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Date : 20020129

Dossier : IMM-2171-00

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 104

ENTRE :                                                                                                   

XINCHEN KE

demanderesse

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

  • [1]                 La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 21 mars 2000 par laquelle Daniel Vaughan (l'agent des visas) a refusé la demande présentée par Xinchen Ke (la demanderesse) en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada à titre d'immigrante indépendante.

  • [2]                 C'est la seconde fois que la Cour fédérale du Canada est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la demande de résidence permanente de Mme Ke. L'agent des visas Gregory Chubak a refusé sa demande dans une décision datée du 28 janvier 1999 dans laquelle il a conclu que la demanderesse ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession de la Classification nationale des professions (CNP) pour pouvoir exercer la profession de microbiologiste ou celle de biologiste cellulaire ou biologiste moléculaire. La demanderesse a présenté le 4 mars 1999 une demande en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision de M. Chubak, mais avant que l'affaire ne soit instruite, le défendeur a consenti au prononcé d'une ordonnance renvoyant l'affaire pour qu'elle soit jugée par un autre agent des visas. M. Daniel Vaughan a été saisi du dossier le 17 mars 2000 et il a fait connaître son appréciation défavorable le même jour. C'est cette seconde décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

Genèse de l'instance

  • [3]                 La demanderesse est citoyenne chinoise. Elle est mariée et a un enfant à sa charge. Elle a un frère qui vit à Calgary, en Alberta. Son frère est un résident permanent qui est prêt à l'aider lorsqu'elle arrivera au Canada.

  • [4]                 La demanderesse a fréquenté pendant cinq ans l'Université de médecine traditionnelle chinoise de Shanghai (l'Université), qui lui a décerné en 1991 un baccalauréat en médecine. À compter de la remise de son diplôme jusqu'en avril 1997, la demanderesse a travaillé comme pharmacologue à l'Université de Shanghai. En avril 1997, elle a entrepris des études en vue d'obtenir un doctorat en biochimie médicale, au Japon, à l'Université médicale Shinnane. La demanderesse est en train de terminer les travaux de recherche qu'elle doit effectuer pour obtenir son doctorat. Son domaine de recherche porte principalement sur les mécanismes biochimiques pour la formulation de passages de signalisation cellulaire.
  • [5]                 L'agent des visas a conclu que la demanderesse ne remplissait pas les conditions requises pour pouvoir immigrer au Canada à la suite de l'évaluation qu'il avait faite de la demanderesse en fonction des professions suivantes de la CNP : microbiologistes (CNP 2121.2), chimistes (CNP 2112) et praticiens et praticiennes de médecine chinoise (CNP 3232.3). L'agent des visas a conclu que, d'après ses études et sa formation, la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences professionnelles requises pour pouvoir exercer la profession de microbiologiste ou de biologiste cellulaire et biologiste moléculaire.

  • [6]                 Parmi les conditions d'exercice de la profession de microbiologiste ou de biologiste cellulaire et biologiste moléculaire prescrites par la CNP, il y a lieu de mentionner l'obligation d'être titulaire d'un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe. L'agent des visas a estimé que le diplôme en médecine de la demanderesse ne comportait pas suffisamment d'études en biologie, mais qu'il était surtout axé sur le diagnostic et le traitement de la maladie à l'aide de méthodes traditionnelles, telles que l'acupuncture, l'herbalisme traditionnel et le qi gong.
  • [7]                 Bien que l'agent des visas ait aussi apprécié la demanderesse en fonction de la profession de praticienne de médecine chinoise (CNP 3232.3), il a informé la demanderesse que cette profession ne figurait pas sur la Liste générale des professions, de sorte qu'aucun point d'appréciation ne pouvait lui être attribué pour le facteur de la profession. Comme la demanderesse n'avait pas obtenu son doctorat, on ne pouvait tenir compte de ses études de deuxième cycle dans le calcul de ses points d'appréciation. En conséquence, l'agent des visas a refusé de délivrer un visa à la demanderesse sans lui accorder d'entrevue, en vertu du paragraphe 11(2) du Règlement sur l'immigration, DORS/78-172.
  
