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Date : 20041005

 

Dossier : T‑714‑04

 

Référence : 2004 CF 1364

 

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2004

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

 

ENTRE :

 

                                                           THOMAS CASWELL

 

                                                                                                                                         demandeur

                                                                             et

 

 

                                      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                               MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision rendue le 16 février 2004 par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) qui refusait de réexaminer, en vertu de l’article 111 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), une décision rendue le 7 juillet 2003 par un comité d’appel du Tribunal (le comité), au motif que le comité n’avait commis aucune erreur de droit donnant matière à révision et que la lettre timbrée en date du 16 septembre 2003 ne constituait pas une nouvelle preuve. Le demandeur prie la Cour d’annuler la décision du Tribunal relativement à ces deux questions et de renvoyer l’affaire à un comité différent pour un nouvel examen.


 

QUESTION EN LITIGE

 

[2]               La question en litige dont la Cour est saisie consiste à déterminer si le Tribunal a tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable ou commis une erreur de droit dans sa décision.

 

[3]               Ma réponse à cette question est négative et les motifs de ma décision de rejeter la présente demande sont exposés ci‑dessous.

 

EXPOSÉ DES FAITS

 

[4]               Thomas Caswell (M. Caswell) a commencé son service dans la force permanente des Forces armées canadiennes en 1984 et il a été réformé en 1991. Depuis quelques années, il souffre d’une blessure à l’épaule qui a été diagnostiquée pour la première fois en 1993 comme une subluxation chronique de l’humérus droit accompagnée du syndrome de conflit sous‑acromial touchant la coiffe des rotateurs (subluxation chronique) et qu’il dit être le résultat d’un traumatisme subi au cours d’un entraînement physique obligatoire à la Base des Forces canadiennes Chatham en 1988.

 


[5]               Au moment où il s’est blessé en 1988, le personnel militaire lui a conseillé de se présenter à la clinique médicale de la base. Le médecin sur place a diagnostiqué une bursite. M. Caswell dit avoir continué à ressentir de la douleur à l’épaule, mais il n’a pas demandé d’autres opinions médicales avant janvier 1993, soit lorsqu’il a consulté le Dr M.L. Jacqmin parce qu’il prévoyait faire une demande de pension d’invalidité au ministère des Anciens Combattants. Le Dr Jacqmin a diagnostiqué non pas une bursite mais une subluxation chronique. Ce diagnostic a été confirmé en février 1993  dans une deuxième opinion médicale par le Dr Nicholas A. Smith.

 

[6]               M. Caswell a présenté une demande de pension d’invalidité au ministère des Anciens Combattants le 22 mars 1993. Le 3 août 1993, la Commission canadienne des pensions a rejeté sa demande, décision qui a été confirmée le 2 mai 1994 par le comité d’examen. M. Caswell en a appelé au Tribunal qui a confirmé, le 11 mai 1995, la décision du comité d’examen.

 

[7]               Suite à la décision du Tribunal, M. Caswell ne disposait plus d’aucun recours pour faire valoir son droit à une pension d’invalidité pour sa blessure à l’épaule droite. Mais, en septembre 2002, fort d’une nouvelle preuve, il a demandé un nouvel examen de la décision du 11 mai 1995.

 

[8]               Au printemps 2001, M. Caswell est entré en communication avec un ancien collègue militaire, M. Steven Wesch (M. Wesch), avec qui il n’avait pas parlé ni été en contact depuis plus de dix ans. À la demande de M. Caswell, M. Wesch a écrit une lettre dans laquelle il décrivait ce dont il se souvenait de l’incident où M. Caswell avait été blessé en 1988, puisqu’il en avait été témoin oculaire et avait accompagné M. Caswell à la clinique médicale ce jour‑là.


 

[9]               Après avoir reçu cette lettre, M. Caswell a décidé de demander un autre avis médical relativement à son épaule droite et, pour cela, il a consulté le Dr T. McAllister (Dr McAllister). Celui‑ci a écrit une série de lettres datées du 25 octobre 2001, du 9 mai 2002 et du 14 août 2002 respectivement (collectivement appelées les « rapports McAllister »), lesquelles culminaient avec la conclusion selon laquelle [traduction] « il est raisonnablement probable que les troubles observés à l’épaule droite ont été causés par la blessure subie à la BFC Chatham à la fin des années 80 ».

