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Date: 20030908

Dossier : T-1815-01

Référence: 2003 CF 1047

Ottawa, Ontario, ce 8ième jour de septembre 2003

Présent:           L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                                CHARLES LÉGARÉ

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                                   et

                          L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                                                   et

YVAN MARCEAU, en sa qualité de Chef des appels du Bureau des services fiscaux de Québec

                                                                                                                                                                       

Défendeurs

                                            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                 Il s'agit d'un contrôle judiciaire de la décision de M. Yvan Marceau, Chef des appels du Bureau des services fiscaux de Québec, en date du 13 septembre 2001, dans laquelle il a refusé la révision de la demande d'annulation des intérêts et pénalités au dossier du demandeur.

[2]                 Le 14 novembre 2000, le demandeur reçut une correspondance de l'Agence des douanes et du revenu du Canada ("l'Agence") l'informant que pour les années d'imposition 1998 et 1999, le demandeur avait des revenus d'entreprises additionnels.

[3]                 Le 7 décembre 2000, le demandeur a fait parvenir une lettre à l'Agence expliquant les circonstances particulières qui l'ont affectées en 1998 et 1999. Entre autres, à l'appui de sa demande d'annulation des intérêts sur les arriérés, le demandeur alléguait: qu'il avait subi une intervention chirurgicale en 1998; qu'il avait des traitements de radiothérapie; qu'il avait été incapable de travailler entre juillet et novembre 1998; que c'est son comptable qui avait la responsabilité de remplir et de produire ses déclarations de revenus pour les années d'imposition en cause; que son comptable a omis de déclarer des revenus de comptes Visa, Mastercard et paiements directs dans ses déclarations de revenus; que son comptable a également omis d'inclure des remboursements de frais généraux provenant des assureurs; qu'il n'a pas ou n'a pu vérifier ses déclarations de revenus avant leur production puisqu'il était trop préoccupé par son état de santé; et que toutes ces circonstances l'ont empêché de se conformer à la Loi de l'impôt sur le revenu ("LIR"), L.R.C. (1985), ch. 1 (5e supplément).


[4]                 À l'appui de sa demande d'annulation de la pénalité pour production tardive de la déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1999, le demandeur a expliqué que c'est son comptable qui avait la responsabilité de remplir et de produire ses déclarations de revenus à temps; qu'il s'est informé au sujet de sa déclaration de revenu auprès de son comptable une semaine avant le 30 avril 2000, avant de quitter pour quelques jours de repos; et qu'il a même rejoint son comptable pendant ces quelques jours de repos pour s'assurer "que tout était sous contrôle".

[5]                 Cette demande d'annulation est basé sur le paragraphe 220 (3.1) de la LIR qui accorde au Ministre, un pouvoir discrétionnaire d'annuler sur demande les intérêts ou pénalités:

(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

[6]                 Le 15 janvier 2001, l'Agence refusait la demande d'annulation des intérêts et pénalités.

[7]                 Le 20 février 2001, le demandeur s'est prévalu de la procédure de réexamen administratif et demanda une révision de la décision du 15 janvier 2001 sur la base du circulaire d'information IC-92-2 "Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités" "(lignes directrices") à l'intention des contribuables qui veulent s'en prévaloir. Le paragraphe 5 du circulaire, intitulé "Lignes directrices et exemples de cas où l'annulation des intérêts et des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent être autorisées" se lit comme suit:

5. Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d'un contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu:


a) une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;

b) des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;

c) une maladie grave ou un accident grave;

d) des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.

[8]                 Au soutien de sa demande de réexamen, le demandeur alléguait les mêmes motifs que dans la première demande et de plus; qu'il a toujours respecté ses obligations fiscales par le passé; qu'il n'a jamais laissé subsister un solde d'impôt en souffrance; qu'il n'a pas fait preuve de négligence ou ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires; qu'il a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou omission; que les circonstances l'ont empêché de déceler les erreurs commises par son comptable; et finalement, qu'il était de bonne foi.

[9]                 Je n'ai absolument aucun doute quant à la bonne foi du demandeur. D'autant plus, je reconnais que les problèmes qu'il dit avoir vécu; être malade de cancer à 35 ans avec deux jeunes enfants, étant en plus le soutien de famille, sont des circonstances fâcheuses et difficiles.


