Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20020130

Dossier : T-598-00

Référence neutre : 2002 CFPI 119

Toronto (Ontario), le 30 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demandeur

- et -

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

défenderesse

- et -

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

intervenante

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Il s'agit d'une requête déposée conformément à la règle 51 des Règles de la Cour fédérale (1998), par laquelle l'appelante, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence) en appelle de l'ordonnance de la protonotaire, en date du 29 janvier 2001, rejetant la requête de l'appelante visant à radier l'avis de demande en Cour fédérale dans le dossier T-598-00.


Contexte

[2]         Les faits de l'affaire sont décrits avec justesse dans les motifs de la protonotaire. Pour faciliter la compréhension, les faits pertinents sont résumés ci-dessous.

[3]         L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) est l'intimé dans cette requête et le demandeur dans la demande principale. L'IPFPC est le représentant et l'agent négociateur accrédité pour environ 9 000 vérificateurs qui étaient auparavant employés du ministère du Revenu national.

[4]         L'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'Agence) est l'appelante dans la présente requête, et la défenderesse dans l'action principale. L'Agence a été créée par voie législative le 1er novembre 1999 pour remplacer le ministère du Revenu national. À cette date, les 9 000 membres de l'IPFPC ont continué d'être représentés par l'Institut, mais les relations de travail ont automatiquement été transférées du ministère du Revenu national à l'Agence. L'Agence est un employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, qui est la loi applicable.


[5]         Quand les vérificateurs en question étaient employés par le ministère du Revenu national, les dispositions relatives aux recours en matière de dotation qui leur étaient applicables étaient énoncées dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la LEFP). Depuis la transition qui a eu lieu le 1er novembre 1999, le pouvoir de dotation sur les vérificateurs en question ne découle plus de la LEFP (et donc la Commission de la fonction publique n'a plus aucun pouvoir à cet égard); c'est l'Agence qui exerce maintenant le pouvoir exclusif de dotation aux termes de sa loi habilitante.

[6]         La demande introductive d'instance réclame une déclaration attestant que l'Agence a négligé de mettre en place un programme de recours touchant la dotation, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 54(1) de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17 (LADRC), et un bref de mandamus exigeant que l'Agence mette en place un système de recours en matière de dotation conformément aux exigences de cette disposition.

[7]         Le demandeur admet que l'Agence a mis au point un programme de dotation qui inclut des [TRADUCTION] « Directives sur les recours en matière de dotation » , comme il est indiqué dans une pièce jointe à son affidavit. La principale question en litige est de savoir si les « Directives sur les recours en matière de dotation » respectent les exigences du paragraphe 54(1) de la LADRC et les normes de droit administratif concernant la justice naturelle et l'équité procédurale. En particulier, la possibilité de faire appel aux dispositions relatives aux recours en matière de dotation est une question importante dans la présente action pour ce qui concerne les quelque 9 000 vérificateurs employés par l'Agence et représentés par l'IPFPC.


[8]         L'Agence a déposé une requête en vue de faire radier la demande dont était saisie la protonotaire, mais cette requête a été rejetée. L'Agence a de plus déposé la présente requête pour en appeler de la décision de la protonotaire.

Résumé des prétentions de l'appelante

[9]         L'appelante (l'Agence) fait valoir que la protonotaire a commis une erreur en ne concluant pas que la demande déposée par le demandeur n'avait aucune chance d'être accueillie, que le demandeur n'avait pas qualité pour agir et que son action était prescrite.

[10]       L'appelante prétend que la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de la protonotaire est la norme de la décision manifestement erronée. L'appelante fait valoir que la Cour devrait statuer que la décision de la protonotaire est manifestement erronée, ce qui l'autorise à faire obstacle à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire lui permettant de reprendre l'affaire depuis le début.

Résumé des prétentions de l'intimé


[11]       L'intimé dans la présente requête (l'IPFPC) prétend qu'il a qualité pour agir, à la fois parce qu'il est directement visé par la politique de recours en matière de dotation qui est maintenant appliquée à ses membres, et parce qu'il a qualité pour agir dans l'intérêt public. L'intimé soutient qu'une politique permanente n'est pas assujettie au délai de prescription de 30 jours à l'intérieur duquel une action doit être intentée, et par conséquent, la demande de contrôle judiciaire n'est pas prescrite. L'intimé soutient de plus que la Cour devrait rejeter cette requête et adjuger les dépens en sa faveur.

