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Date : 20011113

Dossier : T-133-99

                                                    Référence neutre :2001 CFPI 1233

ENTRE :

                          WILLIAM THOMAS VAUGHAN

                                                                                                  demandeur

                                                                                                    (appelant)

                                                         et

                                  SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                               défenderesse

                                                                                                      (intimée)

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

MADAME LE JUGE HENEGHAN

[1]                 M. William Thomas Vaughan (l'appelant) interjette appel de l'ordonnance en date du 31 janvier 2000 par laquelle la protonotaire Aronovitch a fait droit à la requête que la défenderesse intimée a déposée en application de la Règle 221 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue de faire radier la déclaration au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action.


[2]                   L'ordonnance de la protonotaire a pour effet de mettre fin à l'action engagée par l'appelant. Le sort du présent appel dépend de la norme d'examen applicable aux appels relatifs à une ordonnance d'un protonotaire. Cette norme est énoncée dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., jugement de la Cour d'appel fédérale publié dans [1993] 2 C.F. 425, à la page 463 :...au sujet de la norme de révision à appliquer par le juge des requêtes à l'égard des décisions discrétionnaires de protonotaire. Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

                 a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

...

Si l'ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début.

[3]                 Étant donné que l'ordonnance en question scelle le sort de l'action, la Cour d'appel doit, en l'espèce, exercer son pouvoir discrétionnaire comme si elle était saisie de la requête en radiation initiale. La première étape consiste à évaluer la déclaration à l'aide du critère applicable à la radiation des actes de procédure.


[4]                   La Cour suprême du Canada a examiné ce critère dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, 117 N.R. 321 (C.S.C.), où Madame le juge Wilson, qui s'exprimait au nom de la Cour, a formulé les remarques suivantes à la page 975 :...en supposant que les faits exposés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il [TRADUCTION] « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable?

[5]                 En deuxième lieu, il convient de rappeler que, dans une requête visant à radier un acte de procédure, les faits allégués dans l'acte en question sont tenus pour avérés. Voici les faits pertinents allégués dans la déclaration de l'appelant :

[4] Le demandeur a occupé un emploi d'ingénieur en mécanique au ministère des Travaux publics de 1975 à 1996. Au mois d'octobre 1994, le demandeur a été mis au courant qu'il deviendrait un employé excédentaire le 12 octobre 1994 étant donné le manque de travail et que la date prévue pour sa mise à pied était le 12 avril 1995.

[5] L'article 1.1.14 de la Directive sur le réaménagement des effectifs ( « DRE » ), qui est réputée faire partie de la convention collective du demandeur, prévoit que la période de priorité d'excédentaire doit être prorogée jusqu'à ce qu'au moins une offre d'emploi raisonnable soit faite. Le 17 février 1995, un emploi a été offert à M. Vaughan. Il s'agissait cependant d'une offre conditionnelle.

[6] Dans l'intervalle, M. Vaughan avait pris connaissance d'une solution de rechange additionnelle à celles d'accepter ou de refuser l'offre qu'on lui avait présentée, à savoir, quitter la fonction publique conformément au Programme d'encouragement à la retraite anticipée.

[7] Le 6 mars 1995, il a fait la demande d'une prestation de retraite anticipée, à être versée le 1er avril 1995, et a confirmé sa décision de prendre sa retraite de la fonction publique le 24 mai 1995. Étant donné que la prestation n'est pas disponible aux termes du Programme d'encouragement à la retraite anticipée si un employé a reçu une offre d'emploi raisonnable avant de quitter la fonction publique, la demande de prestation de retraite anticipée de M. Vaughan a été rejetée au motif qu'il avait reçu une telle offre d'emploi.

[8] Le demandeur a formulé un grief contre la décision voulant que l'offre d'emploi présentée le 17 février 1995 était une offre raisonnable et soutenu que les dispositions de la DRE n'avaient pas été respectées. Le Conseil national mixte, qui devait se prononcer sur le grief, a rendu une décision favorable à M. Vaughan et prorogé sa période de priorité excédentaire.


[9] Le 24 décembre 1996, en réponse à la décision du Conseil national mixte, on a offert au demandeur un poste d'une durée indéterminée sans poser de conditions qui équivalait au poste qu'il occupait précédemment. Il a accepté l'offre le 10 janvier 1997. À peu près une semaine plus tard, il a informé le directeur régional, lors d'une conversation téléphonique, des engagements qu'il avait déjà pris dans le secteur privé et a demandé qu'on lui accorde quelques mois pour qu'il s'acquitte de ses responsabilités professionnelles. Il a été mis au courant, par lettre, que sa nomination prenait effet le 17 février 1997 et que le défaut de se présenter au travail serait considéré comme un refus de l'offre d'emploi raisonnable.

