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Date : 20050121

Dossier : T-765-04

Référence : 2005 CF 65

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                               PATRICK RYAN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Le demandeur, Patrick Ryan, est un employé de la Base des Forces canadiennes à Halifax. Lorsqu'il a déposé son grief, il occupait le poste de premier vice-président du Syndicat des employés de la Défense nationale (le SEDN) et il accomplissait les tâches d'un représentant syndical à titre de délégué syndical principal intérimaire pour les employés représentés par le SEDN/AFPC, à la base de Halifax. Le SEDN est un élément de l'Alliance de la fonction publique du Canada (l'AFPC), qui est l'agent négociateur accrédité par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP) pour représenter certains fonctionnaires employés par le Conseil du Trésor, y compris les employés civils du ministère de la Défense nationale.

[2]                En décembre 2001, des questions séparant le syndicat et la direction étaient devenues source de difficultés à la base. Le commandant de la base, A.J. Kerr, le président de la section locale du syndicat, Ken DeWolfe, et le demandeur sont convenus que les parties s'efforceraient de travailler ensemble et d'améliorer les relations dans le milieu de travail. Le demandeur fut désigné représentant syndical et il travaillerait avec le commandant Kerr à améliorer le climat.

[3]                Robert Evans, agent des opérations d'approvisionnement, supervisait environ 190 employés à la BFC de Halifax. Il était préoccupé par le moral du milieu de travail et a proposé qu'une équipe de soutien pour de bonnes relations de travail soit mise à contribution. Patricia Moriarty a été invitée à organiser une séance pour le 11 janvier 2002, dont l'objet était d'examiner à titre informel la question du harcèlement, de donner des avis et de faciliter la résolution des conflits dans le milieu de travail.


[4]                Le demandeur reconnaît qu'il n'a pas officiellement informé M. Evans de sa présence à la réunion parce que la présence syndicale avait été discutée dans un courriel échangé avec le commandant de la base, dont copie avait été envoyée à M. Evans. M. Evans a dit dans son témoignage qu'il ne se souvenait pas d'avoir vu ce courriel. Le demandeur avait été autorisé par son surveillant à assister à la réunion.

[5]                Lorsque le demandeur s'est présenté à la réunion du 11 janvier 2002, il a été approché par M. Evans, qui lui demanda pourquoi il se trouvait là. Le demandeur a répondu qu'il se trouvait là à titre de représentant syndical et qu'il avait le droit de se trouver là. M. Evans a prié le demandeur de passer dans le couloir, et ceux qui étaient restés dans la salle de réunion ont témoigné à l'audience tenue devant l'arbitre qu'ils avaient pu entendre des éclats de voix dans le couloir. Lorsque le demandeur a rappelé à M. Evans le courriel concernant la présence syndicale aux réunions, M. Evans a voulu savoir qui avait sollicité sa présence. Le demandeur n'a pas répondu et M. Evans est retourné dans la salle de réunion, où il a demandé à chacune des personnes présentes qui avait invité le demandeur. Personne n'a répondu. M. Evans a alors dit : [TRADUCTION] « partez, personne ne vous veut ici » .

[6]                Certaines des personnes qui étaient présentes à la réunion ont témoigné que M. Evans semblait en colère, tandis que d'autres ont dit qu'il était contrarié. Mme Moriarty avait alors dit que la présence du demandeur ne lui causait aucune difficulté, que M. Evans avait partagé son avis et qu'il avait dit au demandeur qu'ils en parleraient plus tard. La réunion s'est poursuivie, avec le demandeur. Le grief du demandeur a été approuvé le même jour par le délégué du syndicat.

[7]                Le demandeur a déposé un grief le 15 janvier 2002, quatre jours après la réunion, en application de l'article 18 de sa convention collective et des articles 91 et 92 de la LRTFP. Il alléguait la violation de l'article 19 de sa convention collective, qui concerne notamment la discrimination, l'ingérence et le harcèlement. Dans son grief, le demandeur voulait obtenir des excuses écrites, des excuses faites devant tout le personnel, la garantie qu'il n'y aurait aucune ingérence dans les affaires du syndicat, l'envoi de M. Evans à un cours de sensibilisation au harcèlement, une audience à tous les niveaux, enfin une réparation intégrale. Le grief a été instruit à tous les niveaux et fut finalement renvoyé à l'arbitrage.