L'intervenante

[12]       Aux termes d'une ordonnance de la protonotaire en date du 3 août 2001, l'Alliance de la fonction publique du Canada a obtenu l'autorisation d'intervenir dans la demande de contrôle judiciaire connexe. La Cour a été informée par une lettre du 29 août 2001 que l'intervenante ne participera pas à la présente requête.

[13]       Les questions en litige

1.          Quelle est la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de la protonotaire?

2.          La protonotaire a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle?

[14]       Les dispositions législatives

Les pouvoirs de la Section de première instance et les motifs de contrôle sont énoncés à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 :


18.1 . . .

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut_:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

18.1 . . .

(3) On an application for judicial review, the Trial Division may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises par la Section de première instance si elle est convaincue que l'office fédéral, selon le cas_:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

(4) The Trial Division may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;


e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

[15]       Le fondement législatif du système de recours en matière de dotation de l'Agence se trouve à l'article 54 de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, précitée :

54. (1) L'Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

(2) Sont exclues du champ des conventions collectives toutes les matières régies par le programme de dotation en personnel.

54. (1) The Agency must develop a program governing staffing, including the appointment of, and recourse for, employees.

(2) No collective agreement may deal with matters governed by the staffing program.

[16]       Les dispositions suivantes de la LADRC ont également été citées :

50. L'Agence est un employeur distinct au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

50. The Agency is a separate employer under the Public Service Staff Relations Act.

53. (1) L'Agence a compétence exclusive pour nommer le personnel qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses activités.

53. (1) The Agency has the exclusive right and authority to appoint any employees that it considers necessary for the proper conduct of its business.

56. (1) La Commission de la fonction publique peut préparer - ou faire préparer - à l'intention de l'Agence un rapport sur la conformité du programme de dotation avec les principes énoncés dans le résumé du plan d'entreprise; elle envoie une copie du rapport au vérificateur général et au Conseil du Trésor.

56. (1) The Public Service Commission may prepare, or have prepared on its behalf, a report to the Agency on the consistency of the Agency's staffing program with the principles set out in the summary of its corporate business plan and must send a copy of the report to the Auditor General and the Treasury Board.


(2) La Commission de la fonction publique peut vérifier périodiquement la compatibilité des principes du programme de dotation de l'Agence avec les principes régissant la dotation sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et faire état de ses conclusions dans son rapport d'activités.

(2) The Public Service Commission may periodically review the compatibility of the principles governing the Agency's staffing program with those governing staffing under the Public Service Employment Act and may report its findings in its annual report.

[17]       Il a été fait mention de l'article 8 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, précitée, qui est rédigé dans les termes suivants :

8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.

8. Except as provided in this Act, the Commission has the exclusive right and authority to make appointments to or from within the Public Service of persons for whose appointment there is no authority in or under any other Act of Parliament.

Analyse et décision

[18]       Première question

Quelle est la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de la protonotaire?

La règle de droit suivie par la présente Cour quand elle doit se prononcer sur des appels formés contre une décision discrétionnaire d'un protonotaire a clairement été énoncée par le juge McGuigan dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. [1993] 2 C.F. 425 (C.A.F.), aux pages 462 et 463 :


Je souscris aussi en partie à l'avis du juge en chef au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

Il poursuit aux pages 464 et 465 :

La matière soumise en l'espèce au protonotaire peut être considérée comme interlocutoire seulement parce qu'il a prononcé en faveur de l'appelante. Eût-il prononcé en faveur de l'intimée, sa décision aurait résolu définitivement la cause; Voir P.G. du Canada c. S.F. Enterprises Inc. et autre (1990), 90 DTC 6195 (C.A.F.) aux pages 6197 et 6198; Ainsworth v. Bickersteth et al., [1947] O.R. 525 (C.A.). Il me semble qu'une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire soit définitive selon la manière dont elle est rendue même si elle est interlocutoire en raison du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour la solution définitive de la cause principale. Autrement dit, pour savoir si le résultat de la procédure est un facteur déterminant de l'issue du principal, il faut examiner le point à trancher avant que le protonotaire ne réponde à la question, alors que pour savoir si la décision est interlocutoire ou définitive (ce qui est purement une question de forme), la question doit se poser après la décision du protonotaire. Il me semble que toute autre approche réduirait la question de fond de « l'influence déterminante sur l'issue du principal » à une question purement procédurale de distinction entre décision interlocutoire et décision définitive, et protégerait toutes les décisions interlocutoires contre les attaques (sauf le cas d'erreur de droit).


