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Date : 20030512

Dossier : T-391-03

Référence : 2003 CFPI 584

Action réelle contre le navire M.T. "POLAR" et

personnelle contre les PROPRIÉTAIRES, les AFFRÉTEURS et

TOUS CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

ENTRE :

                                            A. PASCHOS - K. KATSIKOPOULOS S.A.,

                                          une compagnie faisant affaire à Athènes, Grèce

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                       BODYGUARD SHIPPING LTD., une compagnie

                                                          faisant affaire à Pirée, Grèce

                                                                                   et

                                                TRITON MARINE SA, une compagnie

                                                          faisant affaire à Pirée, Grèce

                                                                                   et

                                               ERMIS MARITIME CORPORATION,

                                            une compagnie faisant affaire à Pirée, Grèce

                                                                                   et

                                 LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUS

                         CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]                 La Cour est saisie en l'espèce de deux requêtes des défenderesses à l'encontre de l'action entreprise en cette Cour par la demanderesse le 7 mars 2003 et l'arrêt par cette même demanderesse du navire "POLAR" le 13 mars 2003.

[2]                 La requête principale des défenderesses, que nous étudierons dans un deuxième temps, vise à obtenir la radiation de la déclaration d'action ou, alternativement, la suspension des procédures en cette Cour et la revue du montant de la garantie d'exécution sous forme de lettre de crédit qui fut fournie par les défenderesses afin d'obtenir le 17 mars 2003 la relâche du "POLAR".

[3]                 En défense à cette requête des défenderesses, la demanderesse a soumis un dossier dans lequel elle a inclus deux affidavits, soit l'affidavit de M. Athanasios Paschos daté du 21 mars 2003 et celui de M. Spyridon Vlassis daté également du 21 mars 2003.

[4]                 Ces affidavits, de même qu'un autre affidavit de M. Vlassis daté du 27 mars 2003 (ci-après les affidavits sous attaque) ont entraîné chez les défenderesses la présentation d'une requête, qualifiée ici de préliminaire, aux fins d'obtenir la radiation desdits affidavits pour les fins du mérite de la requête principale des défenderesses.

[5]                 Nous procéderons premièrement à l'analyse de cette requête préliminaire des défenderesses pour ensuite s'attarder à la requête principale de ces dernières.


I.           Requête préliminaire des défenderesses

[6]                 Cette requête, pour le moins inusuelle, vise à obtenir la radiation des affidavits sous attaque non pas en raison de l'identité des affiants ou de la connaissance de ces derniers quant aux allégations se trouvant aux affidavits, mais bien en raison du fait que le notaire (notary public) ayant reçu lesdits affidavits n'aurait pas respecté les exigences du droit grec quant aux modalités devant entourer l'assermentation des affiants. Suivant les défenderesses, en agissant ainsi, ledit notaire ne se retrouvait plus reconnu au sens des articles 52 e) et 53 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, telle qu'amendée, et les affidavits qu'on cherchait à lui faire recevoir auraient perdu toute telle qualité et poids devant cette Cour pour les fins d'opposition à la requête principale des défenderesses.

[7]                 Lesdits articles 53 et 52e) sont reproduits ici dans cet ordre.

53. Les serments, affidavits, affirmations solennelles ou déclarations déférés, recueillis ou reçus à l'étranger par toute personne mentionnée à l'article 52 sont aussi valides et efficaces et possèdent la même vigueur et le même effet, à toutes fins, que s'ils avaient été déférés, recueillis ou reçus au Canada par une personne autorisée à y déférer, recueillir ou recevoir les serments, affidavits, affirmations solennelles ou déclarations qui sont valides ou efficaces en vertu de la présente loi.

53. Oaths, affidavits, solemn affirmations or declarations administered, taken or received outside Canada by any person mentioned in section 52 are as valid and effectual and are of the like force and effect to all intents and purposes as if they had been administered, taken or received in Canada by a person authorized to administer, take or receive oaths, affidavits, solemn affirmations or declarations therein that are valid and effectual under this Act.

52. La présente partie s'applique aux catégories suivantes de personnes :

...

e) les fonctionnaires judiciaires d'un État étranger autorisés, à des fins internes, à recevoir les serments, les affidavits, les affirmations solennelles, les déclarations ou autres documents semblables;

(mes soulignements)

52. This Part extends to the following classes of persons:

...