  • [8]    Voici un extrait des notes SITCI prises par l'agent le 17 mars 2000 :

[TRADUCTION]


DOSSIER EXAMINÉ : JE SOUSCRIS AU REFUS, CAR L'INTÉRESSÉE N'A RECUEILLI AUCUN POINT POUR LE FACTEUR DE L'EXPÉRIENCE, NON PAS EN RAISON D'UN MANQUE D'EXPÉRIENCE, MAIS POUR DÉFAUT DE SATISFAIRE AUX CONDITIONS D'EXERCICE DE LA PROFESSION PRESCRITES PAR LA CNP. RÉSERVES AU SUJET DU RESPECT DES CONDITIONS DE LA CNP DÉCOULANT AUSSI DE MON EXAMEN DU DOSSIER DE L'INTÉRESSÉE : ELLE A OBTENU UN DIPLÔME EN MÉDECINE TRADITIONNELLE CHINOISE, MAIS N'A PAS DE BACCALAURÉAT EN CHIMIE, EN BIOCHIMIE OU DANS UNE DISCIPLINE CONNEXE COMME L'EXIGE LA CNP POUR LES PROFESSIONS 2112 ET 2121.2; ELLE N'EST PAS TITULAIRE D'UN BACCALAURÉAT EN BIOLOGIE OU DANS UNE DISCIPLINE CONNEXE COMME L'EXIGE LA CNP POUR CETTE PROFESSION. IL N'Y A PAS DE DEMANDE DANS LA PROFESSION DE PRATICIEN DE LA MÉDECINE CHINOISE (3232.3). JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE L'INTÉRESSÉE REMPLIT LES CONDITIONS PRÉVUES À LA CNP EN CE QUI CONCERNE SES PROFESSIONS ENVISAGÉES. DEMANDE REFUSÉE. AUCUN POINT N'EST ATTRIBUÉ POUR LE FACTEUR DE LA PROFESSION.

Questions en litige

  • [9]    La présente demande soulève les deux questions suivantes :

1) L'agent des visas a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que la demanderesse n'était pas titulaire d'un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe?

2) L'agent des visas a-t-il manqué à son obligation d'agir avec équité sur le plan procédural dans la façon dont il en est arrivé à sa décision?

L'agent des visas a-t-il rendu une décision déraisonnable en concluant que la demanderesse n'était pas titulaire d'un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe?


  • [10]            La demanderesse a présenté sa demande de résidence permanente en fonction de la profession no 2121 de la CNP, en l'occurrence microbiologistes et biologistes cellulaires et moléculaires. Elle a présenté sa demande en invoquant cette catégorie parce que la profession de pharmacologue fait partie de la liste des appellations d'emploi qui sont énumérées au no 2121 de la CNP. La demanderesse estimait que sa formation et ses qualifications lui permettraient de recueillir le nombre de points voulus pour satisfaire aux critères de sélection applicables à cette profession pour que sa demande soit accueillie.
  • [11]            Le Guide des carrières de la CNP prévoit ce qui suit, au numéro 2121.2, qui concerne les microbiologistes et les biologistes cellulaires et moléculaires :
  • Les microbiologistes font des recherches de base et appliquée pour approfondir les connaissances sur les organismes vivants et pour mettre au point de nouvelles pratiques et de nouveaux produits dans les domaines de la médecine et de l'agriculture.
  • [12]            Sous la rubrique « exemples d'appellations d'emploi » , les pharmacologues sont au nombre des douze professions énumérées. Sous la rubrique « conditions d'accès à la profession » , on trouve ce qui suit :
  • Un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe est exigé des biologistes.

Une maîtrise ou un doctorat en biologie ou dans une discipline connexe est exigé des chercheurs scientifiques en biologie.

L'expérience en recherche postdoctorale est habituellement exigée avant d'obtenir un emploi dans des départements universitaires ou des établissements de recherche.

  • [13]            Sous la rubrique « fonctions principales » de la profession no 2121 de la CNP, il est précisé que les microbiologistes et les biologistes cellulaires et moléculaires exercent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

Faire des recherches sur la structure, les fonctions, l'écologie, la biotechnologie et la génétique des micro-organismes, y compris les bactéries, les champignons, les protozoaires et les algues;

Faire des recherches sur la structure et le fonctionnement des tissus et des cellules humaines, animales et végétales;


Faire des études pour identifier les organismes pathogènes et les toxines qui affectent les êtres humains, les végétaux et les animaux, étudier leurs effets et mettre au point des mesures de contrôle;

Faire des essais cliniques ou de laboratoire pour la mise à l'épreuve, l'évaluation et le dépistage des drogues et des produits pharmaceutiques.

