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Date : 20020116

Dossier : T-393-98

Référence neutre : 2002 CFPI 47

ENTRE :

                                                                 A. LASSONDE INC.

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                                             (défenderesse reconventionnelle)

                                                                                   et

                                                         SUN PAC FOODS LIMITED

                                                                                                                                               Défenderesse

                                                                                                           (demanderesse reconventionnelle)

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 La Cour est saisie en l'espèce de deux requêtes. La première requête est présentée par la défenderesse afin d'obtenir la radiation d'amendements apportés par la demanderesse à sa déclaration d'action suite au dépôt par cette dernière d'une déclaration d'action amendée datée du 28 février 2000 (la déclaration amendée). La deuxième requête est mue par la demanderesse afin qu'elle soit autorisée à produire la déclaration amendée dans l'hypothèse où celle-ci serait radiée dans le cadre de la requête de la défenderesse.

[2]                 Ces ceux requêtes sont les dernières en date à être mues devant la Cour dans le cadre d'un litige en marques de commerce qui date de mars 1998 et qui depuis lors a fait l'objet d'une série de requêtes interlocutoires fastidieuses. Tour à tour, l'une ou l'autre des parties s'est pourvue devant la Cour par le biais de requêtes qui ont presque invariablement donné lieu à de longs débats acrimonieux entre les procureurs en plus d'occuper la Cour de façon très importante tant au niveau de l'analyse des requêtes et de la correspondance volumineuse qu'elles génèrent que lors de l'audition de ces requêtes.

[3]                 En tout temps pertinent jusqu'à ce jour, il appert à toutes fins pratiques qu'aucune mesure ou progrès dans le présent dossier n'a pu survenir sur la base d'un consentement entre les procureurs des parties.

[4]                 Il en résulte qu'après bientôt quatre années depuis le dépôt de la déclaration d'action, on en est toujours à se pencher sur le texte des plaidoiries écrites et à régler - ce qui semble être la prochaine étape dans le futur - le sort d'engagements ou d'objections soulevées lors d'interrogatoires au préalable tenus en mai et novembre 1999. Une fois ces difficultés réglées, les parties se proposent d'entreprendre une seconde joute d'interrogatoires au préalable!


[5]                 Un important coup de barre doit être donné afin que l'on puisse considérer que les plaidoiries écrites entre les parties sont définitivement closes, que les interrogatoires au préalable déjà tenus seront complétés et clos prochainement et que les parties seront finalement dirigées vers la demande d'une conférence préparatoire au procès dans un dossier qui prend les allures d'un dossier complexe. Il semble bien à cet égard que la Cour d'appel fédérale reconnaisse que le responsable de la gestion d'une instance jouit d'une discrétion assez vaste pour faire avancer un dossier puisque dans l'arrêt Sawridge Band v. Canada, [2001] F.C.J. No. 1684, au paragraphe 11, elle adopte la position suivante exprimée par la Cour d'appel de l'Alberta:

We would take this opportunity to state the position of this Court on appeals from orders of case management judges. Case management judges must be given latitude to manage cases. This Court will interfere only in the clearest case of a misuse of judicial discretion. This approach was well stated by the Alberta Court of Appeal in Korte v. Deloitte, Haskins and Sells (1995), 36 Alta. L.R. (3d) 56, at 58, and is applicable in these appeals. We adopt these words as our own.

[...] This is a very complicated lawsuit. It is the subject of case management and has been since 1993. The orders made here are discretionary. We have said before, and we repeat, that case management judges in those complex matters must be given some "elbow room" to resolve endless interlocutory matters and to move these cases on to trial. In some cases, the case management judge will have to be innovative to avoid having the case bog down in a morass of technical matters. Only in the clearest cases of misuse of judicial discretion will we interfere. [...]

(Voir également la décision du juge Gibson dans Microfibres Inc. v. Annabel Canada Inc. et al., 2001 FCT 1336, décision du 5 décembre 2001.)

[6]                 C'est avec cette approche en tête que l'on doit regarder les requêtes à l'étude.

La requête en radiation de la défenderesse

[7]                 La requête en radiation de la défenderesse s'attaque à la déclaration amendée de la demanderesse déposée le 28 février 2000. Cette déclaration s'est retrouvée au dossier suite à la dynamique suivante.


