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     Date : 19990610

     Dossier : T-1291-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 JUIN 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE CULLEN

Entre :

     PFIZER INC.,

     demanderesse,

     - et -

     LE COMMISSAIRE AUX BREVETS,

     défendeur.

     ORDONNANCE

SUR PRÉSENTATION d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, des décisions du commissaire aux brevets en date du 20 mars 1998 et du 23 mars 1998 ;

LA COUR ORDONNE que l'avis de rétablissement de la demande de brevet de la demanderesse portant le numéro de série 2 131 371, envoyé par le défendeur à la demanderesse et confirmé par le défendeur dans une lettre datée du 24 février 1998, ait plein effet.

                         B. Cullen

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     Date : 19990610

     Dossier : T-1291-98

Entre :

     PFIZER INC.,

     demanderesse,

     - et -

     LE COMMISSAIRE AUX BREVETS,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CULLEN

[1]      La demanderesse réclame le contrôle judiciaire, aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, des décisions datées du 20 mars 1998 et du 23 mars 1998, qui lui ont été communiquées par le commissaire aux brevets, et qui indiquaient que sa décision antérieure en date du 24 février 1998 visant à rétablir la demande de brevet de la demanderesse avait été envoyée par erreur, et que la lettre de la demanderesse datée du 10 mars 1997 ne constituait pas une demande de rétablissement, et, par conséquent, que sa demande de brevet était réputée avoir été abandonnée. La demanderesse réclame une déclaration attestant que sa demande de brevet, portant le numéro de série 2 131 371, a été rétablie en date du 27 janvier 1998, comme le confirmait la lettre du commissaire aux brevets en date du 24 février 1998, de même qu'une ordonnance infirmant la décision du commissaire datée du 23 mars 1998.

Contexte

[2]      La demanderesse, Pfizer Inc. (Pfizer), a entamé au Canada le 1er septembre 1994 la phase nationale en vertu de laquelle elle présentait quatre demandes de brevet fondées sur le Traité de coopération en matière de brevets. L'une de ces demandes, qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire, porte le numéro de série 2 131 371 (la demande 371). Le 10 mai 1996, Pfizer a donné instruction à ses agents de brevets d'abandonner la demande 371. Le 23 mai 1996, ceux-ci ont informé Pfizer qu'elle pouvait le faire en ne payant pas la taxe périodique qui deviendrait exigible le 27 janvier 1997. Une taxe périodique annuelle s'applique aux demandes comme la demande 371 et elle devient exigible à la date anniversaire du dépôt international.

[3]      Le 10 septembre 1996, le bureau des brevets a envoyé une lettre à Pfizer. À ce moment, Pfizer n'y a pas répondu, étant donné que ses agents de brevets lui avait conseiller d'ignorer toutes les lettres que le bureau pourrait lui envoyer puisqu'elle comptait abandonner la demande 371.

[4]      Constatant que la taxe périodique n'était pas payée, le bureau des brevets a émis un avis d'abandon le 5 mars 1997. Cinq jours plus tard, Pfizer a donné instruction à ses agents de répondre à la lettre de septembre 1996 et de poursuivre la demande 371 au lieu de l'abandonner.

[5]      Le 27 janvier 1998, Pfizer a fait parvenir au bureau des brevets des taxes périodiques au montant de 300 $ pour deux autres demandes de brevet qui avaient été déposées au niveau international le même jour que la demande 371. Ces demandes portent les numéros de série 2 2 132 457 (la demande 457) et 2 131 373 (la demande 373). Dans une lettre en date du 5 février 1998, Pfizer demandait au bureau des brevets d'imputer ce montant de 300 $ contre la demande 371, afin de payer la taxe périodique de 100 $ (exigible depuis le 27 janvier 1997) et les droits de rétablissement de 200 $.

