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Date : 20040106

Dossier : T-2117-00

Référence : 2004 CF 1

ENTRE :

                                        LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

                                                                                                                                           défendeur

                                                                             et

                                                              PETER HOWARD

                                                                                                                                        codéfendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX :

L'HISTORIQUE


[1]                La principale question soulevée par la Société canadienne des postes (la SCP), dans son recours en révision exercé en vertu de l'article 44 de la Loi sur l'accès à l'information (la Loi), est de savoir si la communication partielle d'un document fondée sur l'alinéa 20(1)b) de la Loi, relevait de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (Travaux publics), une institution fédérale mentionnée à l'annexe I de la Loi, ou si elle relevait d'un bureau - le Bureau du ministre responsable de la Société canadienne des postes, qui, selon la SCP, est une institution fédérale qui n'est pas mentionnée à l'annexe I de la Loi, ce qui a pour conséquence qu'un document n'a pas à être communiqué à la personne qui en fait la demande. Au moment où la demande a été faite, la ministre de Travaux publics était également la ministre responsable de la SCP.

[2]                Plus particulièrement, une question accessoire est soulevée en l'espèce, à savoir si le Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles (GMIM), alors une division de Travaux publics, qui détenait les documents demandés et qui les a transmis au Bureau de l'Accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de Travaux publics auquel la demande d'accès de M. Howard a été acheminée, faisait partie du Bureau du ministre responsable de la Société canadienne des postes. Peter Howard a été ajouté comme partie défenderesse dans la présente instance. Les documents qu'il avait demandés étaient les deux volumes complets du rapport effectué par Valeurs Mobilières TD inc. et Dresden-Kleinworth Benson sur l'Examen du mandat de la Société canadienne des postes (le Rapport).


[3]                Les parties ne contestent pas que Travaux publics est un ministère mentionné à l'annexe I de la Loi et que, sous la rubrique « Autres institutions fédérales » mentionnée dans cette annexe, ni le Bureau du ministre responsable de la Société canadienne des postes, ni la SCP ne sont mentionnés.

[4]                Il est également reconnu que la SCP a reçu un avis aux tiers, en application de l'article 27, et a fait des représentations contre la divulgation et, par une décision rendue le 23 octobre 2000, le coordonnateur de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels (le coordonnateur de l'accès), à Travaux publics, a avisé que le dossier demandé serait communiqué après que l'on ait fait les prélèvements appropriés.

[5]                L'objet de la Loi est mentionné à l'article 2 qui est ainsi libellé :


2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

2(2) Étoffement des modalités d'accès

(2) La présente loi vise à compléter les modalités d'accès aux documents de l'administration fédérale; elle ne vise pas à restreindre l'accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public.

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

2(2) Complementary procedures

(2) This Act is intended to complement and not replace existing procedures for access to government information and is not intended to limit in any way access to the type of government information that is normally available to the general public. [emphasis mine]


[6]                La définition d' « institution fédérale » mentionnée à l'article 3 est importante :


3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« institution fédérale » Tout ministère ou département d'État relevant du gouvernement du Canada, ou tout organisme, figurant à l'annexe I.

3. In this Act,

"government institution" means any department or ministry of state of the Government of Canada listed in Schedule I or any body or office listed in Schedule I;

« responsable d'institution fédérale »

a) Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada sous l'autorité de qui est placé un ministère ou un département d'État;

"head", in respect of a government institution, means

(a) in the case of a department or ministry of state, the member of the Queen's Privy Council for Canada presiding over that institution, or

b) la personne désignée par décret, conformément au présent alinéa, en qualité de responsable, pour l'application de la présente loi, d'une institution fédérale autre que celles mentionnées à l'alinéa a).

(b) in any other case, the person designated by order in council pursuant to this paragraph and for the purposes of this Act to be the head of that institution; [emphasis mine]


[7]                L'article 4 de la Loi traite du droit à l'accès aux documents du gouvernement. Il est ainsi

libellé :


4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l'accès aux documents relevant d'une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :

a) les citoyens canadiens;

b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is

(a) a Canadian citizen, or

(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,

has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution. [emphasis mine]


LES FAITS

[8]                En 1995, le gouvernement du Canada a mis en place une équipe d'examen chargée de se pencher sur les questions de finance et de politiques liées à la SCP, notamment :

(1)        les services qu'elle fournit et ceux qu'elle devrait fournir à l'avenir;


(2)        le privilège exclusif perpétuel dont elle jouit quant à la livraison du courrier;

(3)        la question de savoir si elle devrait viser à atteindre la rentabilité commerciale ou à fonctionner au seuil de la rentabilité;

(4)        les questions de prix, d'interfinancement et de marché de la libre concurrence;

(5)        l'analyse de sa situation actuelle et future ainsi que les risques connexes;

(6)         la structure de gestion.

