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Date : 20040819

Dossier : IMM-6708-03

Référence : 2004 CF 1153

Toronto (Ontario), le 19 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                                   HAMAD ALI

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Hamad Ali demande le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 6 août 2003 qui rejetait la demande de réouverture de la demande d'asile présentée par M. Ali aux termes de la règle 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles), parce que le désistement de cette demande avait déjà été prononcé. Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible d'être révisée et que, par conséquent, la demande sera rejetée.


LE CONTEXTE

[2]                M. Ali est un citoyen pakistanais de 23 ans. Il est arrivé au Canada en août 1999 avec un visa de visiteur et a ensuite obtenu un visa d'étudiant en février 2000. À la fin de février 2003, le demandeur déclare qu'il a constaté que la situation au Pakistan ne s'était pas améliorée et qu'il serait persécuté s'il y retournait. Il a alors présenté une demande d'asile et a été jugé admissible à présenter cette demande le 5 mars 2003. À l'époque, le ministère du défendeur, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), a saisi les papiers d'identité que le demandeur avait en sa possession et lui a remis un avis de saisie, décrivant les documents saisis. Il a été procédé à cette saisie parce que l'agent de CIC pensait que certains papiers d'identité étaient frauduleux.

[3]                Le demandeur devait remettre son Formulaire de renseignements personnels (FRP) 28 jours après le 5 mars 2003, date à laquelle il l'avait reçu. Il n'a pas remis ce document à temps à la Commission et a été convoqué à une audience sur le désistement le 14 mai 2003 pour expliquer pourquoi la Commission ne devrait pas prononcer le désistement de la demande.


[4]                Le demandeur et son conseil ont comparu à l'audience de désistement et présenté le FRP du demandeur à ce moment-là. Le demandeur a déclaré à la Commission qu'il avait demandé de l'aide juridique au moment où il avait présenté sa demande d'asile et qu'il attendait encore la réponse des services de l'aide juridique au moment où a expiré le délai accordé pour présenter son FRP. Il n'avait pas l'intention de se désister de sa demande et le dépôt tardif de son FRP était dû à des difficultés financières qui l'empêchaient de retenir les services d'un avocat sans l'aide financière des services de l'aide juridique.

[5]                La Commission n'a pas considéré que les explications fournies par M. Ali montraient qu'il avait véritablement l'intention de poursuivre sa demande d'asile et elle a par conséquent prononcé le désistement de la demande par avis daté du 20 mai 2003. Le demandeur n'a pas sollicité le contrôle judiciaire de cette décision mais a présenté par la suite une demande vers la mi-juillet 2003 auprès de la Commission, conformément à la règle 55(1) des Règles, en demandant que la Commission procède à la réouverture de sa demande d'asile. La Commission a rejeté cette demande par écrit le 6 août 2003.

La décision de la Commission

[6]                L'avis de décision, daté du 6 août 2003, énonce ce qui suit :

[traduction] Le 17 juillet 2003, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a reçu votre demande de réouverture de votre demande d'asile.

VOTRE DEMANDE EST REJETÉE.

[7]                Conformément à la règle 9(2) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, le greffier de la Commission a envoyé les notes suivantes à la Cour, à titre de motifs de la décision attaquée :

[traduction] Étant donné l'absence d'obligation légale, aucune raison officielle n'a été fournie pour la décision.


L'entrée suivante figure au dossier :

« Le défaut de respecter le délai relatif au FRP en raison des efforts déployés par le conseil pour s'assurer de l'identité du demandeur (requête du conseil, paragraphes 3 à 7) ne constitue pas un motif valide pour ne pas respecter la règle 6 des Règles de la SPR. De la même façon, les retards uniquement attribuables à l'aide juridique ne constituent pas une excuse satisfaisante pour le dépôt tardif du FRP. J'estime que la décision de prononcer le désistement de la demande en raison du dépôt tardif du FRP (retard d'un mois et douze jours)... ne viole pas les principes de la justice naturelle.

