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Date : 20000121


Dossier : T-753-99

ENTRE :

MERCK & CO., INC. et

MERCK FROSST CANADA & CO.,



demanderesses,



- et -




NU-PHARM INC.,

BERNARD SHERMAN,

RICHARD BENYAK,


défendeurs.




MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Il s"agit d"une requête des demanderesses dans Merck & Co. Inc. et autres c. Nu-Pharm Inc. et autres fondée sur les règles 373 et 374 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98-106 et visant l"obtention d"une injonction interlocutoire interdisant à la défenderesse Nu-Pharm Inc. de contrefaire le brevet canadien 1 275 349. Les requérantes, dont Merck Frosst Canada & Co., demandent que l"injonction s"applique jusqu"au règlement définitif de l"instance. Elles demandent en outre à la Cour d"interdire à Nu-Pharm la fabrication directe ou indirecte, l"acquisition, l"importation, l"exportation, la distribution, la vente, la mise en vente et l"acceptation de commandes de maléate d"énalapril en vrac ou sous forme de comprimés, ainsi que la publicité et le marketing s"y rapportant. Les demanderesses sont les requérantes aux fins de la présente instance, et les défendeurs les intimés.

[2]      Subsidiairement, les requérantes demandent premièrement qu"il soit ordonné à l"intimée de comptabiliser la totalité de l"énalapril que ses dirigeants, ses filiales ou elle ont en leur possession. Deuxièmement, elles demandent que l"intimée soit tenue de lui remettre un relevé mensuel du profit net réalisé relativement à l"énalapril et au maléate d"énalapril. Troisièmement, elles prient la Cour d"ordonner à l"intimée de déposer initialement au greffe un cautionnement de garantie de 51 millions de dollars ou, subsidiairement, l"équivalent de 10 % de ses ventes mensuelles de Nu-Enalapril, jusqu"au règlement définitif de l"instance.

[3]      Par ailleurs, les requérantes demandent à la Cour, premièrement, qu"elle fasse de l"action une instance à gestion spéciale, deuxièmement, qu"elle désigne un juge responsable de la gestion de l"instance, troisièmement, qu"elle établisse le calendrier de la conférence préparatoire, quatrièmement, qu"elle fixe les dates d"audience et, cinquièmement, qu"elle adjuge les dépens.

Les faits

[4]      L"une des requérantes, Merck & Co., Inc., détient le brevet 1 275 349 (le " brevet 349 "). Selon la preuve, son produit des ventes se chiffre à 26,9 milliards de dollars américains, auxquels s"ajoutent des quasi-espèces de 2,6 milliards de dollars américains. L"autre requérante, Merck Frosst Canada & Co. (ci-après Merck Frosst), est l"unique titulaire d"une licence concédée à l"égard du brevet 349. Les deux parties luttent depuis longtemps et avec ardeur pour protéger le brevet vis-à-vis de ceux qui, selon elles, le contrefont.

[5]      L"intimée est grossiste et distributeur de médicaments génériques. Elle ne semble pas posséder de nombreux éléments d"actif, puisqu"elle a récemment vendu ses installations de fabrication et de traitement de médicaments sises au 380, chemin Elgin Mills E., à Richmond Hill, à une filiale d"Apotex Inc., Novex Pharma. Elle loue actuellement des locaux dans un parc industriel des environs au 50, rue Mural, à Richmond Hill et elle a sous-traité à une autre société la fabrication et l"emballage de ses médicaments, comme le Nu-Enalapril.

[6]      En 1991, les requérantes ont intenté contre Apotex une action en contrefaçon du brevet 349 par suite de l"acquisition de maléate d"énalapril en vrac et de la fabrication, de l"utilisation et de la vente de comprimés d"Apo-Enalapril. Dans le dossier T-2408-91 de la Cour, le juge Mackay a tranché en faveur des requérantes en concluant à la contrefaçon des revendications 1 à 5 et 8 à 15 du brevet 349. Il a décerné une injonction permanente visant Apotex, ses dirigeants, ses administrateurs, ses préposés, ses mandataires, ses employés et d"autres personnes et enjoignant à ceux-ci de s"abstenir dès lors de toute contrefaçon du brevet 349. La Cour d"appel a confirmé la décision le 9 avril 1995 (A-742-94).

[7]      Aux fins des présentes, les requérantes allèguent que toutes les revendications du brevet sont valides. L"intimée offre l"avis de six experts dans une variété de domaines pertinents à l"appui de l"allégation selon laquelle la revendication 1 n"est pas valide. Les requérantes font valoir que les revendications visent l"énalapril, le maléate d"énalapril, le sodium d"énalapril et le maléate de sodium. L"intimée nie l"affirmation et offre à l"appui les avis d"experts, soit ceux de MM. McClelland, Olah et Csizmadia. Elle nie également que le médicament fabriqué par les requérantes et l"intimée sous les marques de commerce Vasotec et Nu-Enalapril, respectivement, contient du maléate d"énalapril.

