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Date : 1998.02.05


T-729-88

E n t r e :

     HARRY R. FRIEDRICH, HOME TECHNICS LTD.

     TECHNICAL CERAMICS INDUSTRIES INC.

     HAMILTON PROFILE EXTRUDERS INC.

     FRIEDRICH INDUSTRIES INC., ASSEM-LAB INC.

     I.T. ELECTRONIC CERAMICS INC.

     F & T TOOLING INC., HIGH-TEC TRUCK LEASING LTD.

     OMEMEE DRIVER SERVICE LTD.

     et FRIEDRICH TECHNOLOGIES INC.,

     demandeurs,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Les demandeurs présentent une requête en vertu de l'alinéa 330b) des Règles de la Cour fédérale en vue de faire annuler un jugement en date du 14 novembre 1996 par lequel le juge en chef adjoint a rejeté leur action. Le jugement a été rendu après que la Cour eut, le 8 mars 1996, envoyé à l'avocat qui occupait alors pour les demandeurs un avis portant que, comme aucune diligence n'avait été faite dans le dossier depuis le 15 octobre 1990, la Cour rejetterait l'action à moins qu'une requête en directives ne soit déposée devant la Cour dans les 60 jours. L'avis a été dûment signifié et aucune requête en directives n'a été déposée.

[2]      L'avocat qui occupait alors pour les demandeurs a déposé un affidavit dans lequel il affirmait que, bien que l'avis du 8 mars 1996 ait été reçu à son cabinet, un commis-réceptionniste à temps partiel avait dû le ranger au mauvais endroit parce qu'il n'avait jamais été porté à son attention. L'avocat affirme que ni lui ni sa cliente n'étaient au courant de l'avis. Il affirme que le jugement du 14 novembre 1996 devrait être annulé en raison de cet absence d'avis. L'alinéa 330b) des Règles porte :

             La Cour peut annuler             
                  [...]             
             b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui a omis de comparaître par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis de requête insuffisant; [...]             

[3]      L'avocat des demandeurs cite les décisions Malowitz c. Ministre du Revenu national, (1991), 91 D.T.C. 937 (C.C.I.), Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516, et Construction Gilles Paquette Ltée c. Les Entreprises Végo Ltée, [1997] 2 R.C.S. 299. Ces décisions sont invoquées à l'appui de la proposition qu'une partie ne devrait pas se voir privée de ses droits en raison d'une erreur de son avocat lorsqu'il est possible de corriger les conséquences de cette erreur sans causer d'injustice à la partie adverse.

[4]      L'avocate de la défenderesse soutient pour sa part que le jugement ne devrait pas être annulé, parce que les demandeurs n'ont pas démontré qu'au cours de la période du retard, ils avaient un intérêt sérieux à poursuivre l'action. La défenderesse affirme en outre qu'elle subirait un préjudice si la Cour permettait maintenant aux demandeurs de poursuivre l'action.

[5]      Si j'ai bien compris l'argument de l'avocat des demandeurs, la Cour devrait s'attacher uniquement au fait que le jugement par lequel ils ont été déboutés de leur action a été rendu sans qu'ils en soient avisés. Ils soutiennent que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens que la défenderesse pourrait plus régulièrement faire valoir dans le cadre d'une requête en rejet de la demande pour défaut de poursuivre. Je ne suis pas persuadée qu'il en soit ainsi. Il ne serait pas logique de permettre à la défenderesse de faire valoir son point de vue uniquement dans le contexte d'une requête en rejet de la demande pour défaut de poursuivre présentée après la reprise de l'action. Qui plus est, l'avocate de la défenderesse affirme que les moyens qu'elle se propose de faire valoir sont les mêmes que ceux qu'elle aurait invoqués si les demandeurs avaient répondu à l'avis envoyé le 8 mars 1996 par la Cour et s'ils avaient présenté une requête en directives. À mon avis, les moyens qui auraient été invoqués, si ces événements s'étaient produits, sont pertinents à la présente demande.