  • [14]            La demanderesse reconnaît que la CNP exige que les microbiologistes et les biologistes cellulaires et moléculaires soient titulaires d'un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe, mais elle s'oppose à la conclusion de l'agent des visas suivant laquelle son niveau de scolarité ne remplit pas cette condition.
  • [15]            Elle soutient que l'agent des visas n'a pas tenu dûment compte des cours qu'elle a suivis au cours de ses cinq années d'études médicales, des nombreuses années d'expérience qu'elle a accumulées comme pharmacologue et des cours qu'elle a suivis dans le cadre de ses études en vue d'obtenir un doctorat. La demanderesse affirme que l'agent des visas s'est injustement concentré sur le contenu des cours qu'elle a suivis pendant les dernières années de ses études de premier cycle, alors qu'elle se spécialisait en médecine traditionnelle chinoise.
  

  • [16]            Le défendeur rétorque qu'il incombe à la demanderesse de convaincre l'agent des visas qu'elle satisfait aux exigences de la CNP. Tant dans son affidavit que lors de son contre-interrogatoire, l'agent des visas a juré qu'il avait examiné les relevés de la demanderesse et qu'il s'était concentré sur les éléments biologiques de son programme d'études en vue de décider si son diplôme en médecine pouvait être considéré comme un diplôme universitaire dans une discipline connexe à la biologie.
  • [17]            Le défendeur soutient qu'il était raisonnablement loisible à l'agent des visas de rendre cette décision et il invoque à cet égard le jugement Yuan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. no 252, dans le quel le juge Reed déclare :
  • L'agent des visas a évalué la compétence de la demanderesse en s'appuyant sur les documents que la demanderesse lui a présentés et sur sa connaissance du caractère des certificats et diplômes décernés par les établissements d'enseignement chinois. Je ne suis pas convaincue que l'agente des visas doit retenir la prétention d'une demanderesse selon laquelle sa compétence équivaut à celle exigée, simplement parce que la demanderesse l'affirme. Si la demanderesse entend se fonder sur l'équivalence, je crois qu'il lui incombe de produire une preuve objective à l'entrevue pour établir cette équivalence ou de demander un délai pour l'obtenir. À partir du dossier tel qu'il a été constitué, je ne pouvais pas conclure que l'agente des visas a rendu une décision déraisonnable.
  • [18]            En ce qui concerne le diplôme universitaire obtenu par la demanderesse, l'agent des visas affirme avoir examiné le relevé officiel et avoir conclu que la demanderesse n'avait pas suivi suffisamment de cours en biologie « au niveau de ses études supérieures » pour que son diplôme puisse être considéré comme un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe.
  

  • [19]            Dans son affidavit et lors de son contre-interrogatoire, l'agent des visas a toujours qualifié le diplôme obtenu par la demanderesse de diplôme en médecine traditionnelle chinoise. Cette appellation joue un rôle déterminant en ce qui concerne la résolution des questions en litige dans la présente demande.
  • [20]            Par conséquent, comme il est essentiel, pour trancher la présente demande, de qualifier avec exactitude le diplôme obtenu par la demanderesse, je vais relater la preuve soumise à l'agent des visas au sujet des études de la demanderesse. Le relevé établi par l'Université de médecine chinoise traditionnelle de Shanghai au sujet de la demanderesse a été porté à l'attention de l'agent. Ce relevé précise bien que la demanderesse s'était inscrite à la faculté de médecine, où elle avait étudié pendant cinq ans.
  
  • [21]            Au cours de sa première et de sa deuxième année, la demanderesse a suivi les cours suivants qui, à mon avis, correspondent aux cours de sciences généraux habituellement offerts par les facultés de sciences canadiennes :

