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Date : 20050125

Dossier : T-68-02

Référence : 2005 CF 119

ENTRE :

                                      LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                 LA CAISSE POPULAIRE DE LA VALLÉE DE L'OR

                                                                             

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

Introduction


[1]                La demanderesse dans le présent dossier invoque le mécanisme de la fiducie réputée prévue aux paragraphes 227(4.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R. (1985), ch. 1 (5e supplément) telle que modifiée (la Loi), et 86(2.1) de la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, telle que modifiée (la LAE), pour réclamer de la défenderesse ce qu'elle considère être le produit découlant de la vente d'une remorque dans un contexte où la débitrice fiscale a elle-même vendu ce bien et remis à la défenderesse, soit la créancière garantie de la débitrice fiscale, le produit obtenu en contrepartie.

[2]                Suivant la demanderesse, à la lumière des dispositions législatives pertinentes et des enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt First Vancouver Finance c. M.R.N., [2002] 2 R.C.S. 720 (l'arrêt First Vancouver) et de ceux de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Canada (M.R.N.) c. Banque nationale et als., 2004 CAF 92 (permission d'en appeler à la Cour suprême du Canada refusée le 14 octobre 2004, dossier CSC 30311, ci-après l'arrêt Banque nationale), la remorque était au moment de la vente un bien réputé être détenu en fiducie conformément aux paragraphes 227(4.1) de la Loi et 86(2.1) de la LAE et le montant reçu suite à cette vente par la débitrice fiscale, puis remis à la défenderesse, constitue bel et bien en vertu des mêmes dispositions législatives un « produit découlant » de cette vente qui continue d'être grevé de la fiducie réputée. En conséquence, suivant la demanderesse, elle a priorité de rang à l'encontre de la défenderesse sur ledit produit de vente (jusqu'à concurrence du montant des déductions à la source (DAS) non remises), soit la somme de 5 849,67 $.


[3]                Pour ce qui est de la défenderesse, elle n'admet pas que le montant qu'elle a reçu par suite de la vente de la remorque constitue un « produit découlant » au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi. De plus, la défenderesse soutient qu'il est indispensable et primordial que l'on tienne compte du moment où la demanderesse fait valoir ou connaître en pratique sa fiducie réputée - la défenderesse utilise dans ses représentations écrites le terme « matérialise » pour faire valoir ce concept - pour décider qui de la demanderesse ou d'elle a priorité de rang sur le produit découlant de la vente de la remorque.

[4]                Selon la défenderesse, la sécurité juridique et la sécurité des opérations commerciales commandent ici que la défenderesse puisse conserver ce produit de vente en raison du fait que la demanderesse n'a fait valoir en pratique ses droits sous la Loi qu'après que la remorque fut vendue par la débitrice et le produit découlant de sa vente remis à la défenderesse.

[5]                En raison du montant en jeu, l'action de la demanderesse dans le présent dossier fut conduite comme une action simplifiée et fut entendue au mérite conjointement avec l'action intentée par la demanderesse contre une autre institution financière dans le dossier T-949-02 vu qu'elle soulève des faits et une dynamique en droit similaires.

[6]                Les présents motifs de jugement vaudront donc, mutatis mutandis, pour ces deux dossiers et une copie de ces motifs sera versée dans chaque dossier. Quant aux jugements en tant que tels, chaque dossier fera l'objet d'un court jugement vu que les montants en jeu sont quelque peu différents.

Contexte factuel

[7]                Dans le présent dossier, tout comme dans le dossier T-949-02, les faits, tel que déjà mentionné, découlent essentiellement d'une même dynamique et ont fait l'objet d'une entente entre les parties dans chaque dossier. À l'audition, il n'y a donc pas eu, avec raison, de contre-interrogatoires de témoins ou de contre-preuves verbales.

[8]                Dans le présent dossier, soit le T-68-02, les faits se présentent comme suit.

[9]                En février 1999, 2430-1277 Québec Inc. (la débitrice) a converti en prêt garanti par une hypothèque mobilière une marge de crédit que lui avait précédemment consentie la défenderesse.

[10]            Le bien de la débitrice visé par la garantie de la défenderesse était une remorque de marque « Témisco, 1989, modèle RBLG » (la remorque), laquelle était déjà détenue en garantie par la défenderesse depuis 1995 pour garantir un autre prêt de la débitrice.