[8]                Devant l'arbitre, M. Evans a témoigné que, si le demandeur lui avait dit que M. DeWolfe l'avait prié d'être présent à la réunion, il n'aurait pas insisté. M. Evans a également témoigné que ce n'était pas là sa [TRADUCTION] « meilleure prestation » et il a reconnu qu'il avait désigné le demandeur à la vindicte publique, qu'il l'avait décontenancé et qu'il avait mis son personnel mal à l'aise. Mme Moriarty a témoigné que les personnes présentes s'étaient senties mal à l'aise et qu'elle-même avait perçu un froid dans la pièce. Une femme présente lors de la réunion a témoigné qu'elle avait eu peur et une autre a dit que l'incident avait été [TRADUCTION] « embarrassant et peu professionnel » .

[9]                L'arbitre a rejeté le grief dans les termes suivants :


[61]          Il subsiste peu de doute quant à la confrontation survenue entre MM. Evans et Ryan lors de la présentation sur les bonnes relations de travail dans la salle de conférence. Malgré les différences dans le compte rendu de l'événement, la cohérence des témoignages est remarquable en dépit du temps écoulé. La confrontation qui s'est déroulée à l'intérieur de la salle de conférence et dans le couloir a clairement mis les participants mal à l'aise. Mme Moriarty, à titre de personne de l'extérieur, a observé la tension qui existait dans la salle. Lors de l'audience, M. Evans a reconnu que ce n'était pas le moment dont il était le plus fier. Cependant, les interactions entre des personnes créant un malaise ne peuvent pas toutes être assimilées à du « harcèlement » ou de l' « intimidation » . Dans l'affaire Joss, supra, l'arbitre a mentionné ce qui suit, aux paragraphes 90 et 96 :

... le harcèlement ne devrait pas être fondé sur des incidents isolés, sur des erreurs de jugement non délictuelles ou sur un comportement irréfléchi. Il ne devrait pas non plus, à mon avis, être utilisé comme une arme dans le milieu de travail, particulièrement quand il sert d'instrument de vengeance personnelle. La législation sur le harcèlement et les politiques sur le harcèlement en milieu de travail devraient plutôt servir non pas à causer des problèmes ou à exacerber des conflits personnels, mais bien à protéger ceux qui ont besoin de protection.

...

Dans les relations d'emploi, les cas d'amour-propre blessé, de ressentiments et même d'employés qui se détestent cordialement ne sont pas uniques. Pourtant, on ne peut pas toujours parler de harcèlement dans ces cas-là; le plus souvent, les deux parties ne sont pas sans reproche. Les sanctions disciplinaires ne sont pas nécessairement le meilleur remède pour les problèmes de ce genre, et il est certain que la façon optimale de les contrer n'est pas le recours aveugle aux politiques sur le harcèlement ou à des plaintes de harcèlement, comme cette triste histoire le démontre.

[62]         Les gestes posés par M. Evans à la réunion témoignent d'une erreur de jugement de sa part, ce que la haute direction a reconnu dans sa réponse au grief et que M. Evans a lui-même reconnu lors de l'audience. J'estime que cette erreur de jugement, bien qu'elle soit malheureuse, ne constitue pas une violation de la convention collective.

[10]            Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre, et son annulation.

POINTS LITIGIEUX

1.          Quelle est la norme de contrôle qui est applicable?

2.          L'arbitre avait-il compétence pour instruire le grief?

3.          L'arbitre a-t-il commis une erreur lorsqu'il a rejeté le grief du demandeur?


ANALYSE

1.         Quelle est la norme de contrôle qui est applicable?

[11]            Selon le demandeur, la norme de contrôle serait la décision manifestement déraisonnable, sauf que l'interprétation d'une convention collective est une question de droit, de telle sorte que la norme s'élèverait à la décision raisonnable. Le demandeur invoque l'arrêt Voice Construction Ltd c. Construction & General Workers' Union, Local 92, [2004] A.C.S. n ° 2. Pour le défendeur, la norme de contrôle de la décision d'un arbitre est la décision manifestement déraisonnable, et cela en raison de la spécialisation de l'arbitre, du vaste contexte des relations de travail au niveau fédéral, enfin du contexte essentiellement factuel.