[10] Le 13 février 1997, le demandeur a informé la défenderesse de son intention de passer au palier suivant de la procédure de grief parce que l'offre d'emploi ne réglait pas au fond son grief du 4 mars 1996, à savoir, son droit à la prime d'encouragement à la retraite anticipée. La défenderesse a considéré que ce geste du demandeur constituait un refus d'une offre d'emploi raisonnable. Au palier suivant de la procédure de grief, le Comité exécutif du Conseil national mixte a conclu que la première offre d'emploi n'était pas visée par la DRE. Le grief a par la suite été renvoyé à l'arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

[11] L'arbitre a maintenu la décision du Conseil national mixte et conclu que la mise à pied du demandeur du 23 février 1996 était invalide et que sa période de priorité excédentaire aurait dû être prolongée. L'arbitre a également conclu que le refus du demandeur de se présenter au travail à compter du 17 février 1997 constituait un refus d'une offre d'emploi raisonnable qui entraînait la mise à pied de ce dernier à compter de cette date et lui donnait droit à une indemnité de départ en vertu de la DRE. Quant à la demande du demandeur relative à la prime d'encouragement à la retraite anticipée, l'arbitre a conclu qu'il n'avait pas compétence pour entendre cette demande étant donné que le droit à la prime de départ anticipé ne résultait pas de la convention collective.

[6]    L'appelant demande :

     a)         une déclaration portant qu'il avait droit à une prestation de retraite anticipée (PRA) à compter du 1er avril 1995, conformément au Règlement no 2 sur le régime compensatoire, DORS 95-169, qui a été pris en application de l'article 10 et du paragraphe 28(1) de la Loi sur les régimes de retraite particuliers, L.C. 1992, ch. 46, annexe I;

     b)         une indemnité selon un montant correspondant à la PRA qu'il a perdue entre le 1er avril 1995 et la date du jugement;

     c)         des intérêts avant jugement et après jugement sur tous les montants accordés;

     d)         les dépens procureur-client de la présente action;

     e)         toute autre réparation que la Cour juge indiquée.


Arguments de l'appelant

[7]                 L'appelant soutient qu'il a une cause d'action valable, malgré l'obstacle apparent découlant de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 1 (la Loi). Il fait valoir que son cas n'est pas visé par le régime créé par la Loi en ce qui concerne le règlement des différends opposant les membres de la fonction publique et le gouvernement fédéral en qualité d'employeur.

[8]                 L'appelant allègue que la protonotaire a commis une erreur en concluant que le régime énoncé dans la Loi empêche l'accès aux tribunaux avant la participation à la procédure de grief prévue dans cette même Loi et indépendamment de cette participation. Plus précisément, l'appelant fait valoir que la Loi ne prévoit aucun moyen permettant l'arbitrage par une tierce partie de sa demande d'admissibilité à la prestation de retraite anticipée (PRA). Selon lui, la procédure de grief énoncée dans la Loi ne constitue pas un recours satisfaisant et significatif pour lui, puisqu'elle ne permet pas de régler pleinement au fond sa demande visant à faire reconnaître son droit à la PRA. De plus, cette procédure ne prévoit pas l'attribution ultime de la PRA ou d'une prestation équivalente en sa faveur.

[9]                 L'appelant établit une distinction entre son cas et les circonstances dont la Cour suprême du Canada a été saisie dans les arrêts Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929 et Nouveau-Brunswick c. O'Leary, [1995] 2 R.C.S. 967. Selon lui, les circonstances de ces deux arrêts comportaient les caractéristiques suivantes qui ne sont pas présentes dans son cas :


a)         les conventions collectives et les régimes législatifs exigeaient que les plaintes en litige soient réglées par voie d'arbitrage;

b)         l'arbitre était habilité à examiner les questions en litige;

c)         l'arbitre disposait d'un éventail suffisant de recours pour trancher tous les éléments des plaintes.

[10]            L'appelant ajoute que la Cour d'appel fédérale a rendu des décisions contradictoires au sujet des réparations dont il dispose. À cet égard, l'appelant cite les arrêts Banerd c. Canada (sous-ministre du Revenu national), [1996] A.C.F. no 260 (C.A.) (QL), et Johnson-Paquette c. Sa Majesté La Reine (1998), 159 F.T.R. 42, [1998] A.C.F. no 441 (C.F. 1re inst.) (QL), décision confirmée dans (2000), 253 N.R. 305, [2000] A.C.F. no 441 (C.A.F. (QL).