[8]      Vasotec et Nu-Enelapril sont tous deux des inhibiteurs de l"enzyme de conversion de l"angiotensine et sont indiqués dans le traitement de l"hypertension artérielle et de l"insuffisance cardiaque. Au milieu des années 90, quatre antagonistes de récepteurs de l"angiotensine II / bloqueurs de récepteurs AT1 ont été lancés sur le marché, et malgré cette concurrence, le vice-président, Marketing, de Merck Frosst, M. Hébert, affirme que le chiffre d"affaires brut annuel de Merck Frosst afférent au Vasotec se chiffre à 180 millions de dollars. Un rapport d"IMS produit en réponse à un engagement par l"avocat des requérantes renferme des données censées représenter les ventes mensuelles de Vasotec et d"autres médicaments apparentés depuis le début des années 90.

[9]      Le médicament Nu-Enalapril est offert sur le marché depuis que Santé Canada a délivré à l"intimée un avis de conformité le 25 février 1999. Selon cet avis, le Nu-Enalapril est identique à l"Apo-Enalapril. Il figure actuellement dans les formulaires provinciaux des médicaments offerts en vente, sauf en Ontario et en Nouvelle-Écosse.

[10]      Les requérantes offrent le témoignage de M. Hébert selon lequel on peut estimer à 39 millions de dollars les ventes annuelles de Nu-Enalapril. M. Hébert fonde son avis sur des données sur les ventes que Merck Frosst aurait consignées de 1993 à 1997, lorsque l"Apo-Enalapril était offert sur le marché. Il affirme que les ventes de Nu-Enalapril ont infligé aux requérantes une perte de 51 millions de dollars au chapitre du produit des ventes. Les intimés invoquent l"avis de M. Rudson, un expert du secteur d"activité, selon lequel les ventes de Nu-Enalapril se chiffrent à 16,23 millions de dollars chaque année. M. Rudson estime que ces ventes ont infligé aux requérantes un manque à gagner de 1,24 ou de 3,2 millions de dollars, selon qu"on retient l"estimation du chiffre d"affaires de l"une ou l"autre des parties. Il tient compte d"une marge bénéficiaire de 6,29 %, soit la marge bénéficiaire moyenne des sociétés pharmaceutiques de 1968 à 1982 selon la commission d"enquête Eastman (1985). Si une marge bénéficiaire de 10 % était utilisée, il évalue que le manque à gagner serait de 1,98 ou de 5,1 millions de dollars, dépendant, encore une fois, de l"estimation du chiffre d"affaires, par l"une ou l"autre des parties, qui est retenue.


Le droit

Injonction provisoire

[11]      Les requérantes soutiennent que l"article 57 de la Loi sur les brevets , L.R.C. (1985), ch. P-4 et les règles 373 et 374 de la Cour autorisent cette dernière à accéder à leur demande et à décerner une injonction interlocutoire. L"intimée ne le conteste pas. Partant, la Cour reconnaît que l"article 57 de la Loi sur les brevets et sa règle 373 lui confèrent la compétence voulue pour connaître de la requête en injonction interlocutoire.

[12]      Les parties conviennent que le critère applicable pour déterminer s"il y a lieu de décerner une injonction interlocutoire est le critère à trois volets dégagé dans l"arrêt R.J.R. - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) , [1994], 1 R.C.S. 312. Suivant ce critère, la Cour doit déterminer, premièrement, s"il existe une question sérieuse à trancher, deuxièmement, si le requérant subirait un préjudice irréparable dans le cas où la requête serait rejetée et, troisièmement, si le préjudice que subirait le requérant en cas de refus du redressement serait plus grand que celui que subirait l"intimé si le redressement était accordé.

[13]      Les requérantes soutiennent que les trois éléments du critère sont liés les uns aux autres et ont une incidence les uns sur les autres. L"intimée ne se prononce pas à ce sujet. Néanmoins, la Cour juge la prétention fondée compte tenu de l"ouvrage du professeur Sharpe (telle était alors sa fonction) invoqué à l"appui et dont le juge Stone cite un extrait en l"approuvant dans l"arrêt Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 C.F. 451 (C.A.F.). La Cour convient donc qu"il faut tenir compte du fait que le requérant satisfait aisément à un élément du critère lorsque, par ailleurs, il satisfait plus difficilement à un autre.

Question sérieuse à trancher

[14]      La première étape que la Cour doit franchir pour déterminer s"il y a lieu de décerner une injonction interlocutoire consiste à s"assurer que l"action principale soulève une question sérieuse à trancher. Les requérantes font valoir que deux questions sérieuses ressortent de leur déclaration. La première, énoncée aux alinéas 1a ) et b) de la déclaration, porte sur l"allégation selon laquelle l"intimée Nu-Pharm et les défendeurs MM. Sherman et Benyak ont contrefait les revendications 1 à 5 et 8 à 15 du brevet 349 par l"acquisition et la vente de comprimés de maléate d"énalapril sous forme posologique.