[12]            L'application de l'approche pragmatique et fonctionnelle exposée dans l'arrêt Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of BC, [2003] 1 R.C.S. 226, conduit à l'analyse suivante.

[13]            Il n'y a dans la LRTFP aucune clause privative, mais cela ne suffit pas à amoindrir la tradition de longue date selon laquelle, lorsqu'il s'agit de l'interprétation et de l'application de conventions collectives, la norme est la décision raisonnable. Ainsi que l'écrivait la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Barry c. Conseil du Trésor (1997) 221 N.R. 237, au paragraphe 3 :


En toute déférence, nous sommes d'avis que la norme de contrôle adoptée par le juge des requêtes est contraire aux enseignements de la Cour suprême. Il est vrai qu'avant l'abrogation de la clause privative, la Cour suprême avait statué dans Canada (Procureur général) c. AFPC [1993] 1 R.C.S. 941 ("AFPC no 2") que la norme de contrôle appropriée au regard des décisions d'un arbitre agissant en vertu de la Loi était de déterminer si la décision était "manifestement déraisonnable". À notre avis, rien n'a changé du fait de l'abrogation de la clause privative. Dans Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, aux pp. 337 et 338, le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la Cour, a statué que, même en l'absence d'une clause privative, la norme de contrôle pour les décisions arbitrales portant sur l'interprétation des conventions collectives est circonscrite par la notion du caractère manifestement déraisonnable :

Dans un certain nombre d'arrêts antérieurs, notre Cour a indiqué que les tribunaux devraient faire preuve de retenue à l'égard des décisions arbitrales qui interprètent une convention collective, même en l'absence de clause privative. Par exemple, dans l'arrêt Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, aux pp. 275 et 276, le juge Estey fait l'observation suivante, à laquelle souscrit le reste de la Cour : le droit relatif au contrôle judiciaire a évolué, même en l'absence de clause privative, au point où l'on reconnaît l'objectif de l'arbitrage prévu par la loi mais d'origine contractuelle, soit le règlement rapide, sûr et peu coûteux des différends sans interruption du travail des parties. L'étendue du pouvoir de révision ne fait que refléter cet objectif s'il ne s'intéresse qu'aux questions de droit à incidences juridictionnelles.

[14]            La CRTFP jouit d'une spécialisation incontestée. Ses membres siègent soit comme arbitres uniques, soit collégialement, investis de tous les pouvoirs de la CRTFP. Cette spécialisation milite fortement en faveur d'une retenue judiciaire.

[15]            La CRTFP a pour mandat de favoriser une négociation collective efficace dans la fonction publique. Les points résolus devant la Commission intéressent toute la fonction publique et peuvent avoir des effets de propagation sur tous les syndicats. Ainsi, la résolution des différends de la fonction publique, en raison de sa nature même, est de nature polycentrique et non bipolaire et elle justifie un niveau plus élevé de retenue.


[16]            Finalement, la nature de la question elle-même (les agissements de M. Evans sont-ils du harcèlement?) dépend largement des faits. L'arbitre doit évaluer les éléments à la fois subjectifs et objectifs du harcèlement. Il faut montrer d'autant plus de circonspection à l'endroit des conclusions de l'arbitre, qui a entendu les témoins et qui est le mieux placé pour décider cette question mixte de droit et de fait.

[17]            L'arrêt Voice Construction (précité), invoqué par le demandeur, n'impose pas la décision raisonnable comme norme, mais confirme simplement une jurisprudence de longue date qui requiert d'effectuer dans chaque cas une analyse pragmatique et fonctionnelle.

[18]            Eu égard à l'analyse précédente, je suis d'avis que la norme de contrôle qu'il faut appliquer ici est la décision manifestement déraisonnable.