[11]            En décembre 1999, la débitrice a vendu la remorque à 9028-9901 Québec inc. (l'acheteur) pour la somme de 10 000 $, laquelle a été payée par chèque fait à l'ordre de la débitrice le 22 décembre 1999.

[12]            Le 22 décembre 1999, la somme découlant de l'encaissement du chèque, soit 10 000 $, a été versée en totalité à la défenderesse qui a procédé le même jour à la radiation de l'hypothèque mobilière qu'elle détenait sur la remorque.


[13]            Or, à ce moment, la débitrice avait fait défaut et est toujours en défaut de remettre à Sa Majesté de la DAS, c'est-à-dire ici une somme de 5 849,67 $ provenant de montants déduits de la rémunération versée à ses employés durant les mois de février 1998 à novembre 1999 au titre des impôts payables par lesdits employés en vertu de la Loi, ainsi qu'au titre des cotisations ouvrières exigibles desdits employés en vertu de la LAE.

[14]            La débitrice a cessé d'opérer en novembre 1999.

[15]            Le 2 février 2001, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence) faisait parvenir à la défenderesse une mise en demeure l'informant que la débitrice était redevable envers la demanderesse de sommes à titre de DAS et que les biens de la débitrice étaient assujettis à l'application des paragraphes 227(4.1) de la Loi et 86(2.1) de la LAE.

[16]            La défenderesse a refusé de payer à la demanderesse ladite somme, et ce, bien qu'elle était requise de le faire de par cette mise en demeure.

[17]            Le 11 janvier 2002, la demanderesse déposait sa déclaration simplifiée au greffe de cette Cour.

[18]            Quant au dossier T-949-02, les faits sont les suivants.


[19]            Le 30 juin 1999, la défenderesse consentait à LRC Forestiers inc. (la débitrice) un prêt au montant de 45 000 $ garanti par une hypothèque grevant l'universalité des créances et comptes à recevoir ainsi que l'universalité des biens de la débitrice, dont plus particulièrement un transporteur de marque John Deere (le transporteur).

[20]            En date du 17 octobre 2000, la débitrice vendait le transporteur à Entreprises Perfort inc. (l'acheteur) pour la somme de 15 500 $ plus les taxes applicables.

[21]            Le 18 octobre 2000, la somme de 17 828,88 $, représentant le produit de la vente du transporteur incluant les taxes applicables, était déposée au compte bancaire de la débitrice.

[22]            Le 19 octobre 2000, cette même somme était retirée de son compte bancaire auprès de la défenderesse pour être imputée au prêt que cette dernière avait consenti à la débitrice.

[23]            Le 23 octobre 2000, la défenderesse procédait à la réduction volontaire de l'hypothèque mobilière qu'elle détenait sur le transporteur.


[24]            Le 7 septembre 2001, l'Agence faisait parvenir à la défenderesse une lettre l'informant que la débitrice était redevable envers la demanderesse de sommes dues à titre de DAS et que les biens de la débitrice étaient assujettis à l'application des paragraphes 227(4.1) de la Loi et 86(2.1) de la LAE.

[25]            Plus précisément, la débitrice était et est toujours redevable envers l'Agence d'une somme de 8 988,55 $, dont 5 462,39 $ à titre de DAS retenues sur la rémunération versée à ses employés en vertu de la Loi et la LAE, mais qu'elle a fait défaut de remettre à Sa Majesté.

[26]            Le 20 juin 2002, la demanderesse déposait sa déclaration simplifiée au greffe de cette Cour et la faisait signifier à la défenderesse le 25 juin 2002.

[27]            À ce jour, la somme de 5 462,39 $ réclamée par la demanderesse n'est toujours pas payée.

[28]            Pour une question de simplicité, les présents motifs se concentreront sur les faits du dossier T-68-02 ainsi que sur le paragraphe 227(4.1) de la Loi.

Analyse

[29]            La cause d'action de la demanderesse repose principalement sur les dispositions législatives suivantes de la Loi (notons ici simplement que la LAE à ses paragraphes 86(2) et (2.1) contient des dispositions similaires).



227(4) Montant détenu en fiducie. Toute personne qui déduit ou retient un montant en vertu de la présente loi est réputée, malgré toute autre garantie au sens du paragraphe 224(1.3) le concernant, le détenir en fiducie pour Sa Majesté, séparé de ses propres biens et des biens détenus par son créancier garanti au sens de ce paragraphe qui, en l'absence de la garantie, seraient ceux de la personne, et en vue de le verser à Sa Majesté selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi.