[9]                Le 31 juillet 1996, l'équipe d'examen a remis un rapport à la ministre responsable de Postes Canada, que celle-ci a rendu public le 8 octobre 1996, et dans lequel étaient annoncés la prise immédiate de certaines mesures, notamment un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux, un gel des tarifs postaux et le retrait de Postes Canada de la distribution des prospectus commerciaux sans adresse. La ministre responsable de Postes Canada a également annoncé que le gouvernement avait retenu les services de conseillers financiers pour qu'ils évaluent l'incidence des recommandations sur la capacité de Postes Canada à demeurer financièrement autonome et sur la situation financière actuelle de la SCP. La ministre s'attendait à ce que le rapport des conseillers financiers lui fournisse des conseils financiers d'expert. Valeurs Mobilières TD inc. a été choisie comme l'un des conseillers financiers.


LA PREUVE

(1)        La preuve de la SCP

[10]            La preuve permettant d'établir qu'un Bureau du ministre responsable de Postes Canada a été établi et que, par conséquent, il est une institution fédérale non répertoriée aux fins de la Loi, est tirée principalement d'une analyse qu'a fait l'avocat de Postes Canada des diverses dispositions législatives et réglementaires et, en particulier, des dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes (la LSCDP) et de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (la LMTPSG) ainsi que de la question de savoir quel ministre était responsable de Postes Canada à tel ou tel moment. La SCP a déposé avec ces documents l'affidavit et l'affidavit supplémentaire de son Directeur, Stratégie économique et réglementation, M. William R. Price.

[11]            M. Price a confirmé la chronologie des événements qui constituent l'historique de cet examen et a témoigné de la réalité de l'interaction entre la SCP et le ministre responsable de la SCP et les personnes qui sont présumées être ses représentants, particulièrement celles qui font partie du GMIM.


[12]            M. Price nous dit que le rapport et les recommandations des conseillers financiers ont été analysés par la ministre responsable de Postes Canada et son personnel afin de l'informer et de la préparer à soumettre ses conseils et ses recommandations de principe au gouvernement sur l'orientation que devrait prendre la SCP. Il affirme que l'analyse de Valeurs Mobilières TD inc. constitue le fondement d'un rapport provisoire complémentaire devant être remis ultérieurement à la ministre responsable de Postes Canada. Ce rapport provisoire complémentaire est l'un des documents en litige dans l'affaire connexe portant le numéro de dossier de la Cour T-1900-00.

[13]            M. Price laisse entendre que, au terme du processus, la ministre responsable de Postes Canada a donné des directives à la SCP qui résumaient les décisions concernant les mesures qui devaient être prises par la SCP. Il nous informe également que l'analyse de Valeurs Mobilières TD inc. et le rapport provisoire complémentaire n'ont jamais été rendus publics dans leur intégralité mais reconnaît qu'un résumé a été ultérieurement rendu public en 1997 après avoir été soigneusement examiné afin qu'il soit décider quels renseignements devaient être divulgués. Il affirme que tous les autres renseignements et les documents eux-mêmes ont été traités confidentiellement.

[14]            M. Price ajoute que la LSCDP crée un Bureau du ministre responsable de la SCP et affirme que, en vertu de la LSCDP, tout membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada peut être nommé par le gouverneur en conseil à ce poste de ministre.


[15]            Il nous informe que la LSCDP confère au ministre responsable de la SCP un certain nombre de pouvoirs à l'égard de la SCP, notamment, le pouvoir de nommer des administrateurs (le paragraphe 6(2)), de donner des instructions à la SCP (article 22) et d'exercer les autres attributions se rapportant à la SCP qui sont prévues dans cette loi.

[16]            Bien qu'il reconnaisse que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (autrefois le ministre des Approvisionnements et Services) a été nommé ministre responsable de l'application de la LSCDP en 1993 par le décret C.P.1993-1987 et qu'il exerçait cette double fonction au moment où la demande a été faite, M. Price affirme qu'il n'en a pas toujours été ainsi dans le passé. Il cite l'exemple du président de la Chambre qui, à une certaine époque, était également ministre responsable de la SCP et n'exerçait aucune fonction ministérielle pour aucun ministère fédéral.

[17]            Dans un affidavit supplémentaire, M. Price a informé la Cour des modifications récentes apportées à la gestion du portefeuille de la SCP. Ces modifications sont les suivantes :

(1)        Par le décret TR/2002-34, daté du 30 janvier 2002, le ministre d'État, vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, John Manley, a été nommé ministre responsable de l'application de la LSCDP;


(2)        Un mois plus tard, par le décret TR/2002-48, en vertu de l'alinéa 2a) de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attribution dans l'administration publique, la gouverneure en conseil a transféré « au Bureau de l'infrastructure et des sociétés d'État du Canada la responsabilité à l'égard du secteur de l'administration publique, au sein du ministère de Travaux publics et des Services gouvernementaux, connu sous le nom de Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles » [Non souligné dans l'original];

(3)        Le 6 août 2002, le ministre des Transports a été nommé ministre responsable de la LSCDP et par un autre décret, daté du même jour, le GMIM a été transféré du Bureau de l'infrastructure et des sociétés d'État du Canada au ministère des Transports.

