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Date : 20010607

Dossier : T-656-01

Référence neutre : 2001 CFPI 599

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

             LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

       LE BRIGADIER GÉNÉRAL DANIEL LINDSEY ROSS

                                                                                                 défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]    Cette double requête déposée par le demandeur (le Commissaire) a pour but, premièrement, de réunir deux dossiers, soit les dossiers T-656-01 et T-814-01 et, deuxièmement, d'obtenir une ordonnance pour que l'affidavit de Roy Hillier soit déposé sous le sceau de la confidentialité.


1. La requête pour la réunion des demandes

[2]    Les deux demandes ont trait à la même enquête et soulèvent des questions identiques de fait et de droit. Les mêmes parties sont nommées dans les deux demandes et leur réunion empêchera un dédoublement inutile des procédures. Par conséquent, il est dans l'intérêt supérieur de la justice que le Commissaire soit autorisé à réunir ces deux demandes.

2. La requête pour obtenir des instructions concernant la confidentialité

[3]    Le Commissaire mène une enquête sur une plainte ayant trait au refus de l'administrateur général du ministère de la Défense nationale de divulguer des dossiers qui sont [TRADUCTION] « des procès-verbaux ou des documents produits à l'issue de réunions de gestion du M5 pour 1999 » . Il s'agit de réunions entre le ministre et le sous-ministre de la Défense nationale, le chef de l'état-major de la Défense et les cadres supérieurs du ministre.

[4]    Au moyen de l'affidavit confidentiel de Roy Hillier, le Commissaire a l'intention de déposer des preuves concernant les mesures de sécurité à son bureau. Il soutient que cette information est de nature extrêmement délicate et ne devrait pas être portée à la connaissance du public; compte tenu de la nature essentiellement confidentielle de la preuve qui serait présentée à la Cour, le Commissaire soutient qu'une ordonnance préservant la confidentialité de ces documents devrait être rendue.


[5]                 Roy Hillier est un enquêteur pour le Bureau du Commissaire. À titre d'enquêteur expressément désigné, aux termes du paragraphe 59(2) de la Loi sur l'accès à l'information[1] (la Loi), il examine périodiquement les dossiers confidentiels, et la Loi l'oblige à prendre de très grandes précautions pour s'assurer que les dossiers fournis au Commissaire restent confidentiels. Selon l'affidavit de Roy Hillier, il n'y a jamais eu de manquement à la sécurité qui aurait entraîner la divulgation des dossiers demandés.

3. La requête est-elle prématurée?

                                                         

[6]                 Les défendeurs font valoir que la requête est prématurée étant donné qu'elle devrait être traitée dans le cadre de la gestion des cas confiés à un seul juge. Dans une lettre en date du 28 mai 2001, le Commissaire a déjà demandé au juge en chef adjoint de nommer un juge responsable de la gestion d'une instance pour gérer les 15 demandes de contrôle judiciaire découlant de trois enquêtes menées par le Commissaire. L'une de ces enquêtes est à l'origine des présentes demandes de contrôle judiciaire.


[7]                 Les défendeurs reconnaissent qu'un seul juge responsable de la gestion d'une instance devrait être nommé et ils ont demandé au juge en chef adjoint, dans une lettre en date du 1er juin 2001, d'y inclure cinq autres demandes de contrôle judiciaire, notamment les deux présentes demandes. Le juge en chef adjoint n'a pas encore pris de décision sur ces deux demandes, probablement dans l'attente de la réaction du Commissaire à la demande des défendeurs.

[8]                 Toutefois, à l'audience, l'avocat du Commissaire s'est opposé à ce que ces deux dossiers fassent partie de la liste des cas à gérer. Il a insisté pour qu'ils soient traités immédiatement et séparément.

4. La preuve présentée par le Commissaire justifie-t-elle une ordonnance de confidentialité?

[9]                 Pour déterminer s'il y a lieu de rendre une ordonnance de confidentialité aux termes des dispositions de la règle 151 des Règles de la Cour fédérale, la Cour doit mettre en balance le préjudice que pourrait causer la divulgation de documents confidentiels au regard de l'intérêt du public à la publicité des débats judiciaires. Le procureur général du Canada soutient que les ordonnances de confidentialité ne devraient être rendues que lorsqu'il existe des raisons contraignantes et justifiables de le faire en s'appuyant sur la preuve déposée devant la Cour[2].


[10]            Les observations écrites du Commissaire sur la nécessité de la confidentialité sont très peu nombreuses. Elles se limitent aux deux paragraphes suivants :

[TRADUCTION]

14. Le Commissaire a l'intention de présenter une preuve, au moyen d'un affidavit confidentiel de Roy Hillier, concernant les mesures de sécurité à son bureau. Cette information est de nature extrêmement délicate et ne devrait pas être portée à la connaissance du public. Les certificats signés par le brigadier général Ross ont été remis au Commissaire au cours de ses enquêtes privées. L'article 35 de la Loi exige que le Commissaire préserve le caractère secret de ses enquêtes.

