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Date : 20020607

Dossier : T-167-00

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 JUIN 2002

En présence de Madame le juge Heneghan

ENTRE :

                                             BELGRAVIA INVESTMENTS LIMITED,

                      3438644 MANITOBA LTD., SPACE FUEL GAS PRODUCTS LTD.,

                                RES RESOURCES LTD., SUPREME GRAPHICS LTD.,

                          J.E. BOWES INVESTMENTS INC., 409707 ALBERTA LTD.,

                                       BEACH AVENUE HOLDING COMPANY LTD.,

                  BAYOU DEVELOPMENTS (1996) LTD., NLK CONSULTANTS INC. et

                                      TRICONTINENTAL DISTRIBUTION LIMITED

                                                                                                                                            demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR :

ACCUEILLE la demande en partie;

RADIE les paragraphes 3, 6, 7 et 8 de l'affidavit de Walter Wong;


DÉCLARE que les demanderesses peuvent valablement revendiquer le privilège du secret professionnel de l'avocat sur les documents énumérés aux annexes A et B jointes à la présente ordonnance de même que sur les documents expressément désignés par la Cour dans les motifs de l'ordonnance;

ORDONNE aux demanderesses de produire les documents qu'elles ont offert de produire au cours de l'audience;

DÉCLARE que tous les autres documents doivent demeurer sous scellé en la possession du dépositaire jusqu'à l'expiration du délai d'appel applicable;

N'ADJUGE aucuns dépens.

                                                                                                                                             « E. Heneghan »     

                                                                                                                                                                 Juge                

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20020607

Dossier : T-167-00

Référence neutre : 2002 CFPI 649

ENTRE :

BELGRAVIA INVESTMENTS LIMITED,

3438644 MANITOBA LTD., SPACE FUEL GAS PRODUCTS LTD.,

RES RESOURCES LTD., SUPREME GRAPHICS LTD.,

J.E. BOWES INVESTMENTS INC., 409707 ALBERTA LTD.,

BEACH AVENUE HOLDING COMPANY LTD.,

BAYOU DEVELOPMENTS (1996) LTD., NLK CONSULTANTS INC. et

TRICONTINENTAL DISTRIBUTION LIMITED

                                                                                                                                            demanderesses

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                                                                                                                       

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

INTRODUCTION


[1]                 Belgravia Investment Ltd., 3438644 Manitoba Ltd., Space Fuel Gas Products Ltd., RES Resources Ltd., Supreme Graphics Ltd., J.E. Bowes Investments Inc., 409707 Alberta Ltd., Beach Avenue Holding Company Ltd., Bayou Developments (1996) Ltd., NLK Consultants Inc. et Tri-Continental Distribution Ltd. (les demanderesses ou le groupe d'investisseurs) sollicitent, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1, 5e suppl. (la Loi), une ordonnance déclarant que certains documents réclamés par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) sont protégés par le secret professionnel de l'avocat.

[2]                 L'ADRC a formulé sa demande au moyen de lettres qui ont été signifiées aux demanderesses le 10 décembre 1999 ou vers cette date (les lettres réclamant la production de documents) en vertu des alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi. Ces lettres ont été adressées aux demanderesses à l'occasion d'une vérification fiscale de l'ADRC. Cette vérification concernait le placement effectué par les demanderesses dans certaines sociétés et une des questions en litige porte sur la question de savoir si ce placement constitue un « abri fiscal » .

LES FAITS

[3]                 Les demanderesses sont des sociétés qui ont participé à la création de la société en commandite Whitecourt Newsprint Company (WNCLP) en 1988. Cette société en commandite était constituée de certaines sociétés contrôlées par un dénommé Ronald J. Stern (Stern) et par d'autres sociétés qui n'avaient aucun lien avec Stern (les investisseurs de WNCLP). WNCLP et les investisseurs de WNCLP possèdent une participation de cinquante pour cent dans une entreprise en participation qui fabrique du papier journal à Whitecourt, en Alberta.

[4]                 Les demanderesses sont certains mais pas la totalité des investisseurs de WNCPL. Les demanderesses sont les investisseurs de WNCPL qui ont investi dans Taseko Mines Ltd., Taseko Resources Inc., Pacific Sentinel Resources Inc., Pacific Sentinel Gold Corp. ou d'autres entités connexes (les opérations) et elles constituent, pour ce qui est des opérations en question, le groupe des investisseurs.

[5]                 Depuis la création de WNCLP, une société contrôlée par Stern agit comme mandataire des investisseurs de WNCLP. Le premier mandataire était RES Publications Ltd. (RES). Au début, RES agissait comme mandataire de la totalité des investisseurs de WNCLP, mais par la suite, elle ne représentait que les investisseurs qui participaient aux opérations. M. J. Keith Vancoughnett est la personne associée à RES qui traitait avec les demanderesses depuis 1995 relativement aux opérations en question.

[6]                 À compter de février 1996, M. Vancoughnett a agi comme président-directeur général de Chilcotin Plateau Minerals Ltd. (Chilcotin). À partir du 1er février 1996, Chilcotin a servi de mandataire de RES par l'intermédiaire de M. Vancoughnett.


[7]                 Le rôle de mandataire exécuté par RES, et plus tard par Chilcotin, comprenait la tâche de recruter des conseillers professionnels. Au milieu de 1995, RES a retenu les services du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault pour obtenir des consultations juridiques au sujet des opérations. À la mi-octobre 1995, RES a engagé Sheinin & Co. à titre de mandataire des investisseurs de WNCLP, y compris les demanderesses, en vue de fournir aux avocats du cabinet McCarthy Tétrault des conseils et des renseignements au sujet de certains des aspects commerciaux et fiscaux des opérations. Les demanderesses revendiquent le privilège du secret professionnel sur les documents de Sheinin.

[8]                 Lewis & Co. est un cabinet d'experts-comptables dont les services ont été retenus vers le 1er décembre 1995 pour le compte de J. Poole Holdings Limited et, par la suite, de Beach Avenue Holdings Limited, en vue de communiquer certains renseignements au nom de ces compagnies au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault pour aider les avocats à donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCPL ou au groupe des investisseurs.

[9]                 Cinnamon Jang Willoughby & Company a également fourni des services et des conseils comptables à CQI, un associé commanditaire de WNCLP qui faisait de ce fait partie des investisseurs de WNCLP. Elle ne faisait toutefois pas partie du groupe des investisseurs et elle n'a pas participé aux opérations.

[10]            Vers le 1er décembre 1995, les services de Cinnamon Jang ont été retenus pour le compte de CQI, vraisemblablement dans le but de communiquer certains renseignements concernant CQI au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault pour permettre à ce dernier de donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCLP au sujet des opérations.

[11]            Les lettres réclamant la production de documents enjoignaient à chacun des membres du groupe des investisseurs de fournir certains documents à l'ADRC au plus tard le 31 janvier 2000, notamment tous les documents se trouvant en leur possession ou sous leur contrôle qui avaient trait aux placements dans les opérations.