[15]      La deuxième question, qui ressort également de l"alinéa 1b ), s"appuie sur l"allégation voulant que l"intimée Nu-Pharm et les défendeurs MM. Sherman et Benyak aient contrefait le brevet 349 malgré l"injonction permanente décernée par la Cour dans le dossier T-2408-91 et confirmée par la Cour d"appel dans le dossier A-724-94. Toutefois, le protonotaire Roza Aronovitch a récemment ordonné, le 16 novembre 1999, la radiation de cette dernière allégation de la déclaration. Comme l"avocat de l"intimée le signale à juste titre, la question ne peut donc pas être légitimement débattue devant notre Cour, car elle ne figure pas dans la déclaration modifiée. Malgré l"argumentation détaillée des deux avocats à ce sujet, la Cour ne se penchera pas sur la question.

[16]      En ce qui concerne la contrefaçon, l"intimée conteste la validité de la revendication 1 du brevet 349. Elle nie également que ses comprimés de Nu-Enalapril contrefont les revendications 2 à 7 du brevet. Elle prétend qu"un comprimé de Nu-Enalapril renferme, à titre d"ingrédients médicamenteux, du sodium d"énalapril et du maléate de sodium, que ces composés diffèrent de l"énalapril et du maléate d"énalapril et qu"ils ne sont pas visés par les revendications 2 à 7.

[17]      Les deux parties conviennent que le critère de la question sérieuse tire son origine des principes directeurs établis dans l"arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. , [1975] A.C. 396 et repris dans l"arrêt Turbo , précité. Le principe directeur fondamental dégagé dans American Cyanamid est que le tribunal ne doit pas s"engager dans un long examen de l"affaire au fond, mais s"en tenir à une évaluation préliminaire. Ainsi, les actes de procédure de l"action principale doivent être examinés en fonction de la preuve présentée à l"appui, et la Cour doit arriver à la conclusion que la requête n"est ni futile ni vexatoire.

[18]      Il est relativement facile de satisfaire à l"exigence d"une question sérieuse à trancher. L"intimée fait cependant valoir qu"il ne suffit pas d"établir l"existence d"une cause d"action pour satisfaire à l"exigence. Elle ajoute qu"une preuve forte doit étayer une conclusion selon laquelle les questions ne sont ni futiles ni vexatoires. Or, ces arguments sont peu convaincants. En exigeant davantage que la preuve d"une cause d"action, l"intimée va à l"encontre de la démarche préconisée dans l"arrêt R.J.R. - MacDonald (à la page 337) :

Une fois convaincu qu"une réclamation n"est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s"il est d"avis que le demandeur sera probablement débouté au procès.

De même, qualifier la preuve exigée de forte n"ajoute rien à la teneur des principes directeurs établis dans American Cyanamid et est donc inutile. Aucun des arrêts de jurisprudence cités par l"intimée ne justifie la modification de ces conclusions.

[19]      Les éléments de preuve présentés par l"intimée concernant la validité de la revendication 1 du brevet 349 comprennent les avis de six experts indépendants et tendent à montrer que les revendications du brevet 349 ne sont pas valides. Les requérantes font ressortir les lacunes de certains de ces avis, entre autres que les essais effectués par M. Danilov ne sont pas fiables ou n"appuient pas les allégations de l"intimée selon lesquelles la portée de la revendication 1 est trop étendue. Elles invoquent également le jugement du juge Mackay en date du 22 décembre 1994 (dossier T-2408-91) et l"arrêt de la Cour d"appel daté du 6 mars 1996 (dossier A-724-94) suivant lesquels les revendications 1 à 5 et 8 à 15 du brevet 349 de l"intimée ont été contrefaits par l"Apo-Enalapril d"Apotex. L"avocat soutient par ailleurs qu"on ne peut contrefaire un brevet invalide. Bien qu"aucun fondement ne soit invoqué à l"appui de cette dernière affirmation, la Cour remarque que le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit :

43.(2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.
43.(2) After the patent is issued, it shall, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the patentee and the legal representatives of the patentee for the term mentioned in section 44 or 45, whichever is applicable.

[20]      Le principal élément de preuve offert par l"intimée quant à savoir si le Nu-Enalapril contrefait le brevet 349 correspond à l"avis de M. McClelland, un expert dans le domaine. Ce dernier estime que le Nu-Enalapril ne contient pas de maléate d"énalapril comme ingrédient actif, mais bien du sodium d"énalapril et du maléate de sodium, de sorte qu"il n"est pas visé par les revendications 2 à 7 du brevet 349. Or, de nombreux éléments de preuve permettent de conclure que le Nu-Enalapril renferme en fait du maléate d"énalapril. Les requérantes ont produit des photographies des contenants de comprimés de Nu-Enalapril dont l"étiquette précise que le médicament renferme du maléate d"énalapril. Elles ont également mis en preuve les monographies de produits correspondant au Nu-Enalapril et à l"Apo-Enalapril, ainsi qu"un avis de conformité daté du 25 février 1999, et tous ces éléments établissent que les comprimés de Nu-Enalapril contiennent du maléate d"énalapril.