[18]            M. Price décrit les communications qui ont été envoyées à la ministre responsable de Postes Canada et celles qu'elle-même a envoyées. Il cite ce qui suit :

[traduction]

29.            Formellement, la majorité des rapports, des demandes d'approbation, des documents, etc., sont préparés par le personnel de la SCP et sont accompagnés d'une lettre devant être signée par le ministre responsable de la SCP. Cette lettre d'accompagnement est rédigée sur le papier en-tête du ministre responsable de la SCP. La SCP envoie ces documents par messager au ministre une ou deux fois par jour [...].

30.           Une fois que ces rapports ou demandes sont entièrement approuvés à la SCP (par le conseil d'administration ou par le président selon le cas), ils sont expressément adressés et envoyés au ministre responsable de la SCP par le président de la SCP. Ces documents sont ensuite envoyés sous la signature du ministre responsable de la SCP au point de réception ou à l'instance décisionnelle du gouvernement approprié pour être traités.

31.           Officieusement, le président de la SCP et certains de ses cadres supérieurs peuvent faire des présentations et des exposés oraux ou écrits à l'intention du ministre responsable de la SCP quant à ces rapports et demandes d'approbation ou questions d'importance générale entre la SCP et le ministre responsable de la SCP. Ces réunions peuvent comprendre le personnel du ministre et un certain nombre de hauts fonctionnaires comme le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles.


32.           Avant que les rapports et les demandes approuvés, etc., mentionnés ci-haut ne soient envoyés par la SCP au ministre responsable de la SCP, des ébauches, des présentations et des notes d'information sont préparées et des rencontres et des discussions sont tenues entre la SCP et divers niveaux de personnel au sein du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles, les organismes centraux (le Secrétariat du Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Conseil privé) et d'autres ministères selon le besoin. Ces dossiers et exposés sont préparés afin de permettre au personnel de préparer des notes et d'informer les ministres pertinents sur les questions relatives à la SCP dont ils seront saisis pour consultation ou approbation. [Non souligné dans l'original]

[19]            M. Price, décrit ensuite, dans son affidavit, le Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles de la manière suivante :

33.           Afin de l'aider dans l'exercice de ses responsabilités que lui confère la loi en tant que ministre responsable de la SCP, le ministre a attribué les responsabilités du secrétariat de la SCP au Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles. Le Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles est un groupe de fonctionnaires qui s'occupent de toutes les questions relatives aux sociétés d'État pour lesquelles le [ministre des Travaux publics] est le ministre responsable. Bien que pour des raisons de commodité administrative, le Groupe soit composé de fonctionnaires qui sont à l'emploi de TPSGC, le Groupe n'effectue aucune tâche relative aux responsabilités ministérielles de TPSGC. Une personne détenant un poste de gestionnaire au sein du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles s'occupe des questions relatives à la SCP.

34.           Le Groupe de mise en oeuvre des initiatives ministérielles fait rapport à une sous-ministre adjointe au sein de TPSGC, Mme Christiane Ouimet, qui elle fait rapport à une sous-ministre, Mme Janice Cochrane.

35.           La direction et le personnel du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles ont la responsabilité générale d'informer le ministre responsable de la SCP sur les questions concernant la SCP, comme les relations avec l'État et les questions ministérielles. La SCP les informent habituellement sous forme de copies conformes ou de notes d'information parallèlement ou à l'avance sur la plupart des questions qui intéressent le ministre responsable de la SCP ou des questions qui lui seront soumises pour qu'il les examine et prenne des mesures. Le but de ces séances d'information est de permettre au personnel du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles de fournir des analyses indépendantes, des examens et des commentaires sur ces questions au ministre responsable de la SCP.

36.           Le personnel du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles fournit également de l'information et des conseils utiles à la SCP sur des questions relatives au rôle du ministre responsable de la SCP et au processus d'approbation au sein du gouvernement. Le personnel et la direction du Groupe de la mise en oeuvre des initiatives ministérielles se joignent fréquemment au personnel des organismes centraux lors des séances d'information tenues par la SCP.


[20]            M. Price mentionne que les documents fournis par la SCP au ministre responsable de la SCP ou à son personnel sont conservés séparément des autres documents relatifs aux activités ministérielles de Travaux publics. Il affirme que l'étude de Valeurs Mobilières TD inc. n'a pas été livrée à la ministre de Travaux publics.

[21]            M. Price conclut son affidavit en réitérant que le document de Valeurs Mobilières TD inc. commandé par la ministre responsable de la SCP est un rapport secret qui a été adressé et livré à celle-ci. Par conséquent, M. Price prétend que le rapport est sous le contrôle de la ministre responsable de la SCP, un organisme auquel la Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas.

(2)        Par le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada

[22]            Le défendeur s'est servi de l'affidavit de Christiane Ouimet pour répondre à l'affidavit de M. Price. À l'époque, elle était à l'emploi du ministère des Travaux publics comme sous-ministre adjointe à laquelle le GMIM faisait rapport et dont elle était responsable.