Anatomie humaine

Biologie

Histologie et embryologie

Physiologie

Chimie médicale

Biochimie

Pharmacologie

Pathologie


Microbiologie

Parasitologie

Physique

  • [22]            L'annexe I de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, exige seulement un diplôme universitaire de trois ans pour que l'intéressé puisse se voir reconnaître un niveau de scolarité correspondant à une formation universitaire. La demanderesse fait en outre remarquer qu'au Canada, un baccalauréat en biologie ou dans une discipline connexe peut être obtenu au terme de trois années d'études à temps plein. Il suffit de suivre un profil de cours obligatoires en sciences et de s'inscrire à des cours dans d'autres disciplines pour pouvoir satisfaire aux exigences requises pour obtenir un baccalauréat. Le fait que la demanderesse ait suivi des cours en médecine traditionnelle chinoise peut être considéré comme une preuve tendant à démontrer que le diplôme qu'elle a obtenu n'était pas un diplôme en biologie ou dans une discipline connexe.
  • [23]            Outre le relevé de l'Université, l'agent disposait également de l'affidavit que la demanderesse avait souscrit le 21 avril 1998 et dans lequel elle déclarait ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je suis une pharmacologue diplômée d'expérience. J'ai accumulé plusieurs années d'expérience de travail comme pharmacologue dans le domaine de l'intoxication par les métaux lourds à l'Université de médecine chinoise traditionnelle de Shanghai, en Chine.


[...]

Les bacheliers du programme de médecine de l'Université de médecine chinoise traditionnelle de Shanghai remplissent les conditions requises pour devenir médecins. Le fait qu'un étudiant se spécialise en médecine chinoise traditionnelle ou qu'il ait fréquenté une université où l'on enseigne la médecine chinoise ne le limite pas dans l'exercice éventuel de la médecine.

[...]

Je considère mon baccalauréat en médecine comme un diplôme universitaire dans une discipline liée à la biologie.

J'estime que la médecine est une discipline connexe de la biologie. La médecine se définit comme la science du traitement des maladies, alors que la biologie est la science qui étudie la vie dans toutes ses manifestations. L'étude de la médecine exige donc une excellente maîtrise de la biologie et elle est liée à la biologie parce que la médecine est une science qui a pour objet de prolonger la vie ou d'améliorer la qualité de la vie.

Aucun agent des visas ou représentant du ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté du Canada ne m'a jamais contactée pour en savoir plus au sujet de la nature de mon baccalauréat en médecine, de mon travail à l'Université de médecine chinoise traditionnelle de Shanghai ou de mes études actuelles de deuxième cycle.

  • [24]            Dans son affidavit, l'agent souligne que le diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe constitue une des conditions exigées par le no 2121 de la CNP. Voici ce qu'il déclare :
  • [TRADUCTION]
  • [...] En comparant les études et la formation de Mme Ke avec ces exigences professionnelles, j'ai constaté qu'elle avait obtenu un baccalauréat en médecine traditionnelle chinoise (MTC). Depuis 1997, elle étudie en vue d'obtenir un doctorat au département de biochimie à l'Université Shimane, à Izumo, au Japon. J'ai également examiné les renseignements qu'elle a communiqués dans l'affidavit qu'elle a souscrit lors de la présentation de sa première demande de contrôle judiciaire, ainsi que les relevés officiels de ses études de premier et de deuxième cycles. Après avoir examiné ces renseignements, j'en suis arrivé à la conclusion que Mme Ke ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession prescrites par la CNP. Ses études en MTC n'étaient pas des études en biologie ou dans une discipline connexe, car elles étaient surtout axées sur le diagnostic et le traitement de la maladie à l'aide de méthodes traditionnelles, telles que l'acupuncture, l'herbalisme traditionnel et le qi gong. Il est vrai que, dans le cadre de ses études, elle a suivi des cours de base en biologie et dans des disciplines connexes, mais ces cours étaient insuffisants pour que son diplôme puisse être considéré comme un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe au sens de la CNP. Comme Mme Ke n'a pas terminé ses études en vue d'obtenir un doctorat, je n'en ai pas tenu compte pour apprécier sa capacité de remplir les conditions d'exercice de la profession prévues par la CNP.


[...] Pour ce qui est de la question de savoir si un diplôme universitaire en médecine constitue ou non un diplôme universitaire dans une discipline connexe à la biologie, cette appréciation doit être faite au cas par cas, étant donné que les programmes d'études peuvent varier. Pour évaluer les études de la requérante, j'ai examiné les relevés officiels qui ont été produits, ainsi que d'autres renseignements se rapportant à ses études, à sa formation et à son travail. Je reconnais qu'il existe un certain lien entre la médecine et la biologie, dans la mesure où des connaissances élémentaires en biologie sont nécessaires pour pouvoir poursuivre des études en médecine. J'ai toutefois constaté que le contenu de ses études en science biologique avancée n'était pas suffisant pour me convaincre que son diplôme en MTC pourrait être considéré comme un diplôme universitaire dans une discipline connexe à la biologie.