(4.1) Non-versement. Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (sauf ses articles 81.1 et 81.2), tout autre texte législatif fédéral ou provincial ou toute règle de droit, en cas de non-versement à Sa Majesté, selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi, d'un montant qu'une personne est réputée par le paragraphe (4) détenir en fiducie pour Sa Majesté, les biens de la personne, et les biens détenus par son créancier garanti au sens du paragraphe 224(1.3) qui, en l'absence d'une garantie au sens du même paragraphe, seraient ceux de la personne, d'une valeur égale à ce montant sont réputés:

a) être détenus en fiducie pour Sa Majesté, à compter du moment où le montant est déduit ou retenu, séparés des propres biens de la personne, qu'ils soient ou non assujettis à une telle garantie;

b) ne pas faire partie du patrimoine ou des biens de la personne à compter du moment où le montant est déduit ou retenu, que ces biens aient été ou non tenus séparés de ses propres biens ou de son patrimoine et qu'ils soient ou non assujettis à une telle garantie.

Ces biens sont des biens dans lesquels Sa Majesté a un droit de bénéficiaire malgré toute autre garantie sur ces biens ou sur le produit en découlant, et le produit découlant de ces biens est payé au receveur général par priorité sur une telle garantie.

227(4) [Trust for moneys deducted.] Every person who deducts or withholds an amount under this Act is deemed, notwithstanding any security interest (as defined in subsection 224(1.3)) in the amount so deducted or withheld, to hold the amount separate and apart from the property of the person and from property held by any secured creditor (as defined in subsection 224(1.3)) of that person that but for the security interest would be property of the person, in trust for Her Majesty and for payment to Her Majesty in the manner and at the time provided under this Act.

(4.1) [Extension of trust.] Notwithstanding any other provision of this Act, the Bankruptcy and Insolvency Act (except sections 81.1 and 81.2 of that Act), any other enactment of Canada, any enactment of a province or any other law, where at any time an amount deemed by subsection 227(4) to be held by a person in trust for Her Majesty is not paid to Her Majesty in the manner and at the time provided under this Act, property of the person and property held by any secured creditor (as defined in subsection 224(1.3)) of that person that but for a security interest (as defined in subsection 224(1.3)) would be property of the person, equal in value to the amount so deemed to be held in trust is deemed

(a) to be held, from the time the amount was deducted or withheld by the person, separate and apart from the property of the person, in trust for Her Majesty whether or not the property is subject to such a security interest, and

(b) to form no part of the estate or property of the person from the time the amount was so deducted or withheld, whether or not the property has in fact been kept separate and apart from the estate or property of the person and whether or not the property is subject to such a security interest,


Ces biens sont des biens dans lesquels Sa Majesté a un droit de bénéficiaire malgré toute autre garantie sur ces biens ou sur le produit en découlant, et le produit découlant de ces biens est payé au receveur général par priorité sur une telle garantie.

[Non souligné dans l'original.]

and is property beneficially owned by Her Majesty notwithstanding any security interest in such property and in the proceeds thereof, and the proceeds of such property shall be paid to the Receiver General in priority to all such security interests.

[30]            Dans l'arrêt First Vancouver, le juge Iacobucci résume comme suit en page 723 le traitement général de la DAS sous la loi :

Le paragraphe 153(1) de la LIR [la Loi] exige que l'employeur déduise ou retienne un montant sur le salaire de l'employé ( « retenue à la source » ) et le verse au receveur général au plus tard à la date fixée par règlement. Suivant le par. 227(4), l'employeur qui fait une retenue à la source est réputé en détenir le montant en fiducie au profit de Sa Majesté, séparément de ses propres biens. Lorsque le montant d'une retenue à la source n'est pas versé au receveur général dans le délai prescrit, la fiducie réputée prévue au par. 227(4.1) de la LIR prend effet et s'applique aux biens de l'employeur jusqu'à concurrence du montant impayé. De plus, la fiducie est réputée exister depuis le moment où le montant a été déduit à la source.


