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Date : 20010312

Dossier : T-80-83

Référence neutre : 2001 CFPI 174

ENTRE

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.

demanderesses

et

APOTEX INC.

défenderesse

          MOTIFS DU JUGEMENT SUPPLÉMENTAIRE CONCERNANT LES DÉPENS

LE JUGE MacKAY


[1]         À la fin de l'audience relative au renvoi se rapportant à l'appréciation de l'étendue de la contrefaçon par la défenderesse et à une reddition de comptes, l'avocat des demanderesses a sollicité les dépens sur la base avocat-client à l'égard du renvoi. La décision a été reportée; lorsqu'elle a été présentée, j'ai refusé cette demande, mais j'ai fait droit à la demande subsidiaire par laquelle les demanderesses cherchaient à avoir la possibilité de soumettre des observations au sujet de directives selon lesquelles les dépens devaient être adjugés à un niveau supérieur au niveau habituellement accordé à l'égard des dépens entre parties.

[2]         Par la suite, le 26 mai 2000, la Cour a entendu les observations que les deux parties ont soumises au sujet de la demande que les demanderesses avaient faite en vue d'obtenir des directives spéciales aux fins de la taxation des dépens. Les présents motifs portent sur ces observations et indiquent les motifs qui s'appliquent à la fixation des dépens par un officier taxateur si les avocats des parties n'arrivent pas à s'entendre sur le montant des dépens, compte tenu des directives qui ont été données le 7 mars 2000 dans un jugement supplémentaire rendu à ce sujet.

[3]         Un bref aperçu de l'instance et des préparatifs qui ont été faits aux fins de l'instance indique le contexte dans lequel les questions relatives aux dépens se posent. À la suite de l'instruction, un jugement a été rendu en faveur des demanderesses dans une action se rapportant à la contrefaçon du brevet des demanderesses, ainsi qu'aux droits que Wellcome Foundation Limited avait alors sur le brevet canadien no 907,014 (voir The Wellcome Foundation et autre c. Apotex Inc. (1991), 47 F.T.R. 81). Par la suite, au moyen d'un jugement supplémentaire, des directives spéciales ont été données au sujet des dépens de l'instruction, en vertu de la règle 344(6)a) de la Cour telle qu'elle s'appliquait alors (voir (1992), 52 F.T.R. 241, 40 C.P.R. (3d) 376).


[4]         Un renvoi se rapportant à l'étendue de la contrefaçon et aux profits que la défenderesse avait faits, les demanderesses ayant choisi ce mode de recouvrement, a donné lieu à une instruction en 1997 ainsi qu'à la délivrance d'un jugement et de motifs, le 26 août 1998, dossier du greffe T-80-83, des motifs supplémentaires de jugement étant prononcés à l'égard du renvoi [1999] A.C.F. no 274 (1re inst.). Ces derniers motifs se rapportent au jugement rendu le 26 août 1998 et aux jugements supplémentaires qui ont été enregistrés les 15 et 26 février 1999.

[5]         À la fin des audiences relatives au renvoi, qui ont duré 11 jours, soit le même nombre de jours que les audiences relatives à l'instruction au fond, l'avocat des demanderesses a sollicité des dépens sur la base avocat-client, ou subsidiairement, des dépens sur la base de directives spéciales en vue de l'obtention de dépens en sus des dépens normaux entre parties. J'ai refusé d'adjuger les dépens sur la base avocat-client, mais j'ai laissé aux avocats des parties la possibilité de présenter des observations au sujet de la demande que les demanderesses avaient faite afin d'obtenir des directives spéciales.

[6]         Ces observations ont été entendues au mois de mai 2000. Malheureusement, ma décision, en l'espèce, a pris plus de temps que ce qui était prévu. Les présents motifs se rapportent aux demandes particulières des demanderesses, et après l'examen des réponses que les défenderesses ont données au sujet des directives spéciales, aux directives qu'il convient à mon avis de donner au sujet des dépens relatifs au renvoi.


[7]         Avant de parler des directives spéciales, j'aimerais faire de brèves remarques au sujet de la demande initiale que les demanderesses ont faite en vue d'obtenir des dépens sur la base avocat-client. En se fondant sur l'examen de trois volumes de lettres échangées entre les avocats des parties, les demanderesses ont soutenu que la défenderesse a continuellement retardé les procédures préalables à l'audience et qu'elle ne s'est pas conformée aux dispositions de trois ordonnances rendues par la Cour en vue de la production de documents, du dépôt des déclarations des experts dans le délai imparti et de la production de documents en général. À cet égard, longtemps après que le jugement eut été rendu au fond, et après l'audition de son appel, Apotex n'a produit bon nombre de documents que dans les 90 jours qui ont précédé le début de l'audience, même si la date était fixée depuis plusieurs mois, et elle en a également produit après le début de l'audience.