[6]      Le 24 février 1998, le bureau des brevets a émis un avis de rétablissement et un avis d'abandon concernant la demande 371. Le 2 mars 1998, un autre avis d'abandon a été délivré concernant la demande 371, et les agents de brevets de Pfizer ont demandé le rétablissement et ont payé la taxe périodique exigible au 27 janvier 1998, de même que les droits de rétablissement demandés. Le 10 mars 1998, un avis de rétablissement a été délivré pour la demande 371. Toutefois, le 20 mars 1998, le bureau des brevets a fait parvenir une lettre aux agents de Pfizer indiquant que l'avis de rétablissement du 24 février 1998 avait été envoyé par erreur et que les conditions pour le rétablissement du brevet 371 n'avaient pas été respectées. Dans une lettre datée du 23 mars 1998, le bureau des brevets déclarait que la lettre de la demanderesse en date du 10 mars 1997 ne pouvait pas être considérée comme une demande de rétablissement et que la demande 371 était considérée comme ayant été abandonnée au 27 janvier 1998 étant donné qu'aucune demande de rétablissement n'avait été reçue à cette date.

[7]      Finalement, le 11 janvier 1998, le bureau des brevets a délivré un avis de rétablissement concernant la demande 371. (À la lumière de cette mesure prise par le bureau des brevets, je ne sais pas très bien pourquoi ces parties se retrouvent devant la Cour concernant la chronologie antérieure des événements, compte tenu du statut actuel de la demande 371. Quoi qu'il en soit, les deux avocats ont traité cette question à la légère et j'ai poursuivi l'audition de la cause.)

La position de la demanderesse

[8]      La demanderesse soutient qu'il y a trois questions à trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire. Tout d'abord, il s'agit de déterminer si la demanderesse a satisfait aux conditions du paragraphe 73(3) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4. Deuxièmement, il faut déterminer si le commissaire aux brevets a outrepassé sa compétence en envoyant la lettre datée du 23 mars 1998, ayant pour but d'annuler le rétablissement de la demande 371. Troisièmement, il s'agit de savoir si le commissaire était functus officio en raison de sa décision datée du 24 février 1998, ce qui le priverait du pouvoir d'envoyer la deuxième lettre.

[9]      Pour ce qui a trait à la question du rétablissement, la demanderesse soutient que le paragraphe 73(3) énonce les trois conditions à respecter pour rétablir une demande de brevet considérée comme abandonnée. La demanderesse doit présenter une requête en rétablissement dans la période de 12 mois suivant l'abandon ; elle doit prendre les mesures qui s'imposaient pour éviter l'abandon ; et elle doit payer les taxes réglementaires dans la période de 12 mois suivant l'abandon.

[10]      Avant le 1er octobre 1996, il fallait, pour obtenir le rétablissement en vertu de la Loi sur les brevets, qu'une requête soit adressée au commissaire par la demanderesse. Depuis cette date, par suite d'une modification de la Loi sur les brevets et des Règles sur les brevets, DORS/96-423, la demanderesse doit présenter une requête en vue du rétablissement.

[11]      La demanderesse fait valoir que la demande 371 a été abandonnée parce qu'elle n'a pas payé la taxe réglementaire exigible le 27 janvier 1997. Elle soutient donc qu'elle a satisfait à la première condition - la requête de rétablissement - étant donné qu'elle a répondu le 10 mars 1997 à la lettre que lui a envoyée le bureau le 10 septembre 1996. La demanderesse prétend qu'elle n'avait pas d'autre motif de répondre à cette lettre et que par conséquent sa réponse manifeste son intention. La demanderesse soutient qu'elle satisfait aussi à la deuxième condition - prendre les mesures qui s'imposaient pour éviter l'abandon - du fait qu'elle a payé, bien que tardivement, la taxe réglementaire quand elle a autorisé le bureau des brevets, dans une lettre datée du 5 février 1998, à prélever cette taxe sur les droits de 300 $ qu'elle lui avait envoyés le 27 janvier 1998. Le solde de ces droits - 200 $ - a également été utilisé par Pfizer pour satisfaire à la troisième condition du rétablissement, c'est-à-dire pour payer la taxe réglementaire de 200 $ aux fins du rétablissement. Ainsi, selon Pfizer, elle a satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 73(3) pour le rétablissement. Cela a été confirmé par le bureau des brevets, prétend Pfizer, quand celui-ci a délivré l'avis de rétablissement.