Date : 06/08/03    Décision prise par : V. Bubrin »

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]                1.         Cette décision devait-elle être motivée aux termes de l'article 169 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR)?

2.         Si l'article 169 exigeait des motifs, les motifs fournis étaient-ils suffisants?

3.        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de l'intention du demandeur de poursuivre sa demande d'asile lorsqu'elle s'est prononcée sur la réouverture de sa demande?

ANALYSE


[9]                Le demandeur soutient que l'entrée « laconique » figurant au dossier, présentée par le greffier de la Commission comme étant les motifs de la décision prise, ne respecte pas les principes de l'équité procédurale en matière de motivation des décisions et viole également l'alinéa 169b) de la LIPR. Le demandeur soutient que le rejet par la Commission de sa demande de réouverture de sa demande d'asile n'était pas une décision interlocutoire mais définitive. La Commission était dessaisie du dossier après cette décision et par conséquent, à titre de décision définitive, la Commission était tenue, en vertu de l'alinéa 169b) de la LIPR, de fournir par écrit des raisons « claires et appropriées » .

[10]            Le demandeur soutient que la Commission s'est contentée d'inscrire des formules types, qu'elle n'a procédé à aucune analyse ou appréciation des faits et qu'il n'existait aucun moyen de savoir quels étaient les facteurs et les preuves sur lesquels la Commission s'était basée pour rendre cette décision essentielle, à savoir le refus de rouvrir sa demande d'asile. Le demandeur s'appuie sur la décision Kanapathapillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. n ° 1110 (1re inst.) (Q.L.).

[11]            Le demandeur soutient qu'on lui refuse la possibilité de comprendre et d'examiner le caractère raisonnable de la décision de la Commission et que cette décision comporte des conséquences qui ont un effet important sur la vie et la sécurité de la personne. C'est pourquoi le demandeur demande à la Cour de juger que la Commission a commis une erreur de droit en ne respectant pas les dispositions de l'alinéa 169b) et qu'elle a également violé le principe de l'équité procédurale en ne fournissant pas de motifs suffisants.


[12]            De son côté, le défendeur soutient que la Commission n'était pas tenue, en vertu de la LIPR ou des Règles de la SPR, de motiver le rejet de la demande de réouverture d'une demande d'asile. Le défendeur soutient que la décision attaquée est une décision interlocutoire, et que, par conséquent, elle n'est pas visée par l'obligation de motiver prévue à l'article 169. Cette décision, considérée dans son contexte législatif, est une décision qui ne peut être envisagée qu'après qu'une décision définitive ait été prise au sujet du désistement de la demande. Le défendeur s'appuie sur l'arrêt Faghihi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 249 (1re inst.), conf. par (2001), 274 N.R. 358 (C.A.F.) pour étayer son argument selon lequel la décision de rouvrir une demande qui a fait l'objet d'un désistement est une décision interlocutoire.

[13]            Le défendeur invoque également l'alinéa 169d) de la LIPR à l'appui de sa thèse. Cette disposition énonce que la Commission est tenue de motiver par écrit le rejet d'une demande d'asile. Dans une requête en réouverture de demande, le bien-fondé de la demande n'est pas en litige; par conséquent, la seule question en litige ici est de savoir s'il y a eu violation de la justice naturelle à l'occasion du prononcé du désistement.


[14]            À titre subsidiaire, le défendeur soutient que la Commission a en fait motivé adéquatement sa décision, conformément à la norme énoncée dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Le demandeur s'appuie sur la décision Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 195 F.T.R. 313, inf. sur d'autres motifs (2002), 289 N.R. 165 (C.A.F.), dans laquelle la Cour a jugé qu'il n'était pas obligatoire que la décision de ne pas rouvrir une demande ayant fait l'objet d'un désistement soit motivée par écrit, étant donné que la Commission ne se prononçait pas sur le bien-fondé de la demande. Dans cette affaire, les raisons manuscrites d'un membre de la Commission étaient conformes à la norme énoncée dans l'arrêt Baker, précité, parce qu'ils expliquaient les motifs sur lesquels étaient fondées les conclusions de la Commission. De la même façon, le défendeur soutient que les motifs manuscrits figurant dans le dossier du tribunal à la page 67 respectent cette norme. Ils sont identiques à l'entrée dactylographiée fournie par le greffier de la Commission à la Cour et au demandeur à titre de motifs de la décision (voir le paragraphe 8 ci-dessus).