[6]      Il est donc nécessaire de relater les faits pertinents. M. Friedrich est le président de Roselight Inc., qui fait affaire sous la raison sociale de Schubert Advanced Lighting Technologies. Il est à la fois la personne physique demanderesse et le principal investisseur des personnes morales demanderesses.

[7]      En juin 1986, Mr. Friedrich a retenu les services du cabinet de Me Melvyn L. Solmon, lequel cabinet est maintenant connu sous le nom de Solmon Rothbar Goodman, pour introduire une action contre la défenderesses en son nom personnel et au nom des personnes morales demanderesses. Les demandeurs réclamaient des dommages-intérêts en raison de l'avis de cotisation, de l'avis de nouvelle cotisation et de la revendication en mains tierces que des préposés de la défenderesse leur avaient envoyé de façon irrégulière et avec une intention malveillante et en raison des actes ultérieurs commis par les préposés en question, en l'occurrence des fonctionnaires du ministère du Revenu national, de façon irrégulière et avec une intention malveillante.

[8]      La déclaration a été déposée le 19 avril 1988 et a été signifiée à la défenderesse le 25 avril 1988. La défenderesse a présentée une requête, présentable le 26 septembre 1988, en vue d'obtenir une ordonnance radiant la déclaration au motif qu'elle ne révélait aucune cause d'action raisonnable. Le 21 septembre 1988, cette requête a été ajournée sine die de consentement. C'est la dernière mesure qui a été prise dans la présente action.

[9]      Les présumés actes délictueux commis par les employés de la défenderesse se rapportent à des cotisations fiscales concernant l'année d'imposition 1977. Le 10 juin 1982, la défenderesse a envoyé à M. Friedrich un avis de cotisation concernant l'impôt qu'il devait pour l'année d'imposition 1977. Cette cotisation a été établie à partir d'une évaluation de la valeur nette comparative. En juillet 1982, des revendications en mains tierces et des saisies-arrêts ont été exercées. M. Friedrich affirme que ces mesures ont été prises de manière arbitraire et abusive. Il allègue que des renseignements confidentiels ont été divulgués à des associés en affaires. Il affirme que les agissements des employés de la défenderesse ont entraîné sa ruine financière et celle des personnes morales demanderesses. La cotisation de 1982 a été annulée en février 1983. Des avis de cotisation ont par la suite été envoyés à certaines des compagnies de M. Friedrich pour non-paiement de retenues d'impôt. M. Friedrich soutient que ces mesures ont été prises avec une intention malveillante et vindicative. Les sommes dues se sont avérées irrécouvrables et la défenderesse a radié la dette fiscale en 1988. Les documents de la défenderesse se rapportant aux cotisations fiscales pertinentes et aux mesures de recouvrement ont par la suite été envoyés au centre fiscal de Sudbury pour y être entreposés en vrac et ils ont finalement été détruits.

[10]      M. Friedrich a également perdu des documents relatifs aux événements en question. Les agents de recouvrement de Revenu Canada dont le nom est cité dans la déclaration des demandeurs et qui seraient responsables des mesures qui ont été prises ont tous les deux pris leur retraite. Le premier a pris sa retraite le 9 août 1986 et l'autre, le 24 septembre 1992. Le lieu de résidence précis de l'un d'entre eux n'est pas connu.

[11]      M. Friedrich affirme qu'il a été empêché de poursuivre son action au cours de la période 1988-1996 en raison d'une pénurie de ressources causée par les agissements de Revenu Canada. Un examen des éléments de preuve relatifs à sa situation financière ne justifie pas une telle assertion. M. Friedrich a produit une lettre datée du 29 juillet 1994 qui, selon ce qu'il affirme, a été obtenue d'un certain M. Barkin qui le conseillait alors au sujet de l'existence de l'action T-729-88 et de l'opportunité de la poursuivre. Cette lettre, de même que les conversations qu'il a eues avec son avocat, ne suffisent pas à mon avis à démontrer qu'il avait sérieusement l'intention de poursuivre le procès.

