Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011109

Dossier : T-361-99

Référence neutre : 2001 CFPI 1227

ENTRE :

                             MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY S.A. GENEVA

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                                         SIPCO INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 J'ai examiné les observations écrites que les deux parties ont déposées au sujet des dépens.

[2]                 L'article 400 des Règles de la Cour fédérale (1998) est ainsi libellé :


400(1) La Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer.

400(1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.


[3]                 Le paragraphe 400(3) des Règles constitue la substance de l'article 400 en ce sens que les nombreux facteurs dont la Cour doit tenir compte, lorsqu'elle adjuge les dépens, y sont énoncés :



400(3) Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l'un ou l'autre des facteurs suivants :

a) le résultat de l'instance;

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

c) l'importance et la complexité des questions en litige;

d) le partage de la responsabilité;

e) toute offre écrite de règlement;

[...]

o) toute autre question qu'elle juge pertinente.

400(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

(a) the result of the proceeding;

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

(c) the importance and complexity of the issues;

(d) the apportionment of liability;

(e) any written offer to settle;

[...]

(o) any other matter that it considers relevant.


[4]                 Dans l'ouvrage de D. Sgayias et al. intitulé : Federal Court Practice, éd. 2002 (Toronto : Carswell, 2001), page 763, les notes se rapportant à l'article 400 des Règles disent ce qui suit :

[TRADUCTION] Le paragraphe 400(3) des Règles n'est pas restrictif : la Cour peut tenir compte de toute autre question qu'elle juge pertinente : alinéa 400(3)o).

[...]

L'alinéa e) du paragraphe 400(3) des Règles indique que la Cour peut examiner toute offre écrite de règlement. Il est loisible à la Cour de tenir compte d'une offre écrite de règlement, et ce, peu importe que cette offre entraîne l'octroi du « double des dépens » en vertu des articles 419 et 420 des Règles.

[5]                 L'article 420 des Règles de la Cour fédérale (1998) est rédigé comme suit :


Offres de règlement

420. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour, le demandeur qui présente par écrit une offre de règlement qui n'est pas révoquée et qui obtient un jugement aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l'offre a droit aux dépens partie-partie jusqu'à la date de signification de l'offre et, par la suite, au double de ces dépens, à l'exclusion des débours.

420. (1) Unless otherwise ordered by the Court, where a plaintiff makes a written offer to settle that is not revoked, and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff shall be entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and double such costs, excluding disbursements, after that date.


[6]                 Le 5 juin 2001, la demanderesse Mediterranean a présenté à la défenderesse Sipco une offre écrite de règlement dans laquelle elle disait ce qui suit :


[TRADUCTION] La demanderesse offre par les présentes de régler les actions et la demande reconventionnelle qui a été présentée par votre cliente si cette dernière verse à notre cliente la somme de quarante trois mille cent quatre-vingt-neuf dollars et quatre-vingt-huit cents en devises canadiennes (43 189,88 $ CAN) (soit le montant réclamé au paragraphe 5 de la demande). Notre cliente est prête à renoncer aux intérêts sur ledit montant ainsi qu'aux dépens liés à sa demande et aux dépens liés à la demande reconventionnelle de votre cliente si votre cliente lui verse ledit montant.

[7]                 Cette offre a été rejetée. Par suite de la décision que Monsieur le juge Blais a rendue le 25 septembre 2001, la demanderesse Mediterranean se trouve maintenant dans une situation plus favorable que celle dans laquelle elle se serait trouvée si la défenderesse Sipco avait accepté l'offre de règlement.

[8]                 Dans la décision Stuart c. Canada, [1989] A.C.F. no 119 (C.F. 1re inst.), Madame le juge Reed a statué ce qui suit :

[...] la Cour est expressément autorisée à tenir compte des offres de règlement en adjugeant les frais et dépens.

[9]                 En ce qui concerne l'offre de règlement elle-même, certaines décisions pertinentes jettent la lumière sur la question de l'octroi du double des dépens en vertu de l'article 420 des Règles. Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals Int. Ltd., [2001] A.C.F. no 727, les juges Stone, Noël et Evans ont statué ce qui suit :

[para 10] Pour que le généreux avantage prévu par la règle 420(1) soit accordé au demandeur, l'offre de règlement doit être claire et sans équivoque, c'est-à-dire qu'elle ne doit laisser à la partie adverse que l'alternative de l'accepter ou de la refuser.