[15]            La règle 55 des Règles de la SPR énonce que les demandeurs d'asile peuvent présenter une demande de réouverture d'une demande d'asile qui a fait l'objet d'un désistement de la façon suivante :


55. (1) Le demandeur d'asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision ou d'un désistement.

55. (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

(2) La demande est faite selon la règle 44.

(2) The application must be made under rule 44.

(3) Si la demande est faite par le demandeur d'asile, celui-ci y indique ses coordonnées et en transmet une copie au ministre.

(3) A claimant who makes an application must include the claimant's contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.


[16]            Voici le texte intégral de l'article 169 de la LIPR :



169. Les dispositions qui suivent s'appliquent aux décisions, autres qu'interlocutoires, des sections :

169. In the case of a decision of a Division, other than an interlocutory decision:a) elles prennent effet conformément aux règles;

(a) the decision takes effect in accordance with the rules;

b) elles sont motivées;

(b) reasons for the decision must be given;

c) elles sont rendues oralement ou par écrit, celles de la Section d'appel des réfugiés devant toutefois être rendues par écrit;

(c) the decision may be rendered orally or in writing, except a decision of the Refugee Appeal Division, which must be rendered in writing;

d) le rejet de la demande d'asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;

(d) if the Refugee Protection Division rejects a claim, written reasons must be provided to the claimant and the Minister;

e) les motifs écrits sont transmis à la personne en cause et au ministre sur demande faite dans les dix jours suivant la notification ou dans les cas prévus par les règles de la Commission;

(e) if the person who is the subject of proceedings before the Board or the Minister requests reasons for a decision within 10 days of notification of the decision, or in circumstances set out in the rules of the Board, the Division must provide written reasons; and

f) les délais de contrôle judiciaire courent à compter du dernier en date des faits suivants : notification de la décision et transmission des motifs écrits.

(f) the period in which to apply for judicial review with respect to a decision of the Board is calculated from the giving of notice of the decision or from the sending of written reasons, whichever is later.


[17]            La règle 61 des Règles de la SPR traite également de la motivation des décisions :


61. (1) Lorsqu'elle rend une décision autre qu'interlocutoire, la Section transmet par écrit un avis de décision au demandeur d'asile ou à la personne protégée, selon le cas, et au ministre.

61. (1) When the Division makes a decision, other than an interlocutory decision, it must provide a notice of decision in writing to the claimant or the protected person, as the case may be, and to the Minister.

(2) En cas de rejet d'une demande d'asile, la Section transmet au demandeur d'asile et au ministre, avec l'avis de décision, les motifs écrits de la décision.

(2) If it rejects a claim, the Division must provide the notice of decision, together with written reasons for the decision, to the claimant and the Minister.

(3) Dans le cas où elle indique dans les motifs de sa décision qu'elle accueille la demande d'asile après avoir conclu que les sections E ou F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés ne s'appliquent pas, la Section transmet au demandeur d'asile et au ministre, avec l'avis de décision, les motifs écrits de la décision.

(3) If the reasons of the Division indicate that it has allowed a claim for refugee protection after determining that sections E or F of Article 1 of the Refugee Convention do not apply, the Division must provide the notice of decision and written reasons for the decision to the claimant and the Minister.


(4) Lorsqu'elle rend une décision à l'égard d'une demande d'annulation ou d'une demande de constat de perte d'asile, la Section transmet aux parties, avec l'avis de décision, les motifs écrits de la décision.

(4) When the Division makes a decision on an Application to Vacate Refugee Protection or an Application to Cease Refugee Protection, the Division must provide to the parties, together with the notice of decision, written reasons for the decision.