  • [25]            Le fait que l'agent des visas mentionne à plusieurs reprises que le diplôme que la demanderesse a obtenu est un diplôme en médecine traditionnelle chinoise me fait craindre que sa qualification des études de la demanderesse ait faussé son interprétation des exigences de la CNP lorsqu'il a apprécié la demande.
  • [26]              Dans l'affaire Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. no 484, le juge Lemieux était appelé à répondre à la question suivante : l'agent des visas commet-il une erreur justifiant l'intervention du tribunal lorsqu'il considère que l'expression « discipline connexe » veut dire : « qui équivaut » à un baccalauréat en traduction ou qui le « remplace » . Le juge Lemieux a conclu que l'agent des visas avait effectivement commis une erreur qui justifiait l'intervention du tribunal. Voici l'analyse à laquelle il s'est livré, à partir du paragraphe 26 :

Le Shorter Oxford Dictionary définit le mot « related » en renvoyant aux termes « connected » ou « associated » et le Robert définit le mot « connexe » [en français dans le texte] de la façon suivante : « qui a des rapports étroits » .

Les mêmes dictionnaires définissent le terme « equivalent » comme voulant dire « equal in value or corresponds with » et « qui peut la remplacer et chose qui a la même fonction que l'autre » .

Dans le Shorter Oxford Dictionary, « substitute » veut dire remplace.


Il est clair que le mot « related » n'a pas le même sens que les mots « equivalent » ou « substitute » . Ces mots ont divers degrés de similitudes ou de variations qui y sont associées. Les mots « equivalent » ou « substitute » communiquent l'idée de la similitude, de fait d'être identique. Le terme « related » , quant à lui, est plus souple sur le plan des liens - il requiert une association ou un lien.

On constate que ces distinctions sont logiques si l'on tient compte du contexte de la disposition. L'expression qui se trouve dans la CNP, soit « un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe » , fait partie d'une rubrique de la CNP qui traite des traducteurs, des interprètes et des terminologues, trois professions qui comportent des tâches différentes. L'exigence d'un baccalauréat dans une discipline connexe vise à fournir une certaine souplesse pour ce qui est de l'appréciation des conditions d'accès à la profession, ce qui accorde à l'agent des visas une marge de manoeuvre qui lui permet de tenir compte de la situation d'une personne qui envisage exercer la profession d'interprète ou de terminologue.

En appliquant l'exigence d'un diplôme équivalent à un baccalauréat en traduction, l'agente des visas a trop étroitement confiné la portée des conditions d'accès à la profession et empêché un examen convenable de la question de savoir si le diplôme que la demanderesse a obtenu en langue et littérature anglaises et les cours qu'elle a suivis au niveau des études supérieures étaient liés à son emploi en tant qu'interprète. L'agente des visas a ainsi commis une erreur susceptible de contrôle.

  • [27]            Le juge Pinard a souscrit à ces conclusions dans le jugement Qi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] F.C.J. no 721 dans le contexte des conditions prescrites par la CNP dans le cas d'un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe au sens du numéro 2121.2 de la CNP. Dans l'affaire Qi, précitée, le demandeur était titulaire d'un baccalauréat en médecine et il travaillait comme biologiste moléculaire. Sa demande de résidence permanente avait été refusée pour les mêmes raisons que celles qui sont invoquées en l'espèce. Le juge Pinard a fait sienne l'analyse du jugement Zheng, précité, et il a fait droit à la demande, en déclarant au paragraphe 7 :


En l'espèce, j'estime qu'en appliquant la condition relative aux « études équivalentes » à un baccalauréat en biologie, l'agent des visas a délimité d'une façon trop stricte la portée des conditions d'accès à la profession et a empêché qu'un examen approprié soit effectué au sujet de la question de savoir si le baccalauréat en médecine du demandeur a un rapport avec la biologie au sens de la définition donnée au no 2121 de la CNP. Ce faisant, l'agent des visas, comme l'agent des visas dans l'affaire Zheng, supra, a commis une erreur susceptible de révision.