[8]         J'ai examiné les lettres échangées entre les avocats et j'ai tenu compte des observations qui avaient déjà été présentées au sujet de l'adjudication des dépens sur la base avocat-client; je ne suis pas convaincu que la conduite d'Apotex et de son avocat justifient l'octroi de dépens sur cette base en ce qui concerne l'instruction du renvoi. À mon avis, cela ne veut pas dire que certains préparatifs des demanderesses ne devraient pas entraîner l'adjudication de dépens plus élevés que ceux qui sont habituellement accordés entre parties.


[9]         Je ne doute aucunement que la défenderesse a omis de produire en temps opportun les documents nécessaires; aucune explication satisfaisante n'a été donnée au sujet de ce manque de diligence, par suite duquel certains documents importants ont été produits après le début de l'audience. De plus, on ne s'est entendu sur certains faits qu'après le début de l'audience, et certains faits ont ensuite été reconnus par la défenderesse compte tenu de renseignements qui lui avaient été fournis plusieurs mois avant l'audience. En fin de compte, les avocats des demanderesses ont gaspillé du temps à examiner l'affaire et à se préparer en prévoyant que les défenderesses se fonderaient sur de nombreuses licences qui n'ont finalement pas été produites à l'audience ainsi qu'à examiner un long affidavit d'expert qui n'a pas été déposé à l'instruction.

[10]       En plus de ces facteurs, j'estime que les frais et dépenses se rapportant aux experts-comptables des demanderesses devraient pouvoir être recouvrés au complet en tant que frais engagés par les demanderesses. Si ce n'était des travaux que ces experts ont effectués lorsqu'il s'est agi de reconstituer, à partir du nombre restreint de documents fournis par Apotex, un historique raisonnable des activités de cette dernière et de déterminer le chiffre d'affaires de la défenderesse et les profits attribuables à l'emploi du procédé breveté des demanderesses, la tâche de la Cour aurait été fort difficile et le renvoi aurait nécessité de longues audiences. Étant donné qu'il a fallu examiner et passer en revue les rapports des comptables au moins deux fois, après la production tardive des documents de la défenderesse, les dépenses engagées par les demanderesses à l'égard des experts-comptables étaient sans aucun doute plus élevées que normalement. Toutes les dépenses que les demanderesses ont engagées pour obtenir des services comptables et des conseils de leurs experts constituent un débours justifiant le recouvrement lorsque les dépens sont adjugés contre la défenderesse.


[11]       Il est opportun d'énoncer ici brièvement les principes généraux suivants, qui ont été invoqués dans les observations des parties, au sujet de l'adjudication des dépens.

(1)         En vertu de la règle 400, la Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens et les répartir; divers facteurs dont il peut être tenu compte dans une adjudication sont énoncés dans la règle 400(3), notamment, ce qui est ici fort important, a) le résultat de l'instance, b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées, c) l'importance et la complexité des questions en litige, g) la charge de travail, k) la question de savoir si une mesure prise au cours de l'instance était inappropriée, vexatoire ou inutile, o) toute autre question que la Cour juge pertinente.


(2)         Le tarif B des Règles de la Cour fédérale, qui comporte cinq niveaux différents indiqués dans des colonnes, dont chacune comprend une gamme d'unités permettant d'assurer une certaine flexibilité aux fins de l'adjudication, doit indiquer d'une façon raisonnable les frais engagés dans un litige, mais il ne vise pas au paiement intégral des frais réels dans une affaire donnée. Une adjudication des dépens en sus du tarif B, par exemple sur la base avocat-client, serait exceptionnelle. À moins que la Cour ne l'ordonne autrement, les dépens entre parties sont taxés selon la colonne III du tarif B. Dans la décision Pacific Forest Products Limited c. Termar Navigation Limited (1998), 146 F.T.R. 72, au paragraphe 7 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Rothstein a statué que ni le succès remporté par une partie ni une charge importante de travail ne permettraient en tant que tels de déroger à la colonne III du tarif B, même si la conduite d'une partie permettait peut-être d'y déroger. De plus, une combinaison des facteurs pertinents, en ce qui concerne les dépens, peut dans une affaire donnée justifier à mon avis une adjudication supérieure à ce qui est prévu dans la colonne III.


