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Date: 19971217


Dossier: T-956-97

         Action in rem against the cargo of about 500 metric tons prilled TNT explosives and 500 metric tons flaked TNT UN0209 1.1D., now loaded on the vessel "AN XIN JIANG", her aforesaid cargo and her owners and all others interested in her and in personam against Beston Chemical Corporation, Inc., China North Chemical Industries Corporation, China Xinshidai Company, China Ocean Shipping (Group) Co. (COSCO) and Guangzhou Ocean Shipping Company (COSCO Guangzhou).                 

BETWEEN:

     PARAMOUNT ENTERPRISES INTERNATIONAL, INC.

     Plaintiff

     - AND -

     THE CARGO OF ABOUT 500 METRIC TONS PRILLED

     TNT EXPLOSIVES AND 500 METRIC TONS FLAKED

     TNT UN0209 1.1D NOW LOADED ON THE SHIP

     "AN XIN JIANG", ITS OWNERS AND ALL OTHERS

     INTERESTED THEREIN;

     and

     THE VESSEL "AN XIN JIANG", HER AFORESAID

     CARGO AND HER OWNERS AND ALL OTHERS

     INTERESTED IN HER;

     and

     BESTON CHEMICAL CORPORATION, INC.;

     and

     CHINA NORTH CHEMICAL INDUSTRIES CORPORATION;

     and

     CHINA XINSHIDAI COMPANY;

     and

     CHINA OCEAN SHIPPING (GROUP) CO. (COSCO);

     and

     GUANGZHOU OCEAN SHIPPING COMPANY (COSCO GUANGZHOU);

     Defendants

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s'agit d'un appel de la décision du protonotaire Morneau qui concluait que la partie in rem de l'action de la demanderesse, Paramount Entreprises International Inc., ne pouvait être exercée ni à l'égard du navire " An Xin Jiang ", ni à l'égard de la cargaison, au motif qu'elle ne présente aucune cause raisonnable d'action compte tenu de l'interprétation qu'il faut donner aux articles 22(2)i) et 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale1 (la " Loi ").

FAITS

[2]      Au mois de mars 1987, la demanderesse et les trois compagnies défenderesses - Beston Chemical Corporation (" Beston "), China North Chemical Industries Corporation (" Nocinco ") et China Xinshidai Company (" Xinshidai ") - concluaient la charte-partie Conlinebooking en vertu de laquelle la demanderesse convenait de transporter la cargaison de dynamite des défenderesses de Tianjin-Xingang (Chine) à Grande-Anse (Québec).

[3]      Suite à la signature de la convention, la demanderesse fit les arrangements nécessaires pour que son navire, le " Len Speer ", se rende à Xingang pour transporter la cargaison. Or, le 25 mars 1997, Nocinco avisait la demanderesse que la cargaison serait transportée à bord du " An Xin Jiang ", un navire appartenant à la compagnie China Ocean Shipping (Group) Co. (" Cosco "). Ceci aurait causé à la demanderesse une perte de 175 000 $ (Can.).

[4]      La demanderesse intenta une action in personam contre Beston, Nocinco et Xinshidai pour cause d'inexécution de contrat, ainsi que contre Cosco pour la commission du délit civil d'ingérence dans la charte-partie Conlinebooking. Elle cherche aussi à faire exercer ses droits résultant du bris contractuel in rem contre la cargaison de dynamite et ceux résultant de l'ingérence de Cosco contre le " An Xin Jiang ".

[5]      Cosco s'opposa à la partie in rem de l'action de la demanderesse. Il déposa une requête en vertu de l'alinéa 419(1)a) des Règles de la Cour fédérale2 (les " Règles "), demandant sa radiation au motif qu'elle ne présente aucune cause raisonnable d'action aux termes d'une lecture combinée de l'alinéa 22(2)i) et du paragraphe 43(2) de la Loi .


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

                 [6]      C'est le paragraphe 22(1) de la Loi qui confère à la Cour fédérale la juridiction en matière d'amirauté. Le paragraphe 22(2) définit plus précisément, mais non exhaustivement, la portée de cette juridiction. Les parties s'entendent que le présent litige porte sur l'alinéa 22(2)i) :                 

22.(2) Il demeure entendu que, sans préjudice de la portée générale du paragraphe (1), la Section de première instance a compétence dans les cas suivants :

[...]

i)      une demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d'un navire, à l'usage ou au louage d'un navire, notamment par charte-partie.

