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Date : 20020614

Dossier : IMM-5204-01

OTTAWA (ONTARIO), le 14 juin 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

THECHKOHIE ADOURIAN, KHATCHIR TOROSIAN

et NERSES TOROSIAN,

représenté par sa tutrice à l'instance THECHKOHIE ADOURIAN

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                              ORDONNANCE

Vu la demande de contrôle judiciaire de la décision du 25 octobre 2001 d'un agent d'immigration qui avait refusé leur requête fondée sur des considérations humanitaires en vue d'être autorisés à demander depuis le Canada le statut de résidents permanents;

ET APRÈSexamen des pièces produites et audition des conclusions des parties;

ET pour les motifs de l'ordonnance prononcés ce jour,


LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 25 octobre 2001 est annulée et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un autre agent d'immigration.

2.          Aucune question ne sera certifiée.

                                                                                                                     « Dolores M. Hansen »        

                                                                                                                                                    Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020614

Dossier : IMM-5204-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 672

ENTRE :

THECHKOHIE ADOURIAN, KHATCHIR TOROSIAN

et NERSES TOROSIAN,

représenté par sa tutrice à l'instance THECHKOHIE ADOURIAN

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]                 Thechkohie Adourian, son mari Khatchir Torosian et leur fils Nerses Torosian sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 25 octobre 2001 d'un agent d'immigration, qui avait refusé leur demande fondée sur des considérations humanitaires en vue d'être autorisés à demander depuis le Canada le statut de résidents permanents.

[2]                 La demande de contrôle judiciaire soulève plusieurs questions, mais la question déterminante concerne le risque auquel serait exposé Nerses s'il était renvoyé du Canada.


[3]                 Au moment de la demande fondée sur des considérations humanitaires, Nerses était âgé de 27 ans. Son médecin dit qu'il [Traduction] « est né sourd et muet et qu'il est légèrement retardé » . Avant d'arriver au Canada, il a vécu avec ses parents au Liban. Il a un passeport syrien.

[4]                 À l'entrevue relative aux considérations humanitaires, et dans les arguments ultérieurs de leur avocat, les parents de Nerses ont indiqué qu'il serait exposé à un risque s'il était renvoyé au Liban. Ils affirment que tout citoyen syrien de sexe masculin doit servir dans l'armée lorsqu'il atteint l'âge de 18 ans. Puisque Nerses n'a pas servi dans l'armée, il pourrait être arrêté par les forces syriennes au Liban et emprisonné en Syrie. La preuve documentaire fait aussi état de violations des droits de l'homme dans les prisons syriennes.

[5]                 Dans sa décision, l'agente d'immigration écrivait :

[Traduction] Aucun document n'a été produit qui confirme son affirmation selon laquelle un Syrien doit servir dans l'armée lorsqu'il a 18 ans, sous peine d'emprisonnement. Selon les documents produits par l'avocat, un Syrien âgé entre 18 et 50 ans doit faire 30 mois de service militaire. L'âge limite pour servir dans l'armée était de 50 ans, mais rien n'indiquait que l'on doit servir dans l'armée à l'âge de 18 ans. La requérante a déclaré qu'une personne handicapée n'est pas dispensée du service militaire et que Nerses pourrait être affecté à la cantine. Selon l'avocat, les Syriens de l'étranger peuvent dans certains cas racheter leur service militaire. Nerses n'a pas demandé la dispense car ils pensent qu'il n'y serait pas admissible. Les mauvaises conditions de vie en prison ne sont pas selon moi considérées comme un risque identifiable pour Nerses - il n'a pas été incarcéré dans le passé, et rien ne prouve qu'il le sera maintenant.

[6]                 Les demandeurs affirment que les documents accompagnant les communications postérieures à l'entrevue confirment l'existence d'un risque. Dans ces conditions, ils soutiennent que la demande aurait dû être transmise à un agent de révision des revendications refusées, pour une évaluation du risque.

[7]                 Les demandeurs invoquent les lignes directrices remises aux agents d'immigration et figurant dans le Guide du traitement dans les bureaux intérieurs, chapitre IP 5, intitulé Demandes d'établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires. On peut y lire ce qui suit :

Une décision favorable peut être justifiée pour un demandeur qui courrait un risque objectivement personnalisé s'il était renvoyé du Canada. Il peut s'agir d'un risque pour sa vie ou d'un risque de sanctions graves et injustifiées ou de traitements cruels comme la torture. Les degrés de risque varient. En général, le risque doit être plus grand qu'une simple possibilité, mais il peut être inférieur à une « prépondérance des probabilités » .

Premièrement :

Examiner la demande et considérer tous les renseignements présentés par le demandeur.