2. L'arbitre avait-il compétence pour instruire le grief?

[19]            Selon le défendeur, l'arbitre n'avait pas compétence pour instruire le grief du demandeur, parce qu'il était saisi d'une accusation d'intimidation du demandeur alors que celui-ci exerçait son droit de se livrer à des activités syndicales. Les droits de ce genre sont protégés par l'article 8 de la LRTFP, et les redressements sanctionnant la violation de tels droits sont indiqués dans l'article 23. De l'avis du défendeur, l'article 91 se limite aux cas où d'autres dispositions de la LRTFP ou d'une autre loi fédérale ne s'appliquent pas.

[20]            Le demandeur affirme que l'arbitre a compétence, parce que :


a)         l'article 19 de la convention collective est de portée plus large que la protection prévue par l'article 8 de la LRTFP, et

b)         l'exception de l'article 91 se réfère à une autre loi fédérale, mais n'englobe pas la LRTFP. Il invoque à l'appui l'arrêt Canada c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27, au paragraphe 17, où l'on peut lire ce qui suit :

En dépit du fait que l'intimé ne s'était pas opposé sur la question de la compétence au cours de l'audience d'arbitrage, Mme le juge McGillis a conclu que l'arbitre n'était pas habilité à connaître du litige, qui, selon elle, soulevait clairement une « question [...] fondamentale relativement aux droits de la personne » . Elle a expliqué que c'est à la CCDP que revenait la compétence principale en matière de droits de la personne. Malgré l'argument valable présenté par Mme MacEachern et par M. Chaplin, l'avocat de l'intervenante (la CRTFP), suivant lequel l'affaire Boutilier se distinguait des affaires Mohammed et O'Hagan en ce que le droit qui faisait l'objet du litige--soit le congé de mariage--était né exclusivement de la convention collective et ne pouvait être réclamé au moyen d'aucun autre « recours administratif de réparation » , je suis d'avis que Mme le juge McGillis avait entièrement raison quant à la décision qu'elle a rendue et quant aux motifs y afférents, dont voici l'extrait suivant [aux pages 471, 472 et 476] :

Un examen du régime législatif révèle qu'un employé n'a qu'un droit restreint de déposer un grief à chacun des paliers de la procédure prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. En particulier, le droit d'un employé de déposer un grief est limité à deux égards: selon l'exigence énoncée au paragraphe 91(1), par le fait qu'aucun autre recours administratif de réparation ne lui soit ouvert sous le régime d'une loi fédérale, et selon l'exigence énoncée au paragraphe 91(2), par le fait qu'il doit d'abord avoir obtenu l'approbation de son agent négociateur et être représenté par lui. En outre, en vertu de l'article 92, un employé ne peut renvoyer son grief à l'arbitrage qu'après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable. Dans le cas où un employé n'a pas le droit de déposer un grief à chacun des paliers de cette procédure, du fait de l'application d'une restriction légale prévue au paragraphe 91(1) ou au paragraphe 91(2), le grief ne peut être renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92. Autrement dit, lorsqu'une restriction énoncée au paragraphe 91(1) ou (2) prive un employé de son droit non absolu de déposer un grief, celui-ci ne peut par la suite envisager de renvoyer le grief à l'arbitrage en vertu du paragraphe 92(1). Si un employé essaie d'agir de la sorte, l'arbitre n'a pas compétence pour connaître de ce grief.

[21]            Les articles 8, 23 et 91 sont ainsi rédigés :



Participation de l'employeur à une organisation syndicale

8. (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

Employer participation in employee organization

8. (1) No person who occupies a managerial or confidential position, whether or not the person is acting on behalf of the employer, shall participate in or interfere with the formation or administration of an employee organization or the representation of employees by such an organization.