(2) Without limiting the generality of subsection (1), it is hereby declared for greater certainty that the Trial Division has jurisdiction with respect to any one or more of the following:

[...]

(i) any claim arising out of any agreement relating to the carriage of goods in or on a ship or to the use or hire of a ship whether by charter party or otherwise;


                 [7]      L'exercice in rem de la juridiction est prévu aux paragraphes 43(2) et (3) de la Loi :                 

43(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Cour peut, aux termes de l'article 22, avoir compétence en matière réelle dans toute action portant sur un navire, un aéronef ou d'autres biens, ou sur le produit de leur vente consigné au tribunal. [Je souligne]

43(3) Malgré le paragraphe (2), la Cour ne peut exercer la compétence en matière réelle prévue à l'article 22, dans le cas des demandes visées aux alinéas 22(2)e), f), g), h), i), k), m), n), p) ou r), que si, au moment où l'action est intentée le véritable propriétaire du navire, de l'aéronef ou des autres biens en cause est le même qu'au moment du fait générateur.

43(2) Subject to subsection (3), the jurisdiction conferred on the Court by section 22 may be exercised in rem against the ship, aircraft or other property that is the subject of the action, or against any proceeds of sale thereof that have been paid into court. [My emphasis]

43(3) Notwithstanding subsection (2), the jurisdiction conferred on the Court by section 22 shall not be exercised in rem with respect to a claim mentioned in paragraph 22(2)(e), (f), (g), (h), (i), (k), (m), (n), (p) or (r) unless, at the time of the commencement of the action, the ship, aircraft or other property that is the subject of the action is beneficially owned by the person who was the beneficial owner at the time when the cause of action arose.

DÉCISION DU PROTONOTAIRE

[8]      Le protonotaire Morneau accueillit la requête de Cosco et radia la partie in rem de l'action de la demanderesse.

[9]      Dans ses motifs, il se pencha d'abord sur la question de l'action in rem contre le navire. À son avis, il était clair et évident que cette action n'avait aucune chance de réussir puisque le " An Xin Jiang " n'était pas le navire sur lequel portait l'action de la demanderesse. L'action était inscrite à l'encontre de la charte-partie Conlinebooking qui visait le transport de la cargaison de dynamite à bord du Len Speer.

[10]      Le protonotaire rejeta aussi la prétention de la demanderesse selon laquelle elle pouvait tirer partie, sur une base délictuelle, de l'entente intervenue entre Cosco et les autres compagnies défenderesses sur l'affrètement du " An Xin Jiang ", entente à laquelle elle n'avait pas pris part. À cette fin, le protonotaire distingua la présente affaire des décisions The " Antonis P. Lemos "3 et Margem Chartering Co. c. Cosena S.R.L. (" Bosca ")4, qui reconnaissent le droit de fonder une action in rem contre un navire sur une base délictuelle. Les circonstances en l'espèce diffèrent de celles dans ces deux arrêts. Il s'agissait d'une partie à une convention de transport par navire qui avait entamé une action contre un navire et ses propriétaires qui eux n'étaient pas partie à la convention.

[11]      Quant à l'action in rem contre la cargaison, le protonotaire jugea également qu'elle ne révélait aucune cause d'action raisonnable. Encore une fois, il affirma que c'était la charte-partie Conlinebooking qui fondait l'action de la demanderesse et que dans le cadre de cette convention, il n'existait pas une connexité suffisante entre la demanderesse et la cargaison pour lui permettre d'avoir droit à un recours in rem puisque la demanderesse n'avait jamais eu possession de la cargaison.


