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Date : 20020610

Dossier : IMM-2421-02

Référence neutre : 2002 CFPI 652

ENTRE :

                                  BAHEERATHAN THANGESWARALINGAM

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                    ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Voici les motifs relatifs à l'ordonnance du 27 mai 2002, par laquelle il a été sursis à l'exécution de la mesure de renvoi dont était frappé le demandeur. J'ai entendu les avocats dans le cadre d'une audience tenue par téléconférence au cours de l'après-midi du 27 mai 2002.


[2]                 Le demandeur, Baheerathan Thangeswaralingam, est un Sri-lankais tamoul âgé de 29 ans. Il est arrivé aux États-Unis, à l'aéroport international de Miami, le 8 juillet 2000 et il a immédiatement été détenu par l'Immigration américaine parce qu'il ne possédait pas les documents appropriés. Le demandeur a été détenu dans un centre de traitement de l'Immigration américaine du 9 au 26 juillet 2000, mais il a ensuite été mis en liberté après avoir demandé l'asile aux États-Unis. Lorsqu'il a été mis en liberté, l'appelant est immédiatement monté dans un autobus à destination de Plattsburgh, au Vermont, où il est arrivé le 27 juillet 2000 au soir. Le 28 juillet 2000 au matin, le demandeur a franchi la frontière à Lacolle (Québec) et, dès son arrivée au Canada, il a revendiqué le statut de réfugié.

[3]                 La section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a rejeté la revendication le 17 février 2002. Le demandeur a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision; la demande est encore en instance devant la Cour.

[4]                 Le 14 mai 2002, le demandeur a reçu de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) un avis l'informant qu'une mesure de renvoi avait été prise et que cette mesure serait exécutée le 28 mai 2002 à 8 h 30. Dans une télécopie qu'il a envoyée à CIC le 17 mai 2002, l'avocat du demandeur affirmait que la mesure de renvoi était illégale étant donné que son client aurait dû se voir accorder un sursis tel que le prévoyait la loi en attendant qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire conformément au sous-alinéa 49(1)c)(i) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :



Sursis à l'exécution

49. (1) Sauf dans les cas mentionnés au paragraphe (1.1), il est sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi:

[...]

c) [...] dans le cas d'une personne qui s'est vu refuser le statut de réfugié au sens de la Convention par la section du statut [...]

(i) si l'intéressé présente une demande d'autorisation relative à la présentation d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ou notifie par écrit à un agent d'immigration son intention de le faire, jusqu'au prononcé du jugement sur la demande d'autorisation ou la demande de contrôle judiciaire, ou l'expiration du délai normal de demande d'autorisation, selon le cas,

[...]

Stay of execution

49. (1) Subject to subsection (1.1), the execution of a removal order made against a person is stayed

...

(c) ... in any case where a person has been determined by the Refugee Division not to be a Convention refugee ...

(i) where the person against whom the order was made files an application for leave to commence a judicial review proceeding under the Federal Court Act or signifies in writing to an immigration officer an intention to file such an application, until the application for leave has been heard and disposed of or the time normally limited for filing an application for leave has elapsed and, where leave is granted, until the judicial review proceeding has been heard and disposed of,

...


[5]                 Dans une réponse envoyée par télécopieur le 22 mai 2002, CIC a déclaré que le sous-alinéa 49(1)c)(i) ne s'appliquait pas au demandeur compte tenu de l'exception prévue à l'alinéa 49(1.1)a), qui est ainsi libellé :



Exception

(1.1) Le sursis d'exécution ne s'applique pas dans les cas suivants:

a) l'intéressé fait l'objet du rapport prévu à l'alinéa 20(1)a) et réside ou séjourne aux États-Unis ou à Saint-Pierre-et-Miquelon [...]

[...]

Exception

(1.1) Subsection (1) does not apply to

(a) a person residing or sojourning in the United States or St. Pierre and Miquelon who is the subject of a report made pursuant to paragraph 20(1)(a) ...

...