S'il y a suffisamment de facteurs autres que le risque pouvant seuls justifier l'approbation de la demande, il n'y a pas lieu d'examiner le risque. Approuver la demande CH et poursuivre le traitement selon la procédure habituelle.

S'il n'y a pas suffisamment de facteurs autres que le risque pour justifier l'approbation de la demande, envoyer la demande à un agent de révision des revendications refusées (ARRR) pour examen.

Lorsque le demandeur ne précise pas la nature du risque (p. ex., s'il s'en tient à une déclaration du genre « Je courrais un risque personnalité si je devais être renvoyé du Canada » ), obtenir du demandeur des précisions avant de transmettre le dossier à l'ARRR. Utiliser à cette fin la lettre type à l'annexe 3 du chapitre IP-5; il y figure une mise en garde sur les conséquences qu'aurait pour le demandeur le non-respect des délais prescrits pour fournir les renseignements demandés. Si le demandeur ne répond pas, poursuivre le traitement du dossier d'après les renseignements qu'il contient (en l'absence de risques définis, le renvoi à un ARRR pourrait ne pas être nécessaire).

   


[8]                 Le défendeur dit que, selon les lignes directrices et la jurisprudence, un agent d'immigration n'est tenu de renvoyer une affaire à un agent de révision des revendications refusées que lorsque la demande est largement fondée sur le risque, et lorsque le risque est personnalisé, identifiable, grave et probable. Le défendeur invoque en particulier les motifs du juge Reed dans l'arrêt Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1160. Dans cette affaire, la question était de savoir si un agent d'immigration est tenu de renvoyer à un ARRR pour décision toute demande où un risque est allégué. Le juge Reed a fait observer qu'il faut « interpréter les lignes directrices comme investissant l'ARRR du pouvoir discrétionnaire de décider si le risque invoqué est suffisamment grave pour que cet examen soit nécessaire. Les lignes directrices elles-mêmes imposent de ne référer à l'ARRR que la demande "basée principalement sur des risques". »

[9]                 Il convient de noter que les propos du juge Reed se rapportaient aux lignes directrices telles qu'elles existaient avant leur modification d'octobre 2001. Les lignes directrices antérieures à octobre 2001 renfermaient une directive précise selon laquelle « si la demande est basée principalement sur des risques, soumettre la demande à l'examen d'un ARRR, qui communiquera une opinion sur les risques auxquels est exposé le requérant » . Cette directive n'apparaît pas dans les lignes directrices modifiées. Les lignes directrices modifiées ordonnent plutôt à l'agent, lorsque les considérations humanitaires à l'exclusion du risque ne sont pas suffisantes comme telles pour justifier une approbation, d'envoyer la demande à un ARRR pour examen. Les lignes directrices prévoient aussi que, en l'absence de risque précis, l'examen d'un ARRR ne sera pas toujours nécessaire.


[10]            Lors de l'audition de cette demande de contrôle judiciaire, aucune des deux parties ne s'est expressément interrogée sur la question de savoir si les lignes directrices modifiées étaient en vigueur au moment où fut prise la décision visée par le contrôle. À mon avis, même si les lignes directrices antérieures à octobre 2001 étaient encore en vigueur au moment de la décision, cela ne modifierait pas le résultat de la présente instance. La demande fondée sur des considérations humanitaires en ce qui concerne Nerses reposait en partie sur l'absence d'écoles au Liban pour les personnes atteintes du même handicap, comme celles qui existent au Canada, mais la demande s'appuyait largement sur le risque entraîné par le fait qu'il n'avait pas accompli son service militaire.

[11]            L'avocat a communiqué à l'agente d'immigration des conclusions décrivant le risque particulier que courait Nerses, eu égard à la vulnérabilité qui résultait de son handicap. À mon avis, il était déraisonnable pour l'agente de conclure, en l'absence d'une évaluation effectuée par un ARRR, qu'il n'y avait pas de risque objectivement identifiable.

[12]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un autre agent d'immigration.

                                                                              « Dolores M. Hansen »        

                                                                                                             Juge                        

OTTAWA (ONTARIO)

le 14 juin 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

No DU GREFFE :                                  IMM-5204-01

  

INTITULÉ :                                            Thechkohie Adourian et autres c. M.C.I.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 11 juin 2002

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    MADAME LE JUGE HANSEN

  

DATE DES MOTIFS :                         le 14 juin 2002

   

COMPARUTIONS :

M. W. Lloyd MacIlquhamPOUR LES DEMANDEURS

Mme Rhonda MarquisPOUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. W. Lloyd MacIlquhamPOUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

M. Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

  
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