ANALYSE

     L'alinéa 419(1)a)

                 [12]      Tout d'abord, il importe de rappeler que la requête de Cosco est fondée sur la règle 419(1)a), qui stipule :                 

419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou sans permission d'amendement, au motif

     a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou de défense, selon le cas,

419.(1) The Court may at any stage of an action order any pleading or anything in any pleading to be struck out, with or without leave to amend, on the ground that

     a) it discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,
                 [13]      Dans Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat5, le juge Estey au nom de la Cour suprême du Canada précisa les circonstances dans lesquelles une déclaration peut être radiée : Comme je l'ai dit, il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l'action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu'il est convaincu qu'il s'agit d'un cas "au-delà de tout doute"6. "Je souligne >                 
                 [14]      Bien que l'expression utilisée pour désigner le principe varie quelque peu d'une décision à l'autre - le protonotaire Morneau en l'espèce préfère les termes " clair et évident "7 - il n'en demeure pas moins que la Cour ne peut faire droit à une telle requête que si la cause est si dénuée de mérite qu'il est impossible qu'elle puisse réussir. Comme le souligne le juge Marceau dans Prior c. Canada8, les tribunaux radient une déclaration lorsqu'une affaire soulève une question de droit qui peut être tranchée sur la foi même des faits contenus dans les plaidoiries écrites, sans qu'il soit nécessaire de soumettre de preuve additionnelle :Le principe découlant des termes utilisés par le juge Estey a trait aux répercussions que les arguments juridiques avancés, s'ils sont jugés valides, auront sur le sort de l'action. Lorsque le succès d'une action repose entièrement sur un argument juridique qui peut facilement être compris et clairement défini uniquement à la lecture de la déclaration, sans qu'il puisse être expliqué par d'autres actes de procédure et qu'aucune question ne pourrait être mieux explorée lors d'un procès, une requête fondée sur la règle 419(1)a) permettra au défendeur de contester la validité d'un tel argument et par conséquent de montrer immédiatement que l'action sera nécessairement rejetée puisque, même si les faits importants allégués étaient tous vrais, la Cour ne pourra d'aucune façon faire droit aux redressements demandés9.                 

[15]      En l'espèce, prenant les faits dans la déclaration pour avérés, il faut donc se demander si la demanderesse peut entamer une action in rem contre le navire " An Xin Jiang " et contre la cargaison, ou bien s'il est clair et évident qu'une telle action n'a aucune chance de succès.

     Action in rem contre le navire

[16]      La demanderesse soutient qu'il n'est pas clair et évident que son action in rem contre le navire de Cosco n'a aucune chance de réussir. Elle se dit autorisée par le paragraphe 43(2) à exercer ses droits in rem contre le " An Xin Jiang ", puisqu'il s'agit du navire sur lequel porte l'action. Son action délictuelle contre Cosco est fondée, soutient-elle, sur la convention de transport de marchandises conclue entre Cosco et les trois autres compagnies défenderesses. Elle prétend qu'elle peut tirer partie de cette entente à laquelle elle n'est pas partie, puisque l'alinéa 22(2)i) peut être invoqué à l'appui d'une demande délictuelle comme ce fut le cas dans Bosca et Antonis P. Lemos.

                 [17]      Les arguments de la demanderesse ne me convainquent pas. Le paragraphe 43(2) stipule qu'une partie peut bénéficier d'un recours in rem contre un navire à la condition que son action porte sur le navire. La jurisprudence considère qu'une action porte sur un navire lorsqu'il y a un lien suffisant entre le navire et l'action :Ainsi que je l'ai déclaré, les défendeurs invoquent les deux décisions précitées pour démontrer qu'il doit exister un " lien suffisant " avec le navire défendeur pour pouvoir introduire une instance sous forme d'action in rem . "... > Je suis d'accord moi aussi pour dire qu'une action in rem ne peut être intentée que s'il existe un " lien " avec le navire défendeur10.                 

[18]      En l'espèce, la demanderesse reproche à Cosco de s'être illégalement ingéré dans la charte-partie Conlinebooking conclue entre Paramount, Besco, Nocinco et Xinshidai qui prévoyait le transport de la cargaison à bord du " Len Speer ". L'action de la demanderesse est fondée sur cette entente. Or, il n'y a aucun lien entre celle-ci et le " An Xin Jiang ". Le " An Xin Jiang " est le sujet d'une deuxième entente intervenue entre Cosco et les trois autres compagnies défenderesses. La cause d'action de la demanderesse est indépendante de cette deuxième entente. Donc, il est clair et évident que la Cour ne peut exercer sa compétence in rem .