[23]            Selon Mme Ouimet, le GMIM est une division de Travaux publics qui a la responsabilité d'aider le sous-ministre de Travaux publics dans son rôle de conseiller principal en politiques auprès du ministre de Travaux publics. Elle ajoute que le sous-ministre de Travaux publics, avec l'aide du GMIM, assiste le ministre de Travaux publics à gérer son portefeuille de sociétés d'État.

[24]            Elle déclare ce qui suit :

[traduction]

La gestion de portefeuille et les activités ministérielles du GMIM comprennent (1) la mise en place et la fourniture de services de secrétariat lors des réunions régulières du ministre avec les dirigeants des organismes du portefeuille; (2) l'élaboration d'exposés et de conseils quant aux propositions et aux rapports préparés par les organismes du portefeuille, selon le cas; (3) l'identification des questions nouvelles relatives au portefeuille, le maintien de la liaison avec les organismes centraux et la coordination des réponses, selon le cas; (4) la fourniture d'un soutien administratif et logistique intégré ainsi que d'autres formes de soutien, selon le cas.

[25]            La gestion de portefeuille et les activités ministérielles du GMIM se rapportent à un organisme et à sept sociétés d'État fédérales, ainsi qu'à leurs filiales, lesquelles font rapport au Parlement par l'entremise du ministre de Travaux publics.

[26]            Afin d'aider le sous-ministre à conseiller et à aider le ministre de Travaux publics, [traduction] « il est généralement nécessaire de tenir des consultations et d'échanger des renseignements avec les organismes du portefeuille. Les consultations et les échanges de renseignement permanents sont considérés comme essentiels aux activités du GMIM qui ont trait à l'élaboration de conseils et de recommandations appropriés à l'intention du sous-ministre et, en bout de ligne, du ministre quant à la gestion globale des organismes du portefeuille » .

[27]            Mme Ouimet conclut son affidavit en affirmant que M. Price s'est trompé lorsqu'il a témoigné que le GMIM n'effectue aucune tâche se rapportant aux tâches ministérielles de Travaux publics. Le soutien fourni par le GMIM au sous-ministre de Travaux publics et au ministre de Travaux publics font partie des responsabilités ministérielles de Travaux publics.

[28]            L'un des documents que Mme Ouimet a joint à son affidavit mentionnait que le GMIM avait été formé à l'origine comme organisme ad hoc, d'abord chargé d'aider à l'intégration des ministères de 1993, et, qui, éventuellement s'est vu confié en plus la responsabilité du projet d'examen des programmes et d'autres projets ministériels d'envergure. En avril 1996, le GMIM a été chargé d'aider le sous-ministre à aider le ministre en rapport avec les sociétés d'État faisant partie de son portefeuille comme la Société canadienne des postes et la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Un autre document qu'elle a joint décrit le mandat du GMIM comme étant de [traduction] « fournir un soutien direct au sous-ministre en rapport avec la gestion d'une gamme de questions et d'initiatives concernant la gouvernance du secteur public, les questions de plan stratégique d'entreprise et de gestion de portefeuille » .

[29]            Le défendeur a également déposé l'affidavit d'Andrée Morissette, une cadre supérieure de l'AIPRP au ministère des Travaux publics. Celle-ci a décrit comment la demande d'accès avait été traitée par l'AIPRP. Elle a confirmé que le GMIM détenait le rapport et avait envoyé ce dossier au bureau de l'AIPRP à Travaux publics.


L'ANALYSE

(1)        La structure de la LSCDP

[30]            Je cite ci-dessous les dispositions législatives pertinentes de la LSCDP qui ont trait au ministre :

a)         « Ministre » est défini comme suit :


2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« ministre » Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l'application de la présente loi.

2. (1) In this Act,

"Minister" means such member of the Queen's Privy Council for Canada as is designated by the Governor in Council as the Minister for the purposes of this Act;


b)         l'article 4 constitue une personne morale dénommée « Société canadienne des postes » et l'article 5 décrit sa mission;

c)          l'article 6 crée un conseil d'administration et le paragraphe 6(2) prévoit que les administrateurs, à l'exception du président du conseil et du président de la Société, sont nommés par le ministre avec l'approbation du gouverneur en conseil;

d)         l'article 10 prévoit que le conseil assure la direction et la gestion des affaires de la Société;


e)         l'article 19 autorise la Société à faire des règlements relativement à un grand nombre de questions comme fixer les tarifs de port, préciser ce qu'on entend par lettre et objet inadmissible, prévoir la fermeture de bureaux de poste et la suppression de circuits ruraux ou de circuits urbains de livraison par facteur ainsi que mettre en oeuvre les conventions ou arrangements postaux internationaux.