[11]            Dans l'arrêt Banerd, précité, la Cour d'appel fédérale était saisie d'un appel d'une décision par laquelle la Section de première instance avait radié une déclaration pour cause d'absence de compétence. Le demandeur, qui était membre de la fonction publique fédérale, a demandé une déclaration portant qu'il avait été injustement congédié. La Cour d'appel a examiné la question de savoir si le demandeur aurait pu exercer un recours en vertu de la Loi.


[12]            M. Banerd avait le droit de déposer un grief concernant son allégation de congédiement injuste en application de l'article 91 de la Loi, mais il n'aurait pu soumettre la question à l'arbitrage conformément à l'article 92. La Cour d'appel a donc conclu, au paragraphe 6, que la Loi « ne prévoit aucun recours de quelque nature que ce soit pour une personne occupant un poste comme celui du demandeur » . Elle a également conclu qu'aucune autre loi ne prévoyait un recours à l'égard du manquement reproché. La Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel, rétablissant de ce fait la déclaration du demandeur.

[13]            Par ailleurs, dans l'arrêt Johnson-Paquette, précité, la Cour d'appel fédérale a conclu que l'existence d'une procédure de grief énoncée dans la Loi empêche un employé de la fonction publique fédérale d'intenter une action découlant d'un différend qui peut faire l'objet d'un grief, même lorsque ce différend ne peut être soumis à un arbitrage indépendant. La Cour n'a pas fait allusion à la décision qu'elle avait précédemment rendue dans l'affaire Banerd.

[14]              L'appelant cite également des décisions dans lesquelles des cours d'appel provinciales ont examiné les questions liées à la compétence dans des circonstances où les déclarations avaient été déposées par des personnes membres de la fonction publique fédérale. Dans Danilov c. Canada (Commission canadienne de sûreté nucléaire) (1999), 125 O.A.C. 130, 48 C.C.E.L. (2d) 34 (C.A. Ont.) (autorisation d'interjeter devant la Cour suprême du Canada rejetée, (2000), 260 N.R. 399), la Cour d'appel de l'Ontario a statué que l'article 91 de la Loi, qui concerne la procédure de grief, ne constituait pas un obstacle à une demande d'indemnité de départ, puisque cette demande ne pouvait être soumise à l'arbitrage conformément à l'article 92 de la Loi. Aux paragraphes 9 et 10 de sa décision, la Cour s'est exprimée comme suit :[TRADUCTION]

9. Enfin, nous ne croyons pas que l'existence d'une procédure de grief énoncée dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985) ch. P-35 (la LRTFP) justifie le rejet de la présente action. Cette procédure ne permet pas au demandeur de soumettre le différend à un arbitrage obligatoire par une tierce partie. Le demandeur ne peut faire rien de plus que déposer une plainte à ce sujet auprès de son employeur. De plus, contrairement à la situation qui existait dans Johnson-Paquette c. Canada (1998), 159 F.T.R. 42, le demandeur en l'espèce n'a pas accepté dans le cadre de la négociation collective que la procédure de grief énoncée dans la LRTFP serve de mécanisme de règlement des différends pour lui.

10. Par conséquent, le raisonnement suivi dans l'arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929 est tout simplement inapplicable. Lorsque la procédure de grief énoncée dans un texte législatif n'est pas acceptée et qu'il n'existe pas non plus de mécanisme prévoyant l'arbitrage définitif et obligatoire du différend, cette procédure ne saurait être considérée comme le seul recours possible qui exclurait de ce fait le recours aux tribunaux.

[15]            La Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a également reconnu sa compétence à l'égard d'une demande de dommages-intérêts formulée au nom d'un employé de la fonction publique dans Pleau c. Canada (Attorney General) (1999), 182 D.L.R. (4th) 373 (C.A. N.-É). (autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada refusée; (2000), 262 N.R. 399). Elle a conclu que la convention collective ne traitait pas du fond de la plainte du demandeur et que, par conséquent, l'affaire ne pouvait être soumise à l'arbitrage conformément à l'article 92 de la Loi. Voir la page 17 du dossier de la requête de l'appelant.

