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Date : 20040720

Dossier : T-946-03

Référence : 2004 CF 970

ENTRE :                                                                                                        

                           TANYA ESTWICK ET AMANDA QUINTILIO

                                                                                                                  demanderesses

                                                              - et -

                     SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA

                          représentée par LE CONSEIL DU TRÉSOR

                                                                                                                      défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX:

LES FAITS:

[1]                Le 8 mai 2003, les demanderesses ont déposé un grief conjoint relativement à leur congédiement. Elles travaillaient comme animatrices pour le programme de réhabilitation pour les délinquants sexuels offert par l'établissement de Grande Cache (ÉGC), un pénitencier fédéral relevant du Service correctionnel du Canada (SCC). Le jour même, Linnea Breden, directrice, Ressources humaines à l'ÉGC, leur a répondu que l'ÉGC ne pourrait pas traiter leur grief. Elle a déclaré ce qui suit :


[traduction]

Vos services ont été rendus suivant un contrat de travail personnel qui prendra fin le 9 mai 2003. Comme je l'ai déjà expliqué, vous ntes pas considérée comme employée du Service correctionnel du Canada selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.Vous ntes pas membre d'une unitéde négociation collective, par conséquent la procédure de griefs ne peut pas être appliquée. [Non souligné dans l'original.]

[2]                Les demanderesses demandent le contrôle judiciaire de la décision de Mme Breden. Elles se prétendent employées de la fonction publique et, par conséquent, elles affirment pouvoir se prévaloir des droits et de la procédure de griefs prévus dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), en particulier les articles 91 et 92. Les demanderesses cherchent à obtenir l'annulation de la décision de Mme Brenden par laquelle cette dernière a rejeté le grief des demanderesses.

[3]                La présente demande porte sur deux questions. La première est une question préliminaire soulevée par l'avocat de la défenderesse. Il s'agit de savoir si la Cour est compétente et, dans l'affirmative, si elle doit refuser d'exercer sa compétence parce que la LRTFP prévoit une procédure interne de griefs pour le règlement de différends, procédure devant être suivie avant qu'une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée. La deuxième question est une question de fond soulevée par les demanderesses, soit celle de savoir si elles sont des employées de la fonction publique pouvant se prévaloir de la procédure de griefs.


[4]                À première vue, la position de la défenderesse semble paradoxale. Elle fait valoir d'une part que les demanderesses doivent suivre la procédure interne de grief, y compris le dernier palier et, d'autre part, qu'elles ne sont pas des employées de la fonction publique, condition préalable à la procédure de griefs prévue dans la LRTFP. Comme nous le verrons, ce n'est pas le cas.

[5]                 L'affidavit de Tanya Estwick résume brièvement les faits substantiels concernant l'historique de l'embauche et de l'emploi des deux demanderesses à lGC, qui est à peu près identique.

[6]                Mme Estwick a répondu à une offre d'emploi publiée dans le Grande Cache Mountaineer pour un poste d'animateur pour le programme des délinquants sexuels à l'ÉGC. Elle a été reçue en entrevue plus tard au cours du mois par un comité de trois membres qui travaillaient tous à l'ÉGC. Elle a réussi et elle a été embauchée sur une base contractuelle.

[7]                La durée de son premier contrat était de trois mois - du 1er janvier 2001 au 31 mars 2001. Elle affirme qu'elle était supervisée par le chef du service de psychologie de l'ÉGC et que lorsque le contrat de trois mois est arrivé à échéance, il lui a dit de continuer à travailler jusqu'à ce qu'un nouveau contrat soit rédigé.

[8]                Le premier contrat et les suivants contenaient une clause stipulant que Mme Estwick n'était pas engagée comme employée mais plutôt comme entrepreneure indépendante, à la seule fin de fournir un service.


[9]                Son deuxième contrat était en vigueur entre le 1er juillet 2001 et le 2 juillet 2002 et son troisième contrat entre le 2 juillet 2002 et le 1er juillet 2003.

[10]            Le contrat prévoit qu'elle est payée selon un taux horaire pour les services rendus, jusqu'à concurrence de montants mensuels et annuels maximums. Il ne comporte aucune disposition en matière d'avantages, de congés de maladie, de vacances et de congés fériés. La demanderesse présentait une facture deux fois par mois. Elle était payée au même taux que les autres agents d'exécution de programme, qui étaient des employés nommés pour une période indéterminée.

