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Date : 20030227

Dossier : T-1552-99

OTTAWA (Ontario), le 27 février 2003.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

ENTRE :

                          LA BRASSERIE LABATT LIMITÉE

LABATT BREWING COMPANY LIMITED

demanderesse

et

MOLSON CANADA

défenderesse

VU l'appel que la demanderesse a interjeté à l'égard d'une décision en date du 28 juin 1999 par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce a refusé, au nom du registraire des marques de commerce, la demande d'enregistrement des mots OLAND EXPORT à titre de marque de commerce, la demanderesse ayant renoncéau droit à l'emploi exclusif du mot EXPORT;

APRÈS avoir entendu les avocats des parties à Ottawa (Ontario), le 23 avril 2002, et différé sa décision, et après avoir examiné les arguments alors formulés, y compris les arguments des deux parties au sujet d'éléments de preuve supplémentaires qui n'avaient pas été portés à l'attention de la Commission des oppositions;

                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.      L'appel de la demanderesse est accueilli.


2.     La décision de la Commission des oppositions des marques de commerce est infirmée.

3.     La demande de la demanderesse en vue d'enregistrer la marque de commerce OLAND EXPORT est accueillie et la marque de commerce visée par la demande doit être enregistrée.

4.     Les dépens du présent appel sont adjugés à la demanderesse selon la base habituelle des frais entre parties.

                                                                        « W. Andrew MacKay »      

                                                  ____________________________

                                                                              Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20030227

Dossier : T-1552-99

Référence neutre : 2003 CFPI 235

ENTRE :

                      LA BRASSERIE LABATT LIMITÉE

                     LABATT BREWING COMPANY LIMITED

                                                               demanderesse

                                    et

                              MOLSON CANADA

                                                               défenderesse

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 La demanderesse interjette appel d'une décision en date du 28 juin 1999 par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission), agissant au nom du registraire des marques de commerce, a refusé la demande d'enregistrement des mots OLAND EXPORT à titre de marque de commerce. Les parties conviennent que la principale question à trancher dans le présent appel est de savoir si la demande d'enregistrement de cette marque de commerce a été refusée à bon droit au motif que cette marque n'est pas distinctive.


[2]             Les Brasseries Oland Ltée/Oland Breweries, Limited (Oland), la demanderesse initiale et la partie ayant initialement interjeté appel de la décision de la Commission, est une société ayant son principal établissement à Halifax (Nouvelle-Écosse). Il s'agit d'une filiale de LA BRASSERIE LABATT LIMITÉE/LABATT BREWING COMPANY LIMITED (Labatt) et, par suite d'une ordonnance de la Cour rendue par consentement, le nom de LABATT a été utilisé en remplacement du sien dans l'intitulé de la cause en l'espèce lorsque le présent appel a été entendu. La défenderesse Molson Canada (Molson) est une société de personnes enregistrée dans la province de l'Ontario et formée entre Molson Inc. et Les Brasseries Carling O'Keefe du Canada Limitée.

[3]                 Le 23 août 1990, Oland a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce OLAND EXPORT afin d'employer cette marque en liaison avec des boissons alcoolisées obtenues par brassage, soutenant qu'elle utilisait cette marque depuis mars 1976 ou avant. Oland a été sommée de renoncer au droit à l'emploi exclusif du mot EXPORT séparément de la marque de commerce et a effectivement renoncé à ce droit. Les parties en l'espèce conviennent que le mot EXPORT est habituellement un mot descriptif.


[4]                 La demande d'Oland a été publiée dans le Journal des marques de commerce le 24 juillet 1991 et, le 30 septembre de la même année, Molson a déposé une déclaration d'opposition dans laquelle elle a invoqué quatre motifs de contestation. L'agent d'audience, qui agissait au nom de la Commission, n'a retenu qu'un seul de ces motifs par suite de l'audience tenue en juin 1999.