[12]      Pour ce qui a trait à la deuxième question, la demanderesse soutient que le commissaire aux brevets n'avait pas la compétence ou le pouvoir réglementaire d'annuler le rétablissement accordé au brevet 371. Ni la Loi sur les brevets ni les Règles sur les brevets ne contiennent de disposition à cet effet. La demanderesse soutient que la décision du commissaire, en date du 23 mars 1998, est ultra vires et qu'elle devrait donc être annulée.

[13]      La demanderesse fait également valoir qu'une fois la demande rétablie, ni la Loi sur les brevets ni les Règles sur les brevets n'autorisent le commissaire à reconsidérer sa décision. Elle prétend de plus qu'un tribunal n'a pas le pouvoir inhérent de reconsidérer ses décisions en l'absence d'un pouvoir réglementaire expressément prévu à cette fin. La demanderesse reconnaît qu'une décision ne peut être rouverte à moins qu'il n'y ait eu une erreur dans l'expression de l'intention manifeste du tribunal, ou une erreur dans la prise de décision ; toutefois, la demanderesse soutient qu'aucune preuve n'a été présentée en vue d'établir que l'avis de rétablissement a été envoyé par erreur, comme le prétend la lettre du 23 mars 1998. La demanderesse prétend donc que le commissaire était functus officio.

[14]      Finalement, la demanderesse prétend que les avis de rétablissement et d'abandon ne sont pas de simples actes administratifs de la part du bureau des brevets parce qu'ils se fondent sur des mesures prises par la demanderesse, et qu'il ne s'agit pas d'une situation dont l'existence découle de la seule application de la loi. La demanderesse soutient que l'avis de rétablissement détermine ses droits, alors que de simples actes administratifs ne peuvent déterminer les droits d'une partie de façon définitive. Elle prétend qu'abstraction faite de ce que ces avis peuvent ou non être qualifiés de décisions, ils constituent des " actes " du commissaire aux brevets, et peuvent donc faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1.

La position du défendeur

[15]      Le défendeur soutient que le rétablissement exige la présentation d'une requête expresse à cet effet. Il conteste la prétention de la demanderesse qui affirme que la lettre datée du 10 mars 1997 constituait une telle requête. Le défendeur soutient qu'il n'y a rien dans cette lettre qui permette de la considérer comme telle.

[16]      Le défendeur fait également valoir que le régime législatif ne confère pas au commissaire de pouvoir discrétionnaire pour ce qui a trait à l'abandon et au rétablissement. Il soutient que la délivrance d'avis d'abandon et de rétablissement constitue un simple acte administratif qui informe la demanderesse d'une situation donnée. Le défendeur prétend qu'aucun de ces avis ne constitue une décision prise par le commissaire et que, par conséquent, le commissaire ne peut pas être considéré comme étant functus officio après avoir délivré l'avis de rétablissement. Ainsi donc, selon le défendeur, la décision en cause ne peut faire l'objet d'un contrôle en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

Analyse

[17]      La lettre datée du 20 mars 1998 que le bureau des brevets a adressée aux agents de brevets de la demanderesse est rédigée dans les termes suivants :

         [TRADUCTION]                 
         Messieurs,                 
         Veuillez ne pas tenir compte de cette lettre qui a été envoyée par erreur. Vous trouverez sous pli une lettre de la même date traitant de l'objet en rubrique. Le 24 février 1998, le bureau des brevets vous a envoyé un avis de rétablissement concernant la demande mentionnée en rubrique. Je vous prie d'accepter mes excuses pour tout inconvénient que cela peut vous avoir causé.                 