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

 


[10]           En septembre 2002, s’appuyant sur la lettre corroborante de M. Wesch et les rapports McAllister, M. Caswell demande que le comité réexamine la décision rendue le 11 mai 1995 par le Tribunal. Dans sa décision, datée du 7 juillet 2003, le comité s’est penché sur le droit concernant la recevabilité de nouveaux éléments de preuve et plus particulièrement sur les observations du juge Teitelbaum dans MacKay c. Procureur général du Canada, [1997] A.C.F. no 495, où celui‑ci mentionne que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) devrait appliquer le critère des « nouveaux éléments de preuve » exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Palmer, 106 D.L.R. (3d) 212 (C.S.C.), pour déterminer si la preuve nouvellement présentée en appel est suffisamment nouvelle et crédible pour justifier un réexamen de l’affaire. Après avoir évalué la lettre et les rapports McAllister présentés en preuve, le comité a rejeté la demande de réexamen de M. Caswell, parce qu’il était d’avis qu’aucun de ces soi‑disant nouveaux éléments de preuve ne satisfait réellement aux critères de l’arrêt Palmer.

 

[11]           M. Caswell a ensuite demandé au Tribunal d’examiner la décision du comité. Sa demande était notamment accompagnée d’une lettre timbrée du 16 septembre 2003 qui était censée expliquer pourquoi il avait été impossible de produire la lettre de M. Wesch plus tôt. Cette demande a été rejetée le 16 février 2004 par le Tribunal qui a précisé ce qui suit :

[traduction] Le Tribunal a entendu vos arguments selon lesquels [le comité] a commis une erreur de droit et de fait dans la façon dont il a traité la preuve du témoin, M. S. Wesch, et celle de l’avis médical du  Dr McAllister et il conclut, après avoir examiné attentivement les faits, qu’aucune erreur donnant lieu à révision n’a été commise.

 

 

En ce qui concerne la dernière lettre de M. Caswell, le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas d’un nouvel élément de preuve qui pouvait porter sur la question décisive dans l’évaluation de la demande dont il était saisi.

 

 

C’est donc avec regret que nous vous informons que le Tribunal ne reconsidérera pas la décision.

 

 

 

OBSERVATIONS

Le demandeur

 


[12]           M. Caswell soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et de fait en concluant qu’aucune erreur donnant lieu à révision n’avait été commise par le comité lorsque ce dernier a refusé d’admettre comme nouveaux éléments de preuve la lettre de M. Wesch et les rapports McAllister. Premièrement, M. Caswell dit que la lettre de M. Wesch n’aurait pas pu être produite plus tôt, puisqu’il n’a pas été en contact avec celui‑ci entre le moment où il a été réformé en 1991 et le moment où M. Wesch est entré en communication avec lui en 2001 (c’est ce qu’il dit, mais la preuve sur ce point dans le dossier du demandeur n’est pas claire : voir l’affidavit de M. Caswell, à la page 13, paragraphe 18, et la lettre de M. Wesch, à la page 16, paragraphe 6). Deuxièmement, il dit que le comité a fait erreur en ne s’intéressant pas à la teneur de la lettre de M. Wesch et, par conséquent, que le comité a omis de se pencher sur une preuve à partir de laquelle une conclusion favorable à son endroit aurait pu être tirée. Finalement, M. Caswell est d’avis que le Tribunal a erré dans son analyse des rapports McAllister puisqu’ils établissaient de manière crédible et définitive la cause exacte de sa blessure et visaient donc carrément la question décisive de son droit à une pension d’invalidité.

 

[13]           M. Caswell prétend également que le Tribunal a fait erreur en n’acceptant pas sa lettre comme nouvelle preuve. Cette lettre timbrée du 16 septembre 2003 est censée expliquer pourquoi la lettre de M. Wesch n’a pas été obtenue plus tôt au cours de la procédure.