[5]                 Selon ce motif qu'a invoqué Molson, la marque de commerce visée par la demande n'était pas distinctive et ne permettait pas de distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles la demanderesse l'aurait utilisée d'avec les marchandises appartenant à des tierces parties, dont celles de Molson; de plus, la marque de commerce de la demanderesse n'était pas adaptée de façon à permettre cette distinction.

[6]                 Dans sa décision, publiée sous l'intitulé Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. Brasseries Oland Ltée (1997), 1 C.P.R. (4th) 239, la Commission a conclu, notamment, que la marque de commerce OLAND EXPORT [traduction] « n'est pas adaptée de façon à permettre de distinguer la bière EXPORT de la demanderesse de la bière EXPORT vendue par d'autres brasseurs nommés Oland » , invoquant la décision rendue dans Les Compagnies Molson Ltée c. John Labatt Ltée et al. (1981), 58 C.P.R. 157 (C.F. 1re inst.) (la décision LABATT EXTRA). De l'avis de la Commission, la demanderesse sollicitait l'enregistrement d'une marque de commerce composée d'un patronyme, OLAND, et d'un mot clairement descriptif ou non distinctif, EXPORT. Étant donné que les éléments de la marque proposée n'étaient pas enregistrables séparément, leur combinaison n'était pas enregistrable non plus.


[7]             En deuxième lieu, la Commission a souligné qu'à la fin de 1990, le mot EXPORT était distinctif de la bière de l'opposante en Ontario et au Québec, comme en a décidé Madame la juge Tremblay-Lamer dans Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée (1998), 82 C.P.R. (3d) 1, 148 F.T.R. 281 (l'appel initial concernant le mot EXPORT). Pour cette raison et [traduction] « compte tenu de la faiblesse inhérente de l'élément OLAND » , la Commission a conclu que la marque de commerce proposée OLAND EXPORT prêterait à confusion avec la marque de commerce EXPORT de l'opposante en Ontario et au Québec à la date du dépôt de l'opposition. En conséquence, étant donné que la marque de commerce de la demanderesse aurait prêté à confusion avec la marque de commerce EXPORT de Molson en Ontario et au Québec à cette date, elle n'était pas distinctive du produit d'Oland au Canada.

[8]                 En ce qui concerne les autres motifs d'opposition que la Commission n'a pas retenus, certaines des conclusions que celle-ci a formulées à cet égard seraient apparemment intéressantes, notamment les conclusions selon lesquelles,

1.          l'emploi par la demanderesse de la marque de commerce composée du dessin de l'étiquette du produit OLAND EXPORT ALE (LMC 244,581) constituait un emploi de la marque OLAND EXPORT, la marque faisant l'objet du litige;

2.          la marque de commerce proposée de la demanderesse ne prête pas à confusion avec l'une ou l'autre des cinq marques enregistrées de Molson qui sont mentionnées dans la déclaration d'opposition de la défenderesse et dont le dessin comprenait le mot MOLSON ou MOLSON'S avec le mot EXPORT.


[9]                 L'appel initial concernant le mot EXPORT était un appel interjeté devant la Cour fédérale à l'égard d'une décision par laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce avait rejeté la demande de Molson en vue d'enregistrer la marque de commerce EXPORT à l'égard des boissons alcoolisées obtenues par brassage. Il s'agit de la marque EXPORT que Molson a initialement invoquée au soutien de son opposition en l'espèce. Labatt s'est opposée avec succès à la demande relative au mot EXPORT devant la Commission des oppositions. Lorsqu'elle a entendu l'appel relatif à la décision de la Commission, Madame la juge Tremblay-Lamer a conclu que la preuve, y compris les nouveaux éléments de preuve présentés en appel, établissait que la marque de commerce EXPORT de Molson était distinctive en Ontario et au Québec (voir Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée (1998), précité).