[19]      Quant à l'argument de la demanderesse selon lequel elle peut tirer partie de l'entente entre les co-défenderesses et Cosco sur une base délictuelle, je suis d'accord avec la distinction que le protonotaire a faite entre la présente affaire et les arrêts Antonis P. Lemos et Bocsa. Dans ces deux décisions, le demandeur alléguait être partie à un sous-affrètement du navire saisi qui était responsable du délit commis. Ceci créait la connexité nécessaire entre le navire et le demandeur pour permettre l'action in rem. Cet élément est absent en l'espèce, de sorte que ces arrêts ne trouvent pas d'application.

     Action in rem contre la cargaison

[20]      La demanderesse soutient qu'il n'est pas clair et évident que son action in rem contre la cargaison est si dénuée de mérite qu'elle n'a aucune chance de réussir. À son avis, le paragraphe 43(2) est clair : il permet un recours in rem contre " d'autres biens " sur lesquels porte l'action. En l'espèce, la cargaison de dynamite, qu'elle soit à bord du " Len Speer " ou non, est un " bien ", tel que défini à l'article 2 de la Loi et elle est aussi le sujet de l'action, c'est-à-dire de la charte-partie Conlinebooking.

[21]      Les défenderesses acceptent que le terme " biens " retrouvé au paragraphe 43(2) inclut la cargaison, mais elles précisent qu'il inclut seulement la cargaison à bord du navire qui est le sujet de l'action. Bien que le législateur n'ait pas expressément indiqué cette condition dans le libellé du paragraphe 43(2), les défenderesses prétendent que c'est effectivement son intention car le terme " cargaison " utilisé au paragraphe 22(2) est toujours relié au navire qui l'a transportée. En l'espèce, la cargaison est à bord d'un navire, mais pas du navire qui est mentionné dans la charte-partie Conlinebooking.

[22]      Les défenderesses soutiennent, de plus, que la juridiction d'amirauté ne peut être invoquée in rem contre une cargaison si ce n'est lorsqu'elle est grevée d'un privilège maritime. La seule dérogation à ce principe est le privilège possessoire sur la cargaison. En l'espèce, comme la cargaison n'a jamais été chargée sur le " Len Speer ", le privilège possessoire n'a jamais pris naissance et donc, la demanderesse ne peut avoir un recours in rem contre la cargaison.

                 [23]      Je suis d'accord avec l'interprétation du paragraphe 43(2) qui est proposée par la demanderesse, car elle est fidèle à la méthode adoptée par la Cour suprême du Canada en matière d'interprétation législative. Les récents arrêts nous enseignent que c'est la règle du " sens ordinaire " qu'il faut appliquer11. Dans R. c. McIntosh12, le juge en chef Lamer indiquait qu'il faut donner effet au sens ordinaire des mots lorsque le libellé de la disposition législative est clair et sans équivoque. Il est permis de s'écarter du sens ordinaire des mots pour utiliser une méthode d'interprétation globale lorsque les termes de la loi sont ambigus, c'est-à-dire lorsqu'ils se prêtent à plus d'une interprétation :Pour résoudre la question d'interprétation soulevée par le ministère public, je pars de la proposition qu'il faut donner plein effet à une disposition législative qui, à sa lecture, ne présente pas d'ambiguïté. C'est une autre façon de faire valoir ce que l'on a parfois appelé la " règle d'or " de l'interprétation littérale ; une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation13.                 
                 [24]      En l'espèce, le paragraphe 43(2) n'est pas ambigu. Le mot " biens " est clairement défini à l'article 2 de la Loi . Il désigne les " biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, notamment les droits et les parts ou actions ". Le paragraphe 43(2) permet donc un recours in rem contre une cargaison qui est un bien meuble. Le libellé n'exige ni que la cargaison soit à bord d'un navire ou non, ni qu'il y ait un privilège maritime ou possessoire pour donner lieu à une action in rem contre la cargaison. Si le législateur avait voulu imposer une telle condition, il l'aurait indiquée expressément dans la Loi. C'est d'ailleurs ce qu'a fait le législateur anglais dans le Supreme Court Act, 1981. Les paragraphes 21(3) et (4) du Supreme Court Act exposent les circonstances dans lesquelles la High Court peut exercer sa juridiction conférée par l'alinéa 20(2)h) (le pendant de notre alinéa 22(2)i)) in rem. Le paragraphe 21(4) stipule que les actions in rem peuvent être intentées contre les navires seulement, mais le paragraphe 21(3) ajoute qu'elles peuvent aussi être entamées contre d'autres biens pourvu que ces biens soient grevés d'un privilège ou d'une autre charge :21.(3)In any case in which there is a maritime lien or other charge on any ship, aircraft or other property for the amount claimed, an action in rem may be brought in the High Court against that ship, aircraft or property. "Je souligne >                                         

[25]      Ici, au Canada, le législateur n'a pas jugé nécessaire de prévoir une telle condition dans notre Loi.