     (Dossier de la demande [DD], onglet 2)

[18]      La lettre en date du 23 mars 1998 que le bureau des brevets a fait parvenir aux agents de brevets de la demanderesse est rédigée comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         Messieurs,                 
         La présente a pour objet de répondre à votre lettre du 5 février 1998 dans laquelle vous prétendez qu'une réponse antérieure datée du 10 mars 1997 constituait une requête en rétablissement pour la demande mentionnée en rubrique.                 
         La demande a été déposée le 27 janvier 1993 et, par la suite, les deux premières taxes périodiques ont été payées à temps. Toutefois, la troisième taxe périodique, qui était exigible au plus tard le 27 janvier 1997, n'a pas été payée. Un avis à cet effet vous a été envoyé le 5 mars 1997. Cet avis indiquait que la demande avait été abandonnée aux termes de l'alinéa 73(1)c) de la Loi sur les brevets et énonçait de plus les conditions et la date limite pour le rétablissement.                 
         Le paragraphe 73(3) énonce trois conditions pour qu'une demande puisse être rétablie. Une demande peut être rétablie a) en présentant une requête à cet effet, b) en prenant les mesures qui s'imposaient pour éviter l'abandon - en l'espèce, le paiement de la taxe périodique, et c) en payant les taxes réglementaires avant l'expiration de la période réglementaire, c'est-à-dire 200 $ avant l'expiration de la période de 12 mois suivant la date de l'abandon.                 
         Dans le cas qui nous occupe, aucune demande de rétablissement n'avait été présentée au 27 janvier 1998. La requérante s'appuie sur une réponse en date du 10 mars 1997 ; il s'agissait d'une réponse faisant suite à une mesure prise par l'examinateur en date du 10 septembre 1996. Toutefois, cette réponse n'indique aucunement qu'il s'agissait d'une demande de rétablissement.                 
         La requérante fait de plus valoir qu'il est implicite que la réponse en date du 10 mars 1997 était une demande de rétablissement parce qu'autrement il n'y aurait " aucune raison de répondre à une lettre officielle concernant une demande abandonnée ". Cet argument n'est pas convaincant. Une demande peut être abandonnée pour plusieurs raisons à des dates différentes, et comme il ressort clairement de l'article 152 des Règles sur les brevets , il doit y avoir un rétablissement pour chaque omission de prendre les mesures dont il est question au paragraphe 73(1) de la Loi. La réponse en date du 10 mars 1997 avait pour but d'assurer que la demande ne serait pas considérée comme ayant été abandonnée aux termes de l'alinéa 73(1)a) de la Loi.                 
         L'abandon en tant que tel ne fait pas échec à une demande, c'est plutôt l'omission de rétablir cette demande dans le délai prescrit qui a cet effet. En fait, les deux demandes présentées en même temps que celle qui nous occupe, c'est-à-dire les demandes 2 131 373 et 2 132 457, ont maintenant été abandonnées puisque les taxes périodiques n'ont pas été payées. De plus, il convient de noter que si le bureau des brevets avait été convaincu que les conditions de rétablissement avaient été respectées dans la présente demande, celle-ci serait quand même considérée comme ayant été abandonnée du fait que la quatrième taxe périodique n'avait pas été payée au 27 janvier 1998.                 
         Aucune demande de rétablissement n'avait été reçue le 27 janvier 1998 et, par conséquent, la demande n'est plus en vigueur du fait que la date limite pour le rétablissement est expirée.                 

     (DD, onglet 2)

[19]      La première question, ou la question préliminaire, qu'il s'agit de trancher consiste à déterminer si les lettres constituent des décisions qui peuvent faire l'objet d'un contrôle aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale. Cet article stipule ceci :

         18.1(1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.                 
         (2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les 30 jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces 30 jours, fixer ou accorder.                 
         (3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Section de première instance peut :                 
         a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refuser d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable ;                 
         b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.                 

