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Date : 20011221

Dossier : IMM-1760-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1425

ENTRE :

                                                          BALJIT KAUR DHALIWAL

                                                                                                                                                  demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]                 La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision, en date du 13 mars 2001, par laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) a rejeté son appel au motif qu'il constituait un abus de procédure.


[2]                 La demanderesse a obtenu le statut de résidente permanente au Canada le 31 août 1991. Le 21 août 1992, elle a épousé Jaswant Singh Dhaliwal en Inde. Depuis 1992, elle a présenté, à trois reprises, un engagement pour le parrainage de son mari au Canada. Toutes les demandes concurrentes de son mari en vue d'obtenir la résidence permanente à titre de parent ont été rejetées en vertu du paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, qui se lit comme suit :


4(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


4(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.


La demanderesse a interjeté appel du deuxième rejet à la SAI, mais cette dernière a, le 8 septembre 1997, rejeté l'appel en s'appuyant elle aussi sur le paragraphe 4(3).

[3]                 La demanderesse a également interjeté appel du troisième rejet. Il s'agit du point de départ du présent contrôle judiciaire. À chacune de ses tentatives, la demanderesse a essayé de démontrer que la relation continue entre son mari et elle les dix années précédentes prouve qu'au moment de leur mariage, ils avaient l'intention de vivre en permanence ensemble. La demanderesse appuie donc ses demandes sur l'argument selon lequel la preuve subséquente de l'engagement après le mariage établit l'engagement au moment du mariage.


[4]                 Suite au dernier avis d'appel de la demanderesse à la SAI, le défendeur, invoquant la chose jugée et l'abus de procédure, a déposé un avis de requête sollicitant le rejet de l'appel. Relativement à cette requête, la SAI a accepté les observations des deux parties et entendu leurs plaidoiries. S'appuyant sur l'arrêt Kaloti c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 390, et la décision Kular c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1393 (QL), la SAI a, le 13 mars 2001, accueilli la requête du défendeur et rejeté l'appel de la demanderesse au motif qu'il constituait un abus de procédure. La SAI a conclu ce qui suit :

Je conclus que l'appelante cherche à remettre en litige, en se fondant dans l'ensemble sur la même preuve, la question qui a été tranchée dans un appel précédent. Par conséquent, le présent appel constitue à mes yeux un recours abusif parce qu'il repose sur les mêmes faits et la même situation que le précédent. En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'invoquer la doctrine de la chose jugée.     

[5]    En fait, la demanderesse prétend que la SAI ne disposait pas de preuve lui permettant de conclure à l'abus de procédure. La seule question à trancher dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si la demanderesse a raison.


[6]                 La simple remise en litige d'une même question ne suffit pas pour conclure à l'abus de procédure. Il est nécessaire d'être en plus en présence d'un élément additionnel grave comme, par exemple, d'un harcèlement injuste (Bradford & Bingley Building Society c. Seddon, [1999] 1 W.L.R. 1482 (C.A.), à la page 1491). Une décision d'abus de procédure empêche une partie de s'adresser à la cour pour obtenir une réparation. En raison des conséquences graves d'une telle décision, la Cour suprême du Canada a énoncé que l'abus de procédure ne peut être invoqué que dans les « cas les plus manifestes » et que de tels cas seront « extrêmement rares » (Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] A.C.S. no 43). À mon avis, le contexte de la présente affaire ne démontre pas que ces conditions rigoureuses ont été respectées.

[7]                 Dans Kaloti, la Cour d'appel fédérale a énoncé qu'une demande visant le « réexamen de ce qui a déjà été tranché » peut constituer un abus de procédure. Il est implicite dans Kaloti et clairement admis dans Kular que, dans de telles affaires, les nouvelles demandes doivent comporter de nouveaux éléments de preuve portant sur l'intention du conjoint au moment du mariage. La demanderesse prétend que la preuve de l'engagement continu constitue un nouvel élément de preuve, puisqu'il n'a pas été question de la nature actuelle de cet engagement à l'audition précédente, et que cet élément de preuve a trait à l'intention des parties au moment du mariage. J'accepte cet argument.


[8]                 Il n'est pas contesté que, de façon générale, la SAI examine les éléments de preuve concernant la conduite des conjoints après leur mariage (voir Ugwu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1241 (QL) (C.F. 1re inst.), et Meelu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 25 (QL) (C.F. 1re inst.). De plus, l'article 5.9.1 du Traitement des demandes à l'étranger énumère plusieurs facteurs dont l'agent des visas devrait tenir compte pour décider si un mariage donné constitue un mariage de convenance. L'un de ces facteurs est si les conjoints ont vécu ensemble. Selon ces directives, la preuve de l'engagement qui dure dans le temps peut permettre d'établir la bonne foi au moment du mariage. Le tribunal doit décider du poids à accorder à un tel élément de preuve après l'audition de la preuve.

[9]                 À mon avis, la SAI disposait en l'espèce de nombreux nouveaux éléments de preuve pertinents qui auraient dû être examinés attentivement. Il n'y a pas de preuve que la demanderesse, qui demandait à la SAI d'effectuer un tel examen, commettait un abus de procédure. Par conséquent, je conclus que la décision de la SAI quant à l'abus de procédure constitue une erreur ouvrant droit au contrôle.

O R D O N N A N C E

[10]            Par conséquent, pour les motifs exposés, la décision de la SAI est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire. Il est enjoint à ce nouveau tribunal d'entendre les nouveaux éléments de preuve et de décider de leur admissibilité et du poids qui doit leur être accordé.

« Douglas R. CAMBELL »

Juge

Calgary (Alberta)

Le 21 décembre 2001

  

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


                                                  

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

Date : 20011221

Dossier : IMM-1760-01

ENTRE :

                         BALJIT KAUR DHALIWAL

                                                                                 demanderesse

  

                                               - et -

   

             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                       défendeur

                                                                                                                              

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                           

  

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                                     IMM-1760-01

INTITULÉ :                                                  BALJIT KAUR DHALIWAL c. LE MINISTRE DE LA      CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

   

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                         Le 20 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  Le juge CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                Le 21 décembre 2001

   

COMPARUTIONS :

M. Peter Wong                                                 POUR LA DEMANDERESSE

Mme Tracy J. King                                            POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners                                             POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)                                       

M. Morris Rosenberg                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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