeur veut obtenir une déclaration portant que la défenderesse a commis un outrage au tribunal. Troisièmement, le demandeur veut obtenir une ordonnance portant restitution par Fraser River Pile & Dredge, du pipeline qu'elle aurait loué auprès des propriétaires défenderesses pour ensuite le déplacer. Enfin, le demandeur sollicite une modification de la déclaration pour corriger une erreur d'addition dans son calcul des dommages.


[9]         La modification, qui vise à corriger l'erreur de calcul figurant dans la déclaration, est accordée.

[10]       À cette étape-ci, je ne me propose pas de traiter de la demande d'une ordonnance portant que Fraser River Pile & Dredge cesse d'utiliser le pipeline mais, si cela devient nécessaire, cette demande devrait être portée à l'attention du juge saisi de la procédure en outrage.

[11]       Le déplacement d'un navire ou d'une pièce d'équipement saisi est une question des plus graves pouvant mener à une conclusion d'outrage et ce, en partie seulement parce qu'elle prive un demandeur d'un recours adéquat. L'affaire The « Synova » [1976] 1 Lloyds 40, à la page 41, une décision rendue par le juge Brandon, fournit une autre raison au moins aussi probante : [Traduction] « ... il est important que la procédure de saisie de la Cour et les actions réelles soient respectées, dans la mesure du possible, et que toute violation de cette procédure fasse l'objet des sanctions qui s'imposent » . Dans l'affaire The « Synova » , l'outrage consistait simplement dans l'enlèvement du mandat de la Cour, après le paiement de la dette visée par la saisie, mais sans la permission de la Cour. Ce geste a été jugé assez grave pour mériter une amende de 100 £ il y a environ 25 ans.


[12]       De la même manière, dans l'affaire The « Merdeka » [1982] 1 Lloyds 401, le juge Sheen était saisi d'un cas où le capitaine du navire, sachant que son navire était saisi, l'avait déplacé et l'avait sorti du territoire. Dans cette affaire, le capitaine du navire, après avoir atteint la Hollande et fait face à des procédures en justice dans ce territoire, avait changé d'idée. Il avait écrit une lettre d'excuses, dont la Cour avait tenu compte en regard de ce qu'elle considérait comme un grave outrage. Il semble que grâce aux excuses, de même qu'au retour volontaire du navire et de la personne en cause à Londres, le capitaine du navire s'en était tiré avec des frais de 2 000 £ et une amende de 350 £ , même si le juge Sheen a souligné que non seulement il s'agissait d'un grave outrage, mais aussi qu'une procédure de cette nature était nécessaire pour faire bien comprendre à quelles conséquences s'exposent ceux qui font fi des ordonnances de la Cour.

[13]       J'ai mentionné les affaires The « Synova » et The « Merdeka » non pas pour poser un jugement anticipé, mais plutôt pour établir que le déplacement et l'utilisation d'un navire saisi, ou de son matériel saisi, sans l'autorisation de la Cour, constituent bel et bien une affaire grave et peuvent mener à une conclusion d'outrage. Dans le même ordre d'idées, une procédure en outrage est aussi une affaire sérieuse et c'est pourquoi cette procédure se divise en deux parties. La première étape est une ordonnance de se justifier exigeant de la personne qui a censément contrevenu au mandat de saisie qu'elle comparaisse devant un juge pour entendre la preuve d'outrage et être prête à présenter une défense : voir le paragraphe 467(1) des Règles. Pour rendre une telle ordonnance, qui relève de la compétence d'un protonotaire, je dois, comme je l'ai déjà dit, être convaincu qu'il y a une preuve prima facie qu'un outrage a été commis.


[14]       En l'espèce, l'affidavit du demandeur est bref et renferme divers éléments non pertinents. Toutefois, je suis convaincu, d'après les documents, qu'il existe une preuve prima facie qu'un pipeline faisant partie de l'équipement du dragueur saisi « Sandpiper VI » est loué de son propriétaire et qu'il a été déplacé. Une ordonnance de se justifier présentable le 25 mars 2002 sera par conséquent rendue.

[15]       À titre de renseignement pour les parties, les documents requis pour obtenir initialement une ordonnance de se justifier, y compris les affidavits à l'appui de cette demande, n'ont pas à respecter le même degré de divulgation des faits qui est exigé à la seconde étape, soit l'audience en justification elle-même : voir, par exemple, l'arrêt La Reine c. Perry, précité, aux pages 524 et 525 et 746278 Ontario Ltd. c. Courtot (1990) 29 F.T.R. 302, aux pages 310 et 311, où le juge MacKay a donné aux demanderesses du temps pour fournir aux défendeurs les détails et les documents complets, après l'audience de justification initiale et avant l'audience sur l'outrage, de manière à ce que les défendeurs soient raisonnablement avisés de tous les faits et disposent d'un délai raisonnable pour élaborer une réponse. En l'espèce, les défendeurs sont bien informés des faits, mais devraient disposer d'un certain temps pour examiner leur position et élaborer une réponse.

[16]       J'avertis les parties, comme l'a fait le juge MacKay dans l'affaire Courtot à la page 311, qu'il incombe au demandeur de prouver les accusations d'outrage, preuve qui doit être faite de vive voix, à moins que les parties ne conviennent des faits ou s'entendent pour que la preuve soit présentée par affidavit, en totalité ou en partie. Toute preuve par affidavit qui est permise devrait être directe et porter sur des faits dont le déposant est personnellement au courant.


[17]       Les dépens suivront l'issue de la cause.

     « John A. Hargrave »

_______________________

Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 11 mars 2002

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                  AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-2157-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Donald James Whyte c. Le dragueur « Sandpiper IV » et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 11 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                     11 mars 2002

COMPARUTIONS :

Donald Whyte                                                                           POUR LE DEMANDEUR

Edward Maskall                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

POUR LE DEMANDEUR

POUR LE DÉFENDEUR


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