Discrimination et intimidation

(2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit :

a) de refuser d'employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l'emploi ou l'une quelconque des conditions d'emploi d'une personne, sur l'appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l'exercice d'un droit que lui accorde la présente loi;

b) d'imposer - ou de proposer d'imposer -, à l'occasion d'une nomination ou d'un contrat de travail, une condition visant à empêcher un fonctionnaire ou une personne cherchant un emploi d'adhérer à une organisation syndicale ou d'exercer un droit que lui accorde la présente loi;

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

(i) à adhérer - ou s'abstenir ou cesser d'adhérer -, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d'adhérer à une organisation syndicale,

(ii) à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

Discrimination against members and intimidation

(2) Subject to subsection (3), no person shall

(a) refuse to employ, to continue to employ, or otherwise discriminate against any person in regard to employment or to any term or condition of employment, because the person is a member of an employee organization or was or is exercising any right under this Act;

(b) impose any condition on an appointment or in a contract of employment, or propose the imposition of any condition on an appointment or in a contract of employment, that seeks to restrain an employee or a person seeking employment from becoming a member of an employee organization or exercising any right under this Act; or

(c) seek by intimidation, threat of dismissal or any other kind of threat, by the imposition of a pecuniary or any other penalty or by any other means to compel an employee

(i) to become, refrain from becoming or cease to be, or, except as otherwise provided in a collective agreement, to continue to be a member of an employee organization, or

(ii) to refrain from exercising any other right under this Act.


Exception

(3) Toute action ou omission à l'égard d'une personne occupant un poste de direction ou de confiance, ou proposée pour un tel poste, ne saurait constituer un manquement aux dispositions du paragraphe (2).

Exception

(3) No person shall be deemed to have contravened subsection (2) by reason of any act or thing done or omitted in relation to a person who occupies, or is proposed to occupy, a managerial or confidential position.Plaintes

23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

b) mis à effet une disposition d'une décision arbitrale;

c) mis à effet une décision d'un arbitre sur un grief;

d) respecté l'un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l'article 100.

Complaints

23. (1) The Board shall examine and inquire into any complaint made to it that the employer or an employee organization, or any person acting on behalf of the employer or employee organization, has failed

(a) to observe any prohibition contained in section 8, 9 or 10;

(b) to give effect to any provision of an arbitral award;

(c) to give effect to a decision of an adjudicator with respect to a grievance; or

(d) to comply with any regulation respecting grievances made by the Board pursuant to section 100.

Droit du fonctionnaire

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

...

Right of employee

91. (1) Where any employee feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

...

(underlining added)



[22]            Je ne puis souscrire, pour les motifs qui suivent, aux vues du demandeur. D'abord, il est difficile de voir comment l'on peut affirmer que l'article 19 de la convention collective élargit (s'agissant des activités syndicales) les droits prévus par l'article 8 de la LRTFP. Les mots sont différents (on ne trouve pas par exemple le mot harcèlement dans l'article 8), mais l'effet est le même. C'est le même genre de conduite qui est interdit.

[23]            Deuxièmement, il convient de noter que l'article 91 emploie les mots « une loi fédérale » et non « une autre loi fédérale » . La LRTFP est manifestement « une loi fédérale » . L'extrait susmentionné de l'arrêt Boutilier emploie l'expression « une autre loi fédérale » , mais cela ne veut pas dire que l'article 91 devrait être interprété comme s'il renfermait cette expression. Dans l'arrêt Boutilier, une autre loi fédérale, à savoir la Loi canadienne sur les droits de la personne, était concernée, et l'on peut dès lors comprendre pourquoi la Cour d'appel fédérale a utilisé l'expression « une autre loi fédérale » .

[24]            La LRTFP limite expressément le recours prévu par le paragraphe 91(1) aux cas où aucun autre recours n'existe. S'agissant des allégations considérées ici, le dépôt d'une plainte selon l'article 23, pour violation de l'article 8, était possible, et c'est ce qui aurait dû être fait.

[25]            Comme le disait la Cour dans le jugement Rhéaume c. Canada, [2003] A.C.F. n ° 1798, 2003 CF 1405, au paragraphe 54 :

Le membre ainsi lésé dispose d'un recours qui est prévu à l'article 23 de la L.R.T.F.P. Cette disposition énonce :

23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas : a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10; ...


[26]            Par conséquent, l'arbitre a commis une erreur en ne se déclarant pas incompétent, c'est-à-dire qu'il n'aurait pas dû procéder à l'instruction du grief. Toutefois, puisque le bien-fondé du cas a été abondamment plaidé devant la Cour, il sera examiné lui aussi.