[12]            Sur réception des lettres réclamant la production de documents, les demanderesses ont remis à leur avocat, Me Douglas S. Ewens, c.r., tous les documents relatifs aux opérations qui se trouvaient en leur possession ou sous leur contrôle et lui ont donné pour instructions de revendiquer le privilège du secret professionnel sur ces documents. Me Ewens travaille pour le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et il faisait partie de l'équipe d'avocats qui donnait des consultations juridiques au groupe des investisseurs et aux investisseurs de WNCLP.

[13]            Conformément aux instructions données par le groupe des investisseurs, Chilcotin a, en sa qualité de mandataire de chacun des membres du groupe des investisseurs, répondu par lettres datées du 31 janvier 2000 aux lettres réclamant la production de documents. À ce moment-là, tous les documents se rapportant aux opérations ont été fournis, à l'exception de ceux qui faisaient l'objet d'une revendication de privilège. Les documents dont la production a été refusée sont présentement conservés sous scellé par Me Ewens en sa qualité de dépositaire. Chilcotin a expressément revendiqué un privilège, mais uniquement pour le compte des demanderesses.

[14]            En l'espèce, les parties avaient convenu, avant l'ouverture de l'audience, que certains des documents qui se trouvaient entre les mains de Me Ewens étaient protégés. Cette entente faisait suite à un examen des documents en conformité avec l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 9 février 2000. La liste de ces documents a été déposée à l'audience et est jointe aux présents motifs à titre d'annexe A. Le caractère confidentiel de ces documents sera confirmé par l'ordonnance qui sera rendue en l'espèce. Par suite de cette entente, la confidentialité des documents confidentiels de Lewis et de Cinnamon Willoughby a été reconnue.

[15]            À l'ouverture de l'audience, les avocats ont informé la Cour que les parties s'étaient également entendues sur d'autres documents. Ces documents protégés sont énumérés à l'annexe B.

[16]            Toujours au cours de l'audience, les avocats des demanderesses ont convenu de divulguer certains documents dont certains passages avaient déjà été prélevés. Il nous reste donc à déterminer si les documents qui restent sont susceptibles d'être protégés par le secret professionnel de l'avocat compte tenu des principes juridiques et de la jurisprudence applicables.

[17]            Les documents contestés qui restent entrent dans l'une ou l'autre des trois catégories suivantes :

1.         les documents relatifs aux opérations de RES et de Chilcotin;


            2.         les documents se rapportant au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault;

            3.         les documents relatifs à Sheinin & Co.

[18]            Les demanderesses ont produit des affidavits souscrits par MM. Keith Vancoughnett, Peter W. Lewis, Saunder M. Sheinin et Brian D. Peets à l'appui de la présente demande. La liste des documents protégés en litige a été jointe à l'affidavit de M. Vancoughnett. Les documents en litige ne sont pas identifiés; la liste ne précise que leur provenance et leur date. Un code numérique précise la raison qui est invoquée au soutien de la revendication du privilège du secret professionnel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES DEMANDERESSES


[19]         Les demanderesses affirment que les documents protégés contestés qui restent peuvent légitimement faire l'objet du privilège revendiqué. Il est de jurisprudence constante que le secret professionnel de l'avocat protège aussi les communications confidentielles échangées entre l'avocat et les représentants de son client en vue d'obtenir des consultations juridiques. Les demanderesses affirment que ce type de secret professionnel s'applique à tous les documents protégés en litige qui ont été communiqués au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault par Sheinin & Co., RES et Chilcotin en vue d'obtenir des consultations juridiques pour le compte des investisseurs de WNCLP et du groupe des investisseurs. À cet égard, les demanderesses invoquent le jugement Susan Hosiery Limited c. Minister of National Revenue (1969), 69 D.T.C. 5278 (C. de l'Éch.).

[20]            Les demanderesses soutiennent que l'application du principe posé dans le jugement Susan Hosiery Limited, précité, ne se limite pas aux seuls cas dans lesquels un représentant, notamment un expert-comptable, sert de « simple intermédiaire » pour transmettre des renseignements entre l'avocat et son client. Les demanderesses rappellent que les tribunaux ont expressément statué que le privilège du secret professionnel s'applique aussi lorsqu'un représentant, et notamment un expert-comptable, utilise ses propres compétences professionnelles pour fournir des renseignements et des conseils dont l'avocat se servira pour formuler une opinion juridique. Les demanderesses invoquent à cet égard la décision Long Tractor Inc. c. Canada (Deputy Attorney General), [1998] 3 C.T.C. 1, aux pages 10 à 12.


[21]            Les demanderesses expliquent que, lorsque des renseignements sont communiqués par un avocat à un représentant de son client, comme par exemple un comptable, en vue de fournir des conseils juridiques à ce client, les renseignements en question peuvent à bon droit être protégés par le secret professionnel de l'avocat. Les demanderesses affirment que ce cas d'ouverture à une revendication du privilège s'applique au document protégé contesté de Lewis, au document protégé contesté de Cinnamon Jang, ainsi qu'à d'autres documents protégés contestés qui ont été communiqués par le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à Sheinin & Co., à RES ou à Chilcotin, dans le cadre des consultations juridiques données aux investisseurs de WNCLP et au groupe des investisseurs.

[22]            Les demanderesses font aussi valoir que, dans la mesure où des renseignements confidentiels ont été communiqués aux représentants ou mandataires des investisseurs de WNCLP ou au groupe des investisseurs, cette communication ne vaut pas renonciation au privilège pour ce qui est du contenu ou de l'objet de ces renseignements. Les demanderesses se fondent ici sur la décision Re Alcan-Colony Contracting Ltd. et al. c. Minister of National Revenue, (1971), 18 D.L.R. (3d) 32, aux pages 34 et 35.

[23]            Les demanderesses affirment que les communications qui sont échangées entre un client et son propre représentant, par exemple un comptable, et qui se rapportent directement aux consultations juridiques qui ont été demandées à l'avocat du client ou qui ont été obtenues de cet avocat, donnent également ouverture au privilège du secret professionnel de l'avocat. En conséquence, ce motif de revendication du privilège s'applique à l'ensemble des documents protégés en litige qui ont été échangés entre, d'une part, Sheinin & Co., RES et Chilcotin et, d'autre part, les investisseurs de WNCLP et le groupe d'investisseurs, au sujet des consultations juridiques données par le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault ou obtenues de ce dernier.


[24]            Les demanderesses soutiennent en outre que les communications échangées entre le représentant d'un client et l'avocat de ce même client en vue de permettre à l'avocat de donner des conseils juridiques à ce client sont également protégées. Ce motif de revendication du secret professionnel englobe tous les documents protégés en litige qui ont été échangés entre le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et Sheinin & Co., RES et Chilcotin en vue de demander ou de fournir des renseignements et des conseils juridiques au sujet de certains aspects commerciaux et fiscaux des opérations, afin de permettre au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault de donner des consultations juridiques.

[25]            Les demanderesses soutiennent que les communications échangées entre les associés du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault sont protégées. Elles ajoutent que, dans la mesure où des renseignements confidentiels ont été communiqués aux représentants ou aux mandataires des investisseurs de WNCLP ou au groupe des investisseurs, cette communication ne constitue pas une renonciation au privilège pour ce qui est du contenu ou de l'objet de ces renseignements.