 

[14]           Finalement, M. Caswell est d’avis que, puisqu’il a présenté une preuve non contredite démontrant qu’il a subi cette blessure au cours d’un entraînement physique autorisé, le Tribunal a fait erreur en ne présumant pas, comme il est tenu de le faire en vertu de la Loi, que cette blessure est survenue pendant son service militaire.

 


Le défendeur

 

[15]           Le défendeur, le procureur général du Canada, est d’avis que le demandeur n’a pas réussi à établir que le Tribunal a commis des erreurs manifestement déraisonnables dans sa décision et qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de l’annuler.

 

[16]           Le défendeur affirme que le Tribunal lors de la révision et le comité lors de la décision initiale ont tous les deux appliqué convenablement le critère exposé dans l’arrêt R. c. Palmer concernant les nouveaux éléments de preuve, lequel a été repris par la Cour fédérale dans la décision Mackay, précitée, et que ni la lettre de M. Wesch, ni les rapports McAllister, ni la lettre de M. Caswell ne satisfont aux critères d’admissibilité. Par conséquent, le défendeur soutient qu’il n’y a pas lieu pour la Cour de modifier la décision du Tribunal.

 

ANALYSE

 

[17]           Les deux parties à l’instance étaient d’accord que la norme de contrôle applicable aux décisions du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est celle de la décision manifestement déraisonnable, conformément aux décisions rendues antérieurement par notre Cour et  la Cour d’appel fédérale. À titre d’exemple, la décision McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647 (1re inst.), aux paragraphes 46 et 47, établit ce qui suit :


[L]a norme de la décision manifestement déraisonnable […] est applicable lorsque la question litigieuse concerne l’évaluation ou l’interprétation par le Tribunal d’éléments de preuve médicaux souvent contradictoires ou peu concluants et la conclusion qu’il en a tiré quant à savoir si l’invalidité du demandeur a été en fait causée ou aggravée par le service militaire. [...]

 

 

De telles décisions touchant les faits se situent au cœur même de la compétence spécialisée du Tribunal. Compte tenu de considérations de rentabilité et de compétence institutionnelle relative, les conclusions de fait doivent faire l’objet de la plus grande retenue judiciaire. [Renvois omis.]

 

 

 

La nécessité d’examiner la décision du comité

 

[18]           Les parties ont débattu de la question de savoir dans quelle mesure la Cour était autorisée à examiner la décision rendue par le comité le 7 juillet 2003 dans son analyse pour établir si la décision rendue le 16 février 2004 par le Tribunal était raisonnable. Le procureur général du Canada a désigné la décision MacKay, précitée, comme source du principe voulant qu’une cour de révision ne puisse qu’examiner la décision immédiate pour déterminer si une décision était raisonnable. Ainsi, le défendeur a fait valoir avec insistance que la Cour ne pouvait se pencher que sur la décision du Tribunal de ne pas réexaminer la décision du comité et sur l’article 111 de la Loi qui confère au Tribunal le pouvoir de rendre une telle décision. Suivant cette analyse, le Tribunal n’a pas fait erreur en refusant de reconsidérer la décision du comité.

 


[19]           Cependant, j’estime que l’analyse réalisée par le juge Teitelbaum dans la décision MacKay quant à la compétence d’une cour de révision pour annuler des décisions antérieures ne peut être interprétée aussi étroitement que l’avocate du défendeur le propose. Même s’il est vrai qu’une cour ne devrait pas procéder à un « contrôle judiciaire en règle » de la première décision, il est impératif qu’elle se penche sur cette décision pour juger si des erreurs de droit ou de fait potentielles ont été commises au moment du réexamen par le Tribunal. Le juge Teitelbaum a expliqué ce qui suit aux paragraphes 45 à 48 de la décision :

[...] la Cour ne peut décider dans l’abstrait si, le 21 juin 1996, le TAC (R & A) a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire. La Cour doit également accorder une certaine attention à la décision antérieure du TAAC en date du 19 janvier 1994, parce que celle‑ci est contestée dans la procédure de réexamen du TAC (R & A).

