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                                                                                                                                         T-228-96

 

 

Entre :

 

 

                                                                    PING LI,

 

                                                                                                                                       requérant,

 

                                                                        - et -

 

                            PETER DE VINK, SOUS-COMMISSAIRE RÉGIONAL

                     DU PACIFIQUE, SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

                                                                                                                                            intimé.

 

 

 

                                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

            Dans un avis de requête introductif d'instance déposé le 26 janvier 1996, le requérant, qui était alors détenu à l'établissement de Mission du Service correctionnel du Canada, demande le contrôle judiciaire, selon les termes de l'exposé des faits et du droit de l'intimé, [TRADUCTION] «[...] de la décision interdisant au requérant d'avoir un ordinateur personnel dans sa cellule [...]».  L'avis de requête introductif d'instance déposé par le requérant n'énonce pas clairement les détails de la décision contestée, mais l'intimé indique qu'il n'a pas subi de préjudice à cet égard et que les imperfections sont compréhensibles étant donné que le requérant maîtrise mal l'anglais et qu'il a un niveau d'instruction général très limité.  Le requérant réclame une ordonnance de certiorari annulant la décision de l'intimé l'empêchant de recevoir l'ordinateur personnel déjà approuvé et une ordonnance de mandamus enjoignant à l'intimé de l'autoriser immédiatement à prendre possession de l'ordinateur personnel déjà approuvé.


            En juillet 1995, le requérant a demandé à acheter un ordinateur personnel pour l'aider dans ses études et, plus particulièrement, pour l'aider à améliorer sa connaissance de l'anglais.  Sa demande a été appuyée à plusieurs niveaux à l'établissement de Mission.  Il a réuni les fonds nécessaires pour acheter l'ordinateur à ses frais.  Il a pris les mesures pour acheter un ordinateur d'un commerçant extérieur à l'établissement.  Finalement, le 21 juillet, tous les arrangements avaient été pris pour faire parvenir un chèque à l'établissement commercial.

 

            Le Service correctionnel du Canada n'a pas livré le chèque au service de messagerie.

 

            Dans son affidavit déposé en l'espèce, l'intimé atteste en partie ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

4.  Jusqu'au 24 juillet 1995, les ordinateurs faisaient partie des effets personnels que les détenus de la région du Pacifique (et l'établissement de Mission se trouve dans la région du Pacifique) étaient autorisés à avoir dans leur cellule, sous réserve des directives contenues dans la Directive du commissaire no 090 et l'Instruction régionale 090.  En juillet 1995, j'ai modifié l'Instruction régionale 090 en imposant un moratoire à l'achat de nouveaux ordinateurs et à la modification des ordinateurs en place.  Bien que le Service correctionnel du Canada ait depuis longtemps reconnu la valeur de la culture informatique pour les détenus, les progrès réalisés au niveau du matériel et des logiciels ont obligé le SCC à réexaminer ses politiques concernant les ordinateurs des détenus.  Bien qu'il existe des lignes directrices strictes concernant les logiciels et le matériel qui ont été autorisés dans le passé, il y a toujours eu périodiquement des violations, certains détenus ayant réussi à se procurer des logiciels non autorisés, ou à extraire des renseignements des ordinateurs de l'établissement.  En raison des capacités nouvelles et à venir du matériel et des logiciels, et parce que le système de gestion des détenus du SCC est  informatisé, je crois, d'après ma longue expérience au Service correctionnel, qu'il était nécessaire afin de minimiser les risques pour la sécurité de l'établissement d'imposer un moratoire en attendant que les nouvelles politiques nationales soient connues.  De semblables moratoires ont été imposés dans toutes les régions du SCC partout au Canada [...]

 

                                       [les erreurs de citation figurent dans l'original]

 

 

            La Directive du commissaire no 090, intitulée Effets personnels des détenus, énonce les objectifs et responsabilités suivants :

 

OBJECTIFS

 

1.Assurer que les autorisations d'effets personnels qui sont accordées aux détenus sont équitables et uniformes.

2.Assurer la sécurité et le bon ordre dans l'établissement pénitentiaire en gérant efficacement les effets personnels des détenus.