[26]            Les demanderesses soutiennent aussi que les documents préparés par les avocats du cabinet McCarthy Tétrault en vue de l'instance, y compris les notes, les notes manuscrites et les notes de services, les recherches juridiques et les brouillons, sont protégés. Ce motif de revendication du privilège vise aussi toutes les notes manuscrites prises par les avocats du cabinet McCarthy Tétrault qui figurent sur les documents protégés en litige.

[27]            Les demanderesses affirment par ailleurs que les documents ou copies de documents obtenus par un avocat qui ne fait pas partie du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault ou qui ont été transmis à cet avocat en vue de l'aider à donner des consultations juridiques sont protégés.

[28]            Finalement, les demanderesses expliquent que, dans les cas où un document protégé a été produit par inadvertance, ce document devrait être retranché du dossier et être remis aux avocats des demanderesses. Les demanderesses songent particulièrement au document qui a été produit lors du contre-interrogatoire de M. Vancoughnett et qui a été versé au dossier de la demande de la défenderesse sous l'onglet 6. Se fondant sur l'arrêt Royal Bank c. Lee, (1992), 9 C.P.C. (3d) 199 (C.A. Alb.), les demanderesses affirment que la production par inadvertance d'un document protégé n'emporte pas renonciation au privilège.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE LA DÉFENDERESSE

[29]            La défenderesse établit tout d'abord une distinction entre les conseils juridiques et les conseils commerciaux et affirme qu'en l'absence de procès envisagé ou déjà en cours, le secret professionnel de l'avocat ne vaut que pour les communications liées à des conseils juridiques. Elle se fonde à cet égard sur le jugement Susan Hosiery, précité, à la page 5281.


[30]            La défenderesse soutient que, dans la mesure où le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, Sheinin & Co., Chilcotin et Lewis & Co. ne faisaient que transmettre aux demanderesses non pas des conseils juridiques, mais des conseils ou des renseignements commerciaux portant sur d'éventuels placements dans des opérations, ces communications ne donnent pas lieu à l'application du privilège du secret professionnel de l'avocat. Lorsqu'un avocat sert de simple intermédiaire pour transmettre des renseignements sur certains aspects d'une opération commerciale, les communications échangées entre lui et son client ne sont pas protégées.

[31]            La défenderesse affirme que, bien que le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault ait été engagé pour donner des consultations juridiques au sujet de certains aspects des opérations, il est également clair que ce cabinet a servi d'intermédiaire pour transmettre des renseignements au sujet des projets de placements entre, d'une part, Taseko et ses représentants et, d'autre part, les demanderesses et leurs mandataires. La défenderesse explique que, lorsqu'ils mettaient les demanderesses au courant des modalités du placement projeté, les avocats du cabinet McCarthy Tétrault ne donnaient pas de conseils juridiques, mais transmettaient simplement des renseignements sur le placement projeté.

[32]            Les défenderesses soutiennent également que, même si les documents protégés en litige étaient considérés comme des communications se rapportant à la demande de consultation juridique, il y a eu renonciation tacite à ce privilège, de sorte que cette consultation juridique est en litige. La défenderesse invoque deux arguments sur la question de la renonciation.

[33]            En premier lieu, la défenderesse soutient que les demanderesses ont renoncé à tout privilège du secret professionnel de l'avocat auquel pouvaient être assujettis les documents protégés en litige portant sur l'existence de placements dans des abris fiscaux, du fait qu'elles ont fait mention de ces placements dans la déclaration solennelle que M. Vancoughnett a signée en réponse aux lettres réclamant la production de documents.

[34]            La défenderesse explique qu'en contestant une déclaration de fait déterminée dans leurs actes de procédure, les demanderesses sont présumées avoir renoncé à tout privilège pouvant toucher les documents pertinents. La défenderesse se fonde à cet égard sur les jugements Potash Corporation of Saskatchewan Mining Ltd. c. Saskatchewan Government Insurance, (1990), 83 Sask. R. 19 (C.B.R. Sask.) et Lloyds Bank Canada c. Canada Life Assurance Co. (1991), 47 C.P.C. (2d) 157 (Cour Ont. Div. gén.).

[35]            La défenderesse estime qu'il serait injuste de permettre aux demanderesses de faire bénéficier toutes les communications du privilège du secret professionnel de l'avocat, tout en niant que des communications ont eu lieu sur un sujet déterminé. La défenderesse affirme qu'une telle négation remet en cause toute la communication, ainsi que son statut et elle soutient qu'elle peut emporter renonciation au privilège.


[36]            Suivant la défenderesse, comme les demanderesses nient avoir reçu des déclarations ou des observations au sujet de déductions ou des pertes découlant des placements de Taseko, la justice commande que l'on ne permette pas aux demanderesses de protéger des documents qui sont susceptibles de démontrer le contraire sous le couvert du privilège du secret professionnel de l'avocat.

[37]            Finalement, la défenderesse fait valoir que, dans la mesure où des documents par ailleurs protégés ont été mis à la disposition de tiers, la demanderesse a renoncé au privilège par suite de cette communication ou de cette production. Cet argument a été invoqué relativement à des documents précis dont les parties ont débattu au cours de l'instruction de la présente demande.

QUESTIONS EN LITIGE

[38]            La présente demande soulève les questions litigieuses suivantes :

1.         Quels sont les principes qui régissent l'application du privilège du secret professionnel de l'avocat lorsque des conseillers professionnels qui ne sont pas avocats sont en cause?

2.          La signature d'une déclaration solennelle permet-elle de conclure qu'il y a eu renonciation tacite au privilège du secret professionnel de l'avocat?


3.          En supposant que l'existence du privilège ait été démontrée, la production des documents à des tiers emporte-t-elle renonciation à ce privilège?

4.          En supposant que l'existence du privilège ait été démontrée, quelles sont les conséquences d'une production de documents faite par inadvertance?

5.          Lesquels des autres documents contestés sont assujettis au privilège du secret professionnel de l'avocat?

ANALYSE

[39]            Le point de départ de tout examen du privilège du secret professionnel de l'avocat prévu par la Loi se trouve au paragraphe 232(1), qui donne la définition suivante du « privilège des communications entre client et avocat » :


232(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« _privilège des communications entre client et avocat_ » Droit qu'une personne peut posséder, devant une cour supérieure de la province où la question a pris naissance, de refuser de divulguer une communication orale ou documentaire pour le motif que celle-ci est une communication entre elle et son avocat en confidence professionnelle sauf que, pour l'application du présent article, un relevé comptable d'un avocat, y compris toute pièces justificative out tout chèque, ne peut être considéré comme une communication de cette nature

232(1) . In this section,

"solicitor-client privilège" means the right, if any, that a person has in a superior court in the province where the matter arises to refuse to disclose an oral or documentary communication on the ground that the communication is one passing between the person and the person's lawyer in professional confidence, except that for the purposes of this section an accounting record of a lawyer, including any supporting voucher or cheque, shall be deemed not to be such a communication.



i. Principes généraux

[40]            Suivant la jurisprudence, il existe deux types distincts de privilèges en matière de communications entre client et avocat : le privilège des communications liées à une instance et le privilège des consultations juridiques. Le premier protège toutes les communications échangées entre l'avocat, le client ou des tiers dans le cadre d'une instance qui est en cours ou qui est envisagée, tandis que le second protège toutes les communications qui sont échangées entre un avocat et un client ou des tiers et qui concernent directement la demande, la formulation ou la présentation de conseils juridiques. Dans l'affaire Alcan-Colony Contracting Ltd. et al. c. Minister of National Revenue, précitée, à la page 35, la Cour a conclu qu'il n'est pas nécessaire que le privilège revendiqué soit fondé sur une instance en cours ou envisagée, à condition que les communications en cause soient [TRADUCTION] « assimilables à une communication professionnelle faite à titre professionnel » .