[10]            En l'espèce, l'offre de règlement qui a été présentée pour le compte de la demanderesse Mediterranean était claire et sans équivoque et exigeait uniquement une réponse de la part de la défenderesse Sipco.

[11]            De plus, dans la décision Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite, [2000] A.C.F. no 1725 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Lemieux a statué ce qui suit :

[para 10] [...] J'estime que l'élément de compromis (ou d'incitation à accepter l'offre) constitue un élément essentiel de toute offre de règlement [...]

[para 11] Ainsi que le juge Morden l'a souligné dans l'arrêt Data General, précité, l'offre de règlement a pour objet d'inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu'un jugement rendu par le tribunal à l'issue du procès. Il a ajouté que l'incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l'affaire.

[12]            L'offre de règlement qui a été présentée en l'espèce démontre bien qu'il y a un élément de compromis puisqu'elle permet une renonciation aux intérets et dépens si l'offre est acceptée.

[13]            Enfin, dans la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky's of B.C. Leisure Ltd., [1994] A.C.F. no 2012 (C.F. 1re inst), l'officier taxateur Stinson a dit qu'une offre de règlement valide a un effet automatique et que l'intervention de la Cour n'est pas nécessaire :

[para 9] [...] quatre offres de règlement ont été présentées par écrit, à des moments différents, et aucune n'a été retirée. Elles sont conformes au seuil établi à la Règle 344.1 et, comme la Règle 344 n'exige pas qu'une ordonnance soit rendue avant que la Règle 344.1 n'entre en jeu, l'officier taxateur a le pouvoir d'autoriser le tarif double. Si l'application de la Règle 344.1 n'était pas automatique ou obligatoire, cela serait dit expressément. Si je conclus dans le sens contraire, je dois renvoyer cette question devant la Cour afin qu'elle donne la directive convenable plutôt que de refuser sur-le-champ de doubler les dépens.


[para 10] [...] De toute façon, je pense qu'il n'est pas nécessaire que la Cour ait explicitement et visiblement exercé le pouvoir conféré par la Règle 344(1) pour que la Règle 344.1 soit applicable.

[14]            Par conséquent, si la Cour décidait que l'offre de règlement que la demanderesse Mediterranean a présentée à la défenderesse Sipco est claire et sans équivoque et que l'offre renferme un élément de compromis, l'offre entraînera nécessairement l'octroi du double des dépens au sens de l'article 420 des Règles.

[15]            La défenderesse Sipco affirme que l'article 420 des Règles ne s'applique pas eu égard aux circonstances de la présente espèce parce que la demanderesse Mediterranean a présenté l'offre [TRADUCTION] « vers la fin de l'action » et que [TRADUCTION] « l'offre de règlement a uniquement été présentée après que la défenderesse, la demanderesse dans la demande reconventionnelle, eût entamé des pourparlers en vue du règlement » (voir le paragraphe 5, page 2, des observations que la défenderesse a présentées au sujet des dépens). La défenderesse Sipco se fonde sur deux décisions en vue de renforcer sa position : Apotex Inc. c. Wellcome Ltd., [1998] A.C.F. no 1736 (C.F. 1re inst.) et Sanmammas Compania Maritima S.A. c. "Netuno" (Le), [1995] A.C.F. no 1442 (C.F. 1re inst.).


[16]            La première affaire, Apotex, précitée, est fort différente de la présente espèce puisqu'il s'agissait d'un litige extrêmement long et complexe : en effet, les interrogatoires préalables avaient duré plus de trente jours, plus de soixante requêtes interlocutoires avaient été présentées, l'instruction elle-même avait duré soixante-quatre jours, y compris les journées consacrées aux requêtes. Selon Monsieur le juge Wetston, l'offre de règlement avait été présentée à la fin de l'instance et elle l'avait été à la suite de propositions de la partie adverse. De toute évidence, la Cour voyait d'un mauvais oeil une offre de règlement qui était présentée à la fin de l'instance étant donné les efforts qui avaient déjà été consacrés à l'affaire.