[21]      Seuls un long examen et une analyse des éléments les plus subtils de la preuve permettront de trancher la question de la validité du brevet et celle de sa contrefaçon, mais les requérantes font valoir à juste titre qu"il n"est pas opportun, à ce stade, d"instruire l"affaire au fond pour statuer sur la validité des différentes revendications du brevet 349. Quant à savoir si le Nu-Enalapril contrefait ces revendications, il ressort de la preuve que tel est vraisemblablement le cas. Dans American Cyanamid , lord Diplock a cependant dit ce qui suit :

[traduction] La cour n"a pas, en cet état de la cause, à essayer de résoudre les contradictions de la preuve soumise par affidavit, quant aux faits sur lesquels les réclamations de chaque partie peuvent ultimement reposer, ni à trancher les épineuses questions de droit qui nécessitent des plaidoiries plus poussées et un examen plus approfondi.

[22]      La Cour d"appel a cité cet extrait en l"approuvant dans l"arrêt Turbo , de sorte que la Cour juge inapproprié de résoudre à ce stade les multiples contradictions de la preuve. Elle refuse également de trancher les questions de droit complexes relatives à la validité et à la contrefaçon des revendications du brevet 349. Il ressort toutefois d"une évaluation préliminaire qu"il y a des chances que les revendications en cause soient valides et qu"elles aient été contrefaites. Partant, l"allégation de contrefaçon formulée contre l"intimée n"est pas futile. Il s"agit d"une question sérieuse à trancher.

Préjudice irréparable

[23]      Les requérantes soutiennent qu"elles subiront un préjudice irréparable sous un certain nombre de rapports si une injonction interlocutoire n"est pas accordée. La Cour suprême s"est prononcée brièvement sur la question du préjudice irréparable dans l"arrêt R.J.R. - MacDonald , précité, à la page 341 :

Le terme " irréparable " a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu"à son étendue. C"est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire [...]. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry (1988), 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu"une activité contestée n"est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin , [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.-B.)).

Des décisions de la Cour donnent d"autres exemples de préjudice irréparable, mais il n"en sera question que s"ils sont pertinents en l"espèce.

[24]      La première prétention des requérantes à ce chapitre se fonde sur l"allégation que l"intimée désobéira à une injonction permanente visant Apotex si elle fabrique et vend le Nu-Enalapril. Dans l"arrêt Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. , [1996] 3 C.F. 40 (C.A.F.), la Cour d"appel a conclu que le non-respect d"une injonction ne confère pas une cause d"action. Les requérantes invoquent présumément cet arrêt pour établir que, ne pouvant donner lieu à l"adjudication de dommages-intérêts, le non-respect ne peut nécessairement pas être évalué financièrement. La Cour fait cependant remarquer qu"un tel non-respect est susceptible d"évaluation aux fins de dommages-intérêts exemplaires lorsqu"il est invoqué de pair avec d"autres actes conférant un droit d"action. Il ne peut donc s"agir, prima facie , d"un préjudice irréparable.

[25]      Les requérantes font en outre valoir qu"elles pourraient ne pas toucher d"éventuels dommages-intérêts, car Nu-Pharm n"est qu"un grossiste et distributeur doté de 17 employés, son chiffre d"affaires annuel n"est que de 16 millions de dollars et ses éléments d"actif, depuis la vente récente de son terrain et de ses installations de fabrication, seraient insuffisants pour exécuter un jugement ordonnant le versement de dommages-intérêts ou la restitution des profits. Partant, elles prétendent que les dommages-intérêts susceptibles de lui être adjugés ne seraient jamais versés, de sorte que le préjudice est irréparable. Elles ont également produit un élément de preuve établissant que, à la fin du mois de décembre 1999, les ventes de Nu-Enalapril se chiffreront à 39 millions de dollars et qu"il en résultera un manque à gagner de 51 millions de dollars imputable à l"intimée. Cependant, à l"audience, au vu des données du rapport d"IMS, l"avocat des requérantes a réduit le manque à gagner à seulement un million de dollars par mois.

[26]      L"intimée rétorque que les requérantes essuieront, d"ici à la fin de 1999, une perte d"au plus 16,23 millions de dollars au chapitre des ventes nettes, ce qui leur infligera un manque à gagner maximal de 1,98 million de dollars seulement. Elle présente des éléments attestant sa capacité de verser des dommages-intérêts correspondants.