[10]            Toutefois, la décision du ministre quant au réexamen de la demande, en date du 13 septembre 2001, est à mon avis, raisonnablement justifiée considérant le pouvoir discrétionnaire de celui-ci. Il appert, bien que le demandeur ait été grièvement malade en 1998 et 1999 et selon celui-ci, que le défaut du demandeur de se conformer aux diverses dispositions de la LIR découle d'erreurs commises par une tierce personne. Or, comme l'a indiqué l'Agence dans sa première décision, un contribuable est responsable du non-respect de sa part de toutes obligations prévues par la LIR. Par conséquent, une erreur commise par son comptable ou l'ignorance de la LIR par ce dernier, ou le fait que le comptable n'a pas produit la déclaration du contribuable qu'il représente dans les délais prévus ne constitue pas en soi, des circonstances extraordinaires. Ceci est conforme à ladite ligne directrice énoncée ci-haut, mais aussi à la politique "Application des dispositions d'équité aux intérêts et aux pénalités", adoptée en mars 1996, spécifiant à la page 10 du document:

Le client est responsable du non-respect de sa part de toute obligation prévue par la législation que nous appliquons (p. ex. produire une déclaration exacte dans le délai établi). Par conséquent, une erreur commise par un représentant du client ne constitue pas, en soi, une raison suffisante pour accorder un allégement en vertu des dispositions d'équité. Le client doit généralement être tenu responsable des erreurs commises par un tiers agissant en son nom.

Il convient de remarquer que le fait d'accorder un allégement en vertu des dispositions d'équité dans les cas où un représentant du client a commis une erreur risquerait de saper les fondements du régime d'autocotisation. Cela enlèverait aux fiscalistes et aux clients un puissant motif de respecter les échéances et les règles du Ministère. Les tiers qui donnent des conseils contre rémunération doivent normalement êtres tenus responsables envers le client pour les conseils erronés qu'ils lui ont donnés et qui ont résulté pour lui en un préjudice (p. ex. une pénalité ou des frais d'intérêt).

Cette politique aurait dû être communiquée au demandeur avec la lettre de l'agence. La connaissance de cette politique aurait peut-être aidé le demandeur à comprendre mieux les lignes directrices et surtout la responsabilité du contribuable face aux erreurs commises par des tiers.

[11]            J'ajoute ce qu' a expliqué le juge Nadon dans l'arrêtDr. William Young et Dr. William Young M.B. CH. B. Inc. c. Sa Majesté la reine (1997), 138 F.T.R. 37:

En conséquence, il incombait aux requérants présents de convaincre le ministre que la maladie ou ltat de santédu Dr Young, de son épouse et de M. Rudd constituaient des facteurs indépendants de leur volonté et que les intérêts dus " découlaient principalement " de ces facteurs.


[12]            En l'espèce, il semble que les intérêts et pénalités dus découlent des erreurs du comptable et non pas de la maladie du demandeur et, il appert même des faits en cause que ce dernier a appelé son comptable pour faire un suivi de son dossier alors même qu'il était en convalescence. Je ne peu donc pas accepter que la maladie du demandeur soit véritablement la cause des délais, ni du retard dans le dépôt de la déclaration. Je comprends que le demandeur a d'une certaine façon pris ses responsabilités en confiant son dossier à un comptable afin de se conformer à la loi, mais cela ne le dégage pas pour autant de sa responsabilité pour les gestes du comptable.

[13]            Ainsi, bien que cette décision soit malheureuse pour le demandeur, je ne peux substituer mon opinion pour celle de l'Agence. Celle-ci a exercé sa discrétion de façon raisonnable, ayant pris en compte les éléments pertinents et analysé les motifs au soutient de la demande et ce, conformément à l'équité procédurale.

[14]            Pour ces raisons, le contrôle judiciaire est rejeté.


                                              JUGEMENT

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT:

Le contrôle judiciaire est rejeté.

"Simon Noël"

           

ligne             Juge


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-1815-01

INTITULÉ :              CHARLES LÉGARÉ c. AGENCE DES DOUANES ET           DU REVENU DU CANADA et YVAN MARCEAU, en                                      qualité de chef des appels du Bureau des Services          fiscaux du Québec

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Québec

DATE DE L'AUDIENCE :                              3 septembre 2003

MOTIFS:                   L'Honorable Juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                                     8 septembre 2003

COMPARUTIONS :

M. Charles Légaré                                                POUR LUI-MÊME

Me Nadine Dupuis                                               POUR LES DÉFENDEURS                             

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Charles Légaré                                                POUR LUI-MÊME

Valcartier (Québec)

Ministère de la Justice - Canada                                       POUR LES DÉFENDEURS

Ottawa (Ontario)                                                 


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