[31]            Par la suite, la Cour établit plus précisément le contexte général et la raison d'être du mécanisme de la fiducie réputée. Pour la Cour suprême, la collecte de la DAS se trouve au coeur de la perception des impôts. Ceci, allié au fait que la demanderesse se trouve à l'égard de la DAS à être un créancier involontaire d'un débiteur fiscal et qu'elle ne peut, contrairement à une institution financière, se familiariser avec les affaires et la situation financière de son débiteur, justifie le mécanisme de la fiducie réputée par lequel la Loi accorde à la demanderesse, soit l'Agence, la priorité de rang lorsque l'Agence et des créanciers garantis font valoir concurremment un droit sur les biens d'un débiteur fiscal. Voici, aux pages 729 à 733 de l'arrêt, les commentaires pertinents de la Cour suprême à cet égard :

Les tribunaux ont reconnu que les retenues à la source sont « au coeur » de la procédure de perception de l'impôt sur le revenu au Canada : voir Pembina on the Red Development Corp. c. Triman Industries Ltd. (1991), 85 D.L.R. (4th) 29 (C.A. Man.), p. 51, le juge Lyon (dissident), cité favorablement par le juge Gonthier (dissident quant à une autre question) dans l'arrêt Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411, par. 36. Étant donné l'importance de la perception des retenues à la source, la loi dote le ministre du mécanisme de la fiducie réputée pour lui permettre de recouvrer l'impôt que l'employeur déduit du salaire de l'employé, mais omet de lui verser.

Les tribunaux ont également signalé que, contrairement à la banque du débiteur fiscal, qui a la chance de se familiariser avec les affaires et la situation financière de ce dernier, le ministre ne connaît pas aussi bien le débiteur fiscal ni ses créanciers et ne peut organiser ses affaires en conséquence. À titre de « créancier involontaire » , le ministre doit donc s'en remettre aux moyens que lui donne la LIR de percevoir les retenues à la source : Pembina on the Red Development, précité, p. 33-34, le juge en chef Scott, approuvé par le juge Cory dans Alberta (Treasury Branches), précité, par. 16-18. C'est pourquoi la LIR accorde au ministre la priorité de rang sur les autres créanciers pour la perception des versements d'impôt et de taxes en souffrance.

[...]

Le législateur a donné suite à l'arrêt Sparrow Electric en modifiant les dispositions relatives à la fiducie réputée en 1998 (avec effet rétroactif en 1994) pour adopter leur libellé actuel. Plus particulièrement, les mots « malgré toute autre garantie [. . .] le concernant » ont été ajoutés au par. 227(4). De même, le par. 227(4.1) (l'ancien par. 227(5)) a accru la portée de la fiducie réputée de façon qu'elle englobe les « biens détenus par son créancier garanti [. . .] qui, en l'absence d'une garantie [. . .] seraient ceux de la personne » . Le paragraphe 227(4.1) a également été modifié par la suppression du renvoi aux événements déclencheurs (liquidation, faillite, etc.), le législateur établissant plutôt une présomption selon laquelle les biens du débiteur fiscal et de ses créanciers garantis sont détenus en fiducie « en cas de non-versement à Sa Majesté, selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi, d'un montant qu'une personne est réputée par le paragraphe (4) détenir en fiducie pour Sa Majesté » . Enfin, le par. 227(4.1) précise désormais que les biens sont réputés être détenus en fiducie « à compter du moment où le montant est déduit ou retenu » .


Ces modifications démontrent que le législateur a voulu que les par. 227(4) et (4.1) accordent la priorité de rang à la fiducie réputée lorsque les biens sont par ailleurs grevés d'une garantie, que celle-ci ait pris effet avant ou après les retenues à la source ou l'application de la fiducie réputée. C'est ce qui ressort clairement de l'expression « malgré toute autre garantie » employée aux par. 227(4) et (4.1). En d'autres termes, vu la manière dont les dispositions relatives à la fiducie réputée avaient été interprétées dans l'affaire Sparrow Electric, le législateur les a modifiées de façon à accorder la priorité de rang à la fiducie réputée lorsque le ministre et des créanciers garantis font valoir concurremment un droit sur les biens du débiteur fiscal.

[Non souligné dans l'original.]

[32]            Je suis d'accord avec la demanderesse pour statuer que la présente action requiert de trancher les trois questions suivantes :

1.          Est-ce que la remorque était, au moment de la vente, réputée détenue en fiducie conformément au paragraphe 227(4.1) de la Loi ?

2.          Est-ce que le montant reçu par la défenderesse par suite de la vente de la remorque constitue un « produit découlant » au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi ?

3.          Dans l'affirmative, la Loi prévoit-elle une obligation à l'égard de la défenderesse de remettre ce « produit découlant » en priorité au receveur général du Canada, en somme à la demanderesse ?

[33]            Quant à la première question, à savoir si la remorque était, au moment de la vente, réputée détenue en fiducie conformément au paragraphe 227(4.1) de la Loi, la dynamique est la suivante.