(3)         Les Règles prévoient bien qu'une partie peut, par requête, demander que des directives spéciales soient données à l'officier taxateur au sujet des dépens (règle 403), mais à mon avis pareille requête formelle avec affidavit à l'appui n'est pas essentielle lorsque la question des dépens se pose, comme c'est ici le cas, à la fin de l'audition d'un renvoi concernant l'étendue de la contrefaçon et une reddition de comptes, l'instance se poursuivant afin de permettre de préciser la réparation à accorder, sur le plan quantitatif, à la suite d'un jugement rendu dans une action où les dépens sont demandés par la partie qui a en fin de compte gain de cause. Comme dans toute autre action où les dépens sont demandés par la partie qui a en fin de compte gain de cause, les plaidoiries relatives aux dépens peuvent être examinées sans preuve par affidavit dans la mesure où elles sont fondées sur des éléments de preuve qui ont par ailleurs été présentés à l'instruction. En l'espèce, la Cour agit conformément à la règle 400 sans qu'il soit nécessaire de présenter une requête formelle additionnelle et, à mon avis, la Cour peut donner des directives à l'officier taxateur, en se fondant sur les prétentions des parties et sur l'appréciation du juge, telle qu'elle résulte de l'instruction de l'action et du renvoi. Je ne suis pas convaincu que, comme la défenderesse le soutient, il soit nécessaire de présenter une preuve par affidavit au sujet du temps consacré à l'affaire, des frais engagés ou des taux exigés, à l'égard des articles pour lesquels des directives sont demandées, lorsque la Cour indique, comme cela a été fait en l'espèce, qu'elle tiendrait compte des observations présentées au sujet des directives spéciales demandées à l'égard des dépens.

(4)a)     En ce qui concerne la « complexité de l'affaire » en tant que facteur, la défenderesse affirme que ce facteur se rapporte à la complexité des questions de droit soulevées par le litige plutôt qu'à la complexité de la technologie ou de la comptabilité en cause. La défenderesse soutient que, cela étant, il ne s'agit pas ici d'une affaire complexe, même s'il est reconnu que le renvoi peut avoir exigé une charge importante de travail. Il est soutenu que l'analyse d'environ 115 échantillons du produit de la défenderesse et la quantité de travail comptable nécessaire aux fins de l'examen des documents financiers fournis par la défenderesse n'avaient pas en tant que telles pour effet de rendre cette affaire complexe.


(4)b)     À mon avis, l'affaire était dans une certaine mesure complexe lorsqu'il s'agissait d'apprécier l'étendue de la contrefaçon. En l'espèce, le produit de la défenderesse a été fabriqué à l'aide d'un produit en vrac TMP importé de diverses sources sans que l'intermédiaire utilisé en vue de produire le TMP soit précisé, et il a été statué à l'instruction que l'utilisation d'un seul des deux intermédiaires possibles constituait une contrefaçon du brevet des demanderesses. Il fallait, aux fins du renvoi, analyser un nombre d'échantillons beaucoup plus élevé que le nombre d'échantillons qu'il avait fallu analyser aux fins de l'instruction au fond. Il fallait faire un compte rendu des résultats, présenté d'une façon utile aux fins de la preuve afférente au renvoi, pour déterminer l'étendue de la contrefaçon et la méthode de calcul des profits attribuables à la contrefaçon, puisqu'il y avait dans le produit de la défenderesse un plus grand nombre d'ingrédients actifs que le TMP produit au moyen du procédé contrefait. À mon avis, l'analyse et le compte rendu des résultats ne consistaient pas simplement à reprendre ce qui avait été fait aux fins de l'instruction au fond. La préparation de l'audience relative au renvoi justifiait la participation de l'avocat principal des demanderesses, qui devait être consulté au sujet du processus d'analyse et de l'élaboration des comptes rendus relatifs aux résultats obtenus aux fins de la preuve. La complexité découle en grande partie de la nécessité d'apprécier l'étendue de la contrefaçon lorsqu'une partie indéterminée du produit de la défenderesse comporte l'utilisation d'un produit chimique fabriqué à l'aide d'un produit intermédiaire qui est fabriqué au moyen d'un procédé contrefaisant le procédé breveté des demanderesses.