[10]         La décision qu'a rendue la juge Tremblay-Lamer a été infirmée en appel devant la Cour d'appel fédérale, après la décision de la Commission qui fait l'objet du présent appel. S'exprimant au nom d'une majorité des membres de la Cour d'appel qui ont entendu l'appel, le juge Rothstein a conclu que le mot EXPORT n'était pas en soi distinctif du produit de Molson. Il a été établi en preuve que le mot EXPORT a toujours été utilisé en liaison avec le mot MOLSON ou MOLSON'S sur les bouteilles et les caisses; de plus, il n'y avait aucun élément de preuve établissant une renommée à l'égard de l'emploi du mot EXPORT en soi par Molson (voir Les Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée (2000), 5 C.P.R. (4e) 180 (C.A.F.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée (2000), 7 C.P.R. (4e), vi).


[11]          Plus tôt, en 1996, Molson avait engagé contre Oland une action pour substitution devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario relativement au lancement par Oland de son produit OLAND EXPORT en Ontario, alléguant que ce produit prêtait à confusion avec sa propre bière de marque EXPORT. La question a été tranchée en janvier 2001 par le juge Kealey, qui a conclu que le mot EXPORT en soi n'était pas distinctif de la bière Molson et n'avait pas acquis un sens dérivé imputable uniquement à Molson. L'action pour substitution intentée par Molson a été rejetée (voir Molson Canada c. Oland Breweries Limited, [2001] O.J. n ° 431 (C.S.J.), conf. (2002), 59 O.R. (3d) 607, [2002] O.J. n ° 2029 (C.A.). En appel, le juge Carthy a conclu que l'emploi d'une marque de commerce enregistrée constitue une défense dans une action pour substitution, à moins qu'il ne soit établi que cet emploi est invalide.

[12]            Les deux décisions susmentionnées, soit le jugement que la Cour d'appel a prononcé en 2000 et la décision que la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rendue en 2001 et qu'a confirmée la Cour d'appel de l'Ontario en 2002, ont une importance indirecte en l'espèce. À tout le moins, il n'y a plus aucune raison de soutenir que la marque OLAND EXPORT n'est pas distinctive par rapport à la marque de commerce EXPORT de Molson ou qu'elle prête à confusion avec celle-ci.


[13]            Dans le présent appel, la demanderesse soulève la question de savoir si la Commission a commis une erreur en négligeant d'examiner les marques enregistrées existantes d'Oland, y compris le mot « OLAND's » et les mots OLAND EXPORT ALE figurant dans un dessin d'étiquette et, même si cette omission n'est pas considérée comme une erreur, la question de savoir si les éléments de preuve supplémentaires déposés en appel conformément au paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, sous sa version modifiée (la Loi), justifient le prononcé d'un jugement infirmant la décision de la Commission et d'une ordonnance autorisant l'enregistrement de la marque proposée OLAND EXPORT. J'arrive maintenant à l'examen de ces questions.

[14]            Comme les parties en ont convenu, la norme de contrôle applicable à l'examen des décisions du registraire des marques de commerce est celle qu'a énoncée la Cour d'appel dans John Labatt Ltée et al. c. Les Brasseries Molson, société en nom collectif (2000), 5 C.P.R. (4e) 180 (C.A.F.), à la p. 196 :

...Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

Le caractère raisonnable de la décision de la Commission


La demanderesse Oland soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la marque OLAND EXPORT n'était pas distinctive de son produit. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des incidences de la marque de commerce enregistrée « OLAND's » et de la marque du dessin enregistré OLAND EXPORT ALE, même si elle a conclu que l'emploi de ce dessin constituait un emploi de la marque OLAND EXPORT. Ce faisant, la Commission a omis de distinguer la présente affaire d'avec la décision LABATT EXTRA et s'est fondée sur cette décision pour en arriver à sa conclusion.