[20]      Dans la décision Markevich c. Canada (T-250-98, le 19 février 1999), le juge Evans devait décider si une lettre concernant des impôts non payés envoyée par le bureau de Revenu Canada à Richmond (C.-B.) pouvait faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1. En concluant que cette lettre pouvait effectivement faire l'objet d'un contrôle judiciaire, il a déclaré :

         Les mots " décision ou ordonnance " se trouvent au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale , aux termes duquel la demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de " sa décision ou de son ordonnance ". À mon avis, ce paragraphe ne fait que prévoir le délai dans lequel la demande de contrôle judiciaire contre une décision ou ordonnance doit normalement être introduite, sous peine de prescription. Il ne dit pas que seules les décisions ou ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours en contrôle judiciaire, il ne dit pas non plus qu'une mesure administrative autre qu'une décision ou ordonnance est soumise au délai de prescription de 30 jours ; voir Krause c. La Reine (C.AF., A-135-98, 8 février 1999).                 
         Il me semble que les matières sujettes à contrôle judiciaire sont prévues au paragraphe 18.1(3), aux termes duquel la Section de première instance, saisie du recours, peut ordonner à l'office fédéral concerné d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir, ou déclarer nul ou illégal, renvoyer pour jugement, ou prohiber ou restreindre " toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral ". Les mots " procédure ou tout autre acte " ont clairement une portée générale et peuvent comprendre une grande diversité d'actions administratives qui ne sont pas pour autant des " décisions ou ordonnances ", par exemple les règlements, rapports ou recommandations relevant de pouvoirs légaux, les énoncés de politique, lignes directrices et guides, ou l'une quelconque des formes multiples que peut prendre l'action administrative dans la prestation d'un programme public par un organisme public ; voir Krause c. La Reine , précité.                 
         N'est cependant considéré comme " procédure ou tout autre acte " susceptible de contrôle judiciaire que l'acte administratif qui représente une " procédure ou tout autre acte " d'un " office fédéral ", savoir un conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne " ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale " (paragraphe 2(1) de la Loi sur la Cour fédérale ).                 

[21]      En l'espèce, les lettres ont été envoyées par le bureau des brevets en vertu d'un pouvoir réglementaire, en réponse à l'abandon par la demanderesse et à sa tentative de rétablissement subséquente de sa demande de brevet en vertu de la Loi sur les brevets. Les lettres portent manifestement atteinte aux droits et aux intérêts de la demanderesse et, en fait, déterminent de façon définitive ces droits en ce qu'elles ont pour but de supprimer la demande de brevet de la demanderesse. Il n'y a pas non plus de procédure d'appel interne à laquelle la demanderesse peut avoir recours. Par conséquent, les lettres peuvent faire l'objet d'un contrôle par la présente Cour.

[22]      La deuxième question à trancher est de savoir si la demanderesse a respecté les conditions du paragraphe 73(3) concernant le rétablissement. Cet article dispose :

         73(3) Elle [la demande de brevet] peut être rétablie si le demandeur :                 
         a) présente au commissaire, dans le délai réglementaire, une requête à cet effet ;                 
         b) prend les mesures qui s'imposaient pour éviter l'abandon ;                 
         c) paie les taxes réglementaires avant l'expiration de la période réglementaire.                 

[23]      Avant le 1er octobre 1996, la Loi et les Règles exigeaient qu'une demande de rétablissement soit faite sous forme de requête adressée au commissaire ; toutefois, par suite d'une modification subséquente, un demandeur n'a plus qu'à présenter une requête en rétablissement, ce que dit le libellé actuel de l'alinéa 73(3)a).

[24]      Le point essentiel, et certainement le point litigieux, est de savoir si la demanderesse satisfait à la première condition, c'est-à-dire à la demande de rétablissement. La lettre qui, selon la demanderesse, constitue sa demande de rétablissement indique brièvement qu'elle est envoyée en réponse à la lettre officielle datée du 10 septembre 1996 et demande une modification précise à la demande de brevet 371 (affidavit de Michael K. Gore, pièce L). Toutefois, elle ne renferme pas de requête expresse pour que la demande de brevet 371 soit rétablie. Elle ne contient pas non plus de référence à l'abandon ou au rétablissement de la demande.

