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                                                                                                                         IMM-3655-96

 

 

Entre :

 

                                                         IOAN MELINTE,

 

                                                                                                                                requérant,

 

                                                                    - et -

 

 

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                  ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                     intimé.

 

 

 

 

                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

Le juge GIBSON

 

 

            Les présents motifs se rapportent à la demande de contrôle judiciaire introduite contre la décision en date du 19 septembre 1996, par laquelle un agent d'immigration a conclu que le requérant ne satisfaisait aux conditions du statut d'immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée (IVMRED) en ce qu'il n'avait pas fait la demande dans les 120 jours de la date où il y était devenu admissible.

 

            Devant la Cour, le requérant n'attaque pas le fondement de cette décision, mais fait valoir que le dépôt tardif de la demande IVMRED tenait aux indications données par un représentant du ministère intimé au député fédéral, à qui le requérant avait demandé conseil sur la date du dépôt de sa demande. Ce député lui a transmis ces indications et le requérant s'y est fié à son détriment.

 

            Le passage applicable de l'article 11.401 du Règlement sur l'immigration de 1978[1] prévoit ce qui suit :

 

11.401  Les exigences relatives à l'établissement d'un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée et des personnes à sa charge, le cas échéant, sont les suivantes :

a) il soumet da demande d'établissement à un agent d'immigration dans les 120 jours après être devenu un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée;

                       

 

L'avocate du requérant reconnaît qu'elle ne connaît aucune disposition de la Loi sur l'immigration[2] ou du Règlement qui habilite un agent d'immigration à proroger le délai prévu à l'alinéa 11.401a). Elle fait cependant valoir que l'affaire en instance s'apparente à la cause Mumin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], où le juge en chef adjoint Jerome s'est prononcé en ces termes :

 

La seule réponse opposée par l'intimé aux arguments de M. Mumin est que l'agent d'immigration pouvait s'en tenir à bon droit aux dispositions strictes de la Loi sur l'immigration et du règlement pris pour son application.  Cependant il est maintenant de droit établi que dans les cas de ce genre, une autorité publique abuse de ses pouvoirs discrétionnaires lorsqu'elle les exerce de manière à causer une injustice à l'individu sans qu'il en résulte aucun bénéfice pour la collectivité.  Dans les circonstances comme celles qui nous intéressent en l'espèce, le juge peut mettre dans la balance le préjudice que subit le requérant d'un côté, et l'intérêt général de l'autre.  Il n'y a rien à gagner en l'espèce ni aucun bénéfice pour la collectivité si le requérant doit supporter les conséquences des informations erronées et incomplètes que l'intimé lui avait données et auxquelles il s'est honnêtement fié à son détriment.

 

            Je dois conclure avec regret que l'affaire en instance est différente de la cause Mumin. Les mots clés dans le passage cité ci-dessus sont, à mon avis, « pouvoirs discrétionnaires ». En l'espèce, il n'y avait ni exercice ni abus d'aucun pouvoir discrétionnaire de la part de l'agent d'immigration, qui ne faisait que se conformer à la loi qui lui prescrivait de rejeter la demande d'établissement IVMRED déposée après les délais. Si les auteurs du programme IVMRED avaient entendu conférer aux agents d'immigration le pouvoir discrétionnaire de déroger à la limite des 120 jours quand les circonstances le justifient, comme c'est, je le pense, le cas en l'espèce, ce pouvoir discrétionnaire aurait pu facilement être mis en place. Il ne l'a pas été.

 

            Par contraste, je vois que ce que le requérant vise en l'espèce, c'est l'application de la doctrine de l'attente légitime pour le tirer de l'écueil où l'ont envoyé les indications inexactes données par un représentant du ministère intimé et auxquelles il s'est honnêtement fié à son grand dam.

 

            L'attente légitime ne relève pas du droit positif, mais du droit procédural; or le droit que fait valoir le requérant en l'espèce, redressement à l'égard d'un texte réglementaire, est un droit concret, et non un droit procédural[4].

 

            Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

            L'avocate du requérant m'a demandé de certifier la question suivante :

 

« L'agent d'immigration instruisant une demande faite sous le régime du texte réglementaire relatif aux IVMRED a-t-il le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai de dépôt de la demande, en conformité avec les principes de justice naturelle ou de justice fondamentale, si le demandeur dépose sa demande après l'expiration de la période des 120 jours à cause d'indications inexactes que lui donne un représentant du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, par l'intermédiaire d'un député fédéral? »

 

Une question très similaire, à part le fait de se fier à des indications données par une autorité officielle, a été certifiée dans Ponnampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5]. L'avocate de l'intimé informe la Cour que cette dernière décision est en instance d'appel et que, de ce fait, elle ne s'oppose en principe pas à ce que la question proposée soit certifiée. Je la certifierai donc.

 

 

                                                                                                    Signé : Frederick E. Gibson        

                                                                                ________________________________

                                                                                                                                         Juge                    

 

Toronto (Ontario),

le 17 juillet 1997

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                ________________________________

                                                                                                                       F. Blais, LL. L.            


 

 

                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                                             

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

NUMÉRO DU GREFFE :   IMM-3655-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :         Ioan Melinte

 

                                                            c.

 

                                                            Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              16 juillet 1997

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

 

 

LE :                                                    17 juillet 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

 

Mme Helen Turner                                            pour le requérant

 

 

Mme Leena Jaakkimainen                                pour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Helen Turner                                                   pour le requérant

Avocate

80 rue Richmond ouest, Bureau 1505

Toronto (Ontario)

M5H 2A4

 

 

George Thomson                                             pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada


 

 

 

           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

                                                             IMM-3655-96

 

 

Entre :

 

                           IOAN MELINTE,

 

                                                                    requérant,

 

                                      - et -

 

 

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                    ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                          intimé

 

 

 

 

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE



[1]DORS/78-172.

[2]L.R.C. (1985), ch. I-2.

[3](1996), 35 Imm. L.R. (2d) 217 (C.F. 1re inst.).

[4]Cf. Lidder c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 621 (C.A.F.); Demitras c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 602 (C.A.F.); Gonsalves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 9 mai 1997, IMM-1992-96, non rapporté (C.F. 1re inst.); et Parmar c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 26 juin 1997, IMM-1133-96, non rapporté (C.F. 1re inst.)

[5](1996), 34 Imm. L.R. (2d) 166 (C.F. 1re inst.).

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