[8]                 Le 14 février 2000, la Cour entendait une requête de la demanderesse afin que soient tranchées en sa faveur certaines objections formulées par les procureurs de la défenderesse lors de l'interrogatoire le 6 mai 1999 de la représentante de la défenderesse, Mme Lisanne Oneschuk.

[9]                 Dans sa décision du 22 février 2000, la Cour disposa des diverses objections soumises et elle disposa également, entre autres, que la demanderesse devait signifier et déposer le ou avant le 29 février 2000 sa déclaration amendée dont elle avait fait état au paragraphe 8 de son mémoire déposé le 29 novembre 1999.

[10]            Ce mémoire du 29 novembre 1999, c'est celui produit par la demanderesse à l'appui de sa requête ayant entraîné la décision du 22 février 2000.

[11]            Le paragraphe 8 dudit mémoire indiquait ce qui suit:

Tel que déjà indiqué aux procureurs de la défenderesse, la demanderesse optera pour la reddition des profits que la défenderesse a ou aura réalisés illégalement de par cette commercialisation. La demanderesse s'engage d'ailleurs par la présente à produire et signifier, dans les quinze (15) jours de la présentation de la présente requête, une déclaration amendée dans laquelle sera précisée cette option.


[12]            Puisque la décision du 22 février 2000 n'autorisait la demanderesse à apporter aucun autre amendement que celui autorisé, soit l'élection en faveur de la reddition des profits, la demanderesse ne pouvait certes considérer - d'autant plus vu le climat belliqueux existant déjà à l'époque - qu'elle pouvait amender sa déclaration pour y inclure d'autres ajouts; ajouts (on parle ici essentiellement des paragraphes et conclusions touchant aux dommages punitifs) qu'elle aurait pu chercher à inclure à sa déclaration bien avant via une requête ou en les énonçant dans le cadre de l'audition du 14 février 2000 de manière à ce que la Cour puisse les autoriser dans sa décision du 22 février 2000. Ceci n'a pas été fait et c'est pourquoi la décision du 22 février 2000 se limite à autoriser l'élection en faveur de la reddition des profits de la défenderesse.

[13]            Je ne considère pas de plus que la demanderesse puisse considérer que son annonce d'amendements du 29 novembre 1999 répondait simplement à des pressions spécifiques de la partie adverse quant à des informations financières et que cette annonce ne pouvait ou ne devait point s'adresser à tout autre amendement qui aurait pu alors être divulgué et, partant, couvert dans la décision du 22 février 2000.

[14]            La demanderesse ne s'est pas satisfaite de se limiter brièvement à cet amendement (la reddition de profits) par le biais de son paragraphe 19 de sa déclaration amendée. Elle a choisi en plus d'ajouter à ce stade plutôt tardif et sans autorisation une cause d'action en dommages punitifs. Ce dernier ajout a suscité - comme il était prévisible - de vives protestations de la part de la défenderesse qui ont culminé par la présentation de sa requête en radiation de la déclaration amendée.

[15]            J'entends faire droit en partie à cette dernière requête, et ce, conformément aux paramètres qui suivent.


[16]            J'entends ramener les parties à l'état des procédures écrites tel qu'il se devait d'être au lendemain de la décision de cette Cour du 22 février 2000, et ce, sans que la demanderesse soit invitée de nouveau à déposer une déclaration amendée. Pour ce faire, j'entends ordonner que:

1.         la déclaration d'action amendée déposée par la demanderesse le 28 février 2000 soit radiée;

           2.         pour les fins du dossier, il sera réputé que la déclaration d'action de la demanderesse sera celle qui existait au 22 février 2000 sauf que pour les fins du paragraphe 19 de ladite déclaration, il sera réputé que la demanderesse a opté pour la reddition des profits de la défenderesse;

           3.         les plaidoiries écrites des parties seront closes définitivement.

[17]            Si je dis que je ne fais droit qu'en partie à la requête en radiation de la défenderesse, c'est que cette dernière dans sa requête recherche la radiation d'éléments à la déclaration d'action qui étaient présents à cette procédure aux termes de la décision du 22 février 2000. Si afin d'éviter d'autres débats entre les parties on gèle les procédures écrites au 22 février 2000, cette situation doit prévaloir pour les deux parties et non seulement à l'encontre de la demanderesse.