[27]      La possibilité qu"une partie puisse exécuter un éventuel jugement est pertinente quant à la question de savoir si elle subira un préjudice irréparable. La Cour suprême du Canada a dit ce qui suit à ce sujet dans l"arrêt R.J.R. - MacDonald , précité (à la page 341) :

C"est un préjudice [...] auquel il ne peut être remédié, en général parce qu"une partie ne peut être dédommagée par l"autre [...] Le fait qu"une partie soit impécunieuse n"entraîne pas automatiquement l"acceptation de la requête de l"autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt , [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

[28]      Selon les requérantes, il incombe à l"intimée de prouver qu"elle serait en mesure de verser les dommages-intérêts auxquels elle pourrait être condamnée. En ce qui concerne les trois décisions de la Cour invoquées par les requérantes, la Cour suprême du Canada a cependant dit clairement, dans R.J.R. - MacDonald , précité, que le fardeau de la preuve appartient à la partie qui demande l"injonction (à la page 348) :

À la deuxième étape, le requérant doit convaincre la cour qu"il subira un préjudice irréparable en cas de refus du redressement.

[29]      Les requérantes réclamaient initialement 51 millions de dollars à titre de dommages-intérêts, mais elles ont sagement abaissé ce montant spéculatif à un million de dollars pour chacun des mois au cours desquels le Nu-Enalapril est vendu. Il est toutefois clair qu"on ne peut évaluer avec certitude le préjudice à un million de dollars à partir du rapport d"IMS. Force est donc de considérer ce chiffre, lui aussi, comme une simple conjecture. L"affirmation de l"intimée voulant qu"elle réalise un chiffre d"affaires net de 16,23 millions de dollars est également douteuse, étant donné qu"elle pourrait se fonder sur les ventes attribuables seulement à l"inscription à certains formulaires provinciaux au cours des premiers mois. On ne peut se fier non plus à l"évaluation selon laquelle les profit s"élèveraient à 1,98 million de dollars, étant donné qu"elle s"appuie sur des données de la commission d"enquête Eastman datant de 1985. Ces lacunes ne sont toutefois pas fatales. Des éléments de preuve établissent que l"intimée est en mesure de verser des dommages-intérêts jusqu"à concurrence d"un certain montant, et aucun élément de preuve n"établit clairement que les dommages-intérêts auxquels elle pourrait être condamnée seraient supérieurs à un tel montant.

[30]      Les requérantes soutiennent que la vente de Nu-Enalapril aura un effet dévastateur sur les ventes du Vasotec et portera atteinte aux droits que leur confère le brevet 349. À titre complémentaire, elles invoquent les motifs du juge Strayer dans Corning Glass Works c. Canada Wire & Cable Ltd. (T-1944-81, 20 juillet 1984) (C.F. 1re inst.). Or, avant de rendre sa décision, le juge Strayer avait conclu au préalable qu"il y avait eu contrefaçon du brevet. En l"espèce, la Cour n"a pas conclu que l"intimée a contrefait le brevet 349. De plus, elle est liée par les propos suivants du juge Marceau dans Apotex Inc. et al. c. Wellcome Foundation Ltd. et al. (A-294-98, A-295-98, A-310-98, 24 juillet 1998) (C.A.F.) :

La preuve n"appuie pas l"argument que les intimés subiraient un autre dommage significatif autre que le manque à gagner dont les appelantes ont été victimes, et qu"un tel dommage pourrait être réparé intégralement par le paiement d"une somme équivalant aux recettes des ventes qu"elles auraient réalisées n"eût été le sursis. Je ne vois pas comment le monopole que confère la propriété d"un brevet pourrait être considéré comme ayant une valeur indépendante des profits qui peuvent être tirés de la commercialisation de l"invention brevetée.

La prétention doit donc être rejetée.

[31]      En ce qui concerne l"effet dévastateur sur les ventes du Vasotec, ce préjudice devrait normalement être susceptible d"évaluation et n"est donc pas irréparable. Les requérantes font cependant valoir que le marché actuel de l"énalapril est en constante mutation, de sorte que le préjudice infligé par la vente de Nu-Enalapril ne peut être évalué de façon raisonnablement précise. Cette fluctuation du marché décrite par le vice-président, Marketing, de Merck Frosst, M. Hébert, se compare difficilement à celle qui, selon le juge Reed, caractérisait le marché des additifs d"huile à moteur dans l"affaire Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (T-577-87, 12 janvier 1989) (C.F. 1re inst.). En règle générale, il ressort de la preuve que le marché du maléate d"énalapril est relativement stable, malgré la présence de neuf autres inhibiteurs de l"enzyme de conversion de l"angiotensine et le lancement de quatre antagonistes de récepteurs de l"angiotensine II / bloqueurs de récepteurs AT1 au cours des cinq dernières années.