[41]            La Cour d'appel fédérale a reconnu ces catégories dans l'affaire Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762 (C.A.), à la page 769. En ce qui concerne le privilège des consultations juridiques, la Cour s'est exprimée comme suit :

[...] il n'est pas nécessaire que la communication constitue une demande ou une offre expresse de conseils, dans la mesure où elle peut être tenue pour faire partie d'une communication continue au cours de laquelle l'avocat dispense des conseils; la communication protégée ne se limite pas à l'exposé du droit présenté au client, et elle comprend les conseils touchant les mesures à prendre dans le contexte juridique pertinent.

[42]            La grande caractéristique de la relation client-avocat réside dans la confidentialité. Le privilège des communications entre client et avocat s'applique aux communications, tant verbales qu'écrites, qui sont faites dans le contexte de cette relation et qui ont pour but d'obtenir une consultation juridique. Dans l'arrêt Discutées et al. c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, le juge Lamer (tel était alors sont titre) s'est exprimé comme suit aux pages 872 et 873 :

[...] Il importe de signaler que les conditions de fond du privilège que les juges ont graduellement énoncées et précisées sont de fait les conditions de fond du droit à la confidentialité, celui-là n'étant que la manifestation la plus ancienne de celui-ci. Il n'y a pas lieu de les énoncer ici de façon exhaustive ni non plus de rappeler toutes les nuances que les tribunaux leur ont apportées au cours des ans. Il suffit d'en rappeler les grandes lignes et de souligner certaines facettes particulièrement pertinentes à ce pourvoi.

L'énoncé suivant que faisait Wigmore (8 Wigmore, Evidence, par. 2292 (McNaughton rev. 1961)) de la règle de preuve résume bien à mon avis les conditions de fond de l'existence du droit à la confidentialité du client de l'avocat :

[TRADUCTION] Les communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualité, voulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d'obtenir un avis juridique font l'objet à son instance d'une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection.

Consulter un conseiller juridique inclut la consultation de ceux qui l'assistent de façon professionnelle (par ex. sa secrétaire, son stagiaire) et qui ont eu comme tel accès aux communications faites par le client dans le but d'obtenir un avis juridique.

Il y a des exceptions. Il ne suffit pas de parler à un avocat ou l'un de ses collaborateurs pour que dès lors tout soit confidentiel. Il faut que la communication soit faite à l'avocat ou à ses collaborateurs en leur qualité professionnelle; la relation, au moment précis de la communication, doit être de nature professionnelle. Ne seront pas non plus confidentielles les communications faites dans le but de perpétrer plus facilement un crime ou une fraude, et ce, que l'avocat soit de bonne ou mauvaise foi.

           

[43]            Dans le jugement Susan Hosiery, précité, le président Jackett a examiné à fond les cas d'ouverture à la revendication du privilège du secret professionnel de l'avocat et a déclaré ce qui suit à la page 5283 :


[TRADUCTION] a) nulle communication, état ou autre pièce établie ou préparée par un comptable en tant que tel pour un homme d'affaires ne peut bénéficier de la protection, à moins qu'il n'ait été préparé par le comptable à la suite d'une demande de l'avocat de l'homme d'affaires pour être utilisé dans un procès, actuel ou éventuel; et

b) lorsqu'un comptable est engagé comme représentant, ou comme membre d'un groupe de représentants, pour expliquer un ensemble de faits ou un problème à un avocat en vue d'obtenir une consultation juridique ou un service juridique, le fait qu'il soit comptable ou qu'il utilise ses connaissances et ses compétences de comptable dans l'exécution de cette tâche n'empêche pas que les communications qu'il fait ou qu'il contribue à faire en tant que représentant soient des communications du mandant, c'est-à-dire du client, à l'avocat; et de la même façon, les communications faites à ce représentant par l'avocat dont les conseils ont été ainsi sollicités n'en sont pas moins des communications de l'avocat au client.

  

[44]            Dans l'affaire Susan Hosiery Limited, précitée, la Cour de l'Échiquier a fait une distinction entre les documents et les faits exposés dans ceux-ci en ce qui concerne l'applicabilité du privilège. Le président Jackett s'est exprimé comme suit à ce sujet aux pages 5282 et 5283 :

[TRADUCTION] ...la lettre ou déclaration elle-même est privilégiée, mais les faits qui y sont contenus ou les documents desquels les faits ont été tirés ne sont pas privilégiés dans la mesure où ils auraient été assujettis à la communication, sauf en ce qui concerne les faits mentionnés dans les documents en question. Ainsi, les faits de nature financière d'une entreprise ne seraient pas visés par le privilège simplement parce qu'ils ont été décrits de façon particulière à la demande d'un avocat aux fins de l'instance, mais la déclaration ainsi préparée serait privilégiée.

  

[45]            Cet énoncé de principe signifie que, même si certains documents peuvent être soustraits à la divulgation, les faits qui y sont exposés et dont la communication peut par ailleurs être exigée ne le sont pas.


[46]            De plus, aucun privilège automatique ne s'applique aux documents qui ne sont pas privilégiés par ailleurs simplement parce qu'ils se trouvent entre les mains de l'avocat d'une partie. Dans l'affaire General Accident Assurance Company et al c. Chursz et al., (1998), 37 O.R. (3d) 790, à la page 796, (infirmée pour d'autre motifs (2000), 45 O.R. (3d) 321)) la Cour a formulé les remarques suivantes : [Traduction] « Un document original qui ne comporte au départ aucun privilège ne devient pas privilégié simplement parce qu'il se trouve entre les mains d'un avocat. »

[47]            La partie qui revendique le privilège doit en établir l'existence. Les demanderesses doivent démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que les documents en question constituent des communications échangées entre un avocat et son client, que les communications concernent la demande ou la fourniture de conseils juridiques et que les parties voulaient que lesdits conseils demeurent confidentiels (voir, à cet égard, l'arrêt Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821, (1979), 50 C.C.C. (2d) 495, à la page 510 C.C.C. [à la page 835 R.C.S.].

[48]            La partie qui revendique un privilège doit faire davantage que de simplement en affirmer l'existence. Comme l'a dit le juge Dunnett dans l'affaire R. c. Morra, (1991), 68 C.C.C. (3d) 273, à la page 276 (Div. gén. Ont.) :

[TRADUCTION] À mon avis, une fois que les documents ont été saisis, un avocat ne peut se retrancher derrière un mur de silence et invoquer un privilège à l'égard de toutes les communications. À tout le moins, l'avocat doit présenter une preuve raisonnable, que ce soit verbalement ou par affidavit, qui permette à la Cour de conclure à l'existence d'une relation client-avocat et d'un privilège des communications entre client et avocat. Pour prouver l'existence du privilège, il est nécessaire d'établir que des communications ont été échangées entre l'avocat et le client, que ces communications concernaient la demande ou la fourniture de conseils juridiques et que la partie désirait que les conseils en question soient confidentiels.