Concernant la requête de l'appelante déposée devant la protonotaire, si l'appelante avait gain de cause, sa demande serait définitivement réglée. Ainsi, la requête soulevait « une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal » . Par conséquent, dans les circonstances, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[19]       Deuxième question

La protonotaire a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle?

La requête déposée devant la protonotaire demandait ce qui suit :

[TRADUCTION]

1.              une ordonnance radiant l'avis de demande en Cour fédérale dans le dossier T-598-00;

2.              subsidiairement, une ordonnance obligeant le demandeur à fournir un énoncé complet et concis des motifs invoqués conformément aux exigences de la règle 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) et prolongeant le délai à l'intérieur duquel la défenderesse peut signifier et déposer les affidavits à l'appui de sa thèse à 30 jours après la date de l'ordonnance; et

3.              tout autre redressement que la présente Cour estime juste.

Et les motifs de la requête étaient les suivants :

[TRADUCTION]

1.              Le demandeur n'a pas la qualité qu'il faut pour présenter une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, étant donné qu'il n'est pas directement touché par la question au sujet de laquelle il demande un redressement.

2.              Le demandeur n'a pas déposé la demande dans le délai prescrit au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale;

3.              La demande est manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie du fait que la défenderesse s'est entièrement acquittée de son obligation légale d'élaborer un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés;

4.              La Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17, en particulier l'article 54;


5.              La Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, en particulier les articles 3, 18 et 18.1;

6.              Les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, en particulier les règles 4 et 301.

[20]       La protonotaire a déclaré ce qui suit aux paragraphes 14, 15 et 16 de sa décision :

[TRADUCTION]

Les motifs de rejet avancés par l'Agence

14.            Les motifs invoqués par la défenderesse dans la présente requête sont triples; la demande n'a aucune chance d'être accueillie; le demandeur n'a pas l'intérêt qu'il faut pour déposer une demande, et il y a prescription.

15.            Il va sans dire que la présente Cour a compétence pour rejeter sommairement une requête qui n'a aucune chance de succès. Dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, à la page 600, la Cour d'appel fédérale a toutefois établi un seuil très élevé pour la radiation d'une demande. Il n'est possible de rejeter sommairement un avis de demande que si celui-ci est manifestement futile et non fondé. Ces cas sont qualifiés de « très exceptionnels » et ne peuvent inclure des situations où il existe simplement une question sujette à débat. Il s'ensuit qu'une demande qui soulève une question sérieuse et justiciable ne peut être rejetée sommairement et doit être jugée au fond.

16.            En l'espèce, la défenderesse prétend que les deux conclusions recherchées, soit une déclaration et un bref de mandamus, sont sans fondement. Je traiterai donc des deux séparément.

[21]       La déclaration


La protonotaire a jugé qu'il y avait une question justiciable concernant la politique de recours mise en oeuvre par l'appelante. L'appelante a demandé à la protonotaire de rejeter sommairement la demande visant à obtenir une déclaration. Je conviens avec la protonotaire qu'une demande peut être rejetée sommairement par la Cour, mais qu'un seuil très élevé doit être respecté avant qu'un tel rejet soit prononcé. Dans l'arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., précité, la Cour d'appel fédérale a établi un seuil très élevé pour la radiation d'une demande. À la page 600, le juge Strayer écrit ce qui suit au nom de la Cour :

Pour ces motifs, nous sommes convaincus que le juge de première instance a eu raison de refuser de prononcer une ordonnance de radiation sous le régime de la Règle 419 ou de la règle des lacunes, comme il l'aurait fait dans le cadre d'une action. Nous n'affirmons pas que la Cour n'a aucune compétence, soit de façon inhérente, soit par analogie avec d'autres règles en vertu de la Règle 5, pour rejeter sommairement un avis de requête qui est manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli. Ces cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations comme celle dont nous sommes saisis, où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l'avis de requête.