[32]      L"affaire Lubrizol Corp. se distingue en outre de la présente espèce en ce que le juge Reed a conclu que le préjudice était irréparable parce que difficile à évaluer. Toutefois, depuis la publication du jugement, il a été établi clairement que la seule difficulté d"évaluer le préjudice ne suffisait pas à le rendre irréparable. Dans Merck & Co. , précité, le juge Mackay dit ce qui suit :

Je ne suis pas convaincu que, compte tenu des circonstances de l"espèce, les demanderesses subiront un préjudice irréparable d"ici l"instruction de l"affaire, c"est-à-dire, un préjudice que des dommages-intérêts ne suffiraient pas à compenser. Bien qu"il ne soit pas nécessairement facile d"évaluer tous les éléments d"une indemnité, la simple difficulté de calculer précisément les dommages-intérêts ne constitue pas un préjudice que des dommages-intérêts ne suffisent pas à compenser; il suffit qu"il existe une manière raisonnablement précise de les évaluer.

[33]      La présente affaire illustre le principe énoncé à maintes reprises par la Cour d"appel et selon lequel la preuve du caractère irréparable du préjudice en question doit être claire et ne pas tenir de la simple conjecture : Imperial Chemicals Industries PLC c. Apotex Inc. , [1990] 1 C.F. 221 (C.A.F.). De même, l"allégation que les ventes de Nu-Enalapril diminueront dans une mesure difficile à prévoir les profits réalisés par Merck Frosst grâce au Vasotec doit être écartée pour des raisons apparentées.

[34]      Les requérantes soutiennent que l"atteinte à leur réputation leur infligera un préjudice irréparable si la vente de Nu-Enalapril se poursuit malgré la contrefaçon du brevet 349. Pour prouver le préjudice qui en résultera, elles invoquent le témoignage de M. Hébert selon lequel les autres sociétés pharmaceutiques tireront avantage de tout fléchissement des ventes de Vasotec pour mousser la vente de leurs propres marques. M. Hébert ajoute que les ventes de Nu-Enalapril nuiront à la cote d"estime des requérantes auprès des différentes autorités responsables de l"inscription aux formulaires provinciaux. Il cite à l"appui l"atteinte à la réputation des requérantes ayant résulté des efforts déployés par celles-ci pour faire radier l"Apo-Enalapril des formulaires provinciaux plus tôt au cours des années 90.

[35]      La Cour reconnaît que, dans certains cas, le préjudice infligé à la cote d"estime peut permettre de conclure à l"existence d"un préjudice irréparable : Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de hockey (A-696-93, 24 janvier 1994) (C.A.F.) et Allergan Pharmaceuticals Inc. et al. c. Bausch & Lomb Inc. et al. (T-1626-85, 8 novembre 1985) (C.F. 1re inst.). Derechef, il y a absence d"éléments de preuve établissant en l"espèce le risque de perdre la clientèle constituée des autorités publiques. Comme l"a dit le juge Heald, J.C.A., dans Centre Ice Ltd. , précité :

La perte d"achalandage et le préjudice irréparable qui en découle ne peuvent être inférés ; ils doivent être établis par des " éléments de preuve clairs ".

Les allégations de M. Hébert sont à la fois sérieuses et étonnantes et on s"attendrait à ce qu"elles soient étayées.

[36]      Quant à la perte possible de clients en raison des efforts promotionnels accrus des autres sociétés pharmaceutiques, elle serait en grande partie imputable à la décision délibérée de Merck Frosst de réduire la promotion du médicament, soit essentiellement de permettre l"étiolement des ventes de Vasotec.



Et ce, malgré le fait que les requérantes disposent d"au moins 2,6 milliards de dollars en espèces et en quasi-espèces. Par conséquent, la perte ne pourrait être imputée aux actes de l"intimée.

[37]      Les requérantes prétendent qu"une indemnité pécuniaire ne remédierait pas adéquatement à la perte de leur part de marché de 51 millions de dollars qui découlera de la vente de Nu-Enalapril. Non seulement l"intimée conteste ce montant, mais elle affirme ne pas être responsable de la perte subie par les requérantes. Subsidiairement, elle avance que toute perte subie quant à la part de marché détenue peut facilement être évaluée quelle que soit son importance et qu"il ne peut donc s"agir d"un préjudice irréparable.

[38]      Il ne fait aucun doute, suivant l"arrêt R.J.R. - MacDonald , précité, que seule la perte à jamais de la part de marché peut constituer un préjudice irréparable. Bien que, dans Lubrizol Corp., le juge Reed ait conclu à l"existence d"un préjudice irréparable sur la base de la perte d"une part de marché substantielle, cette conclusion a été tirée dans le contexte d"un marché très fluctuant. Or, la Cour l"a signalé, le marché actuel du maléate d"énalapril ne connaît pas une telle fluctuation. Les conclusions tirées dans cette dernière affaire n"étayent donc pas l"existence d"un préjudice irréparable en l"espèce. Aucune allégation de perte permanente d"une part de marché substantielle n"ayant été formulée, la prétention doit être rejetée.