[12]      Voici la jurisprudence que l'avocate de la défenderesse a citée et qui est pertinente à la présente instance : Mandal v. 575419 Ontario Ltd. (1994), 23 C.P.C. (3d) 172 (C.J.O.), Knight and Cullen v. Buckley (1991), 6 O.R. (3d) 339 (C.A. Ont.) et Sinnett v. Sullivan (1991), 49 C.P.C. (2d) 122 (C.J.O.). Ces décisions portent sur des situations dans lesquelles des actions ont été rejetées pour omission de faire inscrire l'affaire au rôle en conformité avec des ordonnances sur l'état de l'instance prononcées en vertu des Règles de procédure civile de l'Ontario. Dans ces décisions, il a été jugé que deux facteurs sont pertinents lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu ou non d'annuler un jugement de débouté : (1) le demandeur peut-il expliquer de façon satisfaisante son retard (c.-à-d. le fait qu'il n'a pas fait mettre l'affaire au rôle); (2) le défendeur peut-il démontrer qu'il a subi un préjudice par suite de ce retard. Voici un extrait du sommaire du jugement Mandal :

     [TRADUCTION]         
     [...] bien que le tribunal ne devrait pas pénaliser un client en raison de la faute commise par son avocat, les demandeurs n'ont présenté aucun élément de preuve pour établir qu'ils s'étaient eux-mêmes montrés vivement intéressés à poursuivre l'action.         

[13]      La jurisprudence précitée fait état des critères qui sont habituellement appliqués sous le régime de l'article 440 des Règles de la Cour fédérale et en vertu desquels une action peut être rejetée pour défaut de poursuivre : (1) Y a-t-il un retard excessif ? (2) Ce retard est-il excusable ? (3) Le défendeur risque-t-il de subir un grave préjudice à cause du retard ? On trouve une analyse de la question dans l'ouvrage de Sgayias, Federal Court Practice, 1998, à la page 437.

[14]      En l'espèce, le retard était effectivement excessif. Je ne suis pas persuadée qu'une explication raisonnable a été avancée pour justifier ce retard. L'écoulement du temps a causé un préjudice à la défenderesse du fait qu'elle ne peut plus contester


l'action comme il se doit. Par ces motifs, la requête en annulation du jugement du 14 novembre 1996 sera rejetée.

     " B. Reed "

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 5 février 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Date : 1998.02.05


T-729-88

E n t r e :

HARRY R. FRIEDRICH, HOME TECHNICS LTD.

TECHNICAL CERAMICS INDUSTRIES INC.

HAMILTON PROFILE EXTRUDERS INC.

FRIEDRICH INDUSTRIES INC., ASSEM-LAB INC.

I.T. ELECTRONIC CERAMICS INC.

F & T TOOLING INC., HIGH-TEC TRUCK LEASING LTD. OMEMEE DRIVER SERVICE LTD.

et FRIEDRICH TECHNOLOGIES INC.,

     demandeurs,

     - et -

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

     défenderesse.

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      T-729-88
INTITULÉ DE LA CAUSE :              HARRY R. FRIEDRICH, HOME TECHNICS LTD., TECHNICAL CERAMICS INDUSTRIES INC., HAMILTON PROFILE EXTRUDERS INC. FRIEDRICH INDUSTRIES INC., ASSEM-LAB INC., I.T. ELECTRONIC CERAMICS INC. F & T TOOLING INC., HIGH-TEC TRUCK LEASING LTD., OMEMEE DRIVER SERVICE LTD., et FRIEDRICH TECHNOLOGIES INC.
                                 - et -
                             SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

    

DATE DE L'AUDIENCE :              2 FÉVRIER 1998     
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE REED en date du 5 février 1998

ONT COMPARU :                      M e William Innes
                             M e H. Moorthy
                                 pour les demandeurs
                             M me Celia Rasbach
                                 pour la défenderesse
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      M e William Innes Genest Murray DesBrisay Lamek 130, rue Adelaide Ouest, bureau 700 Toronto (Ontario) M5H 4C1 pour les demandeurs Me George Thomson Sous-procureur général du Canada
                                 pour la défenderesse
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