f)          quant à ces règlements, l'article 20 exige une publication au préalable et c'est au ministre que tout intéressé doit présenter ses observations;

g)         le paragraphe 20(3) prévoit que c'est le ministre qui soumet les projets de règlement au gouverneur en conseil pour examen et approbation;

h)         l'article 22 prévoit que le ministre peut donner des instructions et que, dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions, la Société est tenue de se conformer aux instructions du ministre;

i)          le ministre fait faire des dépôts devant le Parlement en rapport avec la Société (paragraphe 22(5));

j)          le ministre a un rôle à jouer dans le capital autorisé de la Société (article 27.1); la Société est autorisée à émettre à l'intention du ministre et le ministre est autorisé à acquérir des actions de la Société, lesquelles actions sont inscrites à son nom (article 27.2) et sont assorties du droit exclusif de voter aux assemblées des actionnaires de la Société (paragraphe 27.2(4));

k)          le ministre se préoccupe de la gestion financière de la Société. Par exemple, l'article 29 prévoit que le ministre des Finances, sur demande de la Société approuvée par le ministre, peut consentir des prêts à la Société;


l)          c'est le ministre qui conclut des conventions avec les gouvernements étrangers et, avec l'approbation du ministre, la Société peut, dans les cas d'urgence, prendre les dispositions qu'elle estime justifiées;

m)        c'est le ministre qui, par arrêté provisoire d'interdiction, peut interdire la livraison du courrier posté par une personne lorsqu'il soupçonne qu'elle utilise le courrier soit pour commettre une infraction ou tenter de la commettre.

(2)        La structure de la Loi sur la gestion des finances publiques          

[31]            La LSCDP doit être lue en corrélation avec certaines dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques (la LGFP) dont la partie X régit les sociétés d'État. « Ministre de tutelle » y est défini comme étant le ministre ayant cette qualité en vertu d'une autre loi fédérale à l'égard de cette société. Au moment de la demande d'accès au rapport, cette personne était également la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.


[32]            L'article 88 de la LGFP mentionne que les sociétés d'État sont responsables en dernier ressort devant le Parlement, par l'intermédiaire de leur ministre de tutelle, de l'exercice de leurs activités. L'article 29 autorise le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de tutelle, à donner des instructions à une société d'État mère, laquelle est définie comme étant une personne morale appartenant directement à cent pour cent à Sa Majesté. L'article 122 de la LGFP exige que chaque société d'État soumette annuellement un plan d'entreprise au ministre de tutelle pour que celui-ci en recommande l'approbation au gouverneur en conseil. L'article 123 renferme des dispositions semblables concernant la soumission d'un budget de fonctionnement au ministre de tutelle pour qu'il en recommande l'approbation au Conseil du Trésor. L'article 124 renferme des dispositions semblables concernant les budgets d'investissement annuels.

[33]            Sans qu'il soit nécessaire d'élaborer, la LGFP accorde au ministre de tutelle un rôle de surveillance en matière d'emprunt, de surplus, de réception des rapports du vérificateur, de recommandation sur la nomination des vérificateurs.

(3)        La structure du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

[34]            Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a été constitué par une loi fédérale qui est entrée en vigueur le 12 juillet 1996. Cette loi a abrogé la Loi sur les travaux publics et la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services.

[35]            L'article 3 de cette loi est ainsi libellé :



3. (1) Est constitué le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, placé sous l'autorité du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Celui-ci est nommé par commission sous le grand sceau.

3. (1) There is hereby established a department of the Government of Canada called the Department of Public Works and Government Services over which the Minister of Public Works and Government Services appointed by commission under the Great Seal shall preside.(2) Le ministre occupe sa charge à titre amovible; il assure la direction et la gestion du ministère.

(2) The Minister holds office during pleasure and has the management and direction of the Department. [emphasis mine]


[36]            En vertu de l'article 4, le gouverneur en conseil nomme, à titre amovible, un sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux et c'est lui qui sera l'administrateur général du ministère.

[37]            Selon l'article 5, le « ministère est un organisme de services communs pour le gouvernement, sa mission en tant que tel consistant surtout à fournir aux ministères et organismes fédéraux des services destinés à les aider à réaliser leurs programmes » .

[38]            L'article 6 énumère les pouvoirs et fonctions du ministre à titre d'autorité centrale en matière d'achat pour le gouvernement du Canada, de fournisseur central de services dans des matières comme la traduction, le génie ou l'architecture et à titre de gestionnaire des travaux publics au Canada.

[39]            Les articles 15 et 16 de cette loi sont ainsi libellés :


15. Le ministre peut fournir, sur demande des ministères ou organismes fédéraux, les services suivants :

15. The Minister may, on request of a department, board or agency of the Government of Canada, provide it with

a) conseils en gestion;

(a) management consulting services;

b) gestion de l'information et services et systèmes liés à l'informatique;

(b) information management and information technology systems and services;

c) comptabilité;

(c) accounting services;

d) vérification comptable;

(d) auditing services;


e) services financiers;

(e) financial services;f) services et conseils relatifs à l'acquisition, à la gestion et à l'aliénation de biens immeubles;

(f) services and advice in relation to the acquisition, management or disposition of real or immovable property;

g) services d'architecture et de génie, notamment en ce qui touche les normes, procédures et techniques à appliquer;

(g) architectural and engineering services, including services in respect of the adoption and application of related codes, standards, procedures, guidelines and technologies; and

h) les autres services qui relèvent de sa compétence.