                 [26]      Les défenderesses soutiennent que l'interprétation littérale donne lieu à un résultat inéquitable puisqu'elle permettrait la saisie in rem d'une cargaison sur un navire d'un tiers innocent. Ce motif n'est pas une raison pour s'éloigner du sens ordinaire des mots du paragraphe 43(2). Dans McIntosh, le juge en chef Lamer déclare que le résultat rigide ou absurde de l'interprétation littérale ne justifie pas le recours à une méthode d'interprétation globale lorsque le libellé de la disposition législative n'est pas ambigu :Voici la proposition que j'adopterais : lorsqu'une législature adopte un texte législatif qui emploie des termes clairs, non équivoques et susceptibles d'avoir un seul sens, ce texte doit être appliqué même s'il donne lieu à des résultats rigides ou absurdes ou même contraires à la logique. Le fait qu'une disposition aboutit à des résultats absurdes n'est pas, à mon avis, suffisant pour affirmer qu'elle est ambiguë et procéder ensuite à une analyse d'interprétation globale. "... >                 
                 En conséquence, ce n'est que lorsqu'un texte législatif est ambigu, et peut donc raisonnablement donner lieu à deux interprétations, que les résultats absurdes susceptibles de découler de l'une de ces interprétations justifieront de la rejeter et de préférer l'autre. L'absurdité est un facteur dont il faut tenir compte dans l'interprétation de dispositions législatives ambiguës14.                 
                 [27]      Il faut présumer que lorsque le sens d'une disposition est clair et sans équivoque, il reflète l'intention du législateur, comme le souligne le juge en chef :Après tout, le législateur a le droit de légiférer de façon illogique (pourvu qu'il ne soulève pas de préoccupations d'ordre constitutionnel). Si le législateur n'est pas satisfait de l'application que les tribunaux accordent aux textes législatifs illogiques, il peut les modifier en conséquence15.                 
                 [28]      Ainsi, selon le paragraphe 43(2), il suffit que la cargaison soit le sujet de l'action pour que la demanderesse exerce ses droits in rem, ce qui est le cas en l'espèce. C'est le défaut des défenderesses de remplir leurs obligations contractuelles en vertu de la charte-partie Conlinebooking qui a donné naissance à l'action de la demanderesse. La cargaison de dynamite était le sujet même de cette charte-partie. De plus, la demanderesse avait commencé à exécuter ses obligations contractuelles. Selon sa déclaration, elle avait déjà " positionné " le " Len Speer " pour qu'il se rende à Tianjin-Xingang pour prendre la cargaison de dynamite. Selon la décision Le 1201 , un début de performance des obligations contractuelles confère suffisamment de connexité pour permettre l'action in rem :La demanderesse et la défenderesse Global ont conclu un contrat en vue de remorquer le navire. Je suis convaincu que si rien d'autre n'avait été fait et que la défenderesse Global avait alors résilié le contrat, la demanderesse n'aurait pas pu intenter une action in rem , étant donné qu'aucune mesure n'aurait été prise pour remplir les obligations prévues au contrat et qu'on ne pourrait affirmer qu'il existait un lien avec le navire. Dans l'affaire qui m'est soumise, les faits démontrent qu'un contrat a été conclu pour faire remorquer de Halifax jusqu'en Inde un navire désigné par un remorqueur désigné. En outre, suivant la déclaration, les parties auraient convenu que le remorqueur désigné serait immédiatement envoyé à Halifax (il se trouvait alors en Méditerranée). Le remorqueur a effectivement été envoyé. Au bout de douze jours et demi, alors que le remorqueur était en route pour Halifax et que la demanderesse tenait les défendeurs constamment au courant de la position du remorqueur, les défendeurs ont résilié le contrat. "... >                 
                 Restreindre les demandes d'indemnisation prévues à l'alinéa 22(2)k) de la Loi aux seuls cas où il y a effectivement eu remorquage est beaucoup trop limitatif. Je suis convaincu qu'il n'est pas nécessaire d'entreprendre effectivement le " remorquage " au moyen d'un câble effectivement fixé au navire pour pouvoir présenter une " demande d'indemnisation pour remorquage ". Il suffit, comme en l'espèce, d'avoir commencé à exécuter le contrat de remorquage pour pouvoir présenter une " demande d'indemnisation pour remorquage " en vertu de l'alinéa 22(2)k)16.                 