[17]            Il est donc possible, compte tenu de son envergure, de faire une distinction entre l'affaire Apotex, précitée, et la présente espèce. Étant donné que, dans l'affaire Apotex, précitée, l'offre de règlement avait été présentée à la suite des propositions de la partie adverse, il est également possible de faire une distinction sur ce point entre cette affaire et la présente espèce. La défenderesse Sipco allègue avoir entamé les [TRADUCTION] « pourparlers en vue du règlement » qui ont donné lieu à la présentation d'une offre de règlement de la part de la demanderesse Mediterranean. Toutefois, les [TRADUCTION] « pourparlers en vue du règlement » ne sont pas des [TRADUCTION] « propositions » . Le mot « proposal » (proposition) est défini comme suit dans l'Oxford English Dictionary On-line : [TRADUCTION] « l'action ou le fait de suggérer à quelqu'un » alors que le mot « discussion » (pourparlers) est défini comme suit : [TRADUCTION] « action d'examiner une question au moyen d'arguments contradictoires; « mise en discussion d'une question » ou arguments ou débats visant à connaître la vérité ou à prouver un point. » En l'espèce, l'offre de règlement n'a pas été présentée à la suite des « propositions » de la partie adverse, mais elle résultait plutôt de « pourparlers » en vue du règlement; dans ces conditions, la décision Apotex, précitée, est fort peu utile à la défenderesse Sipco.


[18]            En second lieu, la défenderesse Sipco s'appuie sur la décision Sanmammas, précitée. Dans cette affaire-là, les demanderesses avaient présenté une offre de règlement six jours avant la date à laquelle l'instruction devait commencer; de plus, l'offre de règlement s'est avérée plus basse que les montants accordés. Madame le juge Tremblay-Lamer estimait donc qu'eu égard à ces circonstances particulières, l'octroi du double des dépens était excessif. Toutefois, en l'espèce, l'offre de règlement a été présentée le 5 juin 2001 et l'instruction a commencé le 26 juin 2001. Cela veut donc dire que la demanderesse Mediterranean a présenté l'offre de règlement exactement vingt et un jours avant le début de l'instruction. Les délais ne sont tout simplement pas comparables; par conséquent, la décision Sanmammas, précitée, est également peu utile à la défenderesse Sipco dans ce cas-ci.

[19]            En résumé, je suis d'avis que l'article 420 des Règles s'applique clairement en l'espèce et que l'offre de règlement doit être considérée comme valide.

[20]            Toutefois, la défenderesse Sipco a soulevé le point suivant :

[TRADUCTION] La demanderesse a eu gain de cause dans sa demande et dans la défense qu'elle a déposée dans la demande reconventionnelle, mais les motifs du jugement indiquent clairement que la défenderesse, la demanderesse dans la demande reconventionnelle, a été victime d'un acte négligent de la part de la demanderesse.

[21]            Il est vrai qu'il y a eu négligence, mais la défenderesse n'a pas pu prouver le préjudice qu'elle avait subi. La défenderesse n'a pas fourni de raisons valables en vue d'expliquer pourquoi le montant des dépens adjugés devrait être réduit à cet égard.


                                     O R D O N N A N C E

[22]            Par conséquent, la demanderesse a droit à ses dépens, notamment en ce qui concerne l'application de l'article 420 des Règles, l'officier taxateur devant agir en conséquence.

         « Pierre Blais »                                                                                                                                           Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 9 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-361-99

INTITULÉ :                                           MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY S.A. GENEVA

c.

SIPCO INC.

AFFAIRE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                        LE 9 NOVEMBRE 2001

ARGUMENTATION ÉCRITE:

M. JEAN-MARIE FONTAINE                                      POUR LA DEMANDERESSE

M. STEPHEN M. TURK                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

SPROULE & POLLACK, MONTREAL                      POUR LA DEMANDERESSEE

DAVIS & TURK, TORONTO                                       POUR LA DÉFENDERESSE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.