[11]            Le contrat 2002-2003 qui lui a été présenté par l'ÉGC était différent en ce qu'il stipulait que la TPS devrait être incluse dans ses factures. Les demanderesses ont demandé des numéros de TPS en juillet 2002, mais Brenda Woo de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) les a informées que leur demande de numéro de TPS et leur contrat feraient l'objet d'une enquête de l'ADRC.


[12]            Le 4 décembre 2002, Mme Woo a avisé Mme Estwick que l'ADRC avait conclu à l'existence d'un contrat de travail entre l'ÉGC et Mme Estwick et que cette dernière était réputée être une employée visée par un contrat de travail et non par un contrat d'entreprise. L'ADRC a conclu qu'elle avait été une employée du 1er janvier 2001 au 3 décembre 2002 et que l'ÉGC aurait dû effectuer des retenues sur son salaire au titre de l'assurance-emploi (AE) et du Régime des pensions du Canada (RPC). Il a donné instruction à l'ÉGC de fournir à Mme Estwick un feuillet T4. Personne n'a, dans le délai prescrit de quatre-vingt-dix (90) jours, interjeté appel de la décision de l'ADRC.

[13]            Au cours d'une réunion tenue le 4 février 2003 où les demanderesses et les représentants de l'ÉGC étaient présents, un vérificateur de l'ADRC a avisé les demanderesses qu'elles ne faisaient pas partie du personnel contractuel mais, en fait, qu'elles étaient des employées du gouvernement fédéral du Canada, et ce depuis 2001. Il a donné aux demanderesses des feuillets T4 et a affirmé que leur contrat d'entreprise était nul. Il leur a aussi mentionné que leur numéro de TPS était annulé.

[14]            Dans son affidavit, Mme Estwick affirme que l'ÉGC a ignoré la décision de l'ADRC et a mis fin à son emploi. Elle renvoie à une lettre datée du 7 avril 2003 du directeur de l'ÉGC qui porte sur la décision de l'ADRC. Voici le texte des trois derniers paragraphes de cette lettre :

[traduction]    

La décision de l'ADRC établit que vous êtes et demeurez « une employée liée par un contrat de travail » . Elle n'a pas exigé votre nomination conformément à laLoi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP). Elle a affirmé que nous devons traiter votre rémunération comme celle d'un employé et verser les montants prescrits par le Régime des pensions du Canada et la Loi sur l'assurance-emploi.

Pour être considérécomme « employé » de la fonction publique fédérale, un individu doit être nomméen vertu de la LEFP. Dans votre cas cela ne s'est pas produit et ne se produira pas. Nous continuerons à vous payer selon les termes du contrat et nous verserons en votre nom à l'ADRC les cotisations relatives au RPC et à l'AE.

Àla fin du programme actuel de réhabilitation pour les délinquants sexuels dont vous vous occupez, ltablissement de Grande Cache ne fera plus appel à vos services. Nous apprécions les services rendus au cours des dernières années. [Non souligné dans l'original.]


[15]            Le 30 avril 2003, on a avisé Tanya Estwick que son contrat prendrait fin le 9 mai 2003.       

ANALYSE

La question préliminaire

[16]            À mon avis, il faut donner raison à la défenderesse sur la question préliminaire, selon laquelle le régime législatif de la LRTFP empêche, à ce stade, une demande de contrôle judiciaire.

[17]            Les demanderesses doivent observer la procédure de griefs établie par la LRTFP et, s'il y a lieu, le processus arbitral qui y est prévu.

[18]            Il est possible de demander le contrôle judiciaire d'une décision concernant un grief rendue sous le régime de l'article 91 de la LRTFP ou d'une décision arbitrale rendue sous le régime de l'article 92, selon le cas.

[19]            Cette conclusion découle de plusieurs décisions de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale, dont les suivantes :

(1)       Johnson-Paquette c. Canada, [1998] A.C.F. no 1741 (1re inst.) et [2000] A.C.F. no 441 (C.A.);


(2)       Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), 2001 A.C.F. 568 (1re inst.) et (2003), 293 N.R. 325;

(3)       Vaughan c. Canada, 2003 CAF 76.