[29]      Pour ces motifs, je crois qu'il n'est pas clair et évident que l'action in rem contre la cargaison devrait être radiée.

[30]      Compte tenu de cette conclusion, la décision du protonotaire d'annuler la lettre en garantie bancaire fournie par Cosco est infirmée.

CONCLUSION

[31]      En conséquence, j'accueille l'appel en partie. La décision du protonotaire de radier la partie in rem de l'action de la demanderesse contre le navire " An Xin Jiang " est maintenue, alors que sa décision de radier l'action in rem contre la


cargaison est infirmée au motif qu'elle révèle une cause d'action raisonnable. La décision est également infirmée quant à l'annulation de la lettre en garantie bancaire. Le tout avec dépens.

    

                                         JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 décembre 1997

__________________

1      L.R.C. 1985, c. F-7.

2      C.R.C. 1978, c. 663.

3      [1985] 1 Lloyd's 283.

4      (5 mars 1997), T-2418-96 (C.F. protonotaire).

5      "1980 > 2 R.C.S. 735. Voir aussi Operation Dismantle Inc. c. La Reine, "1985 > 1 R.C.S. 441 à la p. 449 ; Prior c. Canada, (1990), 101 N.R. 401 à la p. 404 (C.F.A.) ; Joint Stock Society      "Oceangeotechnology " c. 1201 (Le), "1994 > 265 aux pp. 269-270 (1re inst.).

6      Ibid. à la p. 740.

7      Cette expression fut aussi utilisée par le juge Dubé dans Ludco Entreprises Ltd. et al. c. Ministre du Revenu national (1994), 72 F.T.R. 175, ainsi que par le juge Teitelbaum dans Le 1201, supra note 5.

8      Supra note 5.

9      Ibid. Je cite la traduction française de la décision non publiée, (10 octobre 1989), A-179-88 à la p. 4.

10      Le 1201, supra note 5 à la p. 276. Voir aussi Westview Sable Fish Co. et al. c. Ship Neekis et al. (1986), 6 F.T.R. 235 (C.F. 1re inst.); Corostel Trading c. Ship "Catalina " (1986), 6 F.T.R. 233 (C.F. 1re inst.).

11      R. c. McIntosh, "1995 > 1 R.C.S. 686, M. le juge en chef Lamer ; Verdun c. Banque-Toronto Dominion, "1996 > 3 R.C.S. 550, M. le juge Iacobucci.

12      Ibid.

13      Ibid. à la p. 697.

14      Ibid. aux pp. 704-705.

15      Ibid. à la p. 706.

16      Le 1201, supra note 5 aux pp. 277-278.


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR :T-956-97

INTITULE : PARAMOUNT ENTERPRISES INTERNATIONAL INC. -ET- BESTON CHEMICAL CORPORATION, INC.

LIEU DE L'AUDIENCE : Quebec (Quebec) DATE DE L'AUDIENCE : November 5, 1997 MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE TREMBLAY-LAMER EN DATE DU 18 DECEMBRE 1997

COMPARUTIONS

Me Andrew Ness POUR LA DEMANDERESSE

Me John O'Connor POUR LA DEFENDERESSE (BESTON CHEMICAL)

Me Guy Vaillancourt POUR LA DEFENDERESSE (COSCO)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Sproule, Castonguay, Pollack POUR LA DEMANDERESSE Montreal (Quebec)

Langlois, Robert POUR LA DEFENDERESSE

Quebec (Quebec) (BESTON CHEMICAL)

Etude legale Guy Vaillancourt POUR LA DEFENDERESSE

Quebec (Quebec) (COSCO)

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