15. Compte tenu de la nature essentiellement confidentielle de la preuve qui sera fournie à la Cour, le Commissaire demande qu'une ordonnance soit rendue afin de préserver la confidentialité de ces documents.

[11]                         Et, comme on l'a déjà mentionné, l'affidavit de Roy Hillier déposé à l'appui de cette requête (qui n'est pas, bien entendu, le principal affidavit que l'on cherche à déposer sous le sceau de la confidentialité) justifie la nécessité d'assurer la confidentialité de son affidavit dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

21.                    La Loi prescrit, et le Bureau du Commissaire à l'information a pris de très grandes précautions pour assurer que les dossiers remis au Bureau restent confidentiels. Une explication plus détaillée de ces mesures est donnée dans mon affidavit confidentiel.

[12]                         Sans disposer d'autres détails dans cet affidavit appuyant la requête quant à la nature des mesures de sécurité, qu'elles soient administratives ou matérielles, le Commissaire n'a pas établi que l'intérêt du public à la confidentialité des documents l'emporte sur l'intérêt du public à la publicité des débats judiciaires.


[13]                         Le Commissaire souhaite que les certificats signés par le brigadier général Ross, dans lesquels ce dernier s'oppose à la communication de renseignements aux termes des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada[3], restent confidentiels. Ces certificats sont habituellement déposés dans le dossier public de l'instance dans le cadre de laquelle l'objection est faite. Il n'y a aucune raison qu'ils soient considérés comme confidentiels quand ils sont annexés à l'affidavit de Roy Hillier.

[14]                         Le principe de l'accessibilité du public au processus judiciaire est d'une importance suffisante pour limiter les ordonnances de confidentialité aux renseignements qui doivent demeurer confidentiels. Ici encore, si le Commissaire souhaite préserver la confidentialité des mesures matérielles, administratives ou d'autres mesures de sécurité à son bureau, sur lesquelles il s'appuie pour la protection des renseignements, il devrait formuler sa demande en fonction de cet objectif précis.

6. Dispositif


[15]                         Par conséquent, je ne suis pas disposé à ce moment à rendre une ordonnance de confidentialité de large portée en disposant d'aussi peu d'information. En outre, si le juge en chef adjoint décide de joindre ces deux dossiers aux autres pour en faire un seul groupe, la confidentialité des renseignements ayant trait à la sécurité au Bureau du Commissaire pourra être soulevée de nouveau sur la base de renseignements plus substantiels et une ordonnance pourra alors s'appliquer mutatis mutandis à toutes les demandes de contrôle judiciaire faisant partie du même groupe.

[16]                         Comme je l'ai mentionné précédemment, l'ordonnance de réunion des demandes est accordée sans modification et la demande de confidentialité est rejetée.

Juge

OTTAWA (Ontario)

le 7 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


Date : 20010607

Dossier : T-656-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 JUIN 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

     LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION DU CANADA

                                                                                                 demandeur

                                                    -_et -

             LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

       LE BRIGADIER GÉNÉRAL DANIEL LINDSEY ROSS

                                                                                                 défendeurs

                                           ORDONNANCE

SUR PRÉSENTATION D'UNE REQUÊTE par le Commissaire à l'information du Canada;


LA COUR ORDONNE :

A.              Les dossiers T-656-01 et T-814-01 sont réunis de la manière suivante :

i.          la demande dans le dossier T-656-01 doit être considérée comme la demande principale;

ii.          l'intitulé de la cause de toute autre procédure se composera de l'intitulé de la cause dans la demande principale suivi de l'intitulé de la cause dans l'autre demande;

iii.         les affidavits déposés à l'appui des deux demandes seront déposés dans la demande principale;

iv.         il n'y aura qu'un dossier de demande et qu'un dossier des sources invoquées pour ce qui a trait aux deux demandes, le dossier de la demande et le dossier des sources invoquées étant déposés dans la demande principale.


B.              L'affidavit confidentiel de Roy Hillier, qui doit être établi sous serment, ne peut être déposé sous le sceau de la confidentialité pour le moment, conformément aux règles 151 et 152 des Règles de la Cour fédérale (1998).

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL. L., trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     T-656-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :       Le Commissaire à l'information du Canada

c.

Le procureur général du Canada et le brigadier général Daniel Lindsey Ross

LIEU DE L'AUDIENCE :            Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 5 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

DATE DES MOTIFS :                  le 7 juin 2001

ONT COMPARU

Daniel Brunet                                     Pour le demandeur

Emily McCarthy

Peter Doody                                      Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Commissaire à l'information du Canada Pour le demandeur

Borden, Ladner, Gervais, LLP         Pour les défendeurs

Ottawa (Ontario)



[1]            L.R.C. (1985), ch. A-1.

[2]              Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2000] 4 C.F. 426 (C.A.) et AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] 3 C.F. 360.

[3]            L.R.C. (1985), ch. C-5.

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