[20]            Toutes ces décisions se fondent sur les arrêts de la Cour suprême du Canada rendus dans l'affaire Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S 929, où la convention collective prévoyait un mode complet de règlement de différends, et dans l'affaire Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, qui ne portait pas sur une convention collective, comme le souligne le juge Evans dans Vaughan, précitée, mais sur un régime législatif de réparation comme celui prévu par la LRTFP. Le juge Evans a déclaré au paragraphe 97 :

97.          Troisièmement, dans l'arrêt Regina Police Assn., la Cour a appliqué le principe énoncé dans l'arrêt Weber à un litige qui n'était pas fondésur une convention collective et où le mécanisme exclusif de règlement n'était pas le recours à un arbitre. Il s'ensuit qu'un régime, en ce qui concerne les litiges relatifs à un emploi, peut constituer un régime de réparation exclusif pour l'application de l'arrêt Weber, même si le litige ne découle pas d'une convention collective et même s'il n'est pas réglé par arbitrage. Le principe énoncé dans l'arrêt Weber peut donc s'appliquer à un régime qui ne comporte pas l'élément consensuel tel que ceux qui ont été examinés dans l'arrêt de principe St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd. c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704, ainsi que dans l'arrêt Weber lui-même.

[21]            Est également pertinent, comme l'a indiqué le juge Noël dans la décision Johnson-Paquette, précitée, l'arrêt de la Cour suprême du Canada Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298, qui concerne le mécanisme législatif prévu par la LRTFP.

[22]            Toutes ces décisions concluent à l'existence d'une obligation de respecter le régime législatif de réparation prévu avant de déposer une demande de contrôle judiciaire ou, dans certains cas, d'intenter une action.

[23]            Dans Johnson-Paquette, précitée, la plaignante avait intenté une action en responsabilité civile délictuelle alléguant harcèlement sexuel par un collègue de la fonction publique du Canada. Avant de produire son action, elle avait mené deux de ses quatre griefs au dernier palier. La juge Tremblay-Lamer a rejeté l'action parce que la plaignante pouvait se prévaloir d'un mode de règlement de différends. Le juge Nöel de la Cour d'appel fédérale a maintenu le jugement et a affirmé ce qui suit au paragraphe 10 de ses motifs :    

10.           L'intention du législateur d'exclure l'intervention des tribunaux dans les litiges en matière de relations de travail peut donc être formulée expressément ou ressortir implicitement. Lorsque, comme c'est le cas pour la LRTFP, le législateur a, au moyen d'une loi, adopté ce qui se veut manifestement un code complet applicable à la résolution des litiges en matière de relations de travail dans un secteur donné d'activité et a rendu l'issue des recours prévus dans la loi finale et obligatoire pour les personnes concernées, le fait de permettre le recours aux tribunaux ordinaires auxquels ces tâches n'ont pas été attribuées porterait atteinte au régime législatif. Pour donner effet à ces régimes, il faut considérer que le législateur a exclu le recours aux tribunaux ordinaires.


[24]            La décision Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Conseil du Trésor), précitée, porte sur une demande de contrôle judiciaire présentée par l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) au sujet de la décision du Commissaire de la Commission canadienne des grains de placer 69 employés nommés pour une période indéterminée en situation d'inactivité sans salaire pendant trois mois. L'AFPC était l'agent négociateur de ces employés de la fonction publique fédérale. Encore une fois, la juge Tremblay-Lamer a rejeté la demande de contrôle judiciaire compte tenu de l'exhaustivité du mécanisme prévu dans la LRTFP pour le règlement des différends liés à l'emploi entre les employés de la fonction publique fédérale et leur employeur. À nouveau, la Cour d'appel fédérale a confirmé le jugement, et le juge en chef a déclaré ce qui suit :

2.              Selon nous, c'est à raison que le juge des requêtes (2001 CFPI 568) a conclu que l'appelante ne pouvait contourner la procédure de grief prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) en présentant une demande de contrôle judiciaire de la décision du Commissaire de la Commission canadienne des grains en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

3.              Comme l'a fait remarquer le juge des requêtes, l'exhaustivité des mécanismes prévus dans la LRTFP pour le règlement des différends liés à l'emploi entre les employés de la fonction publique fédérale et leur employeur a été confirmée par notre Cour dans l'arrêt Johnson-Paquette c. Canada, [2000] 253 N.R. 305, [2000] A.C.F. no 441 (C.A.).

[25]            Enfin, Vaughan, précitée, porte sur une action prise devant la Cour fédérale par l'appelant, ancien employé de l'intimée, alléguant que son employeur n'avait pas, par négligence, pris les mesures nécessaires pour lui permettre de recevoir des prestations du programme législatif d'encouragement à la retraite anticipée (PERA); il demandait des dommages-intérêts et un jugement déclaratoire portant qu'il avait droit aux prestations du PERA. Le Tribunal de première instance a rejeté l'action, et les juges Sexton et Evans ont rendu des motifs exhaustifs à l'appui de leur décision de rejeter l'appel.