[39]      En outre, le montant de 51 millions de dollars a déjà été jugé douteux car il se fonde sur des données inconnues concernant les ventes d"Apo-Enalapril depuis le milieu des années 90. Pour reprendre les propos de l"avocat de l"intimée, il ne suffit pas d"alléguer un manque à gagner de 51 millions de dollars pour qu"il y en ait un. Les données d"IMS ne sont pas non plus concluantes à cet égard. Pour sa part, l"intimée offre le témoignage de deux personnes qui sont apparemment indépendantes et qui, surtout, approfondissent davantage la question de la perte possible de la part de marché. Leurs avis mettent en évidence le caractère conjectural de la preuve des requérantes.

[40]      Les requérantes font valoir que l"absence d"honnêteté, de collaboration, de candeur et de fiabilité manifestée par l"intimée en mettant en marché le Nu-Enalapril suffit à établir le préjudice irréparable. Elles affirment que les allégations foisonnent concernant la falsification de registres et la destruction de documents par l"intimée et elles ajoutent que cette dernière s"est livrée à toute sorte de pratiques trompeuses et malhonnêtes. Cette prétention n"ébranle toutefois pas la Cour.

[41]      Les requérantes espèrent avoir gain de cause contre l"intimée sur la base d"allégations non étayées. Il est à tout le moins décevant que l"avocat des requérantes ait pu penser que la Cour s"engagerait dans une telle voie. La décision du juge Noël dans Technologie Micro-Contrôle c. Technologie Labtronix Inc. et al. (T-1805-96, 5 septembre 1996) (C.F. 1re inst.) ne justifie aucunement les allégations de l"avocat étant donné l"absence de preuve, en l"espèce, que l"intimée est liée au crime organisé. Les autres allégations des requérantes, sauf une, ne sont pas non plus corroborées par un témoin indépendant et digne de foi, ni ne tendent à établir la mauvaise foi de l"intimée. Vu ces conclusions, et malgré la vigueur modérée de l"allégation de contrefaçon, la Cour rejette également l"argument selon lequel le comportement de l"intimée, dans les circonstances, constitue une invitation permanente, pour les tiers, à empiéter sur le territoire des requérantes.

[42]      La Cour est convaincue que les requérantes ne subiront aucun préjudice irréparable. Elle arrive à cette conclusion malgré les arguments fort valables avancés par les requérantes à l"appui de la contrefaçon de leur brevet. Elle doit cependant reconnaître qu"elle a des doutes concernant la capacité de l"intimée à verser les dommages-intérêts auxquels elle pourrait être condamnée. C"est pourquoi elle doit tenir compte de la prépondérance des inconvénients pour tirer une conclusion; l"arrêt Turbo , précité, s"applique.

Prépondérance des inconvénients

[43]      Les requérantes soutiennent que leur argumentation est à ce point supérieure à celle de l"intimée que la prépondérance des inconvénients joue en leur faveur. Au nombre des autres facteurs quelles jugent pertinents aux fins de la prépondérance des inconvénients mentionnons le fait, premièrement, qu"elles ont consacré énormément de temps et d"argent à la mise au point du maléate d"énalapril sous forme de médicament, deuxièmement, que l"intimée savait que la mise en marché du Nu-Enalapril pouvait emporter la contrefaçon du brevet 349, troisièmement, que le refus de décerner une injonction s"apparenterait à l"octroi, à l"intimée, d"une licence obligatoire et, quatrièmement, que laisser une société pharmaceutique faire fi du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , DORS/93-133 ou désobéir à une injonction serait contraire à l"intérêt public. La seule prétention de l"intimée que la Cour doit retenir est qu"une injonction lui infligerait une perte et un dérangement bien plus grands que ceux que le refus du redressement infligerait aux requérantes.

[44]      Aucune des parties ne conteste que les principes généraux applicables à l"établissement de la prépondérance des inconvénients sont énoncés dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTD) Ltd. , [1987] 1 R.C.S. 110 et ressortent des facteurs énumérés par le juge Stone, J.C.A. dans l"arrêt Turbo , précité, aux pages 473 et 474. Il n"y a pas lieu de les répéter.

[45]      Bien que la preuve de la contrefaçon soit convaincante, elle ne l"est pas suffisamment pour que la prépondérance des inconvénients favorise les requérantes ou pour établir que le refus de décerner l"injonction équivaudra dans les faits à accorder à l"intimée une licence obligatoire lui permettant de produire le maléate d"énalapril. En ce qui concerne l"intérêt public, les éléments de preuve présentés ne montrent pas que l"intimée a fait fi de la loi ou a agi de manière particulièrement outrageuse. Enfin, l"intimée a consacré des sommes appréciables à la mise en marché du Nu-Enalapril et on ne peut affirmer qu"elle subira des inconvénients moindres simplement parce qu"elle a engagé des sommes bien inférieures à celles affectées par les requérantes à la mise en marché du Vasotec.