[6]                 Dans une série de télécopies qui ont été envoyées entre le 22 et le 24 mai 2002, l'avocat du demandeur a affirmé que l'exception prévue à l'alinéa 49(1.1)a) ne s'appliquait pas dans le cas du demandeur étant donné que celui-ci n'avait pas séjourné aux États-Unis. Le 24 mai 2002, CIC a confirmé sa décision de renvoyer le demandeur étant donné qu'à son avis, l'alinéa 49(1.1)a) s'appliquait en tant qu'exception au paragraphe 49(1). Le 27 mai 2002, le demandeur a présenté une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 24 mai 2002.

[7]                 Au moyen de la requête dont je suis ici saisi, le demandeur sollicite un sursis provisoire à l'exécution de la mesure de renvoi tant qu'il n'aura pas été statué sur ses demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire. À cette fin, le demandeur a subsidiairement invoqué deux arguments, à savoir (i) que le sous-alinéa 49(1)c)(i) empêche CIC de le renvoyer tant que la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SSR n'aura pas été réglée; ou (ii) qu'un sursis judiciaire devrait être accordé eu égard aux circonstances.


[8]                 À l'audience, l'avocat du demandeur et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration défendeur ont présenté des arguments au sujet de l'interprétation judiciaire qu'il convient de donner au mot « séjourné » figurant à l'alinéa 49(1.1)a) et de l'applicabilité au demandeur de l'exception prévue dans cette disposition. L'alinéa 49(1.l)a) est interprété de deux façons différentes : voir Aguilar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 20 (1re inst.) et Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 191 F.T.R. 1. Telle est la question même qui est soulevée dans la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qui a été présentée le 27 mai 2001; je ne me propose pas de la régler dans le cadre de la présente demande de sursis. À mon avis, la Cour est saisie à ce stade d'une question sérieuse.

[9]                 J'ai donc statué sur la demande en me fondant sur les arguments qui ont été soumis au sujet d'un sursis judiciaire. Comme il en a été fait mention, la deuxième demande d'autorisation et de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse, mais ce disant, je ne préjuge pas du bien-fondé de cette demande-là.


[10]            Quant à la question du préjudice irréparable, je note en particulier la nature exceptionnelle de l'alinéa 49(1.1)a). Le législateur a jugé bon, en vertu du sous-alinéa 49(1)c)(i), de prévoir un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi, et ce, d'une façon générale pour tous les demandeurs, tant qu'il n'a pas été statué sur une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SSR; il l'a probablement fait pour des raisons d'équité. Dans le cas du demandeur, il est affirmé que le sursis prévu par la loi ne s'applique pas parce qu'il a été affirmé pour le compte du ministre que l'exception prévue à l'alinéa 49(1.1)a) s'applique. En statuant sur une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre, la Cour examinerait une question de droit, soit une question à l'égard de laquelle elle n'a pas à faire preuve de beaucoup de retenue ou même à l'égard de laquelle elle n'a à faire preuve d'aucune retenue. S'il est conclu que l'interprétation donnée par le ministre à l'alinéa 49(1.1)a) est erronée, de sorte que le sursis prévu par la loi devrait maintenant s'appliquer, la perte de la possibilité de bénéficier de ce sursis, en attendant qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, constituerait un préjudice irréparable eu égard aux circonstances de l'affaire.

[11]            À mon avis, la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi d'un sursis. Par conséquent, au moyen de l'ordonnance du 27 mai 2002, j'ai accueilli la requête du demandeur et j'ai ordonné le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi en attendant qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire qui a été présentée le 27 mai 2002, ou en attendant qu'il soit statué sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SSR qui avait antérieurement été présentée.

  

« W. Andrew MacKay »

Juge

  

OTTAWA (Ontario),

le 10 juin 2002.

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                                      IMM-2421-02

REQUÊTE VISANT LE SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA MESURE D'EXPULSION ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

INTITULÉ :                                                                     BAHEERATHAN THANGESWARALINGAM

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 27 MAI 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   Monsieur le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                                  le 10 juin 2002

  

COMPARUTIONS :

M. Max Berger                                                                POUR LE DEMANDEUR

Mme Mary Matthews                                                        POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger et associés                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                 

  
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