Je conviens que la présente espèce se distingue des faits de la décision LABATT EXTRA. Elle concernait une marque de commerce proposée et non une marque dont l'emploi depuis un certain temps était revendiqué, comme c'est le cas en l'espèce. De plus, dans cette affaire, la demanderesse Labatt avait renoncé à l'emploi du mot LABATT et convenu de l'utiliser uniquement comme patronyme avec le mot EXTRA, qui est un mot descriptif; le juge Cattanach a jugé que cette marque n'était pas enregistrable. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a pas eu de renonciation à l'emploi du mot OLAND; le mot « OLAND's » sous sa forme possessive constituait plutôt une marque de commerce enregistrée. Même si la Commission a reconnu ces circonstances, elle a fondé sa décision sur l'absence d'éléments de preuve admissibles quant à l'emploi ou à la renommée de la marque visée par la demande d'enregistrement à l'époque pertinente, soit septembre 1991. Il n'y avait donc aucun élément de preuve pouvant permettre de conclure à l'existence d'un caractère distinctif. Selon la Commission, le simple enregistrement d'une marque de commerce n'indique pas la mesure dans laquelle l'oeuvre enregistrée a pu effectivement devenir distinctive. Il n'est nullement soutenu que la Commission aurait dû conclure que la marque OLAND EXPORT a été adaptée de manière à permettre de distinguer les marchandises de la demanderesse de celles de tierces parties. Dans les circonstances, d'après le dossier dont elle était saisie, la Commission a rendu une décision raisonnable, en l'absence de preuve d'emploi ou de renommée de la marque de commerce OLAND EXPORT. Je ne suis pas convaincu que le résultat de la décision de la Commission était déraisonnable.

Élé ments de preuve supplémentaires dépos és en appel

Les deux parties ont déposé des éléments de preuve supplémentaires au moyen d'affidavits dans le présent appel. La seule preuve pertinente en l'espèce est celle qui concerne l'emploi ou la renommée de la marque de commerce à la date de l'opposition, soit le 30 septembre 1991. Cette preuve est essentielle, mais ne permet peut-être pas en soi de conclure que la marque de commerce est distinctive, ce qui est la principale caractéristique d'une marque de commerce. L'emploi ou la renommée doit être tel que la marque indique au consommateur les marchandises en liaison avec lesquelles elle est associée au producteur, c'est-à -dire qu'elle permet de distinguer ces marchandises de celles d'autres propriétaires (la Loi, art. 2).


La demanderesse soutient que la défenderesse Molson ne s'est pas déchargée du fardeau qu'elle avait, en qualité d'opposante, de démontrer par des éléments de preuve que la question du caractère distinctif devrait être examinée. Dans la mesure où ce fardeau de preuve existe, il ne naît qu'une fois que la demanderesse Oland a prouvé que la marque dont elle demande l'enregistrement est distinctive ou est adaptée de façon à distinguer ses marchandises de celles d'autres propriétaires. Dans la présente affaire, il n'est nullement soutenu que les mots de la marque sont adaptés de façon à distinguer les marchandises d'Oland. En ce qui concerne le caractère distinctif, le juge Evans a souligné ce qui suit dans Novopharm Ltd. c. Bayer Inc. et al., [1999] A.C.F. n ° 1661, [2000] 2 C.F. 553 (C.F. 1re inst.) :

...Tant au cours de la procédure d'opposition devant le registraire qu'en appel devant la Cour, le fardeau d'établir le caractère distinctif de la marque incombe à la requérante.

À mon avis, les éléments de preuve supplémentaires qu'Oland a présentés en l'espèce n'établissent pas le caractère distinctif de la marque de commerce OLAND EXPORT. La preuve supplémentaire présentée à ce sujet comprend l'affidavit et les pièces déposés par John Tilden, analyste de la commercialisation nationale de la Brasserie Labatt Ltée et de sa filiale en propriété exclusive, Oland, qui est chargéde recueillir des données internes générales concernant la vente des produits des deux entreprises et de tenir des registres permanents de ces renseignements. Il est également chargéd'observer et de compiler, pour les deux sociétés, des données concernant le volume des ventes des concurrents et la part du marché des produits de Labatt et d'Oland. M. Tilden s'acquitte de ces tâches et a également accompli des tâches similaires pour des sociétés remplacées depuis 1979.