[46]      Le dérangement que connaîtra l"intimée si elle est contrainte à mettre fin à la fabrication et à la vente de ses comprimés de Nu-Enalapril l"emporte de loin sur les inconvénients que subiront les requérantes si le médicament en cause demeure sur le marché jusqu"au règlement définitif de l"action principale. La preuve révèle que le Nu-Enalapril sera radié des formulaires provinciaux et que, si l"intimée a gain de cause au fond, le médicament sera de nouveau inscrit sur ces listes, mais seulement au prix de longs délais et d"efforts considérables. Les deux parties reconnaissent également que les ventes de Nu-Enalapril représentent une partie importante des profits de l"intimée qui serait perdue si l"injonction était accordée. Les requérantes n"ont pas présenté d"éléments de preuve clairs du préjudice irréparable qu"elles subiraient. Elles n"ont pas non plus établi que la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l"octroi d"une injonction interlocutoire. La Cour est donc convaincue qu"il n"y a pas lieu de décerner une injonction même si les requérantes ont produit des éléments de preuve concernant l"existence d"une question sérieuse à trancher et ont avancé des arguments solides à l"appui de la contrefaçon de leur brevet.

Autres redressements

[47]      Les requérantes ont formulé de brèves observations, par écrit et de vive voix, à l"appui de leur demande de comptabilisation de l"énalapril que l"intimée a en sa possession. Elles demandent également à la Cour d"ordonner à l"intimée de leur remettre un relevé de tous les profits afférents à l"énalapril et au maléate d"énalapril. Elles ont également formulé de brèves observations concernant le dépôt, par l"intimée, au greffe de la Cour, soit d"un cautionnement de garantie initial de 51 millions de dollars, puis de sommes mensuelles, soit de versements mensuels correspondant à 10 % des ventes de Nu-Enalapril par l"intimée. Cette dernière s"est abstenue de toute observation à cet égard.

[48]      Comme je le signale précédemment, il n"est pas clair que l"intimée sera en mesure de verser des dommages-intérêts supérieurs à 1,98 million de dollars. Aucune des parties n"étant disposée à présenter des éléments de preuve solides quant à savoir ce qui pourrait advenir si des dommages-intérêts étaient adjugés, contraindre l"intimée à déposer chaque mois au greffe de la Cour 10 % de son chiffre d"affaires est la mesure la plus juste en l"espèce. Pour l"heure, il est impossible de déterminer si ce montant suffira pour payer d"éventuels dommages-intérêts. Il s"agit cependant d"un montant raisonnable. Les deux parties ont intérêt à ce que l"instruction de l"action débute le plus tôt possible.

[49]      Les requérantes ont présenté des observations afin que l"action principale soit considérée comme une instance à gestion spéciale suivant la règle 384 et pour que les dates d"audience soient fixées. Le premier redressement est accordé, et le second est renvoyé au juge en chef adjoint, qui tranchera.

Conclusion

[50]      Les requérantes n"ayant pas clairement établi qu"elles subiront un préjudice irréparable ni que la prépondérance des inconvénients joue en leur faveur, la Cour ne décerne aucune injonction interlocutoire. Cette partie de la requête est donc rejetée. Il est loisible aux parties de présenter des observations à la Cour concernant la nature exacte des versements mensuels et la comptabilisation qui s"imposera.

[51]      Les dépens afférents à la requête suivront l"issue de la cause. La Cour enjoint aux avocats des intimés (défendeurs) de soumettre à l"approbation de l"avocat des requérantes (demanderesses) un projet d"ordonnance conforme aux présents motifs. Si, trois semaines après le dépôt des présents motifs, les intimés n"ont pas établi le projet d"ordonnance, ils devront verser 1 500 $ à titre de dépens aux requérantes, l"avocat de celles-ci devant alors rédiger un projet d"ordonnance dans un délai de trois semaines, faute de quoi, les dépens versés (le cas échéant) seront remboursés, puis les parties devront présenter une requête conjointe d"ordonnance, sans dépens.



                             F.C. Muldoon
                             Juge

Ottawa (Ontario)

21 janvier 2000



Traduction certifiée conforme


Claire Vallée, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :              T-753-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MERCK & CO., INC. ET AL. c. NU-PHARM INC. ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          4 ET 5 NOVEMBRE 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE MULDOON en date du 21 janvier 2000.

ONT COMPARU

Me CHARLES E. BEALL                  POUR LA DEMANDERESSE
Me H.B. RADOMSKY                  POUR NU-PHARM INC.

Me ANDREW BRODKIN

Me DANIELA BASSAN

Me IVOR HUGHES

Me ERIC LAY                          POUR RICHARD BENYAK
PERSONNE N"A COMPARU :                  POUR BERNARD SHERMAN

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING, STRATHY & HENDERSON              POUR LA DEMANDERESSE

OTTAWA (ONTARIO)

GOODMAN, PHILIPS & VINEBERG              POUR NU-PHARM INC.

TORONTO (ONTARIO)

LENCZNER SLAGHT ROYCE SMITH GRIFFIN          POUR RICHARD BENYAK

TORONTO (ONTARIO)

TEPLITSKY, COLSON                      POUR BERNARD SHERMAN

TORONTO (ONTARIO)

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