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     Date : 19981211

     Dossier : IMM-824-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 11 DÉCEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE

     SEPALI GURUGE alias MUDITHA SEPALA DUHANAYAKE,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      En vue d'une jurisprudence contradictoire possible devant la Section de première instance, les parties ont convenu que la question suivante devrait être certifiée aux fins d'appel :

         Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse?

                                 Marshall Rothstein

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19981211

     Dossier : IMM-824-98

ENTRE

     SEPALI GURUGE alias MUDITHA SEPALA DUHANAYAKE,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]          Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision en date du 29 janvier 1998 d'un tribunal de la section du statut de réfugié par suite de ce que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a, se fondant sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, demandé que soit réexaminée et annulée la décision en date du 6 mai 1991 par laquelle la section du statut avait conclu que la demanderesse était une réfugiée au sens de la Convention. Le paragraphe 69.2(2) est ainsi rédigé :

         69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réfugié de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important, ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

À l'audition devant le tribunal, la demanderesse n'a pas contesté les allégations du ministre selon lesquelles elle avait mal représenté son identité et le lieu où elle vivait.

[2]          Le seul point litigieux dont était saisi le tribunal était de savoir s'il devrait, en application du paragraphe 69.3(5), rejeter la demande du ministre au motif qu'il restait suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention. Le paragraphe 69.3(5) est ainsi conçu :

         69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

[3]          La demanderesse soulève trois questions à l'occasion du présent contrôle judiciaire. En premier lieu, le tribunal a eu tort de n'avoir pas donné à l'avocat de la demanderesse une décision préalable quant à quel élément de preuve il allait examiner à l'audition de la demande. La demanderesse a soumis un nouveau formulaire de renseignements personnels (FRP) avec des documents à l'appui. À l'audition, le tribunal a refusé d'examiner quoi que ce soit à l'exception des renseignements d'identité. La demanderesse dit que le tribunal avait, à une conférence préparatoire à l'instruction, convenu de prévenir les parties de la preuve documentaire qu'il serait disposé à admettre, et qu'il ne l'avait pas fait.

[4]          Lorsque les documents de la demanderesse ont été soumis au tribunal avant l'audition, il n'existait pas de demande de décision préalable. Aucun argument n'a été non plus invoqué quant à la raison pour laquelle la preuve soumise devrait être admise aux fins de la décision préalable. De même, la demanderesse n'a, à aucun moment antérieur à l'audition, pris d'autres mesures pour demander au tribunal de rendre une décision préalable, ni, à aucun moment avant l'audition, donné la raison pour laquelle la preuve soumise devrait être admise. Quel que soit le malentendu que la demanderesse peut avoir eu, je ne suis pas persuadé que le tribunal envisageait de rendre une décision préalable quant à la preuve qu'il serait disposé à examiner à l'audition. Cet argument n'est pas fondé.

[5]          La demanderesse prétend par la suite que le tribunal a eu tort de ne lui avoir pas accordé un ajournement afin de donner avis d'une question constitutionnelle en application de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Les paragraphes 57(1) et (2) prévoient ce qui suit :

         57.(1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformément au paragraphe (2).
         (2) L'avis est, sauf ordonnance contraire de la Cour ou de l'office fédéral en cause, signifié au moins dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle qui en fait l'objet doit être débattue.

L'avocat de la demanderesse prétend qu'environ cinq (5) jours avant l'audition, il a découvert une décision qui, d'après lui, étayait un argument constitutionnel relativement à l'interprétation du paragraphe 69.3(5). C'est à ce moment qu'il a sollicité un ajournement. À l'audition, le tribunal a refusé d'accorder l'ajournement.

[6]          L'avocat de la demanderesse n'a pas expliqué pourquoi l'argument constitutionnel était si tardif. Il n'a pas expliqué non plus pourquoi il n'a pas signifié d'avis aux procureurs généraux dès qu'il a décidé d'invoquer un argument constitutionnel. De plus, il ne s'est pas fondé sur le paragraphe 57(2) pour demander que soit écourté le délai de signification.

[7]          L'octroi d'un ajournement est une décision discrétionnaire de la part du tribunal. Dans les circonstances de l'espèce, le comportement de l'avocat de la demanderesse n'est pas compatible avec l'argument constitutionnel à invoquer. La demanderesse ne m'a pas convaincu que, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire pour refuser d'accorder l'ajournement, le tribunal a agi de mauvaise foi, a fondé sa décision sur une erreur de droit, a refusé d'examiner les éléments de preuve pertinents ou a tenu compte d'éléments de preuve dénués de pertinence. Cet argument n'est nullement fondé.