 

 

Toutefois, je tiens à souligner qu’il n’appartient pas à la Cour, dans la présente instance, d’effectuer un contrôle judiciaire en règle de la décision du 19 janvier 1994 du TAAC. La validité de cette décision du 19 janvier 1994 ne peut à bon droit être contestée dans une procédure de contrôle judiciaire portant sur la décision du TAC (R & A) en date du 21 juin 1996, concernant le réexamen. La Cour n’a pas compétence pour annuler la décision antérieure. De par sa nature, le réexamen effectué en vertu de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est de nature rétrospective, mais on ne peut remonter indéfiniment le temps. Le requérant ne peut que faire valoir que le TAC (R & A), dans sa décision du 21 juin 1996, n’a pas exercé à bon droit le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 111, parce qu’il n’a pas réexaminé de son propre chef la décision antérieure du TAAC, malgré l’existence d’erreurs de fait et de droit dans cette décision du TAAC.

 

 

[...] De par sa nature, la procédure de réexamen exige que le comité de réexamen, le TAC (R & A), revienne sur la décision antérieure, et impose à la Cour la même exigence lorsque celle‑ci est saisie d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision du TAC (R & A). [Souligné dans l’original.]

 

 

 


[20]           Par conséquent, pour que je puisse déterminer si le Tribunal a bien exercé sa compétence en vertu de l’article 111 de la Loi, je dois également examiner la décision antérieure rendue par le comité pour vérifier si des erreurs de droit ou de fait ont été commises lorsque la question de savoir si la preuve présentée par M. Caswell, à l’appui de sa demande de réexamen, constituait réellement une nouvelle preuve, a été analysée. Pour décider si le Tribunal a évalué convenablement les motifs du comité, il faut examiner ces motifs. Il me semble que la Cour, à titre d’instance révisionnelle de la décision du Tribunal, doit être dans la même position qu’était le Tribunal lorsqu’il s’est penché sur la décision du comité et elle ne peut l’être sans examiner aussi les motifs du comité. Si elle ne procédait pas ainsi, la Cour n’aurait pas une vision complète de la situation et ne serait pas en mesure de rendre une décision sur le fond.

 

[21]           Le critère d’analyse des nouveaux éléments de preuve a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Palmer, précité, à la page 224 :

- On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles […].

 

 

- La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

 

 

- La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi, et

 

 

- elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

 

 

 


[22]           Après avoir étudié l’argumentation du comité, ainsi que le critère de l’arrêt Palmer, je ne vois aucune raison de modifier la décision par laquelle le comité a conclu que les éléments de preuve n’étaient pas nouveaux et qu’ils n’étaient donc pas admissibles. Le dossier ne comporte aucune preuve claire et convaincante expliquant de façon satisfaisante pourquoi M. Caswell n’a pas été en mesure d’obtenir la lettre de M. Wesch plus tôt. M. Caswell prétend ensuite régler le problème dans sa lettre du 16 septembre 2003 qu’il a présentée au Tribunal au moment où celui‑ci a examiné la décision du comité. Cependant, je suis encore une fois d’avis que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en refusant d’admettre cette lettre comme un nouvel élément de preuve. Non seulement M. Caswell aurait pu présenter sa lettre plus tôt dans l’instance (il aurait été indiqué de la joindre à la lettre de M. Wesch), mais c’est aussi ce qu’il aurait dû faire. M. Caswell tente d’obtenir une seconde chance de prouver son point en présentant une preuve qui est censée expliquer de manière satisfaisante pourquoi la lettre de M. Wesch peut être admissible comme une nouvelle preuve. L’audience de réexamen par le comité qui a eu lieu en septembre 2002 était le moment opportun pour fournir cette explication.

 

[23]           Puisqu’il n’a pas commis d’erreur en concluant que la lettre de M. Wesch ne constituait pas une nouvelle preuve, le comité n’a pas non plus fait erreur en ne statuant pas sur la teneur de cette lettre même s’il a ainsi écarté (comme le prétend le demandeur) une preuve à partir de laquelle une conclusion favorable à l’égard de M. Caswell aurait pu être tirée. Il est vrai que les articles 3 et 39 de la Loi encouragent notamment le Tribunal à adopter une approche libérale et intentionnelle à l’égard des demandes d’anciens combattants et à tirer les conclusions les plus favorables possible au demandeur (voir Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 F.T.R. 133; MacKay, précité). Toutefois, ces directives ne s’appliquent qu’à la preuve admissible devant le tribunal. Dans la présente affaire, étant donné qu’il a à bon droit tranché que la lettre de M. Wesch n’était pas admissible, le comité n’était pas tenu de pousser plus loin son analyse.