[26]            Le juge Evans a approfondi une question dont plusieurs cours d'appel provinciales avaient traité, soit la question de savoir s'il est possible de passer outre à la procédure de griefs prévue dans la LRFTP parce que les agents de griefs ne sont pas indépendants mais font partie de la direction. Il n'est pas nécessaire de traiter ce point car il n'est pas pertinent pour la question dont je suis saisi.

[27]            Les deux juges ont à nouveau mis l'accent sur l'importance de suivre le régime prévu par la LRFTP. Le juge Evans a conclu ce qui suit au paragraphe 84 :

84.           En conclusion, à l'exception de l'arrêt Banerd, les décisions rendues par les deux sections de la Cour àla suite de l'arrêt Weber étayent largement la thèse selon laquelle les dispositions relatives aux griefs de la LRTFP excluent implicitement la compétence de la Cour sur les conflits de travail susceptibles de faire l'objet d'un grief en vertu de la LRTFP. Et puisque l'existence de la compétence de la Cour ne dépend pas de la question de savoir si le fonctionnaire a eu recours à la procédure de règlement des griefs, l'arrêt Johnson-Paquette peut être considéré comme ayant dit que, d'une façon nécessairement implicite, la Cour n'a pas compétence sur une demande se rapportant, dans son essence, à un litige visépar le libellé général de l'article 91, indépendamment de la question de savoir si le fonctionnaire a présenté un grief en vertu de l'article 91.

[28]            Le juge Evans a également fait des commentaires sur ce qui est connu de la procédure prévue à l'article 91 ou ce qu'on peut en inférer. Il a écrit ce qui suit aux paragraphes 133, 134, 135 et 136 :

133.         Premièrement, les fonctionnaires ont droit aux éléments essentiels de la procédure de participation qui existe dans de nombreux contextes de prises de décisions administratives relativement informelles. De plus, l'obligation d'équité, y compris la règle interdisant la partialité, s'applique, du moins au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et, dans certaines circonstances, peut exiger la divulgation au fonctionnaire de renseignements se rapportant à sa demande qui sont entre les mains des agents de griefs.

134.         Deuxièmement, ni la LRTFP ni la convention cadre ne précisent qui peut être désigné à titre d'agent de griefs, mais pour assurer de bonnes relations entre la direction et les fonctionnaires, les griefs devraient être traités d'une façon efficace et il faudrait avoir recours le moins souvent possible aux renvois fondés sur l'article 92, le cas échéant. Par conséquent, il existe de bonnes raisons de choisir parmi les membres du personnel de direction des agents de griefs qui ont les connaissances et les compétences pertinentes.


135.         Troisièmement, bien que la procédure de règlement des griefs soit une procédure interne, elle donne aux fonctionnaires une possibilité structurée de faire examiner leurs griefs par des personnes à des paliers de plus en plus élevés de la direction de l'employeur. Contrairement à la proposition détournée de l'avocat, il ne peut pas être supposé que les procédures prévues à l'article 91 n'entraînent jamais de décisions qui règlent un grief d'une façon favorable au fonctionnaire. De fait, l'allégation selon laquelle l'offre d'emploi qui a initialement été faite à M. Vaughan était déraisonnable a été maintenue au deuxième palier de la procédure interne de règlement des griefs prévue àl'article 91 avant que l'affaire soit renvoyée à l'arbitrage en vertu de l'article 92. En outre, étant donné que les dispositions législatives procédurales régissant la procédure interne de règlement des griefs sont peu détaillées, il est fortement possible d'effectuer des améliorations au moyen de la négociation collective.

136.         Quatrièmement, le fait qu'il est possible de présenter une demande de contrôle judiciaire àl'encontre d'une décision défavorable rendue au dernier palier à l'égard d'un grief qui ne peut pas être renvoyé à un arbitre en vertu de l'article 92 assure la prise de mesures disciplinaires externes à l'égard des décideurs ainsi qu'un degré indépendant de contrôle de la qualité quant à la procédure et quant au résultat. Dans le cadre d'une demande de contrôle présentée devant la Section de première instance en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, on peut demander à la Cour d'examiner le caractère équitable de la procédure administrative ainsi que la rationalité des conclusions de fait importantes et la légitimité de la décision ou de la mesure en question.                                                            

[29]            L'avocat de la défenderesse a cité plusieurs articles de la LRFTP qui donnent à l'AFPC et aux demanderesses la possibilité de se prévaloir de la procédure qu'elle prévoit pour déterminer si ces dernières étaient des employées de la fonction publique ou si leur licenciement était conforme à la loi.

[30]            Dans l'ensemble, je souscris aux commentaires de la défenderesse dans son mémoire et je traiterai brièvement deux points.