[8]          La demanderesse prétend alors que le tribunal a eu tort de refuser d'admettre son FRP sauf les renseignements d'identité exacts sur elle qui figuraient dans ce FRP. Le FRP de la demanderesse contient son récit relatif à la raison pour laquelle, sur la base des renseignements exacts, elle devrait être toujours considérée comme une réfugiée au sens de la Convention. Le tribunal a refusé d'admettre le FRP de la demanderesse pour le motif qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle audition de sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention.

[9]          Dans l'affaire Bayat c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995-96] F.T.R., le juge Richard (tel était alors son titre) a conclu que l'expression "suffisamment d'éléments" figurant au paragraphe 69.3(5) s'entendait des éléments dont le tribunal antérieur était réellement saisi. Autrement dit, il n'était pas loisible à un individu d'invoquer le paragraphe 69.3(5) pour présenter de nouveaux éléments de preuve fondés sur des renseignements exacts afin de tenter de convaincre le tribunal de rejeter la demande du ministre présentée en vertu du paragraphe 69.2(2).

[10]          Toutefois, dans l'affaire Mahdi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), dossier IMM-1600-94, décision en date du 15 novembre 1994, confirmée en appel, le juge Gibson a conclu qu'un tribunal, dans l'examen de la question de savoir s'il y avait lieu de rejeter la demande du ministre fondée sur le paragraphe 69.2(2), aurait dû tenir compte de la preuve ultérieure selon laquelle une fois que la demanderesse avait quitté les États-Unis, elle n'aurait pu y retourner.

[11]          En l'espèce, la preuve que la demanderesse a cherché à produire visait à convaincre le tribunal que, sur la base des éléments de preuve exacts, il devrait toujours être conclu qu'elle était une réfugiée au sens de la Convention. Je ne pense pas qu'une telle preuve soit visée par le paragraphe 69.3(5). Le texte de ce paragraphe est très clair et on peut facilement en comprendre le but. Les mots pertinents sont "il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut". L'expression "il reste" indique que la preuve en question est celle dont était saisi le tribunal qui avait rendu la décision initiale. Le raisonnement de cette interprétation n'est pas obscur. Malgré la fraude, la fausse indication sur un fait important, la suppression ou la dissimulation d'un fait important, il reste peut-être encore d'autres éléments de preuve dignes de foi pouvant, indépendamment de cette fraude, suppression, dissimulation ou fausse indication, justifier la conclusion quant au statut de réfugié. Le paragraphe 69.3(5) a clairement été destiné à conférer à la section du statut de réfugié le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande du ministre fondée sur le paragraphe 69.2(2) si ces éléments de preuve suffisaient à étayer une conclusion quant au statut de réfugié tirée par le tribunal initial.

[12]          Le paragraphe 69.3(5) n'est pas une disposition en vertu de laquelle la section du statut reçoit un nouveau mandat pour déclarer qu'un individu est réfugié au sens de la Convention. Cependant, si des éléments de preuve additionnels visant à étayer la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention devaient être admis, c'est ce que le paragraphe 69.3(5) deviendrait. Je conviens avec le juge Richard dans l'affaire Bayat que la preuve mentionnée au paragraphe 69.3(5) doit être la preuve dont était saisi le tribunal initial. De nouveaux éléments de preuve visant à étayer la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention ne sont pas visés par ce paragraphe. Le tribunal n'a pas eu tort en l'espèce de refuser d'admettre le FRP de la demanderesse et de nouveaux éléments de preuve relatifs au statut de réfugié au sens de la Convention.

[13]          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[14]          En vue d'une jurisprudence contradictoire possible devant la Section de première instance, les parties ont convenu que la question suivante devrait être certifiée aux fins d'appel :

         Dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qu'elle tient du paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, la section du statut de réfugié est-elle autorisée à tenir compte des éléments de preuve dont le tribunal initial ne disposait pas et qui étayeraient la revendication du statut de réfugié de la demanderesse?

                             Marshall Rothstein

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 11 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-824-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Sepali Guruge alias Muditha Sepala Duhanayake
                             et
                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le lundi 30 novembre 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Rothstein

EN DATE DU                      vendredi 11 décembre 1998

ONT COMPARU :

    Yehuda Levinson                  pour la demanderesse
    Jeremiah A. Eastman                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Levinson & Associates
    Avocats
    212, rue King ouest
    Pièce 410
    Toronto (Ontario)
    M5H 1K5                          pour la demanderesse
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19981211

     Dossier : IMM-824-98

ENTRE

     SEPALI GURUGE alias MUDITHA SEPALA DUHANAYAKE,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

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