(h) services of any other kind that are within the ambit of the Minister's powers, duties and functions.



16 Autres bénéficiaires des services

16. Le ministre peut exercer toute activité relevant des attributions que la présente loi ou toute autre loi fédérale lui confère et qu'il peut exercer pour le compte des autres ministères ou organismes fédéraux pour le compte :

a) des autres ministères ou organismes fédéraux et des sociétés d'État;

b) avec l'agrément du gouverneur en conseil, des gouvernements, des organisations ou des personnes, au Canada et à l'étranger, qui le lui demandent.

16 Services to governments and other bodies

16. The Minister may do any thing for or on behalf of

(a) any department, board or agency of the Government of Canada or Crown corporation, or

(b) with the approval of the Governor in Council, any government, body or person in Canada or elsewhere that requests the Minister to do that thing,

where the Minister is authorized to do that thing under this or any other Act of Parliament for or on behalf of any department, board or agency of the Government of Canada.


(4)        La question du contrôle

[40]            La résolution de cette question repose sur la question de savoir si, considérés ensemble, le ministre responsable de Postes Canada conjugué avec le GMIM constituent, aux fins de la Loi, un bureau au sens de la définition d' « institution fédérale » .

[41]            Comme il n'est fait aucune mention d'un tel bureau dans l'annexe de la Loi, celle-ci ne s'y appliquerait pas et rien ne permettrait de faire droit à la demande de M. Howard quant au rapport.

[42]            L'avocat de la SCP commence sa plaidoirie en soulignant que le mot « bureau » n'apparaît pas dans la définition d'institution fédérale qui est donnée dans la Loi. Il examine ensuite le Canadian Oxford Dictionary, 1988, et affirme que le mot « bureau » comprend : [traduction] « 5. Une fonction avec les tâches qui s'y rattachent; un endroit où s'exerce une fonction d'autorité ou de confiance, où des services sont dispensés, particulièrement des services d'une nature publique. 6. Occupation d'une charge officielle, en particulier, celui de ministre de l'État [...] » .

[43]            L'approche qu'il convient d'appliquer en matière d'interprétation législative est mentionnée dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27, dans lequel le juge Iacobucci, au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

¶ 21       Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après « Construction of Statutes » ); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intituléConstruction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

        [traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Parmi les arrêts récents qui ont cité le passage ci-dessus en l'approuvant, mentionnons : R. c. Hydro-Québec, [1997] 1 R.C.S. 213; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103.

¶ 22       Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprits véritables » .


¶ 23       Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.

[44]            Après avoir examiné la preuve, je ne peux que conclure, et ce, pour de nombreuses raisons, que la SCP n'a pas établi l'existence d'un Bureau du ministre responsable de Postes Canada.

[45]            Premièrement, l'avocat de la SCP ne m'a souligné aucune loi ou règlement qui créait ou établissait un tel bureau. J'ai examiné un certain nombre d'institutions fédérales énumérées à l'annexe de la Loi, notamment, celles qui étaient classées comme bureaux.

[46]            Je conclus que l'ensemble des institutions énumérées à l'annexe I ont été crées ou établies par une loi ou un règlement en vertu de laquelle ou duquel chacune de ces institutions est autorisée à fonctionner avec l'aide d'employés qui sont gérés et dirigés par la personne responsable désignée à qui il revient de rendre compte des activités de cette institution.

[47]            Deuxièmement, dans le contexte de la fonction publique du Canada, il existe un principe fondamental selon lequel les ministres doivent être secondés par des fonctionnaires responsables de l'exercice des fonctions et des tâches qui leur sont attribuées par la loi. Quant à cette prétention, je n'ai qu'à renvoyer à la décision rendue par le juge Dixon, plus tard juge en chef à la Cour suprême, dans l'arrêt La Reine c. Harrison, [1977] 1 R.C.S. 238, pages 245 et 246 :


Voir aussi S.A. DeSmith, Judicial Review of Administrative Action, 3e éd., à la p. 271. Lorsque l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire est confié à un ministre du gouvernement, on peut alors supposer que les mesures nécessaires seront prises par les fonctionnaires responsables du ministère et non par le ministre lui-même : Carltona Ltd. v. Commissioners of Works [[1943] 2 All. E.R. 560 (C.A.)]. De nos jours, les fonctions d'un ministre du gouvernement sont si nombreuses et variées qu'il serait exagéré de s'attendre à ce qu'il les remplisse personnellement. On doit présumer que le ministre nommera des sous-ministres et des fonctionnaires expérimentés et compétents et que ceux-ci, le ministre étant responsable de leurs actes devant la législature, s'acquitteront en son [page 246] nom de fonctions ministérielles dans les limites des pouvoirs qui leur sont délégués. Toute autre solution n'aboutirait qu'au chaos administratif et à l'incurie. Il est vrai qu'en l'espèce rien ne prouve que le procureur général de la Colombie-Britannique ait donnépersonnellement des instructions à Me McDiarmid d'agir en son nom pour en appeler des jugements ou des verdicts d'acquittement prononcés par les tribunaux de première instance. Toutefois, il est raisonnable de présumer que le « Directeur de la section de droit pénal » de la province est autorisé à donner ces instructions.