(4)c)      Je suis également convaincu que le travail des comptables des demanderesses a été particulièrement utile à la Cour lorsqu'il s'est agi d'établir la méthode à employer en vue d'apprécier l'étendue de la contrefaçon et les modalités de répartition des profits, puisque le produit final renfermait tant des éléments contrefaits que des éléments non contrefaits et, en fin de compte, lorsqu'il s'est agi de comptabiliser les profits que la défenderesse avait faits par suite de la contrefaçon, dans des circonstances où les propres documents financiers de cette dernière ne renfermaient pas de renseignements détaillés complets aux fins de l'examen. Les documents qui ont été produits ne constituaient pas un dossier complet. Comme on peut s'y attendre, aucun document ne traitait d'une façon détaillée de la production, de la vente, des recettes et des profits se rapportant à un produit particulier de la vaste gamme de produits fabriqués et vendus par Apotex. Les comptables des demanderesses ont élaboré une méthode permettant de calculer les profits que la Cour a jugée raisonnable et appropriée. Il ne s'agissait pas d'un simple travail comptable régulier.

(4)d)     Je reconnais que la quantité même de travail à accomplir ne veut pas nécessairement dire que l'affaire est complexe, mais je remarque également que les comptables des demanderesses ont été obligés de passer minutieusement en revue leurs travaux, premièrement lorsque la défenderesse a produit certains documents peu de temps avant l'audience relative au renvoi, et encore une fois après le début de l'audience. La défenderesse dit que l'on n'a pas tardé à produire les documents une fois qu'ils ont été découverts, mais l'on n'a pas expliqué pourquoi on n'avait pas réussi à découvrir plus tôt, au moyen de recherches diligentes, des documents qui n'ont été trouvés qu'environ cinq ans après que le jugement eut été rendu à l'instruction.


(4)e)      L'audience a été complexe dans un autre sens, à savoir en ce qui concerne le nombre de questions à régler, pour lesquelles les parties se sont préparées avant l'instruction. Cette complexité a été atténuée de gré à gré, mais uniquement au début de l'audience, en ce qui concerne sept faits cruciaux, et par la suite lorsque les parties se sont entendues sur quatre autres facteurs cruciaux concernant la répartition des profits compte tenu de présomptions établies. Il restait néanmoins encore à la Cour un certain nombre de questions à régler. Il aurait été possible de s'entendre avant l'instruction au sujet d'un grand nombre des questions qui ont été admises à l'instruction mais, à mon avis, la défenderesse n'a été prête à admettre certains faits, qui ont finalement donné lieu à un règlement, compte tenu des documents comptables produits par l'expert de la demanderesse, qu'au début de l'instruction.

(5)         La défenderesse soutient qu'étant donné que la Cour avait refusé d'adjuger les dépens sur la base avocat-client, elle ne pouvait pas envisager, dans des directives spéciales, l'adjudication de dépens à un niveau comparable à cette base en sus des niveaux prévus au tarif B. En l'espèce, les demanderesses sollicitent des directives spéciales prévoyant le paiement intégral des dépens à l'égard de certaines activités de leur avocat. Je ne suis pas d'accord avec la défenderesse lorsqu'elle affirme qu'il existe un principe général à ce sujet. Si la Cour était convaincue que l'adjudication des dépens sur la base avocat-client était justifiée à certains égards ou pour un service fourni à l'audience, le pouvoir discrétionnaire conféré dans la règle 400 permettrait à mon avis d'adjuger ainsi les dépens, mais l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire exigerait des explications telles que celles qui doivent habituellement être fournies pour que les dépens soient adjugés sur la base avocat-client à l'égard de l'instruction ou du renvoi dans son ensemble.


(6)         En ce qui concerne les facteurs énoncés dans la règle 400(3), a) le résultat de l'instance et b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées, la défenderesse soutient que le succès, en ce qui concerne le renvoi, était partagé, compte tenu de la différence énorme entre les sommes réclamées par les demanderesses au début de l'audition du renvoi au titre des profits et des intérêts et les sommes adjugées par la Cour, correspondant à moins de la moitié des sommes réclamées. À mon avis, le succès n'était pas partagé. Les demanderesses ont eu gain de cause. Le renvoi se rapportait à la comptabilisation des profits et aux intérêts réclamés. Le montant que les demanderesses ont proposé lors de l'audition du renvoi en se fondant sur le résultat le plus favorable possible auquel leurs plaidoiries auraient donné lieu n'était pas, à mon avis, une « réclamation » au sens de l'alinéa b) de la règle 400(3), qui se rapporte à une réclamation qui est faite avant l'instruction au fond. En l'espèce, la réclamation qui avait été présentée avant l'instruction visait à l'obtention de dommages-intérêts ou à une reddition de comptes, au gré des demanderesses, et il a été ordonné bien avant l'instruction qu'au besoin, un renvoi ait lieu aux fins de la détermination de tout montant auquel les demanderesses avaient droit.

[12]       J'examinerai maintenant les demandes que les demanderesses ont faites en vue d'obtenir des directives particulières.