[31]            Il semble que l'article 34 de la LRTFP peut être un mécanisme approprié. L'AFPC a récemment obtenu gain de cause relativement à une demande visée à l'article 34. La principale défense de l'employeur était que les individus en question n'étaient pas des « employés » et, par conséquent, ne pouvaient appartenir à aucune unité de négociation au sens de la LRTFP.

[32]            L'arrêt de la Cour d'appel fédérale L'association professionnelle des agents du service extérieur c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 162, portant sur l'appel d'une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique fondée sur l'article 34, est encore plus pertinent. Maintenant la décision de la Commission, le juge Strayer a écrit ce qui suit au paragraphe 10 :

10.           Je crois qu'il est possible de faire une distinction à l'égard de la présente affaire. En l'espèce, la Commission ne cherchait pas à déterminer si une personne embauchée en vertu d'un contrat privé était de fait « employée dans la Fonction publique » au sens de la définition figurant à l'article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans ce cas-ci, la Commission se demandait si une personne qui ne travaillait pas en vertu d'un contrat privé, mais qui étudiait une langue dans le cadre d'un programme gouvernemental et à qui le gouvernement du Canada versait des appointements pour assister aux séances de formation pouvait être considérée comme étant « employée dans la Fonction publique » . La détermination de cette question ne mettait pas en cause des principes de common law applicables en droit contractuel comme dans l'affaire Econosult, mais comportait l'application de lois fédérales pertinentes régissant l'emploi auprès du gouvernement. Si j'utilise l'approche pragmatique et fonctionnelle, il me semble que le législateur voulait créer un tribunal spécialisé s'occupant du cas des personnes qui travaillaient dans le cadre d'un contrat de louage de services conclu avec le gouvernement, lequel était chargé d'appliquer les dispositions techniques uniques en leur genre de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en vue de déterminer qui devrait être membre des unités de négociation et quelles devraient être ces unités ainsi qu'en vue d'exercer une certaine supervision sur les conventions collectives dans le milieu distinct de la fonction publique. Il me semble que le législateur aurait voulu que la Commission soit clairement autorisée à décider que certaines personnes rémunérées par le gouvernement devraient être considérées comme des fonctionnaires aux fins de la négociation collective alors que d'autres ne devraient pas l'être.


[33]            Enfin, l'article 91, qui établit le régime de griefs, a une formulation large et s'applique lorsqu'un employé s'estime lésé par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi. La juge Tremblay-Lamer dans Johnson-Paquette, précitée, et le juge Evans dans Vaughan, précitée, ont souligné la formulation large de cet article.

[34]            Dans ce contexte, l'agent de grief a le pouvoir de déterminer si le plaignant est un employé pour l'application de l'article 91. Le grief des demanderesses a été rejeté au premier paliersur ce fondement. Des paliers additionnels de griefs sont prescrits. Les demanderesses sont obligées d'épuiser la procédure de griefs et, s'il y a lieu, la procédure d'arbitrage avant de s'adresser à la Cour.

[35]            Comme le juge Evans l'a signalé dans Vaughan, précitée, les demanderesses peuvent très bien avoir gain de cause sur la question préliminaire à des paliers supérieurs de la procédure de griefs et, si elles se rendent jusque là, sur la question de fond.

[36]            Autrement dit, la demande de contrôle judiciaire des demanderesses est prématurée à ce stade-ci.

[37]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

       « François Lemieux »

                                                                                                                                                                             

Juge                     

OTTAWA (ONTARIO)

LE 20 JUILLET 2004

Traduction certifiée conforme

Marie-Chantale Lamer, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-946-03

INTITULÉ:                                                     TANYA ESTWICK ET AUTRES c.

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU                                                                           CANADA représentée par LE CONSEIL DU                                                                    TRÉSOR

LIEU DE L'AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 2 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

DATE :                                                            LE 20 JUILLET 2004

COMPARUTIONS:

Andrew Raven                                                POUR LA DEMANDERESSE

Richard Fader                                                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne         POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                          POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20040720

Dossier : T-946-03

Ottawa (Ontario), le 20 juillet 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

               TANYA ESTWICK ET AMANDA QUINTILIO

                                                                              demanderesses

                                                  - et -

         SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA

              représentée par LE CONSEIL DU TRÉSOR

                                                                                  défenderesse

                                       ORDONNANCE

Pour les motifs exposés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                                             « François Lemieux »

                                                                                                                                                                       

                                                                                                    Juge                                

Traduction certifiée conforme

Marie-Chantale Lamer, LL.B.


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