  • [28]            À mon avis, ces décisions font ressortir la nécessité de procéder à une analyse contextuelle et ponctuelle qui tienne compte de la nature du diplôme de l'intéressé. Il ne suffit pas d'apprécier un diplôme en s'en tenant à son titre. Il ressort à l'évidence de l'analyse du juge Lemieux qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait « équivalence » . Il suffit qu'il y ait une association ou un lien. En l'espèce, il s'agit simplement de savoir si le programme d'études de la demanderesse était associé ou lié d'une certaine manière à la biologie.
  • [29]            À mon avis, les éléments de preuve portés à la connaissance de l'agent des visas renfermaient des indices qui permettaient de croire que, malgré le fait qu'il s'agissait d'un baccalauréat en médecine, le diplôme de Mme Ke devait être analysé de près pour décider s'il avait des liens avec la biologie. Parmi ces indices, mentionnons les suivants : son travail comme pharmacologue à l'Université après avoir obtenu son diplôme et ses études doctorales en biochimie médicale.
  

  • [30]            Je suis d'avis qu'une appréciation souple du relevé de la demanderesse en tenant compte de ces indices révélerait l'existence de liens étroits ou d'une association étroite avec le domaine de la biologie. L'analyse que l'agent a faite des relevés de la demanderesse était faussée pour plusieurs raisons. En premier lieu, il a eu tort d'exiger que la demanderesse ait suivi « suffisamment de cours en biologie au niveau des études supérieures » pour pouvoir considérer son diplôme comme un diplôme universitaire en biologie ou dans une discipline connexe. Le fait que la demanderesse a obtenu un diplôme de premier cycle dans un domaine connexe à la biologie est démontré par le fait que ses cours élémentaires, c'est-à-dire les cours plus généraux qu'elle a suivis au début du programme, comprenaient des cours de biologie. Par la suite, la demanderesse s'est spécialisée et a suivi des cours dans une discipline « liée à la biologie » .
  • [31]            Deuxièmement, bien que je sois d'accord pour dire qu'indépendamment de son expérience professionnelle, la demanderesse doit satisfaire aux exigences relatives aux études qui sont prévues par la CNP pour pouvoir réunir les conditions prescrites pour obtenir la résidence permanente dans cette catégorie, je considère qu'il ressort des jugements Zheng et Qi, précités, que l'expérience de la demanderesse peut fournir à l'agent des éléments lui permettant de décider si le diplôme de la demanderesse est dans une « discipline connexe » à celle qui est exigée. Par exemple, dans le jugement Qi, précité, le juge Pinard a fait remarquer que l'agent avait délimité d'une façon trop stricte la portée des conditions d'accès à la profession parce qu'il n'avait pas cherché à savoir si le baccalauréat en médecine du demandeur avait « un rapport avec la biologie au sens de la définition donnée au no 2121 de la CNP » .
  

  • [32]            À mon sens, ces décisions font ressortir la nécessité pour l'agent des visas d'aborder la question des « disciplines connexes » en tenant compte du contexte. On ne saurait permettre que les exigences de la CNP s'appliquent de façon aussi rigoureuse pour aboutir à un résultat absurde. Je conclus qu'en l'espèce, l'agent des visas a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments dont il disposait.
  • [33]            En conséquence, la demande est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un autre agent des visas pour qu'il l'a réexamine. Aucuns dépens ne sont adjugés.
    

                                                                              « Dolores M. Hansen »          

                                                                                                             Juge                         

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 janvier 2002

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                     IMM-2171-00

  

INTITULÉ :                               XINCHEN KE c. MCI

  

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver

DATE DE L'AUDIENCE :     9 août 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN

DATE DES MOTIFS :           29 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :

Rudolf J. Kischer                                                               POUR LA DEMANDERESSE

  

Pauline Anthoine                                                                POUR LE DÉFENDEUR

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

  

Rudolf J. Kischer                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


  

                                                                                                                   

Date : 20020129

Dossier : IMM-2171-00

OTTAWA (ONTARIO), le 29 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :                                                                                      

XINCHEN KE

demanderesse

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                           ORDONNANCE

LA COUR, STATUANT SUR la demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 21 mars 2000 par laquelle l'agent des visas Daniel Vaughan a refusé la demande présentée par Xinchen Ke en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada à titre d'immigrante indépendante;

LECTURE FAITE des pièces versées au dossier et APRÈS AUDITION des observations des parties;

ET pour les motifs de l'ordonnance prononcés ce jour :

1.       ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, ANNULE la décision du 21 mars 2000 et RENVOIE l'affaire pour réexamen par un autre agent des visas;

  

2.       Ne CERTIFIE aucune question.

  

                                                                              « Dolores M. Hansen »          

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

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