3. L'arbitre a-t-il commis une erreur lorsqu'il a rejeté le grief du demandeur?

[27]            La présente affaire concerne un incident où M. Evans a montré un comportement déplacé. Comme il en a lui-même témoigné, [TRADUCTION] « ce n'était pas là sa meilleure prestation » . Toutefois, il ne s'agit pas de savoir si son comportement était déplacé, mais plutôt de savoir s'il contrevenait à l'article 19 de la convention collective. Cet article est rédigé comme suit :

ARTICLE 19 - ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION

19.01        Il n'y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l'égard d'un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l'Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle il ou elle a été gracié. [Non souligné dans l'original.]


[28]            Les mots discrimination, ingérence, restriction, coercition et harcèlement ne sont pas définis. Dans son grief, le demandeur alléguait le harcèlement, l'ingérence dans les activités syndicales, l'intimidation et la restriction. L'arbitre, se fondant principalement sur la décision arbitrale rendue dans l'affaire Joss c. Conseil du Trésor, [2001] C.P.S.S.R.B. n ° 17, est arrivé à la conclusion que cet incident isolé attestait un manque de jugement, mais n'équivalait pas à harcèlement, ingérence dans les activités syndicales, intimidation et restriction, contrairement à ce que prétendait le demandeur.

[29]            Vu l'imprévisibilité de la nature humaine, toutes ces accusations doivent être considérées d'un point de vue à la fois subjectif et objectif. Il ne suffit pas que M. Ryan se soit senti harcelé, entravé, contraint ou restreint, il faut aussi que la situation soit évaluée objectivement, d'une manière qui tienne compte de toutes les circonstances. Les propos suivants tirés de la décision S.J. Thompson c. Conseil du Trésor du Canada, [1978] dossier n ° 161-2-146 de la CRTFP, paragraphe 24 (bien qu'ils se rapportent à des accusations de pratique déloyale en matière de relations de travail), valent également pour tous les moyens allégués par le demandeur :

On dit dans la présente affaire que le plaignant a été embarrassé par la question et s'est demandé si sa réponse pouvait influer sur ses fonctions dans son poste éventuel, c'est-à-dire lui imposer une condition d'emploi. Toutefois, compte tenu des inconstances de la nature humaine, nous ne croyons pas que nous devrions, pour déterminer l'opportunité de cette question selon la loi, nous appuyer uniquement sur l'évaluation subjective du plaignant. La question doit plutôt faire l'objet d'une évaluation objective qui tienne compte des circonstances particulières du cas. [Non souligné dans l'original.]

[30]            L'arbitre, examinant les faits, est arrivé à la conclusion que cet incident n'équivalait pas à harcèlement. Il a aussi ajouté :

On n'a pas empêché M. Ryan d'assister à la réunion, et les commentaires de M. Evans n'ont pas restreint ou entravé le rôle de M. Ryan à titre de représentant syndical. Rien ne permet de conclure que M. Ryan a été dénigré aux yeux des membres du syndicat présents à la réunion. Même si ceux-ci ont ressenti un malaise, M. Ryan n'a pas perdu de crédibilité à la suite de cette confrontation.

[31]            Exceptionnellement, un incident peut constituer une forme de harcèlement, mais en général il faut prouver un comportement répétitif. En l'espèce, nous avons un incident isolé qui s'est produit à l'occasion d'une réunion convoquée par la direction afin d'améliorer les relations de travail, réunion à laquelle le syndicat était invité. Dans ces conditions, la conclusion de l'arbitre semble éminemment raisonnable compte tenu des faits. La décision ne saurait aucunement être qualifiée de manifestement déraisonnable.

[32]            En conséquence, la demande ne pourra être accueillie, qu'il s'agisse de la compétence de l'arbitre ou du bien-fondé de la cause.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : la demande est rejetée.

                                                                _ Konrad von Finckenstein _                 

                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-765-04

INTITULÉ :                                          PATRICK RYAN c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                    OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 17 JANVIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:      LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                         LE 21 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Jacquie de Aguayo                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Richard Fader                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alliance de la fonction publique du Canada                                 POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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