(e) judicial officials in a foreign country in respect of oaths, affidavits, solemn affirmations, declarations or similar documents that the official is authorized to administer, take or receive;

[8]                 Ici, les défenderesses ne contestent pas que le notaire est un fonctionnaire autorisé en Grèce à recevoir les affidavits. Ce sont les modalités entourant l'assermentation des affidavits sous attaque auxquelles les défenderesses s'attardent.

[9]                 Même en tenant pour acquis que les défenderesses aient raison dans leur critique du travail accompli par le notaire grec, il ne m'apparaît pas que les articles précités de la Loi sur la preuve requièrent ipso facto que cette Cour se doive de radier les allégations de ces affiants. Ces articles de la Loi sur la preuve m'apparaissent s'attacher à l'identité des personnes pouvant recevoir un serment beaucoup plus qu'aux sanctions à prendre en cas de difficultés avec le travail accompli.


[10]            Ici, il ne ressort pas de la preuve qu'il y ait eu collusion entre les affiants et le notaire devant recevoir leur assermentation en vue de contrevenir aux exigences du droit grec. Il ressort de la preuve qu'en tout temps pertinent les affiants ont voulu produire des allégations qu'ils considéraient véridiques. Je pense que c'est là dans le cadre de ma discrétion résiduelle que l'essentiel se trouve. De radier les affidavits sous attaque en raison des lacunes revenant au notaire serait, dans les circonstances, quasiment faire passer la forme avant le fond; ce que je me refuse de faire dans les circonstances.

[11]            Cette requête préliminaire des défenderesses en radiation d'affidavits est donc rejetée, frais à suivre.

[12]            Il y a lieu de passer à l'étude de la requête principale des défenderesses.

II.          Requête principale des défenderesses

[13]            Tel que mentionné précédemment au paragraphe [2], la requête principale des défenderesses vise à obtenir la radiation de la déclaration d'action ou, alternativement, la suspension des procédures en cette Cour et la revue du montant de la garantie d'exécution sous forme de lettre de crédit qui fut fournie par les défenderesses afin d'obtenir le 17 mars 2003 la relâche du "POLAR".

[14]            Les faits essentiels amenant les défenderesses à se pourvoir ainsi sont les suivants.

[15]            De mars à mai 2001, la demanderesse a effectué à la demande des défenderesses des travaux sur le "POLAR" ainsi que sur d'autres navires des défenderesses.

[16]            En ce qui a trait au "POLAR", le 6 août 2001 la demanderesse indiquait par écrit aux défenderesses que les coûts des travaux effectués sur le "POLAR" étaient de 2 284 067,88 euros.

[17]            Les défenderesses allèguent en preuve que le coût total desdits travaux serait plutôt de l'ordre de 1 966 250,42 euros, et ce, suite à une entente intervenue avec la demanderesse sur la base de discussions ayant pris place en septembre et octobre 2001, donc par suite de la notification du 6 août 2001. Les défenderesses ont payé ce montant de 1 966 250,42 euros et considèrent donc qu'elles n'ont plus rien à payer.

[18]            La demanderesse reconnaît avoir reçu ce dernier montant mais soutient qu'il n'y a jamais eu d'entente avec les défenderesses pour réduire la somme de 2 284 067,88 euros à une somme de 1 966 250,42 euros. Suivant la demanderesse, cette somme de 1 966 250,42 euros ne représente qu'une partie du coût total des travaux et cette somme fut facturée séparément en octobre et décembre 2001 parce que les défenderesses représentèrent à la demanderesse que seule cette somme pouvait être payée en 2001.

[19]            Il existe donc une différence d'environ 375 000 euros entre les prétentions des parties quant au coût total des travaux.


[20]            C'est pour cette somme que la demanderesse a entrepris en décembre 2002 une action en Grèce. Ce sont les mêmes parties, cause et objet qui font l'objet de l'action entreprise en mars 2003 dans le présent dossier en Cour fédérale au Canada.

Analyse

[21]            Quant à la demande des défenderesses pour radier la déclaration d'action de la demanderesse en cette Cour pour motif de litispendance (Litis pendens), je n'entends pas l'accorder puisqu'en bout de ligne la demanderesse serait prête à se désister de son action en Grèce au profit du seul maintien de son action au Canada.

[22]            Cette situation de l'existence d'une seule action nous amène donc à nous pencher sur la demande de suspension des procédures en vertu de l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, sur la base de la doctrine du forum non conveniens.