  

[49]            Les tribunaux se sont interrogés sur les limites du privilège du secret professionnel de l'avocat dans le cas des professionnels qui ne sont pas avocats. Le principe général veut que les communications, déclarations et autres documents préparés par des tiers pour le compte d'un avocat ne soient assujettis au privilège que lorsque ces documents sont préparés en prévision d'un procès (voir le jugement Long Tractor Inc. c. Canada, précité).

[50]            Les pièces comptables ne donnent lieu au privilège que si le client se sert de l'expert-comptable comme représentant pour obtenir des conseils juridiques (voir la décision Gregory c. Ministre du Revenu national), [1992] D.T.C. 6518). Lorsque la communication est faite à un mandataire tel qu'un expert-comptable qui doit l'examiner et donner son avis personnel, aucun privilège ne joue. Lorsqu'un document est créé par un avocat qui a été consulté par l'avocat du client lui-même relativement aux affaires de ce client, le principe général veut que ce type de document soit lui aussi protégé (voir la décision Re Klassen-Bronze Ltd. et al., (1970), 70 D.T.C. 6361).

ii. Renonciation

[51]            La défenderesse soulève la question de savoir s'il y a eu renonciation au privilège du secret professionnel de l'avocat dans le cas des documents en litige. La défenderesse fonde son argument sur le fait que, dans la déclaration solennelle qu'il a signée, M. Vancoughnett mentionne notamment que les demanderesses ont mis en litige la question de la présentation d' « observations » . Elle élargit cet argument pour prétendre que la question des abris fiscaux dont il est question à l'article 237.1 de la Loi est par conséquent elle aussi mise en litige.

[52]            Les demanderesses nient avoir renoncé tacitement à quelque privilège que ce soit sur quelque document que ce soit en raison de la déclaration solennelle signée par M. Vancoughnett. Voici un extrait de la déclaration solennelle :

[TRADUCTION] Je soussigné, Keith Vancoughnett, de la ville de Vancouver, dans la province de la Colombie-Britannique, déclare solennellement ce qui suit :

1.            Je suis un des dirigeants de Chilcotin Plateau Minerals Inc. et je suis à ce titre personnellement au courant des faits ci-après relatés.

2.              J'ai participé activement, pour le compte du groupe d'investisseurs énumérés à l'annexe A (les investisseurs), aux négociations et à la mise en oeuvre des opérations de placements effectuées par les investisseurs dans des actions privilégiées et des obligations non garanties de Taseko Resources Inc. (les opérations) conformément aux ententes intervenues le 5 mars 1996.

3.              Autant que je sache, aucun dirigeant, employé, avocat, comptable, mandataire ou autre représentant de Taseko Mines Limited ou de Taseko Resources Inc. n'a fait quelque déclaration ou observation de quelque nature que ce soit à quelque investisseur ou représentant d'un investisseur relativement à l'opération en question et aux intérêts pouvant en découler en affirmant qu'un montant est ou serait déductible de l'impôt sur le revenu lors du calcul du revenu ou du revenu imposable de l'un quelconque des investisseurs qui devrait être attribué ou imputé à l'un quelconque des investisseurs ou à des personnes avec lesquelles ils ont un lien de dépendance (au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada)).

Et je fais cette déclaration solennelle, la croyant en conscience vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment en vertu de la Loi sur la preuve au Canada.

  

[53]            Les demanderesses signalent en outre que le classement des placements comme abri fiscal n'est pas une question qui est soulevée dans le cadre de la présente demande, mais qu'il s'agit d'un point litigieux qu'il restera à trancher plus tard au besoin, dans le cadre d'une demande distincte introduite en vertu de la Loi.


[54]            La défenderesse a déposé l'affidavit de M. Walter Wong, un comptable agréé de l'ADRC qui a participé à la vérification fiscale. M. Wong a soulevé la question de savoir si les investissements en cause constituaient des abris fiscaux, et les demanderesses ont contesté certains paragraphes de son affidavit au moyen d'un avis de requête préliminaire.

[55]            Le juge Teitelbaum a débouté les demanderesses de leur requête et il nous reste à résoudre en l'espèce la question de la radiation des paragraphes.

[56]            Voici le texte des paragraphes contestés de l'affidavit de M. Wong :

[TRADUCTION] 3. Le placement que les demanderesses ont fait dans des compagnies servant d'abri fiscal a permis d'attribuer aux demanderesses les dépenses d'exploration engagées par elles sans modifier la nature fiscale des dépenses en question, de sorte que ces dépenses ont pu servir à compenser d'autres de leurs revenus.

6. Une des questions que soulève le présent contrôle fiscal est celle de savoir si le placement fait par les demanderesses dans les compagnies servant d'abri fiscal constitue un « abri fiscal » au sens de la Loi. Le paragraphe 237.1(1) de la Loi prévoit essentiellement qu'un placement constitue un « abri fiscal » si, compte tenu de déclarations ou d'annonces faites ou envisagées, les déductions ou les pertes imputables à ce placement excéderaient le coût de ce placement. Une des conséquences de la décision de faire un placement dans un « abri fiscal » est le fait que l'investisseur ne sera autorisé à déduire sa part des pertes ou à effectuer des déductions relativement à son placement que s'il dépose un formulaire prescrit comportant le numéro d'identification de l'abri fiscal.

7. Toutes les déductions réclamées par les demanderesses au titre de leur placement dans les compagnies servant d'abri fiscal excèdent les dépenses qu'elles ont dû engager pour effectuer leur placement. Aucune des demanderesses n'a déposé de formulaire prescrit indiquant le numéro d'identification de son placement dans les compagnies servant d'abri fiscal.

8. À l'étape de la vérification fiscale, toutes les demanderesses ont adopté le point de vue que leur placement dans les compagnies servant d'abri fiscal ne constituait pas un « abri fiscal » au sens du paragraphe 237.1(1) de la Loi et que ni elles, ni leurs conseillers ou mandataires n'avaient fait ou envisagé de faire aux compagnies servant d'abri fiscal ou à leurs mandataires l'une des déclarations ou annonces visées par le paragraphe 237.1(1).

  

[57]            À mon avis, la présente demande vise uniquement la question du privilège du secret professionnel de l'avocat et non celle des abris fiscaux en soi. La présente demande introduite en vertu de l'article 232 de la Loi ne vaut qu'aux fins de déterminer si le privilège du secret professionnel de l'avocat s'applique aux documents protégés en litige qui restent.

[58]            La simple allusion dans la déclaration solennelle à l'absence de déclaration au sujet des abris fiscaux ne fait pas entrer en jeu en l'espèce la question des abris fiscaux. La déclaration solennelle n'est pas un acte de procédure au sens courant du terme. Je conclus que la mention, dans la déclaration solennelle, de l'absence de déclaration au sujet d'abris fiscaux n'emporte pas renonciation tacite au privilège.