RESPONSABILITÉS

 

                3.Le sous-commissaire doit établir toute autre procédure jugée nécessaire relativement à la réception des effets, leur entreposage et leur sécurité, leur emballage au moment du transfèrement ou de la libération du détenu, l'inventaire des effets en cellule ainsi que l'achat et l'aliénation des effets personnels.

                                                                                                                                                       [non souligné dans l'original]

 

            Le paragraphe 10.k. de la Directive du commissaire no 090, sous la rubrique Effets autorisés pour usage dans la cellule, mentionne les ordinateurs personnels.  Une valeur maximale est imposée à ces ordinateurs.  L'ordinateur que le requérant voulait acheter respectait les limites établies.

 

            L'Instruction régionale 090, apparemment adoptée sous le régime de la Directive du commissaire no 090, a été adoptée le 5 juillet 1994 et modifiée, comme il est indiqué ci-dessus, en juillet 1995.  La modification apportée à cette instruction semble avoir été formulée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

À compter du 24 juillet 1995, il ne sera plus permis aux détenus d'acheter des ordinateurs ou de les modifier.  Ce moratoire concernant les ajouts de composantes d'ordinateur aux effets autorisés dans la cellule demeurera en vigueur jusqu'à nouvel ordre.  Veuillez voir les détails concernant la date à la fin de cette Instruction régionale.

 

À la fin de l'Instruction régionale, le «moratoire» interdisant l'acquisition de nouveaux ordinateurs est répété et il est indiqué que l'original a été signé par l'intimé le 21 juillet 1995.

 

            Aucune partie n'a attiré mon attention sur un texte qui confère à un sous-commissaire régional du Service correctionnel le pouvoir d'appliquer des instructions régionales touchant les objets personnels des détenus, à l'exception de ce qui est dit à l'article 3 de la Directive du commissaire no 090 reproduit ci-dessus.  Ce pouvoir me semble limiter à l'établissement d'une «procédure».  L'imposition du moratoire en question ne relève tout simplement pas du pouvoir de l'intimé.  Par conséquent, je conclus que celui-ci a agi sans pouvoir, comme l'ont fait ses subordonnés, en refusant au requérant la possibilité d'acheter un ordinateur afin de poursuivre ses objectifs tout à fait légitimes visant à perfectionner ses connaissances et sa maîtrise de l'anglais.  Les documents dont je suis saisi ne contiennent aucune allégation portant que ce requérant en particulier est soupçonné de poursuivre des motifs douteux en voulant acquérir un ordinateur qu'il pourra utiliser dans sa cellule.

 

            Par conséquent, une ordonnance est émise pour accueillir cette demande de contrôle judiciaire et déclarer que le moratoire imposé par l'intimé relativement à l'acquisition d'ordinateurs par les détenus dans la région du Pacifique, dans la mesure où elle touche le requérant en l'espèce, n'a aucun effet.

 

            Cette question, sur demande du requérant, a été traitée conformément à la Règle 324 des Règles de la Cour fédérale, c'est-à-dire sans audience verbale.  J'ai été informé par le greffe de la Cour que l'avocat de l'intimé a indiqué verbalement qu'il ne s'opposerait pas à ce que cette question soit réglée sans la tenue d'une audience.  Il s'agit d'une procédure exceptionnelle.  Le requérant n'était pas représenté, il purge une longue peine d'emprisonnement, et il a indiqué à la Cour qu'il n'avait pas les moyens de payer les services d'accompagnement de son lieu d'incarcération jusqu'à la salle d'audience de la Cour.  N'eut été de ces circonstances spéciales, je n'aurais pas été disposé à traiter de cette affaire sans tenir une audience verbale.

 

 

                                                                                                (signature)  «Frederick E. Gibson»

 

                                                                                                Juge

 

 

 

le 19 septembre 1996

Vancouver (C.-B.)

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                           

 

François Blais, LL.L.


 

 

                         AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :PING LI

 

- et -

 

PETER DE VINK, SOUS-COMMISSAIRE RÉGIONAL DU PACIFIQUE, SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

 

 

 

N° DU GREFFE :T-228-96

 

 

 

REQUÊTE TRAITÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES AVOCATS

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE GIBSON

date : le 19 septembre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Ping Li                                                      pour le requérant

en son propre nom

 

 

Mme Sandra E. Weafer                     pour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

M. George Thomson                                     pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

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