[34]            La débitrice a prélevé des DAS en vertu de la Loi qu'elle a omis de remettre à la demanderesse pour la période allant de février 1998 à novembre 1999.

[35]            En conséquence, la remorque, qui était la propriété de la débitrice au moment où les DAS ont été prélevées, est devenue assujettie à la fiducie réputée à compter du premier défaut de la débitrice en février 1998.

[36]            Ainsi, au moment de la vente, soit en décembre 1999, comme les DAS prélevées en 1998 et 1999 n'avaient toujours pas été remises à la demanderesse et s'élevaient à 5 849,67 $, la remorque était réputée détenue en fiducie au sens des paragraphes 227(4.1) de la Loi jusqu'à concurrence de 5 849,67 $.

[37]            Quant à la deuxième question, à savoir si le montant reçu par la défenderesse par suite de la vente de la remorque constitue un « produit découlant » au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi, cette question, pour les motifs qui suivent, doit se répondre par l'affirmative.

[38]            Tel que mentionné par la Cour suprême au paragraphe 42 dans l'arrêt First Vancouver :

42. [...] Ainsi, lorsque le débiteur fiscal vend un élément de son actif, la fiducie réputée cesse de s'appliquer à cet élément, mais la contrepartie touchée est dès lors détenue en fiducie. Il n'y a donc ni appauvrissement ni enrichissement de la fiducie; celle-ci s'applique simplement aux biens qui, à un moment ou à un autre, appartiennent au débiteur fiscal, tant qu'il ne remédie pas au défaut.

[Non souligné dans l'original.]

[39]            Je suis d'accord avec la demanderesse pour soutenir qu'à la lumière des enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt First Vancouver, le montant obtenu par suite de la vente d'un bien détenu en fiducie constitue un « produit en découlant _ » au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi, que ce produit provienne d'une vente par la débitrice comme en l'espèce, ou de la réalisation d'une garantie comme dans l'arrêt Banque nationale, supra, paragraphe [2]. Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale a statué que les créanciers réalisant leurs garanties sur des biens visés par la fiducie présumée ont une obligation positive de payer au receveur général le produit découlant de la réalisation de ces biens, et ce, en priorité sur leur propre garantie.

[40]            Il y a également lieu d'appuyer la proposition à l'effet que pour être assujettie à la fiducie réputée, il suffit que la somme d'argent découle d'un bien visé par la fiducie réputée, peu importe dans quelles mains elle se retrouve puisque la Loi prévoit que le « produit en découlant » doit être remis en priorité au receveur général, sans restreindre cette obligation à la personne par qui transite en premier lieu le produit en découlant. Que le fruit de la vente soit payé directement au créancier garanti ou d'abord au débiteur et ensuite au créancier garanti, ce dernier bénéficie tout de même du produit découlant d'un bien visé par la fiducie réputée. Si le mécanisme de fiducie réputée ne s'appliquait qu'en contexte de réalisation de garantie, il serait facile pour un créancier garanti d'éviter de faire face à une réclamation de la défenderesse fondée sur ce mécanisme. Le créancier en question n'aurait qu'à faire en sorte que l'objet de sa garantie soit vendu « volontairement » par le débiteur pour ensuite exiger de ce dernier le produit découlant de la vente.


[41]            À ce stade-ci de notre étude, on ne saurait convenir avec la défenderesse qu'elle ne bénéficie pas du produit découlant de la vente du fait que la somme payée à la débitrice fut portée par elle, dans un premier temps, à son compte épargne courant et que, de ce fait, cette somme s'est confondue aux autres sommes d'argent présentes dans ce compte bancaire. En bout de course, suivant la défenderesse, ladite somme aurait perdu son identité ou son caractère de « produit découlant » de la vente avant d'être appliquée au prêt garanti par la défenderesse.