[22]       La protonotaire a signalé que, dans sa demande, le demandeur avait souligné que la Commission de la fonction publique peut, aux termes du paragraphe 56(2) de la LADRC, vérifier périodiquement la compatibilité des principes du programme de dotation de l'Agence avec les principes régissant la dotation sous le régime de la LEFP. Cela laisse-t-il entendre que la politique de recours de l'Agence devrait plus ou moins ressembler au modèle de la LEFP? La protonotaire n'avait pas à se prononcer sur ce point, mais à mon avis, celui-ci prouve à lui seul qu'il y a une question justiciable. Par conséquent, la demande [TRADUCTION] « n'est pas manifestement irrégulière au point de n'avoir aucune chance d'être accueillie » (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., précité). Cette question devrait être décidée par le juge qui entend la demande. Par conséquent, je suis d'avis d'exercer mon pouvoir discrétionnaire et de ne pas accueillir la requête qui réclame le rejet sommaire de la demande pour ce motif. L'ADRC a fait valoir que la demande de l'IPFPC devrait être rejetée étant donné qu'il existe un redressement subsidiaire adéquat, savoir les demandes de contrôle judiciaire portant sur des décisions précises. Je ne crois pas que ce soit le cas, parce qu'en l'espèce c'est le processus lui-même qui est en cause.

[23]       Bref de mandamus

La protonotaire déclare ce qui suit aux paragraphes 35 et 37 de sa décision :

[TRADUCTION]

Je constate qu'il y a une norme que l'IPFPC n'a manifestement pas respectée. Elle n'a pas exigé le respect de la loi et on ne lui a pas opposé de refus à cet égard. Bien que la jurisprudence indique clairement que les critères qui doivent être respectés sont cumulatifs, à mon avis, cette omission à elle seule peut justifier la radiation de la conclusion recherchant un bref de mandamus.

En fait, quelles que soient les chances de succès du syndicat d'obtenir un redressement en réclamant un bref de mandamus, je ne peux conclure que cette conclusion doit inexorablement être rejetée et par conséquent je refuse de rejeter la demande de mandamus. Je suis également persuadée, en examinant la demande dans son ensemble, qu'il est inapproprié d'agir de la sorte puisque j'ai conclu que la réclamation sous-jacente pour obtenir une déclaration soulève une question justiciable qui doit être décidée au fond.

[24]       J'ai examiné les documents et je ne peux trouver aucune preuve attestant que l'IPFPC a demandé à l'ADRC de mettre en oeuvre un programme qui respecte les conditions du paragraphe 54(1) de la LADRC. Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 C.F. 742 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale déclarait ce qui suit à la page 767, dans le cadre de son analyse sur les principes applicables à l'octroi d'un mandamus :

Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation, notamment [...]

il y a eu (i) une demande d'exécution de l'obligation, (ii) un délai raisonnable a été accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n'ait été rejetée sur-le-champ, et (iii) il y a eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable; voir O'Grady c. Whyte, précité, citant Karavos c. Toronto & Gillies, précité; Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 315 (C.F. 1re inst.); et Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), précité.


[25]       En exerçant mon pouvoir discrétionnaire de reprendre l'affaire depuis le début, je n'accepte pas la conclusion de la protonotaire. J'en suis venu à la conclusion que le paragraphe 2 de la demande réclamant un mandamus obligeant l'Agence à mettre en oeuvre un système de recours en matière de dotation en personnel conforme aux exigences du paragraphe 54(1) de la LADRC doit être rejeté. Puisqu'aucune demande n'a été faite à l'Agence, cette partie de la demande est, comme il a été indiqué dans l'arrêt David Bull, précité, « manifestement irrégulier au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli » .

[26]       La qualité pour agir

J'ai examiné la conclusion de la protonotaire concernant la qualité pour agir et je suis d'avis d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de la même façon qu'elle l'a fait. Il ne s'agit pas d'une question qui doit être déterminée dans le cadre d'une requête préliminaire comme la requête en l'espèce. L'IPFPC a présenté des arguments ayant trait à la qualité pour agir qui sont des arguments qui devraient à bon droit être entendus par le juge saisi de la demande. Cet argument n'a pas « aucune chance d'être accuilli » (David Bull, précité).