[13]       Les demanderesses font des demandes précises en vue d'obtenir des directives spéciales; elles énoncent également les motifs qui, à leur avis, justifient ces directives. Ces demandes et les motifs connexes sont ici résumés. Sauf dans la mesure où il en est autrement fait mention, la défenderesse s'oppose à ces demandes précises. Après chaque résumé de la demande que les demanderesses ont faite, j'énoncerai en caractères gras ma décision en la faisant suivre de motifs sommaires à l'appui.


Demandes de directives présentées par les demanderesses

Motifs invoqués par les demanderesses

[14]       Les demanderesses demandent que le travail que l'avocat principal a accompli en élaborant et en dirigeant les analyses d'échantillons de TMP de la défenderesse qu'elles ont effectuées et en préparant les résultats qui devaient être utilisés au moment du renvoi soit taxé au taux horaire que l'avocat exigeait alors.

La défenderesse ne savait pas comment le TMP qu'elle importait était produit, et la détermination de l'étendue de la contrefaçon exigeait l'élaboration d'une procédure appropriée permettant d'effectuer une analyse des traces de 115 lots d'échantillons de TMP qu'elle avait produit en vue de déterminer quels lots renfermaient des traces de l'intermédiaire utilisé dans le procédé breveté des demanderesses. C'est l'avocat principal des demanderesses lui-même qui a apporté les lots d'échantillons aux laboratoires britanniques de ses clientes. Les analyses effectuées entre le 2 novembre 1992 et le 24 février 1994, indiquant qu'il y avait eu contrefaçon dans 81 lots, étaient documentées dans un rapport et dans huit volumes de données. On a affirmé que toutes les activités avaient été effectuées sous la direction et avec la collaboration de l'avocat principal des demanderesses, qui voulait s'assurer de la valeur probante des analyses.

La Cour ordonne que le travail que l'avocat principal des demanderesses a effectué avec la demanderesse britannique lorsqu'il s'est agi de préparer et d'apprécier les analyses de 115 lots d'échantillons du produit de la défenderesse et de faire rapport à ce sujet, pour le temps raisonnable qui a réellement été consacré à ce travail, sans toutefois dépasser trois jours de travail, de sept heures au plus chacun, aux fins du déplacement et de la consultation au Royaume-Uni, et deux jours de travail similaires au Canada, soit taxé selon la colonne IV du tarif B, en ce qui concerne l'article 27, « [...] services acceptés [...] ou ordonnés par la Cour » . De plus, les frais d'un voyage aller-retour en avion, classe hospitalité, entre Toronto et Londres, en Angleterre, seront admis à titre de débours, en tant que dépense liée au transport et au maintien de l'intégrité des 115 échantillons du produit de la défenderesse qui étaient nécessaires aux fins de l'analyse effectuée par les demanderesses britanniques.

[Voir le jugement du 7 mars 2001, clause 2i)]


Motif :Je reconnais que l'affaire soulevait une question de première impression : à savoir la détermination de l'étendue de la contrefaçon fondée sur l'analyse du produit dans lequel la défenderesse ne pouvait pas déceler la portion renfermant le TMP contrefait produit au moyen du procédé breveté. La préparation de rapports d'analyses et de rapports d'experts satisfaisants aux fins de la preuve à présenter dans le cadre du renvoi justifiait à mon avis une participation spéciale de l'avocat principal des demanderesses, en sus de la participation habituelle, et il était opportun de reconnaître ce fait en adjugeant les dépens selon la colonne et l'article du tarif B indiqués dans la directive.

Les débours qui sont admis peuvent inclure les frais raisonnables qui ont été engagés pour le voyage en avion aller-retour effectué en classe économique entre Toronto et Londres, Royaume-Uni, aux fins de la livraison de 115 échantillons de la défenderesse à la demanderesse britannique, préservant l'intégrité des échantillons.

[15]       Les demanderesses sollicitent l'adjudication des frais que la demanderesse britannique a engagés en vue de faire analyser les échantillons de la défenderesse.

Les demanderesses auraient pu faire analyser les échantillons par un laboratoire indépendant, auquel cas, est-il soutenu, les frais d'analyse auraient constitué un débours admissible.