[42]            Le fait que les tribunaux aient pu dans un contexte de saisie avant jugement sans autorisation judiciaire développer un tel concept est certes admissible (voir, entre autres, l'arrêt Hudson's Bay Company c. Hawkins, REJB 1998-09249) mais un tel concept bien particulier ne saurait à mon avis prévaloir face au contexte général et à la raison d'être du mécanisme de la fiducie réputée et face aux faits de l'espèce où il est patent de la contemporanéité des transactions bancaires pertinentes (que cela se soit fait le même jour comme dans le dossier présent ou le lendemain comme dans le dossier T-949-02) que le prix de vente - et non toute autre somme - a bénéficié à la défenderesse. Cette dernière a donc bénéficié du produit découlant de la vente de la remorque au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi. Cette conclusion demeure même si dans le cadre de la vente de la remorque la défenderesse est restée passive et n'a pas entrepris de rôle actif. De plus, même en faisant place à l'argument à l'effet que la défenderesse aurait radié l'hypothèque pour permettre à l'acheteur de la remorque de bénéficier de titres clairs sur celle-ci, cet altruisme, même s'il devait être admis, n'écarte pas le bénéfice premier encouru par la défenderesse, soit le remboursement total ou partiel du prêt.

[43]            Il y a lieu par ailleurs de regarder ici également un argument que la défenderesse a surtout abordé dans ses représentations écrites, à savoir que puisque la demanderesse a matérialisé sa position après que la remorque ou son produit de vente aient quitté le patrimoine de la débitrice, la sécurité juridique et la sécurité des opérations commerciales veulent que la demanderesse ne puisse plus alors faire valoir ses droits sous le paragraphe 227(4.1) de la Loi.

[44]            Il faut qu'il en soit ainsi suivant la défenderesse puisque autrement une institution financière ne pourrait accepter de se faire rembourser sa créance et accorder mainlevée d'une hypothèque mobilière sans s'assurer que la défenderesse soit payée auparavant. Autrement, suivant la défenderesse, une institution pourrait devoir rembourser la demanderesse à la hauteur de la DAS due alors qu'une telle institution pourrait également avoir perdu tout recours contre des tiers, telle une caution libérée par le paiement fait par une débitrice.

[45]            Je ne considère pas pour les motifs qui suivent que cette limite temporelle que la défenderesse veut soulever à l'encontre de l'action de la demanderesse puisse tenir.


[46]            Premièrement, le texte même du paragraphe 227(4.1) de la Loi ne contient pas une telle limite contrairement au texte du paragraphe 224(1.2) de la Loi traitant de la procédure de saisie-arrêt qui elle se concrétise en faveur de la demanderesse au moment de l'envoi à un tiers d'une lettre obligeant ce tiers à payer à la demanderesse une somme autrement payable à un débiteur fiscal. Ce paragraphe 224(1.2) se lit :


224(1.2) Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, tout autre texte législatif fédéral ou provincial et toute règle de droit, mais sous réserve des paragraphes 69(1) et 69.1(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de l'article 11.4 de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, s'il sait ou soupçonne qu'une personne donnée est ou deviendra, dans les douze mois, débiteur d'une somme:

a) soit à un débiteur fiscal, à savoir une personne redevable du montant d'une cotisation en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable;

b) soit à un créancier garanti, à savoir une personne qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal,

le ministre peut exiger par écrit de la personne donnée que tout ou partie de cette somme soit payé au receveur général, sans délai si la somme est payable immédiatement, sinon dès qu'elle devient payable, au titre du montant de la cotisation en application du paragraphe 227(10.1) ou d'une disposition semblable dont le débiteur fiscal est redevable. Sur réception de l'avis de cette exigence par la personne donnée, la somme dont le paiement est exigé devient, malgré toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté jusqu'à concurrence du montant de la cotisation et doit être payée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme.

224 (1.2) (1.2) Notwithstanding any other provision of this Act, the Bankruptcy and Insolvency Act, any other enactment of Canada, any enactment of a province or any law, but subject to subsections 69(1) and 69.1(1) of the Bankruptcy and Insolvency Act and section 11.4 of the Companies' Creditors Arrangement Act, where the Minister has knowledge or suspects that a particular person is, or will become within one year, liable to make a payment

(a) to another person (in this subsection referred to as the "tax debtor") who is liable to pay an amount assessed under subsection 227(10.1) or a similar provision, or

(b) to a secured creditor who has a right to receive the payment that, but for a security interest in favour of the secured creditor, would be payable to the tax debtor,

the Minister may in writing require the particular person to pay forthwith, where the moneys are immediately payable, and in any other case as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor's liability under subsection 227(10.1) or the similar provision, and on receipt of that requirement by the particular person, the amount of those moneys that is so required to be paid to the Receiver General shall, notwithstanding any security interest in those moneys, become the property of Her Majesty to the extent of that liability as assessed by the Minister and shall be paid to the Receiver General in priority to any such security interest.

[Non souligné dans l'original.]