[48]            Pour un examen approfondi de la doctrine de Carltona et des conséquences d'une modification au paragraphe 24(2) de la Loi d'interprétation (Canada), voir l'article de Henry Molot, (1994) 26 R.D. Ottawa 257.

[49]            La SCP prétend que le GMIM constitue ces fonctionnaires responsables. Même si j'acceptais, pour les fins du débat, que le GMIM se consacrait totalement à aider la ministre responsable de Postes Canada, cet argument ne tiendrait pas compte du fait que les fonctionnaires et le personnel du GMIM ont été nommés à leurs postes par la Commission de la fonction publique dans des postes au ministère des Travaux publics approuvés par le Conseil du Trésor et dont les relations de travail, régies par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, relèvent de la structure du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

[50]            Selon moi, le Bureau du ministre responsable de Postes Canada ne peut exister en tant qu'institution fédérale aux fins de la Loi sur l'accès à l'information que si l'on s'est conformé à l'infrastructure applicable quant à l'autorisation de postes et à la nomination dans ces postes. Je reconnais que, dans les Sociétés d'État, il existe une plus grande flexibilité. Je répète que l'avocat de Postes Canada n'a pu mentionner aucun instrument reflétant l'intention du gouvernement du Canada de créer un tel bureau échappant à l'application de la Loi sur l'accès à l'information. L'ensemble de la preuve laisse à penser à l'inclusion plutôt qu'à l'exclusion aux fins de la Loi.

[51]            Troisièmement, la Loi sur l'accès à l'information a besoin d'un mécanisme pour fonctionner. La Loi met l'accent sur le responsable de l'institution fédérale qui, dans le cas d'un ministère fédéral, est le ministre autorisé par l'article 73 de la Loi à déléguer certaines de ses attributions à des employés de l'institution.

[52]            En l'espèce, le ministre a agi par l'entremise du bureau de l'AIPRP à Travaux publics auquel la demande a été adressée, vraisemblablement par le répertoire concernant Travaux publics publié en vertu de l'article 5 de la Loi, bien que je n'aie aucune preuve directe de cela.


[53]            C'est le bureau de l'AIPRP à Travaux publics qui a traité la demande. C'est ce bureau qui a indiqué que le GMIM était la section compétente à Travaux publics qui détenait le document demandé. L'argument de la SCP ne tient pas compte de la structure existante de l'organisme concernant le traitement des demandes de communication ce qui renforce la thèse selon laquelle, aux fins de la Loi sur l'accès à l'information, il ne peut être créé, à partir de la structure ministérielle à laquelle la Loi s'applique, une institution fédérale comme le GMIM à laquelle la Loi ne s'appliquerait pas. Une telle chose serait absurde.

[54]            Quatrièmement, l'argument de la SCP fait une mauvaise interprétation des fonctions du ministre des Travaux publics comme gestionnaire de portefeuille de six sociétés d'État et de la manière selon laquelle la gestion de son portefeuille interagit avec la Loi sur l'accès à l'information. Les ministres qui gèrent des organismes, des tribunaux ou des sociétés dans leur portefeuille sont responsables en vertu de la Constitution de l'ensemble des organismes compris dans ces portefeuilles, mais leur relation avec ces organismes, l'étendue de leur responsabilité envers eux et le pouvoir d'orientation qu'ils exercent sur eux ainsi que le degré de responsabilité varieront d'un organisme à l'autre. Ces questions sont généralement prévues dans la loi habilitante de chaque organisme. Cela est clairement indiqué dans les documents du défendeur, aux pages 190 à 206 du dossier de demande confidentiel du défendeur.


[55]            Le besoin de flexibilité ressort nettement du fait que, au moins deux des sociétés d'État du portefeuille du ministre des Travaux publics, au moment où la demande a été faite, étaient reconnues comme étant des institutions fédérales énumérées à l'annexe de la Loi pour lesquelles les présidents de ces sociétés ont été nommés responsables des institutions aux fins de la Loi. Le document du défendeur indique clairement que les sous-ministres, en plus de leur rôle de gestionnaire du ministère, agissent comme conseiller principal en matière de politiques auprès du ministre en conseillant le ministre sur des questions qui relèvent de la responsabilité et de la compétence du ministre. Cela comprend les conseils relatifs au portefeuille d'un ministre.