 


[24]           En ce qui concerne les rapports McAllister, le comité d’examen dans la décision qu’il a rendue en 1994 a estimé qu’aucune preuve médicale ne permettait de rattacher l’invalidité alléguée à une blessure ou un trauma subi par le demandeur au cours de son service militaire, et ce, malgré les rapports médicaux des Drs Jacqmin et Smith présentés pour le compte du demandeur. Dans la décision d’appel de 1995, le comité a souligné qu’aucune preuve n’avait été produite pour réfuter cette conclusion. Le demandeur cite la décision MacKay, précitée, à l’appui de la recevabilité des rapports McAllister. Par ailleurs, il est important de noter que, dans la décision MacKay, non seulement le rapport du Dr Murdoch n’a pas été contredit par une autre preuve, mais aussi la crédibilité de ce rapport n’a pas été contestée. Cela n’est pas le cas en l’espèce. Les rapports médicaux sur l’état de santé de M. Caswell indiquent, depuis 1993, qu’il souffrait de subluxation chronique. En 1994 et 1995, ces rapports ont été jugés insuffisants pour établir un lien de causalité entre la blessure subie en 1988 et l’invalidité de M. Caswell et je ne suis pas convaincu que la situation a suffisamment changé pour permettre que les rapports McAllister soient admis. En l’absence de nouveaux éléments de preuve, M. Caswell ne peut multiplier les tentatives en vue de faire réévaluer la preuve médicale initiale. Encore une fois, rien dans la preuve présentée n’indique que les rapports McAllister n’auraient pas pu être obtenus en temps utile. Cette insuffisance de la preuve déroge de nouveau au premier élément du critère de l’arrêt Palmer et, par conséquent, le critère doit échouer.

 


[25]           Finalement, le demandeur a soutenu que le Tribunal ne s’est pas acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de la Loi, puisque celui‑ci n’a pas accepté la preuve non contredite qu’il a présentée pour démontrer que la blessure dont il souffre était survenue pendant son service militaire. Comme je l’ai brièvement mentionné précédemment, l’article 3 de la Loi prévoit que les pouvoirs et les fonctions du Tribunal doivent être interprétés de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont servi leur pays et des personnes à leur charge. L’article 39 de la Loi prévoit en plus que le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui‑ci;

 

 

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui‑ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

 

 

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien‑fondé de la demande.

 

 

 

[26]           Il me semble toutefois que ces dispositions législatives n’imposent pas au Tribunal ou à une cour de révision l’obligation d’accepter automatiquement les allégations faites par un demandeur. Il incombe encore une fois au demandeur de démontrer que la nouvelle preuve présentée, en plus d’être nouvelle, crédible, pertinente, raisonnable et, si contredite, plus convaincante que la preuve contradictoire, aurait pu raisonnablement avoir une incidence sur le résultat initial. Le demandeur, M. Caswell, n’a pas fait cette démonstration en l’espèce. Ce fardeau lui incombait et il n’a pas réussi à s’en acquitter. Il n’a pas réussi à satisfaire aux exigences du critère de l’arrêt Palmer, soit démontrer que la preuve qu’il essayait de faire admettre était vraiment nouvelle. De surcroît, cette preuve médicale contredisait une autre preuve déjà au dossier et, par conséquent, il était loisible au décideur de favoriser une preuve et de réfuter l’autre.

 

[27]           Pour ces motifs, je conclus que la décision du Tribunal en l’espèce est raisonnable et qu’elle doit donc être maintenue.

 

                                       ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

                                                                                   « Simon Noël »              

                                                                                                     Juge                        

 

 


                                    COUR FÉDÉRALE

 

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                  T‑714‑04

 

INTITULÉ :                                THOMAS CASWELL

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :        OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :       LE 22 SEPTEMBRE 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :               LE 5 OCTOBRE 2004

 

 

COMPARUTIONS :

 

Helen Gray                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Sonia Barrette                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault                        POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada


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