La Cour ordonne que les frais admissibles comprennent les dépenses raisonnables engagées aux fins de l'analyse des échantillons de la défenderesse, telles qu'elles peuvent être déterminées au moyen de l'affidavit d'un agent de la demanderesse britannique, à l'exclusion toutefois des salaires ou des allocations versés au personnel employé, ou encore des dépenses en capital ou des frais généraux d'exploitation d'un laboratoire imputables à l'analyse des échantillons de la défenderesse.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(ii)]

Motif :Il est bien établi que les frais qu'une partie au litige a engagés en vue de constituer sa preuve, à part ceux que le tarif de la Cour autorise, ne sont généralement pas recouvrables. En l'espèce, il est tenu compte dans les dépens adjugés des dépenses directes, le cas échéant, qui ont été engagées en vue de procéder aux analyses, c'est-à-dire les débours, dans la mesure où elles ne sont pas liées à la rémunération du personnel ou à d'autres frais ne découlant pas entièrement des analyses d'échantillons effectuées par la demanderesse britannique.

[16]       Les demanderesses demandent que les frais relatifs au travail que leurs avocats ont effectué avec les experts-comptables en vue de se préparer aux fins du renvoi soient taxés au taux horaire alors exigé par les avocats. Ce travail se rapportait à l'analyse et à l'examen des documents de la défenderesse ainsi qu'à la préparation des tableaux de quantités et de recettes destinés à être utilisés dans le cadre du renvoi.


Pour apprécier l'étendue de la contrefaçon, il a fallu examiner les registres de stock et les factures de la défenderesse pour les années 1981 à 1990, au cours desquelles il y a eu contrefaçon, en vue de déterminer la partie des recettes et du revenu de la défenderesse qui étaient attribuables aux ventes d'apo-sulfatrim et la partie de ces ventes qui étaient attribuables à l'utilisation du produit fabriqué à l'aide de TMP produit au moyen d'un procédé contrefait (le TMP ne donnait pas toujours lieu à une contrefaçon). Il a également fallu élaborer une méthode en vue de déterminer la partie des profits qui étaient imputables à l'emploi d'un produit contrefait utilisé en combinaison avec un autre ingrédient actif dans le produit final de la défenderesse.

La Cour ordonne que les dépens admissibles comprennent les honoraires d'un avocat principal, au niveau supérieur prévu dans la colonne IV du tarif B, article 27, pour la préparation de l'instruction, lorsqu'il s'est agi de travailler avec les experts-comptables, et ce, pour une période d'au plus quatre journées de travail, de sept heures au plus chacune, en vue d'analyser et d'examiner les registres de stock et les documents financiers de la défenderesse ainsi que de préparer et d'examiner les tableaux de quantités et de recettes de façon à préparer la preuve avant l'audition du renvoi.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(iii)]

Motifs :À mon avis, il était essentiel pour l'avocat principal des demanderesses de participer à la préparation du renvoi de sorte que des directives spéciales devraient être données, comme il est ici prévu, au sujet du temps consacré à ce travail tel qu'en fait foi l'affidavit. Si l'on a consacré à ce travail plus que les quatre jours prévus, l'officier taxateur pourra envisager d'accorder encore plus de temps, dans la mesure où cela est raisonnable, au niveau des dépens habituellement taxés entre parties.

[17]       Les demanderesses demandent qu'en vertu des paragraphes 13 et 14 du tarif B, les honoraires d'un deuxième et d'un troisième avocats subalternes soient accordés.

Les demanderesses soutiennent que plusieurs facteurs justifient l'octroi de dépens pour le troisième avocat, notamment : la complexité de l'affaire, le fait qu'il était important de constituer une preuve utile aux fins du renvoi, le fait qu'elles ont eu gain de cause dans une décision importante leur accordant environ 23,4 millions de dollars et le fait que l'affaire soulevait certaines questions de première impression en ce qui concerne la comptabilisation des profits.

La Cour ordonne que les dépens admissibles comprennent les frais d'un avocat subalterne, mais non de deux, pour les services et honoraires prévus aux articles 13 et 14 du tarif B, sans toutefois que les frais demandés ci-dessus en vertu des clauses (i) et (iii) de la présente ordonnance soient comptés en double.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(iv)]


Motifs :Je ne suis pas convaincu que les motifs invoqués justifient l'octroi des frais d'un troisième avocat. Je reconnais qu'une bonne partie du travail que l'on a effectué pour préparer la preuve aux fins de l'audition du renvoi a été effectué à la dernière minute parce que la défenderesse avait tardé à produire certains documents financiers, et qu'une partie du travail effectué avant l'audience s'est avéré inutile parce que la défenderesse a décidé d'admettre certains faits uniquement après le début des audiences. À mon avis, les frais d'un troisième avocat ne devraient pas être inclus dans le montant adjugé contre les demanderesses.