[59]            Compte tenu de cette conclusion, les paragraphes contestés de l'affidavit de M. Wong ne sont pas pertinents et ils seront radiés.

iii. La preuve

[60]            La preuve soumise par les demanderesses à l'appui du privilège du secret professionnel de l'avocat qu'elles revendiquent consiste en les affidavits de MM. Vancoughnett, Lewis, Sheinin et Peets. M. Vancoughnett est un dirigeant d'entreprise. Les autres déclarants sont des comptables agréés. Les quatre déclarants ont expliqué que le rôle qu'ils jouaient et celui que jouent leurs entreprises associées consiste à conseiller le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault dans le but d'aider les avocats de ce cabinet à donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCLP ou aux demanderesses, en tant qu'investisseurs dans les opérations, selon le cas.


[61]            Personne ne conteste qu'il existe un rapport avocat-client entre les demanderesses et le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. M. Vancoughnett a déposé que ce cabinet avait été engagé au milieu de l'année 1995 pour représenter les investisseurs de WNCLP et le groupe d'investisseurs. Il a précisé le nom des avocats de ce cabinet qui s'étaient occupé des opérations. L'identité des autres cabinets d'avocats dont le cabinet McCarthy Tétrault a retenu les services n'a pas été révélée. Suivant M. Vancoughnett, Me Ewens a précisé les documents pour lesquels le privilège est revendiqué.

[62]            Dans son affidavit, M. Sheinin affirme que des associés de Sheinin & Co. avaient été engagés à la mi-octobre 1995 pour aider le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à donner des consultations juridiques aux investisseurs de WNCLP ou au groupe des investisseurs, selon le cas. M. Sheinin a précisé l'identité des employés de sa compagnie qui avaient travaillé au dossier et il retient expressément tout privilège auquel les documents pourraient être assujettis.

[63]            M. Lewis a témoigné pour sa part qu'il croyait comprendre que le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault agissait comme conseiller juridique des investisseurs de WNCLP et du groupe des investisseurs. Là encore, il se réserve tout privilège afférent à ses clientes J. Poole Holdings Limited et Beach Avenue Holdings Company Ltd., une des demanderesses.


[64]            M. Peets, l'unique administrateur de B.D. Peets Inc., une personne morale faisant partie du cabinet de comptables agréés Cinnamon Jang Willoughby & Co., explique qu'il croyait comprendre que le cabinet McCarthy Tétrault agissait comme conseiller des investisseurs de WNCLP relativement aux opérations. Il se réserve aussi tout privilège applicable sur les documents déposés pour le compte de la cliente du cabinet, CQI Holdings Ltd., un associé commanditaire de WNCLP. CQI ne fait pas partie du groupe des investisseurs.

[65]            Me Ewens, c.r. n'a pas déposé d'affidavit qui aurait pu être utilisé dans le cadre de la présente demande. Il a comparu à l'audience et a formulé des commentaires au sujet des documents protégés en litige et a offert de donner des explications à leur sujet. Ces commentaires ne sauraient servir de preuve en l'espèce. À cet égard, je me reporte à l'alinéa 301b) et aux articles 306 et 308 des Règles de la Cour fédérale (1998), ainsi qu'à la décision Gregory c. Ministre du Revenu national, précitée, qui illustre bien le genre d'affidavit qui peut être déposé par un avocat en ce qui concerne le privilège du secret professionnel de l'avocat dans le contexte de la Loi.

[66]            En résumé, les commentaires formulés par des avocats n'ont pas valeur de preuve. La question du privilège sera tranchée en fonction de la preuve administrée, c'est-à-dire, en l'occurrence, les affidavits susmentionnés et le contre-interrogatoire de leurs auteurs, ainsi que les documents contestés qui restent.


[67]            Aucune autorité n'a été citée au soutien de la proposition que l'application du privilège du secret professionnel de l'avocat doit être examinée en fonction de personnes qui sont étrangères à la présente demande. Les moyens invoqués au soutien de la présente demande ne visent que les demanderesses. La preuve permet toutefois de penser que les demanderesses font partie du groupe plus vaste constitué des investisseurs de WNCLP. Dans ces conditions, il semble que, dans la mesure où les demanderesses et les investisseurs WNCPL étaient des clients du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, le privilège s'applique aux communications échangées entre, d'une part, les investisseurs WNCPL et les demanderesses et, d'autre part, les avocats. À cet égard, je me reporte à l'arrêt R. c. Dunbar, (1982), 28 C.R. (3d) 324, à la page 347 (C.A. Ont.).

iv. Les documents protégés

[68]            La défenderesse s'est concentrée surtout sur l'objet des communications échangées entre les demanderesses et leurs conseillers - tant juridiques que non juridiques - et sur l'échange de documents entre les conseillers juridiques et les autres conseillers professionnels, surtout les experts-comptables. Se fondant sur l'arrêt Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455, de la Cour suprême du Canada, la défenderesse admet que s'il y a un doute au sujet de la question de savoir si la communication des documents par les avocats aux comptables a pour objet de fournir des conseils juridiques ou d'en faciliter la communication, le bénéfice du doute doit jouer en faveur de la reconnaissance et du maintien du privilège.

[69]            Les demanderesses invoquent les motifs suivants pour justifier leur revendication du privilège du secret professionnel sur les documents :


   MOTIFS JUSTIFIANT LA REVENDICATION DU PRIVILÈGE

            1. Communications entre le mandataire du client et l'avocat.

            2. Communications entre l'avocat et le client ou le mandataire du client.            

            3. Communications entre le mandataire du client et le client.

            4. Recours au mandataire du client pour permettre à l'avocat de donner des conseils juridiques.

            5. Communications entre les avocats du cabinet McCarthy Tétrault.

            6. Documentation préparée par les avocats du cabinet McCarthy Tétrault en vue de l'instance.

            7. Documents obtenus par ou transmis au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault.

            8. Documentation conjointe préparée par les avocats et l'expert-comptable du client en vue de l'instance.

            9. Notes confidentielles prises par l'avocat lors d'une rencontre ou d'une conversation téléphonique non protégées.

            10. Notes prises par les experts-comptables à la suite de leurs rencontres avec les avocats.

[70]            Suivant la liste de documents encore en litige, certains documents entrent dans plusieurs catégories. Pour décider lesquels des documents encore en litige sont protégés, il est nécessaire d'examiner à tour de rôle chacune des catégories définies par les demanderesses parce qu'après avoir examiné les documents en litige, je suis convaincue qu'il suffit d'invoquer une seule raison pour démontrer qu'ils sont protégés.