La preuve que M. Tilden a présentée au sujet des ventes du produit OLAND EXPORT concerne la période allant de 1972 à 1998 pour les trois provinces maritimes et la période allant de 1996 à 1998 dans le cas de l'Ontario. Les ventes qui ont été faites après le 30 septembre 1991 ne sont pas pertinentes aux fins de la détermination du caractère distinctif de la marque de commerce OLAND EXPORT à la date de l'opposition déposée par la défenderesse. Cependant, en ce qui concerne la période pertinente, soit la période allant jusqu'à 1990, il appert de la preuve de M. Tilden qu'en 1972, les ventes du produit OLAND EXPORT ont totalisé 89 465 hectolitres pour les trois provinces (un hectolitre équivaut à environ 268 « chopines » de bière). En 1976, ce chiffre a atteint 134 659 hectolitres pour les trois provinces et, en 1990, il s'établissait à 54 550 hectolitres. Jusqu'à l'an dernier, les ventes représentaient encore environ 10 p. 100 de la part du marché en Nouvelle-Écosse. Au cours de la période allant de 1972 à 1990, les ventes de produit OLAND EXPORT ont totalisé environ 2 217 350 hectolitres dans les trois provinces maritimes, soit 53 660 000 caisses de 12 chopines de bière.


La preuve permet de conclure que, jusqu'en 1991, c'est-à -dire l'année de l'opposition de la défenderesse, les ventes de bière OLAND EXPORT ont été élevées dans les provinces maritimes, surtout en Nouvelle-Écosse. La défenderesse soutient que cette preuve ne concerne que des ventes restreintes et que même des chiffres de vente impressionnants ne suffisent pas à établir le caractère distinctif, en l'absence d'autres éléments de preuve à ce sujet. Cette mise en garde est tirée de la décision Novopharm Ltd. c. Ciba-Geigg Canada Ltd, [2000] A.C.F. n ° 509 (QL) au para. 17 (C.F. 1re inst.), 6 C.P.R. (4e) 224, où le juge Rouleau a rejeté un appel de la décision par laquelle le registraire avait rejeté une demande visant à enregistrer comme marque de commerce la couleur (rose) et la forme (ronde) d'un comprimé, malgré les chiffres de vente élevés mis en preuve. Le juge a conclu qu'il n'y avait aucun autre élément de preuve établissant le caractère distinctif du produit dans un marchéoù existait une variété de comprimés roses de forme ronde vendus par différentes sources et à différentes fins. Cette décision a été confirmée en appel (voir Novopharm Ltd. c. Astra Zeneca AB (2001), 5 C.P.R. (4e) 327 (C.A.F.)). La mise en garde est utile, mais elle ne permet pas de trancher la question du caractère distinctif en l'espèce.

Le marché de la bière est différent. La couleur et la forme d'un produit ont peut-être une influence auprès des consommateurs, mais la marque, identifiée dans tous les cas par la marque de la brasserie, a plus d'importance à mon avis en ce qui concerne le marchéde la bière. De plus, les affidavits supplémentaires que MM. Tilden et Beasley ont déposés dans le présent appel comprennent des données fondées sur des registres que tient Tilden au sujet de marques concurrentes et qui indiquent qu'aucune autre société n'a apparemment utilisé le mot OLAND en liaison avec des boissons alcoolisées obtenues par brassage depuis au moins 1979. M. Beasley, qui est responsable des questions concernant les marques de commerce, y compris les registres de Labatt et d'Oland, ainsi que de l'examen de tout signalement d'un problème de confusion sur le marché, soutient qu'il ne connaît aucun produit vendu au Canada sous un nom comprenant le mot OLAND, exception faite des produits de la demanderesse.


La défenderesse allègue que le mot OLAND n'est d'abord et avant tout qu'un patronyme qui figure dans de nombreux annuaires téléphoniques. Je conviens qu'il s'agit d'un patronyme, mais il est indubitable en l'espèce qu'il s'agit également d'un mot employé dans les marques de commerce enregistrées de la demanderesse, soit « OLAND's » et OLAND EXPORT ALE. L'absence d'emploi connu du mot OLAND dans une marque de commerce par une personne autre que la demanderesse pendant une certaine période allant jusqu'à l'année 1991 inclusivement appuie l'allégation de celle-ci quant au caractère distinctif de la marque visée par la demande.