[18]            Quant à la requête en amendement de la demanderesse visant les amendements visés plus avant, je pense que malgré les principes très libéraux que l'on retrouve en la matière dans les arrêts Canderel Ltée c. Canada (1993), [1994] 1 C.F. 3 (C.A.) et Raymond Cardinal et al. c. Her Majesty the Queen, décision non rapportée de la section d'appel de cette Cour en date du 31 janvier 1994, dossier A-294-77, juges Heald, Décary et Linden, cette requête doit être rejetée puisqu'il m'apparaît impératif et primordial que l'on puisse considérer les plaidoiries écrites comme closes dès à présent. L'ajout des amendements recherchés par la demanderesse ne ferait assurément que pousser la défenderesse à vouloir à ce stade-ci amender sa défense et poursuivre les interrogatoires au préalable sur ces nouveaux éléments. Une pluie de requêtes suivrait assurément ces mesures. En ce sens, je suis d'avis qu'un dommage irréparable en termes de dépens serait encouru tant par la défenderesse que par l'administration de la justice si la requête en amendements de la demanderesse était accueillie.

[19]            Qui plus est, les allégués que la demanderesse cherche à inclure à l'égard de dommages punitifs renvoient à des discussions de règlement hors Cour entre les parties. Par le paragraphe 17 de ma décision du 22 février 2000, il fut déjà décidé que ce sujet ne devait pas être abordé lors des interrogatoires au préalable. Il ne saurait donc être question de faire droit à des amendements qui renvoient au même sujet. De plus, le seul affidavit au support de la requête en amendements de la demanderesse consiste en l'affidavit non pas du représentant de la partie demanderesse mais bien en celui d'une étudiante en droit oeuvrant pour la firme de procureurs représentant la demanderesse. Ce que l'affiante y raconte constitue pour elle en très grande partie du double ouï-dire qui confère à la preuve au soutien de la requête un poids plus que réduit. Voilà donc deux motifs additionnels pour refuser la requête en amendements de la demanderesse.


[20]            La requête en radiation de la défenderesse sera donc accueillie en partie tel que stipulé plus avant et la requête en amendements de la demanderesse sera rejetée, le tout avec un jeu de dépens pour ces deux requêtes; dépens que je fixe à la somme de 3 000 $ payable immédiatement à la défenderesse vu que la demanderesse est à l'origine des deux requêtes présentes qui ont eu comme résultat de retarder encore l'avancement du dossier. Une somme substantielle de dépens est donc ici de mise.

[21]            Quant aux étapes restant à compléter dans le dossier, encore ici, bien sûr, les parties ne peuvent s'entendre. La Cour doit alors trancher et à cette fin elle décèle que malgré les décisions de cette Cour des 22 février 2000 et 24 avril 2001, il subsiste - apparemment - des difficultés à l'égard des interrogatoires au préalable des parties.

[22]            Aux fins de régler ces difficultés - et de clore les interrogatoires au préalable - il y aura lieu de trancher en premier lieu la requête de la demanderesse déposée le 28 novembre 2001 (document no 137) puisqu'elle renvoie principalement à la décision du 22 février 2000. Puisque la demanderesse a assuré la Cour qu'elle pouvait plaider cette requête en une heure, la demanderesse devra porter cette requête au rôle d'une séance générale de requêtes de cette Cour à Montréal, et ce, dans les trente (30) jours de l'ordonnance accompagnant les présents motifs. L'audition de cette requête sera limitée à deux (2) heures où chaque partie disposera au total d'une heure pour faire valoir l'ensemble de ses représentations.


[23]            La décision disposant de cette requête stipulera la prochaine étape à compléter dans le dossier, vraisemblablement une requête de la défenderesse qui visera à forcer « Lassonde to provide answers to undertakings and answers to the questions ordered to be answered in the April 24, 2001 Reasons for Order and Order » .

[24]            Une ordonnance sera émise en conséquence.

Richard Morneau    

protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC),

le 16 janvier 2002


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES PROCUREURS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-393-98

A. LASSONDE INC.

                                                                 Demanderesse

                                     (défenderesse reconventionnelle)

et

SUN PAC FOODS LIMITED

                                                                     Défenderesse

                                   (demanderesse reconventionnelle)


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 12 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :16 janvier 2002

ONT COMPARU :


Me Bruno Barrette

Me Philippe Leroux

pour la demanderesse (défenderesse reconventionnelle)


Me Keri Johnston

Me Bill Chan

pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle)


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

pour la demanderesse (défenderesse reconventionnelle)

Johnston Avisar

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle)

Dimock Stratton Clarizio

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle)

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