[71]            Après avoir examiné les documents, je suis convaincue que les documents suivants sont protégés par le secret professionnel :

013582-013589            Lettre du 2 janvier 1996 à Jack Poole;

013590-013599            Lettre du 20 décembre 1996 à J. Poole Holdings Limited, avec pièces jointes;

013600-013607            Lettre du 2 janvier 1996 à J. Poole Holdings Limited;

014026-014029            Communication de J. Keith Vancoughnett à Colin MacKinnon;

014035-014037            Lettre d'un avocat de l'extérieur à M. Colin MacKinnon de Texcan, le prédécesseur de Tri-continental;

014042-014044            Communication de M. Colin MacKinnon à un avocat de l'extérieur en date du 8 mai 1996;

014063-014123            Opinion provisoire du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, en date du 12 janvier 1998;

014295                          Notes du 10 janvier 1996, du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et de M. Sheinin;

014395-014402            Communication de Sheinin & Co. à Me Ewens, du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault;

014415-014484            Avis juridique provisoire du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault;

014485-014486            Communication du 26 novembre 1995 entre le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et M. Vancoughnett;

014522-014530            Bordereau de transmission par télécopieur du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault avec document provisoire pour M. Sheinin;

014531-014539            Document provisoire envoyé de Belgravia au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault et à Sheinin le 22 décembre 1995;


014551-014553            Note de service interne du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, en date du 22 décembre 1995;

014596-014631            Lettre datée du 2 janvier 1996 de Sheinin & Co. à Bayou Developments (014596). La page 014597 est un bordereau de transmission par télécopieur destiné à Me Ewens, c.r., du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. Cette transmission comprend 21 pages, y compris le bordereau de transmission. Comme il est possible que le reste des pages de cette annexe aient été envoyées à Me Ewens, il bénéficiera du privilège du secret professionnel;

014554-104595            Avis juridique provisoire du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault;

014668-014669            Notes de M. Sheinin se rapportant à une rencontre avec Me Ewens;

014670-014681            Document provisoire du 8 janvier 1996 envoyé par le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à M. Vancoughnett;

014682-014684            Lettre du 12 janvier 1996 du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à M. Brian Peets, de Bayou Development Ltd., et à M. Peter Lewis;

014685-014687            Note de service datée du 12 janvier 1999 de Me Ewens, c.r. à M. Vancoughnett;

014689-014694            Note de service interne du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault en date du 13 janvier 1996;

014712                          Note de service de M. Sheinin versée au dossier en date du 22 janvier 1996;

014713-014715            Note de service de Me Ewens, c.r. à des représentants des demanderesses en date du 29 janvier 1996;

014716-014719            Lettre en date du 2 février 1996 de Me Ewens, c.r. à MM. Vancoughnett et Sheinin;

014722-014728            Communication au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault portant sur l'opération;

014734                          Notes manuscrites de Mme Sandy Sheinin, en date du 3 février 1996;

014735                          Notes manuscrites de Mme Sandy Sheinin en date du 3 février 1996;


014736                          Notes manuscrites de Mme Sandy Sheinin en date du 3 mars 1996;

014738-014741            Communication datée du 4 mars 1996 entre le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à Sheinin & Co.;

014742                          Communication datée du 5 mars 1996 entre Sheinin & Co. et Me Ewens;

014743                          Note de service du 5 mars 1996 de Sheinin & Co. à Me Ewens;

014747-014748            Communication de Chilcotin Plateau Minerals Inc. aux mandataires des demanderesses et au cabinet d'avocats McCarthy Tétrault;

014749-014754            Lettre datée du 7 février 1996 du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à la filiale Beach Avenue Holding Company Ltd.;

014755-014763            Lettre datée du 6 février 1996 du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à Belgravia Investments Limited au sujet de la constitution de filiales en personnes morales;

014810-014814            Lettre en date du 10 décembre 1997 du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à Sheinin & Co.;

014843-014845            Lettre en date du 8 mai 1996 du cabinet d'avocats des demanderesses à M. Vancoughnett;

014846-14847             Lettre adressée le 8 mai 1996 par une des demanderesses, Tex Can, à un avocat;

014848-014853            Lettre adressée le 13 mai 1996 par un avocat à Tex Can;

014854-014858            Lettre du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à 3225194 Canada Inc., anciennement Tex Can Cables Limited et 3225216 Canada Inc.;

014861-014865            même chose que 014854-014858;

014867-014869            Note de service en date du 1er décembre 1995 de Sheinin & Co. aux associés WNCLP avec pièces jointes. Bien que les demanderesses aient affirmé, lors du débat, qu'il s'agit là aussi d'un document qui a été produit par inadvertance, ce document ne comporte aucun élément de preuve qui justifie la revendication du privilège du secret professionnel de l'avocat;

014877-014881            Lettre adressée le 7 mars 1996 à Beach Avenue Holding Company Ltd. et 512973 British Columbia Limited;


014929                          Bordereau de transmission par télécopieur en date du 16 novembre 1999 de Chilcotin Plateau Minerals Ltd. à Me Ewens;

014930-014938            Note de service de Me Ewens, c.r., à Keith Vancoughnett, en date du 19 novembre 1999;

014940-014942            Note de service de Me Ewens, c.r. en date du 24 novembre 1999.

  

[72]            Pour ce qui est des documents qui, selon ce que j'ai conclu, ne sont pas protégés, ma conclusion est fondée sur mon opinion que ces documents sont des conseils commerciaux ou de simples déclarations de fait. Ces documents peuvent autrement être produits conformément au jugement Susan Hosiery, précité, ou parce qu'il y a eu renonciation au privilège à la suite de l'intervention de tiers.

[73]            Les documents qui restent sont ceux qui, selon ce que j'ai conclu d'après la preuve et les documents eux-mêmes, ne permettent pas de revendiquer le privilège du secret professionnel de l'avocat. En voici la liste :

013542-013547            Lettre adressée le 2 janvier 1996 par Sheinin & Co. à J.E. Bowes Investments Inc., pour fournir des renseignements au sujet d'un projet d'investissement, accompagné d'une liste de conditions;

013562-013568            Copie de la même lettre du 2 janvier 1996 à 409707 Alberta Limited;

013911-013919            Note du 3 janvier 1996 de Supreme Graphics Limited et lettre du 2 janvier 1996 à Res Publications Limited;

013937-013943            Lettre du 2 janvier 1996 à Supreme Graphics Limited;

013976-013980            Lettre du 2 janvier 1996 à Bow Ross Holdings Limited;

013985-01391 Lettre du 2 janvier 1996 à Space Fuel Gas Products Limited;


014273-014277            Liste de conditions, annexe et lettre datées du 5 janvier 1996 de Sheinin & Co. à J. Poole Holdings Limited;

014278-014284            Lettre du 2 janvier 1996 de Sheinin & Co. à Space Fuel Gas Products Limited avec pièces jointes;

014394-014402            Bordereau de transmission de télécopie de Sheinin & Co. à M. Paul Bidaud, A.N.C., avec pièces jointes;

014487-014490            Note de service du 1er décembre 1995 de Sheinin & Co. aux associés de WNCLP, avec pièces jointes;

014535-014541            Note de service télécopiée en date du 29 décembre 1995 de M. Vancoughnett, de Belgravia Investments Limited, avec pièces jointes, y compris une annexe, à la page 014537;

014542-014545            Bordereau de transmission par télécopieur daté du 28 décembre 1995 de M. Vancoughnett à Mme Sandy Sheinin, avec pièces jointes;        

014667                          Notes manuscrites de M. Sheinin en date du 10 janvier 1996 dans lesquelles il est fait mention de l'avocat de Taseko, de sorte que s'il y a eu privilège, on y a renoncé;

014733                          Note de service sans date de Sheinin & Co. déposée au sujet de Taseko Resources;

014835                          Annexe qui ferait suite à une consultation juridique, mais il n'y a aucun élément de preuve qui justifie cette assertion;

014870-014876            Lettre adressée le 2 janvier 1996 par Sheinin & Co. à Space Fuel Gas Products Limited, avec pièces jointes;

014882-014886            Liste de conditions, annexe et lettre datées du 5 janvier 1996 de Sheinin & Co à J. Poole Holdings Limited.