[23]            À cet égard, je suis entièrement d'accord avec les propos que tiennent les défenderesses aux paragraphes 26 à 33 de leurs représentations écrites et plus spécialement avec ceux contenus au paragraphe 29 qui se lisent :


29.           Other than the vessel finding itself temporarily in Canada, there is no connection between any aspect of the present litigation and Canada. The matter involves services to a vessel undertaken in Greece, with all negotiations and inspections in Greece, with the parties operating in Greece, and with any agreement that may exist between them being governed by Greek law. It is therefore in the interest of justice that the present action be stayed in favour of the parties litigating the present matter in Greece.

[24]            Partant, il sera ordonné que les procédures dans la présente instance soient suspendues en faveur du litige déjà engagé en Grèce. Tel qu'envisagé par les défenderesses, la lettre de crédit présentement en place quant au présent litige devra être maintenue et être amendée pour inclure tout jugement pouvant émaner des tribunaux grecs relativement au litige semblable déjà engagé dans ce pays.

[25]            Reste à regarder le montant de la garantie d'exécution.

[26]            En l'espèce le conflit se résume à déterminer si la somme d'environ 375 000 euros est due ou non à la demanderesse.

[27]            Dans l'arrêt Atlantic Shipping (London) Ltd. v. Ship Captain Forever et al. (1995), 97 F.T.R. 32, cette Cour a rappelé ainsi, en page 34, le principe applicable :

     The general principle, that a plaintiff, having arrested a vessel, is entitled to security in an amount sufficient to cover the reasonably arguable best case, together with interests and costs, capped at the value of the wrongdoing vessel, ...


[28]            Je pense ici qu'en vertu du principe applicable la position prise par la demanderesse peut certes être retenue pour les fins de la fixation de la garantie d'exécution. Le montant que porte la lettre de crédit consiste en la somme de 375 000 euros majorée d'une somme pour couvrir les intérêts et les dépens éventuels. Il n'y a pas lieu d'intervenir à cet égard.

[29]            Une ordonnance sera donc émise pour prévoir que les procédures dans la présente instance sont suspendues en faveur du litige déjà engagé en Grèce. Tel qu'envisagé par les défenderesses, la lettre de crédit présentement en place quant au présent litige devra être maintenue et être amendée pour inclure tout jugement pouvant émaner des tribunaux grecs relativement au litige semblable déjà engagé dans ce pays.

[30]            Vu que le succès sur cette requête principale des défenderesses est divisé, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.

Richard Morneau     

protonotaire

Montréal (Québec)

le 12 mai 2003


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030512

Dossier : T-391-03

Action réelle contre le navire M.T. "POLAR" et personnelle contre les PROPRIÉTAIRES, les AFFRÉTEURS et TOUS CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

ENTRE :

A. PASCHOS - K. KATSIKOPOULOS S.A.,

une compagnie faisant affaire à Athènes, Grèce

                                                                                                                                                                        demanderesse

et

BODYGUARD SHIPPING LTD., une compagnie

faisant affaire à Pirée, Grèce

et

TRITON MARINE SA, une compagnie

faisant affaire à Pirée, Grèce

et

ERMIS MARITIME CORPORATION,

une compagnie faisant affaire à Pirée, Grèce

et

LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUS CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

                                                                                                                                                                               défendeurs

                                                                                                                      

                                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                           


                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-391-03

Action réelle contre le navire M.T. "POLAR" et

personnelle contre les PROPRIÉTAIRES, les AFFRÉTEURS et TOUS CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

ENTRE :

A. PASCHOS - K. KATSIKOPOULOS S.A.,

une compagnie faisant affaire à Athènes, Grèce

                                                                            demanderesse

et

      BODYGUARD SHIPPING LTD., une compagnie

faisant affaire à Pirée, Grèce

et

TRITON MARINE SA, une compagnie

faisant affaire à Pirée, Grèce

et

ERMIS MARITIME CORPORATION,

une compagnie faisant affaire à Pirée, Grèce

et

LES PROPRIÉTAIRES, LES AFFRÉTEURS ET TOUS CEUX QUI ONT UN DROIT SUR LE NAVIRE M.T. "POLAR"

                                                                                  défendeurs


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :le 31 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

EN DATE DU :12 mai 2003

ONT COMPARU :



Me Deborah Hutchings

pour la demanderesse


Me Peter Pamel

pour les défenderesses


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


McInnes Cooper

St. John's, NL

pour la demanderesse

Borden Ladner Gervais

Montréal (Québec)

pour les défenderesses

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