[18]       Les demanderesses demandent qu'en ce qui concerne les services des avocats ainsi que tous les autres articles énumérés au tarif B, l'officier taxateur accorde pour l'avocat principal et pour les deux avocats subalternes au moins le nombre maximum d'unités prévu dans la colonne V, l'officier taxateur étant autorisé à excéder ces montants s'il le juge opportun.

Les demanderesses se fondent sur les facteurs a) et b), à savoir le résultat de l'instance et sur la somme recouvrée (soit l'octroi en leur faveur d'environ 23,4 millions de dollars, c) l'importance et la complexité des questions en litige, d) le partage de la responsabilité et g) la charge de travail.

La Cour ordonne que les dépens admissibles selon le tarif B pour les services des avocats en général, à l'exception des services mentionnés ci-dessus aux clauses (i) et (iii) et des services relatifs à la taxation des dépens, soient accordés au niveau maximum prévu dans la colonne III, l'officier taxateur pouvant à sa discrétion excéder ce niveau s'il existe à son avis des motifs exceptionnels.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(v)]

À mon avis, la défenderesse a été moins ouverte qu'elle aurait raisonnablement dû l'être : elle n'a pas produit les documents pertinents en temps opportun, elle a omis de faire savoir avant l'audition du renvoi qu'elle admettait certaines questions de fait, elle a fait savoir qu'elle prévoyait se fonder sur 123 licences obligatoires, alors qu'à l'instruction, six licences seulement ont été produites en preuve; elle a fait savoir qu'elle prévoyait se fonder sur la preuve d'un expert mais elle n'a pas cité d'expert à l'instruction, de sorte que cela a amené les avocats diligents des demanderesses à travailler en vue de se préparer sur certains points, ce travail s'étant avéré inutile au fur et à mesure que l'instruction avançait.

[19]       Les demanderesses demandent que les débours admissibles comprennent :

(i)          les honoraires et les frais de leurs trois témoins experts, y compris les frais de déplacement et d'hébergement découlant de réunions nécessaires avec les avocats des demanderesses; la planification et l'analyse d'échantillons par la demanderesse britannique, la préparation de rapports, de données et d'affidavits, la préparation des témoignages et les témoignages que les experts ont présentés lors du renvoi et la présence nécessaire de ceux-ci devant la Cour lorsqu'ils ne témoignaient pas;


(ii)         les honoraires et frais que les experts-comptables des demanderesses ont exigés;

(iii)        les honoraires professionnels de M. Michael Jackson, agent de brevets britanniques et européens, pour les services rendus à titre de conseiller indépendant après qu'il eut pris sa retraite et qu'il eut cessé d'occuper le poste de chef du service des brevets et des ententes de la demanderesse britannique à la fin du mois de novembre 1994;

(iv)        tous les frais de déplacement et d'hébergement que l'agent de brevets employé par les demanderesses a engagés en vue de préparer le renvoi et d'assister aux audiences.

La Cour ordonne que les débours admissibles des demanderesses, qui doivent être inclus dans les frais recouvrables, comprennent :

a)          les frais et honoraires raisonnables, à l'exception de la rémunération versée aux employés des demanderesses, liés aux paiements effectués à l'égard des trois témoins experts des demanderesses qui ont témoigné lors du renvoi, MM. Holmes, Ashton et Bernstein, y compris les frais de déplacement et d'hébergement que ceux-ci ont engagés lors d'une rencontre avec l'avocat des demanderesses; lorsqu'il s'est agi de participer, de planifier et d'analyser les résultats des analyses des 115 lots d'échantillons de la défenderesse; de rédiger et de signer les affidavits, de participer au renvoi en témoignant et en étant présents lorsqu'ils n'ont pas témoigné, dans la mesure où cette présence était raisonnablement nécessaire en vue d'aider les avocats à l'égard des témoignages d'experts présentés par la défenderesse ou de donner des conseils au sujet de la preuve d'expert que la défenderesse se proposait, avant l'audience, de présenter, mais qu'elle n'a pas présentée;

b)          les honoraires et frais raisonnables qui ont été exigés et que les demanderesses ont payés pour le travail de leurs experts-comptables, y compris l'examen et la révision du travail qui avait déjà été effectué, ce travail ayant dû être fait parce que la défenderesse avait tardé à produire certains documents et qu'elle ne les avait produits que peu de temps avant l'audience et même après le début de l'audience;

c)          les honoraires raisonnables qui ont été exigés et que les demanderesses ont payés pour les services que M. Michael Jackson, agent de brevets britanniques et européens, a rendus à titre de conseiller indépendant après qu'il eut pris sa retraite et qu'il eut cessé de travailler pour la demanderesse britannique, à la fin du mois de novembre 1994.