[25]      La demande de brevet 371 a été considérée comme étant abandonnée par le bureau des brevets le 27 janvier 1997 parce que la demanderesse avait négligé de payer sa taxe annuelle. C'est à ce moment que la période de 12 mois à l'intérieur de laquelle la demanderesse pouvait satisfaire aux conditions de rétablissement établies au paragraphe 73(3) a commencé à courir.

[26]      Quelle était la situation 12 mois plus tard ? La taxe périodique de janvier 1997 était toujours due, les taxes périodiques subséquentes exigibles le 27 janvier 1998 n'avaient pas été payées, et une lettre en date du 10 mars 1997 de la part des agents de brevets de la demanderesse en réponse à la lettre du bureau des brevets datée du 10 septembre 1996 avait demandé certaines modifications à la demande 371.

[27]      Le 5 février 1998, c'est-à-dire à une date postérieure à la période de 12 mois, les agents de brevets ont demandé au bureau des brevets d'utiliser la somme qui leur avait été envoyée précédemment pour d'autres demandes de brevet afin de payer la taxe périodique en souffrance qui était exigible le 27 janvier 1997 et la taxe de rétablissement. Toutefois, la taxe périodique exigible le 27 janvier 1998 est toujours en souffrance à ce moment-là. Un avis de rétablissement est délivré, de même qu'un avis d'abandon, probablement par suite de l'omission de la demanderesse de payer la dernière taxe périodique.

[28]      Le 2 mars 1998, les agents de brevets de la demanderesse déposent expressément une requête de rétablissement, en incluant les taxes périodiques en souffrance et la taxe de rétablissement (affidavit de Michael K. Gore, pièce S). Un avis de rétablissement suit une semaine plus tard.

[29]      Compte tenu de la lettre des agents de brevets de la demanderesse datée du 2 mars 1998, qui demande expressément le rétablissement (même si elle utilisait le libellé d'une requête), la lettre antérieure du 10 mars 1997 ne peut être considérée comme une demande de rétablissement de la même nature. La Loi sur les brevets exige qu'une requête soit présentée en vue du rétablissement. Cela implique que l'on demande quelque chose, c'est-à-dire que l'on pose un geste exprès. La lettre ne peut être interprétée comme une requête de rétablissement - même si elle renferme certainement une demande, c'est-à-dire une modification à la demande elle-même mais elle ne traite aucunement de la question du rétablissement, contrairement à la lettre ultérieure du 2 mars 1998.

[30]      Malgré cette négligence et l'omission apparente de satisfaire aux conditions du paragraphe 73(3), le bureau des brevets a délivré un avis de rétablissement le 24 février 1998. Il n'y a rien dans la Loi sur les brevets ou dans les Règles sur les brevets qui prévoit le retrait ou la rétractation d'un avis de rétablissement.

[31]      Les tribunaux ont limité à des circonstances très restreintes le pouvoir des décideurs de réexaminer leurs décisions une fois que celles-ci ont été prises. Il s'agit, notamment, de cas où une partie n'a pas été informée de la procédure, de cas où la procédure réglementaire n'a pas été suivie, ou de cas d'erreurs administratives. À l'exception de ces circonstances, le tribunal est considéré comme étant functus officio une fois que la décision a été prise.

[32]      En l'espèce, l'avis de rétablissement avait été envoyé à la demanderesse, et celle-ci a pris pour acquis que la demande 371 était rétablie et qu'elle suivait son cours au bureau des brevets. Il n'y a rien dans la Loi ou dans les Règles qui autorise le bureau des brevets à retirer un tel avis, et tant que la demanderesse n'aura pas abandonné sa demande, l'avis de rétablissement doit avoir plein effet.

Ottawa (Ontario)

le 10 juin 1999                      B. Cullen

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-1291-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      PFIZER INC. c. LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 19 mai 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE CULLEN

DATE :                  le 10 juin 1999

ONT COMPARU :

John Bochnovic                          POUR LA DEMANDERESSE

Grant Lynds                              POUR LA DEMANDERESSE

Kathleen McMannus                          POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                          POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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