[27]       La prescription

La protonotaire a statué que la question de savoir si la demande était ou non prescrite devait être déterminée dans le cadre de l'audition de la demande principale. J'exercerais mon pouvoir discrétionnaire de la même manière étant donné que les arguments de la défenderesse, à cet égard, n'ont pas « aucune chance d'être accueilli » (David Bull, précité).


[28]       Les détails des motifs visés à la règle 301e)

Subsidiairement, l'Agence voudrait que le demandeur soit tenu de respecter les dispositions de la règle 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) en lui remettant un énoncé complet et concis des motifs invoqués. La protonotaire a jugé qu'une telle requête ne pouvait être présentée dans le contexte d'une demande de contrôle judiciaire. Je suis d'accord avec les raisons qu'elle a données pour parvenir à cette conclusion et j'exercerais mon pouvoir discrétionnaire de la même manière. Il se peut que la décision sur cette question n'exige pas que j'exerce mon pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début, mais je l'ai fait puisque cette question fait partie de la même requête.

[29]       La prolongation du délai pour signifier et déposer la preuve par affidavit de la défenderesse

La protonotaire a prolongé le délai à l'intérieur duquel l'Agence peut signifier et déposer ses affidavits à l'appui de sa thèse jusqu'à 30 jours après la date de son ordonnance. J'accorderais la même prolongation après la date de mon ordonnance.

[30]       L'appel de l'Agence est accueilli pour ce qui concerne sa requête pour que soit rejetée l'ordonnance concernant l'octroi d'un bref de mandamus, mais il est rejeté pour ce qui a trait à sa requête pour que soit rejetée la demande de déclaration, pour absence de qualité pour agir et à cause de la prescription. L'appel concernant la demande de détails aux termes de la règle 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) est également rejeté.


[31]       Chaque partie a demandé ses frais dans l'appel, mais puisque le succès est partagé, je ne suis pas disposé à adjuger les dépens.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          L'appel de l'Agence concernant l'ordonnance de la protonotaire rejetant sa requête pour que soit rejetée la demande de déclaration présentée par le demandeur est rejeté.

2.          L'appel de l'Agence concernant l'ordonnance de la protonotaire rejetant sa requête pour que soit rejetée la demande en vue d'obtenir une ordonnance de la nature d'un mandamus présentée par le demandeur est accueilli.

3.          L'appel de l'Agence concernant l'ordonnance de la protonotaire rejetant sa requête pour que soit rejetée la demande pour absence de qualité pour agir présentée par le demandeur est rejeté.

4.          L'appel de l'Agence concernant l'ordonnance de la protonotaire rejetant sa requête pour que soit rejetée la demande présentée par le demandeur au motif qu'il y a prescription est rejeté.


5.          L'appel de l'Agence concernant l'ordonnance de la protonotaire rejetant sa requête visant à obtenir une ordonnance obligeant le demandeur à fournir des détails sur les motifs de sa demande aux termes de la règle 301e) des Règles de la Cour fédérale (1998) est rejeté.

6.          Le délai à l'intérieur duquel l'Agence peut signifier et déposer ses affidavits à l'appui de sa thèse est prolongé de 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance.

7.          Il n'y aura pas d'ordonnance adjugeant les dépens de l'appel étant donné que le succès est partagé entre les parties.

                « John A. O'Keefe »            

Juge                             

Toronto (Ontario)

le 30 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               T-598-00

INTITULÉ:                               INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

- et-

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

- et -

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE LUNDI 1er OCTOBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :      le juge O'Keefe

DATE :                                      LE MERCREDI 30 JANVIER 2002

COMPARUTIONS:

Dougald Brown                                                    POUR LE DEMANDEUR

J. Sanderson Graham                                            POUR LA DÉFENDERESSE

Personne                                                               POUR L'INTERVENANTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Nelligan O'Brien Payne LLP                                POUR LE DEMANDEUR

1900 - 66 rue Slater

Ottawa (Ontario) K1P 5H1

Ministère de la Justice                              POUR LA DÉFENDERESSE

2e étage, 284 rue Wellington

Ottawa (Ontario) K1A 0H8

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne                  POUR L'INTERVENANTE

1600 - 220 avenue Laurier Ouest

Ottawa (Ontario) K1P 5Z9

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