En dernier lieu, la défenderesse allègue que la marque proposée, qui est composée d'un patronyme (OLAND) et d'un élément additionnel (EXPORT), lequel est un mot descriptif, n'est pas distinctive. Elle ajoute qu'il s'agit d'une conclusion de fait qui relève uniquement de la compétence du registraire et que la Cour ne devrait pas modifier.

La marque proposée est OLAND EXPORT et la demande concerne non pas chacun des éléments séparément, mais l'emploi des deux mots ensemble. La Commission des oppositions a conclu que la marque avait été employée dans la marque enregistrée OLAND EXPORT ALE de la demanderesse. Pourtant, elle a aussi conclu à l'absence d'éléments de preuve admissibles quant à l'emploi ou au caractère distinctif en 1991. À mon avis, cette absence de preuve a été corrigée de façon satisfaisante par les éléments de preuve supplémentaires que la demanderesse a présentés en l'espèce. À mon sens, cette preuve supplémentaire aurait touché sensiblement la conclusion de fait de la Commission ou la façon dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire. Effectivement, la Commission a souligné dans sa décision, après avoir énoncé sa conclusion selon laquelle la marque proposée ne distinguait pas les marchandises d'Oland de celles des autres propriétaires ni n'avait été adaptée à cette fin, que

[TRADUCTION] ... si la demanderesse avait été en mesure de présenter des éléments de preuve admissibles indiquant un emploi important de sa marque au Canada et une grande publicité à son égard, le résultat aurait peut-être été différent.


Conclusion

Même si elle estime que la Commission des oppositions n'a pas commis d'erreur, compte tenu de la preuve dont elle était saisie, lorsqu'elle a rejetéla demande d'enregistrement de la demanderesse, la Cour conclut également que la preuve supplémentaire déposée dans le présent appel conformément au paragraphe 56(5) de la Loi est telle que, si elle avait été portée à l'attention du registraire, elle aurait touchésensiblement les conclusions de fait de la Commission, notamment quant à la question de savoir si la demanderesse a prouvé que sa marque était distinctive de ses produits.

Après avoir examiné la preuve dont la Commission était saisie et la preuve supplémentaire déposée dans le présent appel, la Cour conclut que la demanderesse s'est déchargée du fardeau qu'elle avait de prouver qu'à la date de l'opposition, soit le 30 septembre 1991, la marque proposée OLAND EXPORT était distinctive de la bière brassée de la demanderesse.

L'appel est accueilli. Compte tenu du paragraphe 56(5) de la Loi, qui permet à la Cour d'exercer toute discrétion dont le registraire est investi, j'accueille l'appel au moyen d'une ordonnance distincte et j'ordonne que la décision attaquée de la Commission soit infirmée et que la marque de commerce visée par la demande, soit OLAND EXPORT, soit enregistrée relativement aux boissons alcoolisées obtenues par brassage de la demanderesse.


La demanderesse Labatt a demandé les dépens de la présente demande, mais les dépens de l'appel seulement lui sont attribués en vertu de l'ordonnance. Les dépens accordés en l'espèce ne comprennent pas les frais liés aux procédures qui se sont déroulées devant le registraire.

                                                               « W. Andrew MacKay »     

                                                  ____________________________

                                                                              Juge                      

OTTAWA (Ontario)

Le 27 février 2003

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-1552-99

INTITULÉ :                                           LA BRASSERIE LABATT LIMITÉE

LABATT BREWING COMPANY LIMITED

c.

MOLSON CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa

DATE DE L'AUDIENCE :                le 23 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                        le 27 février 2003

COMPARUTIONS:

Glen Tremblay

Dennis Leung                                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Elizabeth Elliott                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Smart & Biggar

Ottawa                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Macera & Jarzyna

Ottawa                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

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