La règle 62 traite de la communication des motifs à la demande du demandeur ou du ministre lorsqu'une demande d'asile a été accueillie. Ce n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

[18]            J'estime que l'arrêt Faghihi, précité, fournit des éléments utiles pour trancher la question de savoir si une décision prise en application de la règle 55(1) des Règles de la SPR est une décision interlocutoire ou définitive. Dans cette décision, qui traitait d'une demande de réouverture présentée aux termes de l'ancienne loi sur l'immigration et des anciennes Règles de la Commission[1], le juge Evans, tel était alors son titre, a déclaré ce qui suit à la page 260 :

Je suis disposé en l'instance à présumer qu'une requête demandant la réouverture d'une décision est une « matière interlocutoire » , puisque si elle était accueillie elle ne trancherait pas le litige. Elle ouvrirait simplement la voie à un réexamen de la revendication par la section du statut de réfugié en vertu de l'article 69.1.


[19]            L'arrêt Faghihi, précité, concernait une demande de réouverture d'une demande d'asile qui avait été entendue au fond et comme cela est noté, le contexte législatif examiné dans cette affaire était différent. Néanmoins, je ne vois aucune raison convaincante de s'écarter de ce raisonnement pour ce qui est de savoir si la demande de réouverture présentée aux termes de la règle 55 est une décision interlocutoire ou définitive. Si le demandeur avait obtenu gain de cause, sa demande d'asile aurait été rouverte et elle aurait été examinée au fond. Le refus d'une telle demande ne fait que confirmer le statu quo, à savoir, le fait que le désistement de la demande d'asile avait été prononcé. C'est une décision interlocutoire et par conséquent, les prescriptions de l'article 169 de la LIPR ne sont pas applicables. En outre, la règle 61 des Règles de la SPR n'est pas applicable. La règle 61(2) parle de l'obligation de fournir des motifs écrits lorsque la Commission « rejette » une demande. J'estime que cette disposition vise uniquement le cas où la demande d'asile est rejetée au fond et non pas celui d'une demande rejetée aux termes de la règle 55. Ces conclusions ne règlent toutefois pas la question puisque les règles de la common law en matière d'équité procédurale exigent que les décisions soient motivées.

[20]            Compte tenu de l'importance que revêt pour le demandeur la décision relative à une demande de réouverture, dans la mesure où la demande ayant fait l'objet d'un désistement lui interdit de faire examiner au fond sa demande fondée sur la crainte d'être persécuté au Pakistan, le demandeur doit, sur demande, pouvoir obtenir des motifs écrits. Étant donné que le cadre législatif n'exige pas que des motifs écrits lui soient communiqués, le demandeur doit néanmoins pouvoir demander à la Commission de préciser quel a été son raisonnement, et de ne pas se contenter de déclarer que la demande de réouverture dont il est question a été rejetée. En l'espèce, le demandeur a obtenu des motifs, sous la forme du document remis par le greffier de la Commission conformément à la règle 9(2) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés. Ces motifs sont suffisants, étant donné qu'ils exposent les motifs à l'origine de la décision du membre de la Commission, et qu'ils permettent au demandeur de savoir pourquoi sa demande de réouverture a été rejetée.


[21]            Le demandeur soutient également que la Commission n'a pas examiné correctement la question de savoir si le prononcé du désistement était vicié par une violation de la justice naturelle. Le demandeur expose le critère qu'il convient d'appliquer aux décisions en matière de désistement, tel que formulé dans Ahamad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 109 (1re inst.), à savoir que la Commission, après avoir pris en considération toutes les circonstances et les faits pertinents, doit se demander si le comportement du demandeur indique clairement qu'il a l'intention de poursuivre ou non sa demande.