Arguments de l'intimée

[16]            L'intimée adopte une position contraire à celle de l'appelant et fait valoir que la cause d'action que celui-ci a invoquée dans sa déclaration dépasse la compétence de la Cour d'appel fédérale, car la Loi crée un code complet de règles permettant de trancher les différends liés à un emploi dans la fonction publique du Canada. De plus, ajoute-t-elle, l'ensemble de la jurisprudence favorise sa position selon laquelle la Cour n'a pas compétence pour instruire l'action de l'appelant; elle invoque à cet égard le récent jugement que la Cour d'appel fédérale a rendu dans l'affaire Johnson-Paquette.


[17]            L'intimée soutient que la Loi énonce de façon exclusive les recours dont dispose un employé qui cherche à obtenir une réparation du gouvernement fédéral. Dans la présente affaire, afin d'obtenir une réparation par suite de l'ingérence de son employeur dans le cadre de son emploi, l'appelant devait suivre la démarche énoncée à l'article 91 de la Loi, laquelle démarche aurait pu mener en dernier ressort à l'introduction d'une demande de contrôle judiciaire.

[18]            L'intimée souligne également le statut de fonctionnaire fédéral de l'appelant qui était à l'emploi du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Ce ministère est mentionné à l'annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, et ses modifications, et est visé par la partie I de l'annexe I de la Loi. Conformément au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. 33, et ses modifications, l' « administrateur général » dont il est fait mention dans la convention collective de l'appelant est le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

[19]            La procédure de grief dont dispose l'appelant est régie par la Loi ainsi que par la convention collective qui s'applique à lui. Voici le texte du paragraphe 100(4) de la Loi :


100(4) Pour l'application des dispositions de la présente loi concernant les griefs, l'employeur désigne les personnes dont la décision en cette matière constitue un palier de la procédure applicable, y compris le dernier. En cas de doute, il communique par écrit les noms de ces personnes à quiconque voulant déposer un grief, ou à la Commission.

100(4) For the purposes of any provision of this Act respecting grievances, the employer shall designate the person whose decision on a grievance constitutes the final or any level in the grievance process and the employer shall, in any case of doubt, by notice in writing, advise any person wishing to present a grievance, or the Board, of the person whose decision thereon constitutes the final or any level in the process.



[20]            Les différentes étapes de la procédure de grief sont énoncées à la clause 35.06 de la convention collective qui régit l'emploi de l'appelant :

[TRADUCTION]

35.06 La procédure de grief comporte un maximum de quatre paliers, qui sont les suivants :

a)         palier 1 - premier niveau de la direction;

b)         paliers 2 et 3 au sein des ministères et organismes où ces paliers existent - paliers intermédiaires;

c)         dernier palier - directeur général ou administrateur général ou son représentant autorisé [non souligné à l'original].

[21]            Selon l'intimée, l'appelant pouvait engager cette procédure de grief qui aurait donné lieu, en dernier ressort, à une audition devant le sous-ministre ou son remplaçant. Cette personne est habilitée à accorder la réparation que demande l'employé lésé; de plus, la décision de cette personne peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications.

[22]            L'intimée allègue que l'appelant ne peut mettre de côté la disposition du paragraphe 18(3) de la Loi sur la Cour fédérale simplement en engageant une action contre Sa Majesté La Reine lorsque son recours se situe ailleurs. De l'avis de l'intimée, en engageant une action de cette façon, l'appelant cherche le contrôle judiciaire d'une décision concernant son inadmissibilité aux PRA sans avoir exercé le recours prévu par la Loi.

Question en litige

[23]            La protonotaire a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il est évident et manifeste que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action?


Analyse

[24]            À mon avis, les faits suivants ont une importance majeure pour l'issue du présent appel :

           1.         L'appelant était auparavant à l'emploi de la fonction publique fédérale;

           2.         La convention collective applicable prévoit une procédure de grief;

           3.         L'appelant demande une déclaration de reconnaissance de son admissibilité à certaines prestations, plus précisément la PRA;

           4.         La PRA est liée à l'emploi que l'appelant exerçait.

[25]            Ces faits comportent certaines conséquences juridiques lorsqu'ils sont examinés au regard de la Loi, notamment des articles 91, 92 et 96, dont voici le texte :



91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les

conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

Restrictions

(2) Le fonctionnaire n'est pas admis à présenter de grief portant sur une mesure prise en vertu d'une directive, d'une instruction ou d'un règlement conforme à l'article 113. Par ailleurs, il ne peut déposer de grief touchant à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposition d'une

convention collective ou d'une décision arbitrale qu'à condition d'avoir obtenu l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et d'être représenté par cet agent.