[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(vi)]

Motifs :La défenderesse reconnaît que les frais et honoraires raisonnables qui ont été engagés et payés pour les témoins experts, autres que les propres employés des demanderesses, sont des débours admissibles.

La Cour refuse d'inclure les frais de déplacement et d'hébergement que l'agent de brevets employé par les demanderesses a engagés afin de préparer l'audition du renvoi et d'y assister, compte tenu du principe voulant qu'à part les frais associés aux avocats, aux procédures de la Cour et à la preuve des experts, les frais qu'une partie engage en vue de faciliter la présentation de sa preuve doivent en général être supportés par cette dernière. En l'espèce, il n'y a pas lieu de déroger à ce principe.

[20]       Les demanderesses demandent que les dépens comprennent les frais sur la base avocat-client pour le temps que les avocats ont passé à examiner, avec leurs experts-comptables, les factures ainsi que les documents d'expédition et les autres documents produits par la défenderesse après le début de l'audience, ce qui a nécessité l'examen et la révision d'une partie du travail effectué par les comptables.

Les demanderesses soutiennent que, bien qu'elles aient à maintes reprises fait une demande après que le jugement au fond eut été prononcé dans la présente action en 1992, un grand nombre de documents n'ont été produits qu'après le début des audiences, ce qui a obligé les avocats et les comptables à effectuer énormément de travail supplémentaire, notamment en dehors des heures normales et au cours d'une fin de semaine comprenant un jour férié.

La Cour ordonne que les frais liés au temps que l'avocat principal des demanderesses a raisonnablement passé à examiner avec les experts-comptables les factures et les documents d'expédition produits par la défenderesse après le début de l'audience relative au renvoi, soient taxés au niveau supérieur prévu dans la colonne IV du tarif B, article 13a), en ce qui concerne les honoraires exigés pour la préparation de l'audience.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(vii)]

Motifs :Les heures comptabilisées des avocats, qu'il s'agisse de l'avocat principal ou de l'avocat subalterne, lorsqu'ils ont examiné avec les comptables les documents produits par la défenderesse après le début des audiences, ce travail ayant uniquement dû être fait parce que la défenderesse avait tardé à produire les documents, devraient donner lieu à une indemnité, à un taux plus élevé que le taux habituel qui est ici fixé.

[21]       Les demanderesses sollicitent l'adjudication d'une somme globale de 5 000 $ pour les frais des photocopies faites sur place.


Il est soutenu que, dans le cadre des travaux comptables, il a fallu faire un nombre inhabituel de photocopies et que la situation a été aggravée du fait que la défenderesse a tardé à produire certains documents, ce qui a nécessité la révision d'une bonne partie du travail qui avait déjà été accompli.

La Cour ordonne que les frais admis comprennent des frais raisonnables, que les demanderesses devront établir, pour les photocopies faites sur place, et qu'en l'absence de pareille preuve, un montant de 1 500 $ soit inclus pour les frais de photocopie, sur production de l'affidavit d'un représentant ou d'un avocat des demanderesses, établissant que des frais aussi élevés ou encore plus élevés, qui ne sont pas par ailleurs comptabilisés, ont été engagés par les demanderesses ou pour le compte des demanderesses à des fins pertinentes mentionnées dans l'affidavit.

[Voir le jugement en date du 7 mars 2001, clause 2(viii)]

Motifs :Il a sans doute fallu effectuer un grand nombre de photocopies (chez l'avocat ou chez les demanderesses, indépendamment des frais des comptables qui ont ci-dessus déjà été admis). S'il en est rendu compte, ces frais devraient être recouvrables, mais s'il n'en est pas par ailleurs rendu compte, sauf au moyen d'un affidavit tel il en a été fait mention, le montant mentionné sera accordé.

[22]       Le jugement, y compris les directives spéciales énoncées dans les présents motifs, a été déposé et délivré le 7 mars 2001. Les directives qui se rapportent à des clauses particulières du jugement supplémentaire relatif aux dépens qui a été déposé le 7 mars 2001, sont notées, chaque directive étant ici énoncée.

« W. Andrew MacKay »

J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        T-80-83

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED ET AUTRE

c.

APOTEX INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 26 MAI 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                MONSIEUR LE JUGE MacKAY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MARS 2001.

ONT COMPARU :

Immanuel Goldsmith                                         POUR LES DEMANDERESSES

John Morrissey

Harry Radomski                                               POUR LES DÉFENDERESSES

Julie Perrin

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                                                POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Goodmans LLP                                                POUR LES DÉFENDERESSES

Toronto (Ontario)

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