[56]            Cinquièmement, l'argument de la SCP tente de séparer les fonctions du ministre comme responsable de son ministère et la gestion de son portefeuille pour les organismes et les sociétés d'État. Un tel détour n'est pas approprié. Le ministre est responsable aux termes de la Constitution de ces deux domaines et, en ce qui concerne la Loi sur l'accès à l'information, il doit compter sur l'aide des fonctionnaires de son ministère pour s'acquitter de ses responsabilités aux termes de cette Loi.

[57]            Ayant rejeté l'argument de la SCP selon lequel le Bureau du ministre responsable de Postes Canada constitue une institution fédérale, je renvoie à la décision rendue par le juge Rothstein, en tant que membre de la Cour fédérale, dans la décision Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1993] 3 C.F. 320, à laquelle a souscrit la Cour d'appel fédérale et qui a été publiée à (1995), 60 C.P.R. (3d) 441, à l'appuie de la prétention selon laquelle le contrôle implique habituellement la possession.


[58]            L'avocat de Postes Canada a fait valoir un argument fondé sur celui du juge Noël, alors juge à la Cour fédérale, dans la décision Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 3 C.F. 609, (1re inst.), selon lequel en sus du critère de la possession doit s'ajouter le critère que l'acquisition d'un document doit s'être produite dans le cadre de l'exercice de fonctions conférées par la loi. Sans pour autant trancher l'affaire, le GMIM était, selon moi, en possession du rapport demandé dans l'exercice de sa tâche consistant à conseiller le sous-ministre et le ministre dans l'exercice de leurs responsabilités quant à la gestion de la SCP en tant que composante du portefeuille du ministre.

(5)         La nécessité de fournir des motifs

[59]            L'avocat de la SCP prétend que l'absence de motifs justifie l'annulation de la décision de communiquer prise par le coordonnateur de l'accès à l'information. Il se fonde sur la décision rendue par la Cour suprême rendue dans l'arrêt Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817.

[60]            Je souscris aux prétentions suivantes qui ont été faites par l'avocat du défendeur :

(1)        L'arrêt Baker, précité, n'appuie pas la prétention selon laquelle une décision doit toujours être motivée. Au paragraphe 43 de ses motifs, la juge L'Heureux-Dubé a déclaré ce qui suit :

¶ 43       À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. Cette exigence est apparue dans la common law ailleurs. Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, comme celles dont il est question dans les arrêts Orlowski, Cunningham et Doody, milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.


Je tiens à signaler ici qu'une révision en vertu de l'article 44 est un examen de novo.

(2)        Dans Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des transports) (1989), 27 F.T.R. 194, le juge MacKay a fait une distinction entre les décisions de communiquer et les décisions de refuser la communication. Il a déclaré ce qui suit au paragraphe 25 :

À la différence des situations en cause dans les affaires Ternette et Davidson, dans lesquelles la Cour traitait de décisions de refuser la communication de documents et des motifs invoqués à l'appui de ces décisions, il s'agit en l'espèce d'une décision de communiquer des documents. Il n'est pas nécessaire d'invoquer de motifs à l'appui d'une telle décision. La Loi exige que les documents soient communiqués. L'intimé est tenu de communiquer les documents à moins que les renseignements demandés fassent partie des catégories expressément exemptées par la Loi.

(3)        La récente décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l'industrie), [2002] 1 C.F. 421, ne renforce pas la position de la SCP sur ce point. Je souligne que, dans cette décision, aucun affidavit du fonctionnaire à Industrie Canada expliquant le fondement de sa décision ne figurait au dossier. Toutefois, il s'agissait d'un cas de refus de communication. Le juge Evans a tout de même décidé que, dans les circonstances dont il était saisi, des motifs avaient été fournis et la véritable question portait sur la suffisance de ces motifs. Le juge Evans a donc déclaré au paragraphe 103 qu'il était disposé à présumer pour les fins de l'appel, mais qu'il n'avait pas à le décider, qu'Industrie Canada était tenue de motiver son refus discrétionnaire de communiquer les documents demandés par Telezone et par le Commissaire à l'information. Pour ces motifs, l'affaire Telezone n'est d'aucune utilité à la SCP;


(4)        La décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, au paragraphe 114, appuie la prétention du défendeur en l'espèce.

[61]            Pour ces motifs, je ne puis accepter l'argument de la SCP quant à la nécessité de fournir des motifs.

[62]            Pour tous ces motifs, la demande de révision en vertu de l'article 44 présentée par la SCP est rejetée avec dépens.

                                                                                                           

                                                                            « François Lemieux »              

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 janvier 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             T-2117-00

INTITULÉ :                LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES            

et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

et                          

PETER HOWARD

LIEU DE L'AUDIENCE :                                     OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 26 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                      LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                          LE 6 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Ronald D. Lunau                                                       POUR LA DEMANDERESSE              

Catherine Beaudoin      

Christopher Rupar                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson LLP                               POUR LA DEMANDERESSE

160, rue Elgin, bureau 2600    

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

Morris Rosenberg                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

284 rue Wellington, bureau 2287

Ottawa (Ontario)

K1A 0H8


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