Droit d'être représenté par une organisation syndicale

(3) Le fonctionnaire ne faisant pas partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée peut demander l'aide de

n'importe quelle organisation syndicale et, s'il le désire, être représenté par celle-ci à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

Idem

(4) Le fonctionnaire faisant partie d'une unité de négociation pour laquelle une organisation syndicale a été accréditée ne peut être représenté par une autre organisation syndicale à l'occasion du dépôt d'un grief ou de son renvoi à l'arbitrage.

S.R., ch. P-35, art. 90.

Arbitrage des griefs

Renvoi à l'arbitrage

Renvoi d'un grief à l'arbitrage

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

Approbation de l'agent négociateur

(2) Pour pouvoir renvoyer à l'arbitrage un grief du type visé à l'alinéa (1)a), le fonctionnaire doit obtenir, dans les formes réglementaires, l'approbation de son agent négociateur et son acceptation de le représenter dans la procédure d'arbitrage.

Exclusion

(3) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Décret

(4) Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner, pour l'application de l'alinéa (1)b), tout secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie II de l'annexe I.

96. (1) Sauf règlement pris par la Commission aux termes de l'alinéa 100(1)d), le renvoi d'un grief à l'arbitrage de même que son audition et la décision de l'arbitre à son sujet ne peuvent intervenir qu'après l'observation intégrale de la procédure applicable en la matière jusqu'au dernier palier.

Décision entraînant une modification

(2) En jugeant un grief, l'arbitre ne peut rendre une décision qui aurait pour effet d'exiger la modification d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

Décision définitive et obligatoire

(3) Sauf dans le cas d'un grief qui peut être renvoyé à l'arbitrage au titre de l'article 92, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est finale et obligatoire, et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l'égard du grief ainsi tranché.

91. (1) Where any employee feels aggrieved

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii), in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

Limitation

(2) An employee is not entitled to present any grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies, or any grievance relating to any action taken pursuant to an instruction, direction or regulation given or

made as described in section 113.

Right to be represented by employee organization

(3) An employee who is not included in a bargaining unit for which an employee organization has been certified as bargaining agent may seek the assistance of and, if the employee chooses, may be represented by any employee organization in the presentation or reference to adjudication of a grievance.

Idem

(4) No employee who is included in a bargaining unit for which an employee organization has been certified as bargaining agent may be represented by any employee organization, other than the employee organization certified as bargaining agent, in the presentation or reference to adjudication of a grievance.

R.S., c. P-35, s. 90.

Adjudication of Grievances

Reference to Adjudication

Reference of grievance to adjudication

92. (1)Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4), (i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or (ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty, and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

Approval of bargaining agent

(2) Where a grievance that may be presented by an employee to adjudication is a grievance described in paragraph (1)(a), the employee is not entitled to refer the grievance to adjudication unless the bargaining agent for the bargaining unit, to which the collective agreement or arbitral award referred to in that paragraph applies, signifies in the prescribed manner its approval of the reference of the grievance to adjudication and its willingness to represent the employee in the adjudication proceedings.

Termination under P.S.E.A. not grievable

(3) Nothing in subsection (1) shall be construed or applied as permitting the referral to adjudication of a grievance with respect to any termination of employment under the Public Service Employment Act.

Order

(4) The Governor in Council may, by order, designate for the purposes of paragraph (1)(b) any portion of the public service of Canada specified in Part II of Schedule I.

96. (1) Subject to any regulation made by the Board under paragraph 100(1)(d), no grievance shall be referred to adjudication and no adjudicator shall hear or render a decision on a grievance until all procedures established for the presenting of the grievance up to and including the final level in the grievance process have been complied with.

Decision requiring amendment

(2) No adjudicator shall, in respect of any grievance, render any decision thereon the effect of which would be to require the amendment of a collective agreement or an arbitral award.

Binding effect

(3) Where a grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 92 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken thereon.


[26]            Les parties conviennent que l'article 92 ne permet pas de trancher la question en litige en l'espèce, puisque la plainte de l'appelant n'est pas liée aux situations décrites au paragraphe 92(1). Compte tenu des allégations formulées dans la déclaration, il semble que la procédure de règlement dont l'appelant dispose est celle qui est prévue à l'article 91. Selon le paragraphe 96(3), lorsque la procédure d'arbitrage atteint le quatrième palier, la décision de l'arbitre devient définitive aux fins de la Loi.