[22]            Le demandeur soutient que les preuves indiquent que lui et son conseil ont fait preuve de diligence en essayant de transmettre son FRP et que la brève « entrée » accompagnant la décision de la Commission ne mentionne aucunement le critère énoncé dans l'arrêt Ahamad, précité, ni le fait que la Commission a tenu compte de l'intention du demandeur de poursuivre sa demande. Le demandeur soutient qu'il y a là une violation de la justice naturelle. Le demandeur s'appuie sur deux décisions de notre Cour concernant les décisions de la Commission en matière de désistement : Alegria-Ramos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 164 F.T.R. 150 et Lopez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 193 F.T.R. 97. Ces décisions portaient sur le contrôle judiciaire des prononcés de désistement eux-mêmes mais le demandeur soutient qu'elles sont applicables à la décision de ne pas rouvrir une demande d'asile qui a fait l'objet d'un désistement, étant donné qu'elles permettent d'affirmer que la Commission a le devoir de fournir des raisons qui indiquent clairement qu'elle a examiné la question de savoir si le demandeur avait l'intention de poursuivre sa demande. D'après le demandeur, le défaut pour la Commission de procéder à cette analyse dans ses motifs constitue une erreur de droit.


[23]            Le défendeur soutient néanmoins que la Commission n'a pas le pouvoir inhérent ou permanent de rouvrir une demande d'asile et ne peut prendre une telle décision que lorsqu'il y a eu violation de la justice naturelle : Longia c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 288 (C.A.). Le défendeur soutient que la règle 55 des Règles de la SPR énonce qu'une demande d'asile ayant fait l'objet d'un désistement ne peut être rouverte que si le demandeur réussit à établir qu'il y a eu violation d'un principe de justice naturelle. Le défendeur note que le demandeur n'a fourni à la Commission ou à la Cour aucune preuve permettant d'établir qu'il y avait eu violation de l'équité procédurale dans le prononcé du désistement.

[24]            À première vue, le libellé de la règle 55 des Règles de la SPR ne semble pas limiter les motifs permettant d'examiner les demandes de réouverture et le seul facteur qui appelle une décision positive est l'établissement par le demandeur de la violation de la justice naturelle. Cependant, après un examen approfondi, je suis convaincu que la bonne interprétation est que la demande de réouverture ne peut être accueillie que s'il est établi qu'il y a eu manquement à un principe de justice naturelle.


[25]            Sous l'ancienne législation en matière d'immigration, il n'existait pas de mécanisme autorisant les requêtes en réouverture des demandes d'asile ayant fait l'objet d'une décision de désistement, mais ces requêtes étaient présentées aux termes de la règle 28 des anciennes Règles, conformément à la jurisprudence, comme l'arrêt Longia, précité, qui indiquait que la Commission avait le pouvoir inhérent de rouvrir une demande d'asile dans le seul cas où il y avait eu manquement à un principe de justice naturelle. J'estime que les nouvelles Règles de la SPR visent à codifier cette interprétation. Je note que cette interprétation de la règle 55 des Règles de la SPR a récemment été appliquée par la Cour dans l'arrêt Wackowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. n ° 315 (C.F.) (Q.L.), au paragraphe 12.

[26]            Le demandeur avait reçu avis de l'audience de désistement et il y avait assisté avec un représentant du bureau de son conseil, qui avait fourni des explications au sujet de la production tardive de son FRP. La Commission n'a pas estimé que ces explications faisaient ressortir clairement l'intention du demandeur de poursuivre sa demande de façon diligente. Il n'a pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision mais a plutôt choisi de présenter à la Commission une demande de réouverture de sa demande d'asile en juillet 2003. Conformément à cette disposition de portée limitée, la Commission a examiné le dossier et a jugé que le prononcé du désistement ne constituait pas un manquement aux principes de justice naturelle. J'estime que le demandeur n'a pas démontré que cette décision contenait une erreur susceptible d'être révisée et que, par conséquent, la Cour ne peut intervenir. Aucune question n'a été proposée en vue d'être certifiée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                         _ Richard G. Mosley _          

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-6708-03

INTITULÉ :                                          HAMAD ALI

                                                                                           demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 18 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                          LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                         LE 19 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Kareena Thompson                                                       POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blanshay et Associés                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040819

                    Dossier : IMM-6708-03

ENTRE :

HAMAD ALI

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                             



[1] Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 et les Règles de la Section du statut de réfugié, DORS/93-45.


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