[47]            Par ailleurs, il ressort des arrêts First Vancouver et Banque nationale que la seule limite au mécanisme de la fiducie réputée soit celle touchant le tiers qui acquiert pour valeur un bien dont se départit un débiteur fiscal dans le cours normal de ses affaires. C'est à l'égard d'un tel tiers que la Cour suprême cherche à éviter l'incertitude et un effet général dissuasif sur les échanges commerciaux. Dans l'arrêt First Vancouver, la Cour suprême mentionne ce qui suit en pages 739 et 740 sur ces points :

[...] À cet égard, il est révélateur que, contrairement au créancier garanti, l'acquéreur à titre onéreux ne soit pas mentionné aux par. 227(4) et (4.1).

[...]

[...] si on permettait que l'application du par. 227(4.1) l'emporte sur le respect des droits de l'acquéreur à titre onéreux, il en résulterait un degré d'incertitude sans précédent. En fait, lors de sa plaidoirie, l'avocat du ministre a reconnu que, théoriquement, une telle interprétation pourrait même permettre au ministre de faire valoir sa garantie sur un bien vendu par le débiteur fiscal à un simple consommateur. Selon moi, il n'est pas exagéré de dire qu'une telle interprétation des dispositions relatives à la fiducie réputée aurait un effet général dissuasif sur les échanges commerciaux.

[...]

En résumé, la fiducie réputée ne s'applique pas aux biens que le débiteur fiscal a vendus à un tiers dans le cadre normal de ses activités.

[Non souligné dans l'original.]


[48]            Dans l'arrêt Banque nationale, la Cour d'appel fédérale n'hésite pas à reconnaître, aux paragraphes 27 et 34 de ses motifs, le caractère absolu de la fiducie réputée à l'égard des créanciers garantis, et ce, même à l'égard des biens repris par ces derniers par suite de l'exercice de leur garantie. Il est clair et évident aux yeux de la Cour alors qu'un créancier garanti demeure tel et ne se transforme pas en un tiers acquéreur de bonne foi, tel que le souhaiterait la défenderesse, pour bénéficier de l'exception retenue par la Cour suprême. La Cour s'exprime comme suit :

[27]          La Cour a jugé que les biens, au moment de leur acquisition par le débiteur fiscal, faisaient partie de la fiducie réputée mais que leur vente à un tiers dans le cours normal des affaires avait eu pour effet de les soustraire de la fiducie. Tout au long de ses motifs, la Cour compare la situation du tiers acquéreur à titre onéreux à celle du créancier garanti pour conclure qu'autant les biens acquis par les tiers acquéreurs échappaient aux modifications apportées aux dispositions de la fiducie réputée faute de précision, ceux repris pas les créanciers garantis suite à l'exercice de leur garantie n'y échappaient pas. À l'égard de ces derniers, la Cour a conclu de façon non équivoque que la nouvelle disposition répondait à l'invitation qu'elle avait lancée au législateur de conférer à la Couronne une "priorité absolue".

[...]

34]            Or, les dispositions de la LIR et la LAE portant sur les fiducies réputées sont complètes et explicites quant à leur effet sur les biens repris par les créanciers garantis suite à l'exercice de leur garantie si l'on se fie aux motifs de la Cour suprême dans First Vancouver: Sa Majesté a une priorité absolue sur le produit découlant des biens assujettis à la fiducie réputée, lequel doit être payé au Receveur général. Lorsqu'il y a manquement à cette obligation, l'article 222 de la LIR prévoit le recours suivant :

222. Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres montants payables en vertu de la présente loi sont des dettes envers Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent, ou de toute autre manière prévue par la présente loi.

[Souligné dans l'original.]

222. All taxes, interest, penalties, costs and other amounts payable under this Act are debts due to Her Majesty and recoverable as such in the Federal Court or any other court of competent jurisdiction or in any other manner provided by this Act.

Le paragraphe 86(1) de la Loi sur l'assurance-emploi est au même effet.

[49]            La limite temporelle que cherche à faire reconnaître la défenderesse irait finalement à l'encontre du contexte général et de la raison d'être du mécanisme de la fiducie réputée, tel que vu au paragraphe [31].