[27]            Dans Gregoire Panagopoulos c. Sa Majesté La Reine, [1990] A.C.F.. no 234 (C.F. 1re inst. )(QL), la Cour a statué que la Loi est un code complet régissant le règlement des différends en matière d'emploi qui opposent les membres de la fonction publique fédérale et leur employeur, Sa Majesté La Reine.


[28]            Dans Weber, la Cour suprême du Canada devait décider si les fonctionnaires fédéraux régis par la LRTFP avaient le droit de s'adresser aux tribunaux pour régler les différends découlant de la convention collective. Selon le modèle que le juge McLachlin (alors juge de la Cour suprême du Canada), qui s'exprimait au nom de la majorité, a adopté au sujet de la compétence de la Cour, lorsque le litige, considéré dans son essence, résulte de l'interprétation de la convention collective, l'arbitre a compétence exclusive à l'égard du différend, comme le prévoit le texte de loi. Les différends qui résultent expressément ou implicitement de la convention collective échappent donc aux tribunaux. Voici comment le juge McLachlin s'exprime à la page 957 : « Il s'agit, dans chaque cas, de savoir si le litige, dans son essence, relève de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution de la convention collective » .

[29]            Dans l'arrêt Johnson-Paquette, où elle a confirmé la décision du juge de première instance et radié l'action qu'une fonctionnaire fédérale avait engagée contre son employeur, la Cour d'appel fédérale a examiné la question de la compétence et s'est exprimée comme suit :

10. L'intention du législateur d'exclure l'intervention des tribunaux dans les litiges en matière de relations de travail peut donc être formulée expressément ou ressortir implicitement. Lorsque, comme c'est le cas pour la LRTFP, le législateur a, au moyen d'une loi, adopté ce qui se veut manifestement un code complet applicable à la résolution des litiges en matière de relations de travail dans un secteur donné d'activité et a rendu l'issue des recours prévus dans la loi finale et obligatoire pour les personnes concernées, le fait de permettre le recours aux tribunaux ordinaires auxquels ces tâches n'ont pas été attribuées porterait atteinte au régime législatif. Pour donner effet à ces régimes, il faut considérer que le législateur a exclu le recours aux tribunaux ordinaires. [Renvois omis]


[30]            À mon avis, le même raisonnement s'applique en l'espèce. La procédure prévue à l'article 91 de la Loi était le recours dont l'appelant disposait en vertu du sous-alinéa 91(1)a)(i). La PRA à l'égard de laquelle il demande une déclaration d'admissibilité est une question liée aux conditions d'emploi. Le droit à cette prestation ne pouvait découler que d'un emploi dans la fonction publique fédérale et est régi par le règlement pris en application de la Loi sur les régimes de retraite particuliers, précitée.

[31]            Je suis tenue de suivre les arrêts Weber et Johnson-Paquette susmentionnés. La question en litige n'est pas de savoir si la réparation prévue dans les dispositions pertinentes de la Loi est satisfaisante, mais plutôt de savoir si l'appelant peut intenter une action contre son employeur alors qu'il n'a pas suivi la procédure obligatoire prescrite par la Loi.

[32]            Il est indéniable que l'appelant aurait pu demander le contrôle judiciaire de toute décision qui aurait été prise à l'issue de la procédure prévue à l'article 91. Il a décidé de ne pas procéder de cette façon. Il n'est pas nécessaire et il ne convient pas non plus de formuler des hypothèses sur l'éventail de recours que l'appelant aurait pu exercer après le contrôle judiciaire, s'il avait choisi cette voie. Je soulignerai simplement qu'il n'y a aucun élément de preuve indiquant que l'intimée n'aurait pas respecté la décision du tribunal et les directives qui auraient été données au sujet de la procédure à suivre pour déterminer le droit à la prestation en litige.

[33]            En conséquence, l'appel est rejeté avec dépens.


                                           ORDONNANCE

L'appel est rejeté avec dépens.

                                                                                        « E. Heneghan »                     

                                                                                                             Juge                              

Le 13 novembre 2001

OTTAWA (Ontario)

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              T-133-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          William Thomas Vaughan c. Sa Majesté La Reine.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 15 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                          Madame le juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                                     le 13 novembre 2001

COMPARUTIONS :

M. Douglas Brown                                               POUR LE DEMANDEUR-APPELANT

M. Harvey Newman                                             POUR LA DÉFENDERESSE-INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan Power LLP

Ottawa (Ontario)                                                  POUR LE DEMANDEUR-APPELANT

Services juridiques du Conseil du Trésor

Ottawa (Ontario)                                                  POUR LA DÉFENDERESSE-INTIMÉE

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