   

[74]            À mon avis, les documents susmentionnés n'entrent sous aucune des rubriques énumérées par les demanderesses. Il semble s'agir de documents qui ont été préparés par des experts-comptables, en tant qu'hommes d'affaires, pour le compte de leurs clients, et qui renferment des renseignements au sujet d'un projet de placement et qui précisent les modalités des opérations en question. Ces documents n'impliquent pas que des consultations juridiques ont été reçues ou encore qu'ils découlent de consultations juridiques qui auraient été données, et les affidavits qui ont été déposés, y compris les contre-interrogatoires des auteurs de ces affidavits, ne renferment aucun élément de preuve qui permette de penser que ces documents renferment des conseils juridiques.

[75]            Qui plus est, il n'y a rien qui justifie l'assertion contenue dans l'affidavit de M. Vancoughnett suivant laquelle ces documents ont été créés dans le but de donner ou d'obtenir des consultations juridiques pour les associés de WNCLP ou le groupe des investisseurs. Il semble que les documents susmentionnés ne visaient qu'à transmettre des renseignements.

[76]            Il ressort de mon examen de la transcription des contre-interrogatoires que MM. Vancoughnett, Sheinin et Lewis ont pris la peine de préciser qu'ils ne donnaient pas de consultations juridiques et que c'était le rôle du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault. D'ailleurs, il semble que MM. Sheinin et Lewis aient dit que leurs fonctions ne consistaient pas à donner des conseils, pas même des conseils fiscaux ou comptables.


[77]            Les affidavits - et les contre-interrogatoires y afférents - ne renferment aucun élément de preuve qui permettrait de revendiquer le privilège du secret professionnel de l'avocat sur les documents susmentionnés. M. Vancoughnett a été expressément interrogé sur la question de savoir s'il avait examiné tous les documents en question. Or, il a répondu qu'il les avait tous vus à un moment ou à un autre, mais il n'a pas été en mesure de fournir d'autres éclaircissements au cours de son contre-interrogatoire du 5 mai 2000. M. Vancoughnett agissait pour le compte de RES Publications Limited lorsqu'il a retenu les services du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault à la mi-octobre 1995 pour l'opération, mais il a expressément déclaré dans son témoignage que le rôle de mandataire des demanderesses que RES Publications Limited avait exercé ne se limitait pas à l'obtention de conseils juridiques de la part du cabinet McCarthy Tétrault.

[78]            Le fait d'engager des avocats en vue d'obtenir des consultations juridiques ne donne pas ouverture au privilège du secret professionnel de l'avocat sur les documents qui ont été créés et distribués par RES, Chilcotin et Sheinin aux demanderesses à des fins commerciales ou comptables, ou dans le simple but de leur faire connaître les modalités proposées de l'opération. La liste susmentionnée de documents non protégés renferme plusieurs versions de la lettre adressée le 2 janvier 1996 par Sheinin & Co. aux demanderesses et à certaines personnes qui ne sont pas au nombre des demanderesses parce qu'elles n'ont pas participé aux opérations. Une version expurgée de la lettre du 2 janvier 1996 a été produite, mais les demanderesses ont requis la non-divulgation d'une partie de la première page de cette lettre et de l'annexe qui y était jointe. On ne sait pas avec certitude si cette annexe fait partie de la liste de conditions dont il est question dans la lettre.


[79]            La preuve ne précise pas la provenance de la liste de conditions. Au cours du contre-interrogatoire de M. Sheinin, le 5 mai 2000, l'avocat des demanderesses a avancé que la liste de conditions avait été rédigée par le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault en collaboration avec l'avocat de Taseko.

[80]            Interrogé sur la provenance de cette annexe, M. Sheinin a témoigné qu'il ne savait pas qui l'avait rédigée ni d'où elle provenait. À mon avis, il n'y a aucun élément de preuve qui appuie le commentaire non solennel de l'avocat des demanderesses suivant lequel ce document fait suite à des consultations juridiques données par le cabinet d'avocats McCarthy Tétrault.

[81]            Dans ces conditions, il me semble que rien ne permette de revendiquer le privilège du secret professionnel en ce qui concerne ce document et je conclus que ce document doit être produit.

[82]            La lettre du 2 janvier et l'annexe en question ont fait l'objet d'observations au sujet d'une production faite par inadvertance. Étant donné que je conclus que ces documents ne sont pas protégés, il n'est pas nécessaire que j'aborde cet argument.

[83]            Il y a ensuite les documents au sujet desquels j'ai conclu que, si un privilège existait, il y avait eu renonciation à ce privilège parce que des tiers étaient en cause. En conséquence, il y a eu renonciation à toute confidentialité. Voici ces documents :

002114-002119            Notes d'un avocat du cabinet McCarthy Tétrault au sujet de conversations téléphoniques avec un tiers;


003391-003392            Notes relatives à des conversations téléphoniques mettant en cause des tiers;

003595                          Notes relatives à des conversations téléphoniques mettant en cause des tiers;

009886                          Notes relatives à des conversations téléphoniques avec l'avocat de la banque;

009550                          Notes relatives à des conversations téléphoniques avec l'avocat de la banque;

014667                          Notes prises par M. Sheinin au sujet d'une conversation avec les avocats des parties et des tiers.

[84]            Il y a aussi un dernier groupe de documents à examiner, en l'occurrence les documents expurgés. À l'audience, l'avocat des demanderesses a offert de produire certaines pages qui avaient déjà été extraites, en l'occurrence :

014027

014050

014051

014285

014411

014491

014500

014505

014513

014544

014546

014695

014744-014745


014766-014782

014815-014831

014833-014860

014866

014904-014906

014907-014918

[85]            En conclusion, les documents qui font l'objet du privilège du secret professionnel de l'avocat sont soustraits à la communication en vertu du sous-alinéa 232(5)b)(i), y compris les documents énumérés aux annexes A et B jointes à l'ordonnance versée au dossier. Les documents qui, selon ce que j'ai conclu sont protégés, seront divulgués. Toutefois, pour la protection des demanderesses, tous les documents doivent demeurer sous scellé en la possession du dépositaire jusqu'à l'expiration du délai d'appel applicable. Les demanderesses devront produire les documents qu'elles ont offert de produire à l'audience.

[86]            Aucuns dépens ne sont adjugés.

                                                                                         « E. Heneghan »     

                                                                                                             Juge                

OTTAWA (Ontario)

Le 7 juin 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-167-00

INTITULÉ :                                            Belgravia Investments Limited et al. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 23 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                        Le 7 juin 2002

COMPARUTIONS :

Timothy Chick                                                     POUR LES DEMANDERESSES

Douglas Ewens

Deanna Kolivar

Robert Carvalho                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy Chick                                                     POUR LES DEMANDERESSES

Calgary (Alberta)

Robert Carvalho                                                                POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

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