[50]            Ce rejet de la limite temporelle invoquée par la défenderesse respecte l'interprétation à donner au paragraphe 227(4.1) de la Loi et aux dispositions y reliées selon les enseignements de la Cour suprême dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963 où, en page 975, la majorité de la Cour indique :

Pour interpréter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, il convient, comme l'affirme le juge Estey dans l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, d'appliquer la règle du sens ordinaire. À la page 578, le juge Estey se fonde sur le passage suivant de l'ouvrage de E. A. Driedger, intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87:

[traduction]    Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[51]            Il est à noter que dans l'arrêt Banque nationale, la Cour d'appel fédérale étudiait ultimement une situation semblable à la nôtre, c'est-à-dire que c'est à l'égard du produit découlant de la vente d'un bien entre les mains d'un tiers garanti qu'elle avait à se prononcer.

[52]            Seule la route prise par ce produit de vente pour se retrouver entre les mains du créancier garanti diffère ici. À mon avis, la situation de réalisation d'une garantie présente dans cet arrêt n'enlève rien à sa portée du fait que la vente ait été entreprise par la débitrice.

[53]            Quant à toute inéquité sur les affaires de la défenderesse en raison du caractère de la fiducie réputée, elle pouvait très bien être évitée.

[54]            Premièrement, tel que reconnu par la Cour suprême dans l'arrêt First Vancouver au paragraphe 22, une institution financière a la possibilité de se familiariser avec les affaires et la situation financière d'un débiteur fiscal et peut donc organiser ses affaires en conséquence.

[55]            En l'espèce, on ne peut écarter la possibilité que la défenderesse aurait pu facilement, si elle l'avait voulu, obtenir les renseignements requis pour déterminer l'existence d'une fiducie réputée et ainsi éviter de s'exposer à l'action présente de la demanderesse. Pour ce faire, elle n'avait qu'à exiger de sa débitrice, comme condition à l'octroi du prêt, une renonciation à la confidentialité conforme au paragraphe 241(5) de la Loi. Ceci lui aurait permis de connaître en tout temps l'état des DAS, ou, mieux encore, d'imposer à sa cliente l'obligation de la satisfaire du montant des sommes déduites et du fait que ces sommes avaient été remises.

[56]            Vu ce qui précède, la troisième question à trancher consiste à déterminer si la Loi prévoit une obligation à l'égard de la défenderesse de remettre le « produit découlant » en priorité au receveur général du Canada. Cette question doit également être répondue par l'affirmative. Ceci ressort clairement du paragraphe 40 de l'arrêt Banque nationale, où la Cour indique :

[40]          Il me semble évident que le créancier garanti qui ne respecte pas son obligation statutaire de "payer" au Receveur général le produit d'un bien assujetti à la fiducie réputée en priorité sur sa garantie, engage sa responsabilité personnelle et devient de ce fait redevable du montant impayé. Le montant est "payable" à même le produit découlant du bien et comme nous l'avons vu, l'article 222 de la LIR prévoit que "tous [...] montants payables en vertu de la présente Loi sont des dettes envers Sa Majesté et recouvrables comme telles [...]".

[Souligné dans l'original.]

[57]            En l'espèce, comme j'en ai conclu que la défenderesse avait reçu le « produit découlant » de la remorque au sens du paragraphe 227(4.1) de la Loi et qu'elle a failli à son obligation positive de le remettre jusqu'à concurrence du montant des DAS non remises, soit la somme de 5 849,67 $, c'est à bon droit que la demanderesse lui réclame aujourd'hui cette somme.

[58]            Pour ces motifs, l'action de la demanderesse sera accueillie et la défenderesse sera condamnée à payer à la demanderesse la somme de 5 849,67 $ avec les intérêts prévus aux paragraphes 36(2) et 37(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7, telle que modifiée, au taux prescrit en vertu de la Loi et capitalisés quotidiennement à compter du 22 décembre 1999 jusqu'à parfait paiement.

[59]            Quant à la date de computation des intérêts avant jugement, je suis satisfait sur la base des arrêts Markevich c. Canada , [2003] 1 R.C.S. 94, Banque nationale et de l'alinéa 36(2)a) de la Loi sur les Cours fédérales que le 22 décembre 1999 peut être retenu ici comme date de départ.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 25 janvier 2005


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-68-02

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA

                                                               demanderesse

et

LA CAISSE POPULAIRE DE LA VALLÉE DE L'OR

                                                                défenderesse


LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            15 décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                         Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                   25 janvier 2005

ONT COMPARU:


Me Nadine Dupuis

Me Patrick Vézina

POUR LA DEMANDERESSE

Me Jocelyn Geoffroy

POUR LA DÉFENDERESSE


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DEMANDERESSE

Geoffroy, Matte, Kélada & Associés

Amos (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE


  

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