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Date : 19980911


Dossier : IMM-1542-97

Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     Demandeur,

     - et -

     WED SAINTELUS,

     Défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision de la Section d"appel de l"immigration de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (S.A.I.), aux termes de l"alinéa 73(1)(c) de la Loi sur l"immigration1 (la Loi) qui a ordonné de surseoir durant quatre ans à l"exécution de la mesure de renvoi prononcée à l"encontre du défendeur.

[2]      Le défendeur est né en Haïti le 7 juillet 1977. Il est arrivé au Canada avec sa mère et a obtenu le droit d"établissement le 25 décembre 1988. Ses diverses relations de gangs ont commencé au mois de juillet 1992. Il déclare qu"il n"était pas membre officiellement d"une gang, mais qu"il fréquentait des individus de Montréal-Nord connus sous le nom de " Beaux Gars ".

[3]      La preuve révèle que, depuis ce temps, le défendeur a commis plusieurs infractions, pour lesquelles il a dû être incarcéré, libéré sous conditions et réincarcéré, n"ayant pas respecté ses conditions de libération.

[4]      En juin 1995 il est accusé de possession d"arme prohibée. Il plaide coupable et reçoit une sentence d"un an, trois ans de probation et une interdiction à vie de possession d"arme.

[5]      En prison, le défendeur fut identifié par ses co-détenus comme usant de violence physique. Il fallu le transférer de prison à trois ou quatre reprises et les rapports correctionnels démontrent qu"il était violent envers les autres détenus.

[6]      Le 10 avril 1996 une ordonnance de détention est émise en vertu de l"article 105 de Loi ainsi qu"un mandat d"arrestation. Un rapport à l"encontre du défendeur fut préparé en vertu du paragraphe 27(1)(d)(i) de la Loi. L"enquête sur le rapport eu lieu en novembre 1996. Une mesure d"expulsion fut alors émise. Suite à l"audition de l"appel la S.A.I. sursoit la mesure de renvoi en avril 1997.

[7]      L"article 70 de la Loi se lit comme suit :

         70(1)      Les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité [...] peuvent faire appel devant la section d"Appel d"une mesure de renvoi ou d"un renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants:                 
             question de droit, de fait ou mixte;                         
             le fait que eu égard aux circonstances particulières de l"espèce, il ne devrait pas être renvoyé.         

[8]      Le pouvoir de ne pas renvoyer une personne inadmissible eu égard aux circonstances de l"espèce, est un pouvoir discrétionnaire confié par le législateur à la S.A.I.

[9]      Il suffit de rappeler que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d"aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n"a le droit d"intervenir même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s"il lui avait appartenu2.

[10]      Les facteurs dont la S.A.I. tient compte en ce qui a trait aux " circonstances particulières de l"espèce " ont été fixés dans l"affaire Ribic3 :

     1) la gravité de l"infraction donnant lieu à l"ordonnance de déportation;

     2) la possibilité de réhabilitation;

     3) le temps passé au Canada et le degré d"établissement du requérant au Canada;
     4) si le requérant possède de la famille au Canada, et la dislocation qui pourrait en résulter si l"ordonnance de déportation était émise;
     5) le soutien dont dispose le requérant, non seulement dans sa famille, mais aussi dans son entourage;
     6) L"importance des inconvénients qui pourraient être causés au requérant s"il devait être retourné dans son pays d"origine.

Ces facteurs ont été cité en référence par la Cour fédérale dans les arrêts Al Sagban v. Canada (M.C.I.)4, Ewere v. Canada (M.C.I.)5, Canada (M.C.I.) v. Jhatu6.

[11]      Cependant, dans l"exercice de sa discrétion, la S.A.I. doit être conséquente avec les principes et politiques qui sous-tendent la Loi . L"alinéa 3(1) de la Loi stipule :

         3. La politique canadienne d"immigration ainsi que les règles et règlements pris en vertu de la présente loi visent, dans leur conception et leur mise en oeuvre à promouvoir les intérêts du pays sur les plans intérieur et international et reconnaissent la nécessité :                 

    

         [...]                 
         i) de maintenir et de garantir la santé, la sécurité et l"ordre public au Canada.                 

[12]      Dans l"affaire Canepa7, la Cour d"appel précise que le tribunal est tenu d"exercer son pouvoir discrétionnaire d"une manière cohérente avec les objectifs de la Loi et considérer tous les faits en l"espèce, notamment la personne dans son contexte intégral, le bien de la société et celui de l"individu.

[13]      En l"espèce, il est clair que la S.A.I. a fait reposer sa décision principalement sur la forte possibilité de réhabilitation du défendeur. Or, une lecture attentive du dossier ne me convainc pas qu"il y avait en preuve les éléments qui pouvaient justifier une telle conclusion. La preuve supporte, au contraire, un grand risque de récidive.

[14]      En effet, à chaque fois qu"il fut mis en liberté depuis quatre ans il récidive. En prison il est coupable de méfait, d"agression contre les co-détenus et considéré comme violent par les services correctionnels.

[15]      S"il n"a pas contacté ses anciens amis qui l"ont entraîné dans la criminalité, il ne s"agit pas non plus d"une preuve de réhabilitation puisque celui-ci ce trouvait en prison pendant cette période.

[16]      Quant au témoignage de Mme Desgroseillers du Groupe action contre la violence, celle-ci a reconnu qu"elle n"avait aucun plan d"action individuel pour le défendeur, qu"elle ne peut encadrer un individu que de 9 h 00 à 16 h 00, qu"elle avait des restrictions à ce que le défendeur ait des contacts avec les jeunes de son secteur à cause de son passé et que le déménagement de la mère dans un autre endroit n"était pas assez éloigné pour éviter le pire.

[17]      Je ne peux conclure que cette preuve était suffisante pour que le tribunal puisse inférer qu"il y avait une très forte possibilité de réhabilitation du défendeur.

[18]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie._ La décision de la S.A.I. est cassée et le dossier est retourné pour redétermination devant d"autres membres de la S.A.I.

     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 septembre 1998.

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      Boulis c. M.E.I., [1974] R.C.S. 875, p. 877.

3      (Le 20 août 1985), T84-9623 (Imm. App. Bd.).

4      [1998] 1 C.F. 501, p. 505 (C.F. 1ère inst.).

5      (Le 12 décembre 1997), IMM-2120-96 (C.F. 1ère inst.).

6      (Le 2 août 1996), IMM-2734-95 (C.F. 1ère inst.).

7      Canepa c. Canada, [1992] 3 C.F. 270.

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